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Les débuts de la République coïncident avec le commencement d'une guerre quasi-continuelle contre l'ensemble des monarchies européennes, s'estompant – provisoirement – sous le Consulat. C'est le temps de la déclaration de guerre « au roi de Bohème et de Hongrie», de la patrie en danger et de la levée en masse de 1793. Beaucoup de jeunes citoyens français s'enrôlent dans les armées de la Révolution pour défendre leurs idéaux et la patrie, grâce à l' «irrésistible impulsion »1 donnée par la Convention. Cet engagement politique et militaire permet à un grand nombre d'entre eux formés sur le tas de s'élever rapidement dans la hiérarchie et de faire ainsi des armes leur métier2. C'est la tournure que prend l'engagement de Maximien Lamarque : étudiant doué mais sans but précis, il profite du manque d'officiers pour gravir rapidement les différents échelons jusqu'à arriver au grade de général en 1801. Si les premiers temps sont ceux du citoyen-soldat exalté, il le cède petit à petit au professionnel de la guerre qui, au gré des changements politiques – de la Convention au Consulat en passant par le Directoire –, tente de concilier sa carrière et ses idées avec plus ou moins de réussite.

L'ARM É E OUBLI É E : LES PYR É N É ES-OCCIDENTALES3

Au moment où Maximien décide de repartir dans les Landes sans avoir clarifié son avenir, la France se prépare à entrer en guerre et appelle ses concitoyens à s'engager

1 M. Lamarque, Nécessité d'une armée permanente, op. cit., p. 67.

2 Voir G. Six, Les généraux de la Révolution et de l’Empire, Bernard Giovanangeli Éditeur, Paris, 1946, réédition de 2002 ; A. Soboul, Les soldats de l'an II, Club français du livre, Paris, 1959 ; J-P. Bertaud,

La révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française. Les Hommes et l'histoire, Robert Laffont, Paris, 1979 ; J-P. Bertaud, Valmy, la démocratie en arme, Folio, Paris, éd. 2013.

3 Il existe une bibliographie assez vieille sur l'armée des Pyrénées-Occidentales malgré des apports monographiques récents : L. Beaulac, Mémoires sur la dernière guerre entre la France et l'Espagne dans les Pyrénées-Occidentales, Treuttel et Würtz, Paris, 1801 ; L. de Marcillac, Histoire de la guerre entre la France et l'Espagne pendant les années de la Révolution française, 1793, 1794 et partie de 1795, Magimel, Paris, 1808 ; E. Ducéré, L'Armée des Pyrénées-Occidentales, éclaircissements historiques sur les campagnes de 1793, 1794, 1795, Hourquet, Bayonne, 1881 ; J. Ansoborlo, Les soldats de l'an II en Pays-Basque, S.S.LA. de Bayonne, 1988 ; A. Lebourleux, « Les combattants de 1793-1795 dans les Pyrénées-Occidentales », S.S.L.A. de Bayonne, n°157, 2002. Pour suivre l'évolution des combats, cf. carte dans les Annexes.

dans les bataillons de volontaires qui se forment un peu partout dans le pays. Telle une forteresse assiégée, la Révolution est attaquée de toutes parts et elle a besoin de soldats pour repousser ses adversaires. Dans ce contexte de ferveur patriotique, Lamarque le Jacobin rejoint les rangs des volontaires et fait rapidement partie des nouveaux cadres de l'armée. Il parvient grâce à ses qualités à s'élever dans la hiérarchie en démontrant son attachement à la République et en faisant preuve de vertus civiques. Nanti d'une bonne instruction, initié à la politique, il n'est pas surprenant que ses supérieurs lui confient des postes à responsabilités.

Faux départ

Rentré à Saint-Sever, Maximien a pu se rendre compte que de nombreuses choses avaient changé en ville. Les couvents ont été fermés et reconvertis pour accueillir le tribunal, l'hôpital et l'hôtel de ville. Son père a pris la tête de la municipalité depuis son retour de Paris mais les luttes partisanes continuent à diviser les habitants, notamment autour des questions religieuses. A la lecture de ces événements, le directoire départemental est de moins en moins conciliant à partir de l'été 1792. Les premières persécutions de prêtres ont lieu en septembre ainsi que les premières déportations1. Même si on ne possède aucun témoignage datant de 1792, Maximien a dû probablement cautionner ces mesures contre les réfractaires perturbateurs de l'ordre public. Vraisemblablement, il doit fréquenter la succursale jacobine de Saint-Sever en suivant attentivement dans les journaux les nouvelles de l'Assemblée législative.

Ce n'est que trente-cinq ans plus tard que le futur général évoque les événements politiques qui se sont déroulés lors de la période 1792-1793, correspondant à la radicalisation du mouvement révolutionnaire. Il a donc eu l'occasion de réfléchir longuement aux circonstances mais cette perception a posteriori n'est peut-être pas si différente de celle du Maximien de 1792. A la tribune de la Chambre des députés en 1829, il déplore un emballement des événements qui échappent dès lors au contrôle du pouvoir politique. Pour expliquer ce processus, il semble invoquer la fatalité car « dans les Révolutions les circonstances sont plus fortes que la volonté des hommes »2. En disant cela, il rejoint sur ce terrain les conventionnels qui font état de la « force des

1 S. Lerat, Landes et Chalosses,op. cit., t. II, pp. 626-628. 2 Le Constitutionnel du 27 juin 1829.

circonstances » pour se décharger de leurs propres responsabilités dans l'évolution de la Révolution vers la Terreur1.

En évoquant la prise des Tuileries le 10 août 1792, il parle d'un « attentat à jamais déplorable » contre l’État et l'ordre public. Il aurait été plus judicieux pour le roi d'être protégé exclusivement par la garde nationale et non par les Suisses, sous-entendant que le souverain constitutionnel avait eu tort de ne pas faire confiance à des citoyens français. Mais pouvait-il en être autrement ? Se sentant prisonnier dans son propre palais, Louis XVI ne donnait crédit qu'à ses fidèles serviteurs pour le protéger. Il a dû être encore plus conforté dans son choix en apprenant que les bataillons chargés de sa protection ont fait défection, même si son chef « Mandat périt […] pour la cause royale ». Lamarque a beau jeu de dire que « la fureur populaire n'eût pas été exaspérée par la vue des étrangers »2, cette journée n'ayant été qu'un avatar supplémentaire d'une « violence ordinaire que les élites politiques ne peuvent ni encadrer ni réglementer »3. En réalité, son discours n'utilise l'exemple du 10 août que pour stigmatiser les 120 millions dépensés pour l'entretien des régiments suisses recréés depuis le début de la Restauration. Il défend la préférence patriotique contre les étrangers qui prennent la place des soldats napoléoniens exclus de la nouvelle armée4.

Il est toutefois bien conscient que le 10 août a permis aux clubs et à la commune insurrectionnelle de Paris d'influer grandement sur la conduite de l'Assemblée législative, demandant la déposition du roi et l'organisation d'une Convention nationale. Ce pouvoir pris par des club devenus des « cratères menaçants d'où s'écoulait la lave révolutionnaire »5, va à l'encontre de ses convictions. En tant que Jacobin « primitif »6, il conçoit le club comme un auxiliaire capable d'aider l'assemblée dans ses travaux et non de lui dicter sa conduite. Il n'a jamais encouragé l'épreuve de force bien qu'il lui soit arrivé de s'emporter lorsque les députés n'agissaient pas dans son sens. Mais c'est à force de persuasion qu'il estime devoir faire triompher ses idées et non par la terreur et la démagogie. Se félicitant de l'action de La Fayette lors de la fusillade du

Champ-de-1 S. Luzzatto, Mémoire de la Terreur, op. cit., p. 37. Mais les mémoires donnent une grande importance à la question de la guerre étrangère et à la guerre civile plus qu'à l'oppression populaire comme origine de la Terreur.

2 Le Constitutionnel du 27 juin 1829.

3 J-C. Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, op. cit., pp. 325-326. 4 Le Constitutionnel du 27 juin 1829.

5 M. Lamarque, Choix de discours prononcés par M. Basterrèche, Le Normant fils, Paris, 1828, p. XVI. 6 Adjectif formulé par Jules Michelet pour évoquer la première période de l'histoire du club des Jacobins avec Duport, Barnave et Lameth contre Mirabeau. La deuxième est celle des journalistes républicains et orléanistes comme Brissot et Choderlos de Laclos où domine Robespierre. La troisième est celle de 1793 où l'on retrouve Saint-Just, Couthon et Robespierre, F. Furet et M. Ozouf, « Jacobinisme », Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, Paris, 1988, p. 751.

Mars, le 10 août a dû le conforter dans son aversion pour la « populace». Comme le capitaine Bonaparte à ce moment-là, il a dû s'alarmer que la Révolution se détourne de ses principes constitutionnels. Il aurait été intéressant de savoir quelle a été la réaction de Maximien lors de l'avènement de la République les 21-22 septembre 1792. Malheureusement, aucun document n'en fait état mais il semble s'y rallier rapidement. N'avait-il pas dit un an auparavant que c'était à désespérer des serments et du roi si Louis XVI trahissait encore le sien ? Même si « la mauvaise foi sera toujours la compagne du despotisme »1 pour un souverain, il n'a tout de même pas dû se résoudre à approuver l'exécution du roi.

En revanche, dans le combat que se livrent les Girondins et les Montagnards, il prend parti pour ces derniers car il rejette le fédéralisme des députés de la Gironde comme facteur de division. A ses yeux, la guerre civile n'est qu'une « funeste dissolution des États » puisqu'elle amoindrit le pouvoir central et libère « cet ennemi de la sagesse créatrice qui forme des agrégations et des masses »2. On croirait entendre Mirabeau et sa « masse amorphe de peuples désunis ». C'est dans l'unité que la nation peut garder sa souveraineté. C'est pour cela qu'il rejoint la position de la Convention montagnarde qui proclame le 10 mai 1793 l'unité et l'indivisibilité de la République, avant de proscrive les Girondins le 31 mai3. Même trente ans après les faits, Lamarque verra toujours les idées girondines comme des « prétentions égoïstes»4.

Il a pu également se rendre compte que le parti de la guerre gagnait de plus en plus d'adeptes dans l'opinion après que les députés aient voté en décembre 1791 l'organisation de bataillons de volontaires. Deux bataillons s'organisent à Mont-de-Marsan mais beaucoup de ces volontaires étant dans un dénuement complet, sont renvoyés dans leurs foyers en attendant d'être habillés réglementairement. A peine constitué, le 1er bataillon est logé chez l'habitant à Saint-Sever5. Ce climat d'effervescence autour de la levée de volontaires pour renforcer l'armée de ligne et défendre la patrie, a dû pousser Maximien à rejoindre les rangs. Mais la date de son

1 M. Lamarque, Mémoires,op. cit., 22 février 1823, t. II, p. 67. 2 Ibid., 22 janvier 1822, t. I, p. 254.

3 Ces derniers venaient pourtant d'élaborer des projets constitutionnels visant à renforcer l'unité de la France et la puissance de l'exécutif afin que celui-ci soit indépendant du pouvoir législatif. L'antagonisme de certains départements envers Paris ne l'a été que parce qu'ils refusaient justement les divisions avancées par les sans-culottes et Marat. Ce n'est finalement qu'une lutte pour le pouvoir entre deux camps. Comme le regrette J-C. Martin, « rien ne justifie la légende des Girondins ''fédéralistes'' et décentralisateurs, mais celle-ci a peu de chance d'être écornée», Nouvelle histoire de la Révolution française, op. cit., pp. 369-370.

4 M. Lamarque, Mémoires, op. cit., 22 janvier 1822, t. I, p. 254.

5 Lieutenant Candau, « Le recrutement dans les Landes », op. cit., pp. 208-213. Le 2e

bataillon part tenir garnison au château de Dax.

engagement soulève des interrogations. Dans son dossier militaire, il est bien mentionné qu'il s'engage le 20 janvier 1792 mais dans le 4e bataillon qui ne sera constitué qu'en...17931.

Ne faut-il voir là qu'une simple erreur de date quant à son engagement ? Ce n'est pas impossible devant l'afflux des volontaires, les unités ont été submergées par la paperasserie. Est-ce une rétractation ou une maladie quelconque qui l'ont empêché de partir ? L. Léon-Dufour évoque une «constitution faible et maladive » quand il le décrit2. Mais l'intervention de son père n'est peut-être pas à exclure. Celui-ci garde un magistère moral sur un fils qui a toujours respecté ses décisions. Pierre-Joseph l'avait bien retenu une première fois en juillet 1791. Alors pourquoi pas une nouvelle fois ? Or le 1er bataillon encaserné à Saint-Sever se révèle très indiscipliné et occasionne des troubles dans le district. Ce père – et maire – n'a peut-être pas vu d'un bon œil que Maximien fréquente des mutins qui insultent leurs officiers et qui ont organisé une expédition à Mont-de-Marsan pour menacer les autorités départementales ! Les autorités municipales arrivent à s'en débarrasser le 12 août 1792 pour les envoyer au camp de Cessieux près de Lyon3.

Il ne s'engage pas non plus dans le 3e bataillon qui a toutes les peines du monde à se former. Les Saint-Sévrins sont très réticents à fournir les dix-neuf volontaires que leur demande le département4. A moins que se soit tout simplement pour des raisons moins avouables : des volontaires, dans le soucis d'acquérir un grade à l’ancienneté de service, ont donné comme date d'engagement celle de leur signature sur les rôles ouverts par les municipalités et non pas celle de la formation officielle du bataillon5. Quelques soient les raisons, il ne fait pas partie des trois premiers bataillons formés par le département. Tout au plus, a t-il dû continuer à servir dans la garde nationale. Si cette hypothèse s'avérait exacte, il jouerait une nouvelle fois de malchance dans sa quête d'être « utile pour la patrie ».

1 S.H.D. 7Y2467. Relevé des états de service. G. Six indique également le 4e bataillon, Dictionnaire biographique des généraux et amiraux de la Révolution et de l'Empire, 1934, t. II, p. 42, ainsi que le lieutenant Candau, op. cit., n°121, janvier 1911, pp. 50-51. Aucune pièce ne fait état de son engagement dans son dossier militaire.

2 L. Léon-Dufour, « Le lieutenant-général comte Lamarque », op. cit., p. 61.

3 Lieutenant Candau, « Le recrutement dans les Landes », op. cit., n°119, novembre 1910, pp. 214-216. Le 2e bataillon à Dax se distingue également par son indiscipline. Le directoire départemental arrive à les envoyer à Bordeaux puis à Bayonne.

4 Ibid., n°121, janvier 1911, pp. 35-45. Ils ne trouvent comme échappatoire que d'élire à l'unanimité les employés de l'administration du district ! Les autorités organisent des battues pour débusquer les réfractaires et les déserteurs se cachant dans la campagne environnante. Le 3e bataillon finit par se constituer et part au Pays-basque en avril 1793.

Apprentissage, expériences et jacobinisme

Contraint une nouvelle fois de subir les événements plutôt que d'y contribuer, Maximien patiente. Mais il ne peut que s'enthousiasmer pour les victoires des armées du Nord et du Rhin. Assez justement il dira plus tard que la réussite de la campagne de 1792 était « due presque en entier aux troupes de ligne. Les noms des anciens généraux comme Dumouriez, Kellermann, Custine ou Lückner, sont les seuls qu'à cette époque célébra la renommée »1. Mais pour l'heure, il doit enrager de ne pas pouvoir participer à ces combats pour la défense du sol national alors que dans le même temps le 1er

bataillon des Landes entre en Savoie avec l'armée des Alpes de Montesquiou2. Encore une fois manqué se dit-il et cela commence à faire beaucoup. L'entrée en guerre de l'Espagne (18 mars 1793) après l'exécution de Louis XVI, lui donne une nouvelle opportunité.

La quasi-totalité de l'Europe des rois s'étant coalisée contre la France régicide, la Convention décrète le 24 février 1793 une levée de 300 000 hommes, connue sous le nom de « levée en masse », réquisitionnant les hommes valides de 18 à 40 ans3. En tant que cadre dans la garde nationale, Maximien réussit à se faire élire comme lieutenant des volontaires le 3 avril, même si son élection dénote un peu du climat général qui veut – contrairement à 1792 où l'on prenait expressément parmi la bourgeoisie – que l'on choisisse les chefs parmi les hommes d'origine plus modeste4. Mais Maximien a dû suffisamment montrer son attachement à la Révolution pour pouvoir être élu officier par ses pairs.

Il reste pourtant pendant plusieurs semaines comme un général sans troupe en raison d'un taux d'insoumission élevé qui empêche la formation du bataillon et son instruction. Le retournement de l'esprit public coïncide avec l'arrivée des représentants en mission et les déconvenues de l'armée dans les Pyrénées. Les volontaires français s'y étaient débandés avant d'être refoulés jusqu'à Ustaritz. Bayonne était désormais menacée5. L'énergie déployée par les représentants Pinet, Jean-Baptiste Cavaignac et

1 M. Lamarque, Nécessité d'une armée permanente, op. cit., p. 69.

2 Lieutenant Candau, « Le recrutement dans les Landes », op. cit., pp. 214-215.

3 Le directoire des Landes est assez pessimiste sur la contribution de 2924 hommes imposée par la Convention « mais il faut la payer et se taire ». A.D. Landes. L 169, p. 32. Lettre des administrateurs du directoire à la députation du département, citée par le lieutenant Candau, « Le recrutement dans les Landes », op. cit., p. 46.

4 J-P. Bertaud, La vie quotidienne des soldats sous la Révolution, Hachette, Paris, 1989, p. 30. 5 J. Ansoborlo, Les soldats de l'an II en Pays-Basque, S.S.L.A. de Bayonne, 1988, p. 10.

Dartigoeyte pour éveiller l'ardeur patriotique produit une émulation dans les municipalités, notamment dans les bourgs de la Chalosse jusqu'ici très réfractaires. En quelques jours seulement, Maximien se retrouve rejoint par des centaines de volontaires. Saint-Sever est le premier district landais à remplir sa contribution (864 hommes). Réunis, ces derniers demandent à partir rapidement pour le Pays basque afin de défendre la frontière contre la menace espagnole. De cet élan de l'an II, Lamarque a retenu une « irrémédiable impulsion » donnée par les représentants d'un gouvernement fort, encourageant le zèle et les sacrifices pour la patrie1.

Jusque là mal récompensé dans ses choix et par les circonstances, cet élan vient couronner sa persévérance. Grâce à l'invasion espagnole, il peut enfin se rendre « utile à la patrie ». Mais il s'en faut de peu que ses espoirs soient déçus, car l'élan patriotique s'est rapidement essoufflé dans les Landes. « Volontaires du district de Saint-Sever », le lieutenant Lamarque quitte la ville le 28 avril pour se rendre à la citadelle de Bayonne2. C'est donc comme officier et non comme simple soldat qu'il est parti rejoindre le front pyrénéen. Ce fait tord le cou à une légende savamment orchestrée par l'intéressé lui-même et qui a été pratiquement reprise par tous ses biographes, mettant en exergue cette phrase tirée d'une lettre insérée dans ses Mémoires :

« dévoué à ma patrie, je me suis arraché à dix-huit ans des bras de mon vieux père pour aller la défendre ; je pouvais être officier, je voulus partir simple soldat... »3.

Écrite en 1827, cette lettre nous enseigne deux choses : Lamarque s'est délibérément rajeuni de quatre années pour accentuer la précocité de son engagement dans l'armée et dissimule qu'il doit son premier grade d'officier à l'élection et non à sa valeur sur le champ de bataille. Cette reconstruction a posteriori sous la Restauration suit une stratégie politique esquissée lors de ses différentes candidatures pour devenir député4. Il se présente ainsi comme l'archétype de la vertu républicaine en façonnant son propre personnage entré hâtivement dans les armées de la Révolution pour défendre ses idéaux. Il fait preuve de modestie en refusant d'être officier sur le seul critère social et il gagne

1 M. Lamarque, Nécessité d'une armée permanente, op. cit., p. 66. 2 Lieutenant Candau, « Le recrutement dans les Landes », op. cit., p. 49.

3 M. Lamarque, Mémoires, op. cit., t. II, Lettre LXXXVIII à Mlle Sauvan, Saint-Sever le 20 décembre 1827, p. 463. Souligné par nous. Selon l'interprétation des biographes, il gagne ses premiers galons après être parti de Saint-Sever (Laborde et L. Léon-Dufour) ou lors des premiers combats dans les Pyrénées (Tartière et E. Daru).

4 Notamment sa profession de foi de l'élection de 1828 publiée par le Journal des Landes du 23 novembre 1828 où il mentionne qu'il est parti « simple soldat […] pour défendre nos frontières ».

ses premiers galons en repoussant l'ennemi qui souille le sol de la patrie. La réalité est tout autre. Il fait bel et bien partie de ces officiers élus qui encadrent les volontaires se

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