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0.3 Modèle biologique, problématique et objectifs de recherche

0.3.1 Le carcajou et le loup toundrique

0.3.1.1 Description sommaire

Le loup est le plus grand des canidés et le mammifère terrestre ayant la plus grande répartition au monde. Il occupait historiquement presque tous les écosystèmes sauf la forêt tropicale (Paquet & Carbyn 2003). Il est sexuellement dimorphique, les mâles étant plus lourds (20-80kg) que les femelles (16-55kg) (Mech 1970). Sa taille augmente de l‟équateur vers les pôles (Mech 1970; Paquet & Carbyn 2003). Le loup est digitigrade, c.-à-d. que seule l‟extrémité des doigts des pattes entre en contact avec le sol, et peut donc se déplacer rapidement. Les loups sont organisés en groupes sociaux composés d‟individus apparentés et dirigés par un couple dominant qui assure une reproduction exclusive, réprimant l‟activité reproductrice des subordonnés (Mech & Boitani 2003). Le nombre d‟individus par groupe peut fluctuer grandement selon l‟habitat et la taille des proies utilisées (Mech & Boitani 2003). À l‟âge d‟un ou deux ans, les juvéniles quittent en général le groupe et se dispersent, bien que certains peuvent demeurer dans le groupe de naissance, où ils sont subordonnés. Les individus les plus vieux, typiquement les individus alpha déchus, vont également se disperser et vivre seuls. Bien que les groupes ont une grande capacité de déplacement (Paquet &

Carbyn 2003), ils occupent et défendent typiquement des territoires restreints (Mech 1970; Peterson, Woolington & Bailey 1984; Messier 1985). Par exemple, en milieu subarctique où la disponibilité des caribous migrateurs et des orignaux résidents est complémentaire dans le temps, ou bien dans le haut Arctique ou des assemblages de grands et petits herbivores sont présents à l‟année, les groupes de loups peuvent maintenir des territoires de 1800 à 2500 km2 (diamètre de 40-50 km) (Mech 1987; Ballard et al. 1997). Par contre, dans le bas Arctique, où la disponibilité des ressources est très réduite en hiver en absence du caribou migrateur, les populations continentales de loups ne maintiennent pas un territoire annuel, mais migrent plutôt avec les caribous et reviennent dans la toundra en été pour y défendre des territoires de reproduction de taille similaire à ceux des loups résidents en zone subarctique (Walton et al. 2001; Musiani et al. 2007). Dans ce cas, le domaine vital peut s‟étendre jusqu‟à 60,000 km2

chez les mâles et 45,000 km2 chez les femelles. Aucune information n‟est disponible sur la taille des domaines vitaux ou territoires chez les loups résidents de la toundra arctique, hormis dans le cas du haut Arctique. L‟accouplement du loup se fait typiquement entre janvier et avril. Le temps de gestation est d‟environ 60 jours et la mise bas de six petits en moyenne se fait typiquement en mai-juin en tanière. Dans l‟Arctique, ces dernières sont typiquement creusées dans des sols de dépôts meubles bien drainés, aménagées sous les racines de bosquets (Heard & Williams 1992) ou sous des abris rocheux (Mech & Packard 1990). Lors de l‟élevage des jeunes, la femelle et les jeunes sont limités dans leurs déplacements et utilisent donc les ressources locales (Heard & Williams 1992).

Le carcajou est le plus grand des mustélidés et occupe une distribution principalement circumboréale et circumpolaire, pouvant également se retrouver dans les chaînes montagneuses continues plus au sud. Le mâle peut être de 40 à 60% plus lourd (11 à 18kg) que la femelle (6 à 12 kg) (Banci 1994; Pasitschniak-Arts & Larivière 1995). Comme chez le loup, il existerait un patron de déclin latitudinal de la taille du carcajou du nord vers le sud (Copeland & Jackson 2003). Le carcajou est de forme

compacte et très puissant musculairement. Il est plantigrade, c.-à-d. que la paume complète de ses mains et pieds entre en contact avec le sol lorsqu‟il marche, ce qui le rend beaucoup plus lent que le loup. Le carcajou est typiquement solitaire et peut se déplacer sur de grandes distances, bien qu‟il limite ses déplacements à un domaine vital de 100-800 km2 (diamètre de 10-28 km) en fonction du sexe et de

l‟environnement (Magoun 1985; Banci & Harestad 1990; Landa et al. 1998). La taille du domaine vital du carcajou toundrique est très mal connue, mais, selon la seule étude publiée (Mulders 2001), elle avoisinerait 130 et 400 km2 chez la femelle et le mâle, respectivement. L‟accouplement du carcajou se fait typiquement entre mai et août, mais l‟implantation utérine est différée jusqu‟à l‟hiver, la gestation durant 35-40 jours (Rausch & Pearson 1972). La mise bas de 2 à 4 petits se fait à la fin de l‟hiver ou au début du printemps dans des tanières de neige (Pulliainen 1968; Rausch & Pearson 1972; Banci & Harestad 1988), bien que la femelle entre en tanière vers la fin janvier, début février. Lors du séjour en tanière et de l‟élevage des jeunes, la femelle est limitée dans ses capacités de mouvement et l‟utilisation des petits rongeurs semble être importante (Magoun 1985; Landa 1997).

0.3.1.2 Niches alimentaires

Le loup et le carcajou toundrique ont été très peu étudiés étant donné leur faible densité, de leur grande mobilité et des difficultés logistiques dues au climat arctique. Les connaissances sur l‟utilisation de leurs ressources alimentaires sont limitées et typiquement inférées à partir d‟autres écosystèmes et habitats. L‟hypothèse généralement admise stipule que le loup est un prédateur spécialisé pour lequel les grands herbivores sont nécessaires (McLaren & Peterson 1994; Mech & Peterson 2003; Paquet & Carbyn 2003; Peterson & Ciucci 2003). Cette hypothèse repose sur des observations directes et des mesures indirectes (fèces et contenus stomacaux) de l‟alimentation du loup, de même que sur ses adaptations morphologiques (dentition, endurance physique et rapidité) et comportementales (chasse en groupe) (Mech &

Boitani 2003; Paquet & Carbyn 2003). Cependant, un nombre croissant d‟études, dont certaines menées dans le haut Arctique (Marquard-Petersen 1998; Mech 2005, 2007), tendent à démontrer une certaine flexibilité dans l‟utilisation des ressources alimentaires chez les populations ayant un accès limité aux ongulés (Dale, Adams & Bowyer 1994; Ballard et al. 1997; Urton & Hobson 2005). De récentes études ont également démontré l‟utilisation de ressources allochtones chez les populations de loups côtiers (Darimont & Reimchen 2002; Darimont, Paquet & Reimchen 2009) et continentaux (Adams et al. 2010). Par contre, chez le loup toundrique du bas Arctique vivant en forte association avec le caribou migrateur et suivant ses déplacements (Kuyt 1972; Heard & Williams 1992; Walton et al. 2001; Frame et al. 2004; Musiani et al. 2007), il semble que les populations n‟utilisent que cette proie et démontrent peu d‟intérêt pour d‟autres espèces. Cette hypothèse est également supportée par l‟étude récente de (Klaczek et al. 2016) ayant démontré une forte réponse numérique des loups aux fluctuations d‟abondance des hardes de caribous, ainsi que par celle de Musiani et al. (2007) ayant révélé un profil génétique distinct de ces populations de loups par rapport au loup boréal. Toutefois, à l‟exception des études du haut Arctique (Mech 1987; Mech & Packard 1990; Mech 2005, 2007), on ignore encore largement les patrons d‟utilisation des ressources alimentaires chez le loup résident de la toundra, qui n‟est quant à lui pas associé au caribou migrateur.

À ma connaissance, seules les études de Mulders et al. (2001) et de Samelius et coll. (2002) ont décrit l‟utilisation des ressources chez le carcajou toundrique, bien que les études en milieu subarctique soient relativement communes (Rausch & Pearson 1972; Myhre & Myrberget 1975; Magoun 1985; Banci & Harestad 1990; Persson 2005; Andren et al. 2011; Mattisson et al. 2012). Contrairement au loup, le carcajou est généralement perçu comme un prédateur opportuniste sur l‟ensemble de son aire de distribution (Copeland, 1996; Copeland and Jackson, 2003; Gardner, 1985; Landa, 1997; Magoun, 1985). Le carcajou présenterait également des adaptations

développé; Hornocker & Hash 1981) lui permettant d‟être un charognard efficace capable d‟utiliser efficacement les parties d‟ongulés délaissées par d‟autres

prédateurs, comme la viande, les os, les cartilages, la peau, etc. (Myhre & Myrberget 1975; Pasitschniak-Arts & Larivière 1995; Mattisson et al. 2011). Sa taille robuste et sa force musculaire lui permettraient également de dérober les prises fraîchement capturées par affrontement direct avec les compétiteurs (selon des observateurs locaux, le carcajou peut chasser un groupe de loups ou un ours grizzly d‟un site de capture). Ce comportement lui aurait valu le surnom de tigliktik ou „voleur‟ chez les communautés Inuit, ce qui réfère également à la tendance qu‟ont les carcajous à dérober les appâts ou prises des trappeurs de renards. Malgré son mode

d‟approvisionnement typiquement solitaire, sa taille plus petite que celle du loup et sa relative lenteur, le carcajou serait même capable de capturer des ongulés

(observateurs inuit, voir aussi Pulliainen (1968) et Myhre & Myrberget (1975)). En milieu côtier, il serait également porté à utiliser les ressources marines, souvent sous forme de carcasses (Rausch & Pearson 1972; Mulders 2001) ou de proies vivantes (observateurs inuit). Durant l‟été arctique, le carcajou pourrait également utiliser les micros-mammifères (Landa 1997; Mulders 2001), creuser pour capturer de petits mammifères tels que les spermophiles arctiques (Mulders 2001; Copeland & Jackson 2003), ou capturer la sauvagine et ses œufs pour les cacher et les mettre en réserve à l‟instar du renard arctique (Samelius et al. 2002). Magoun (1985) rapporte également des comportements de cache sur des restes de caribou et des spermophiles arctiques.

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