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ANTIBIOTHERAPIE SELON LE TERRAIN

I. CLASSES D’ANTIBIOTIQUE

10. Lincosamides – synergistines – polymyxines – phénicolés

10.6. Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en cliniques

La clindamycine présente une très bonne résorption digestive, une demi-vie

d‘environ 2,5 heures, une forte fixation aux protéines plasmatiques (90%), une très bonne diffusion tissulaire et une élimination biliaire. Il faut 3 prises de 0,3 à 0,6 mg/j afin d‘assurer un taux thérapeutique plasmatique de 3 à 15 mg/l.

La synergistine et la pristinamycine, diffusent très bien sauf dans le LCR.

Leur demi-vie est de 6 heures. Il existe une très forte concentration active biliaire avec une élimination prépondérante par les fèces.

Les peptolides sont surtout utilisés par voie locale (toxicité rénale). Ils ne sont pas

résorbables per os et sont utilisés comme désinfectants intestinaux et locaux (derme, vagin, conduit auditif externe). Les indications systémiques de sauvetage nécessitent une adaptation personnalisée des doses avec dosages sanguins.

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Le thiamphénicol a un important volume de distribution et une bonne diffusion d‘où

son utilisation dans des ostéites, cholécystites aiguës, méningites, ….[104]

10.7. Source de la variabilité de la réponse

Une atteinte hépatique freine la clairance des lincosamides qui sont majoritairement éliminés via la bile.

Une atteinte rénale allonge significativement la demi-vie des peptolides IV.

La prise de colchicine est contre-indiquée avec celle de pristinamycine. Elle peut être fatale.

10.8. Situations à risque ou déconseillées

Les maladies coliques chroniques sont une contre-indication formelle à l‘utilisation

des lincosamides.

Pour les peptolides, en cas d'atteintes staphylococciques sévères, seule une

antibiothérapie ciblée par voie générale est conseillée.

Une sensibilisation cutanée possible par traitement local externe peut compromettre l'usage ultérieur systémique des composants antibactériens ou antifongiques des associations utilisées avec la polymyxine B.

Le thiamphénicol est peu conseillé chez la femme enceinte (dosage plasmatique

bi-hebdomadaire de surveillance). Il est contre indiqué chez l‘enfant de moins de 6 mois, l‘insuffisant rénal ou en cas d‘antécédents d‘insuffisance médullaire.

10.9. Précautions d’emploi

Des syncopes ont été rapportées en cas d'injection IV trop rapide de lincosamides.

Une perfusion lente est nécessaire.

La pristinamycine peut induire dès le début de traitement un érythème généralisé

avec pustules et fièvre qui impose son arrêt et l‘exclusion à vie du médicament.

Le traitement local avec les peptolides doit être limité à 7 à 10 jours pour éviter soit la

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intestinaux (désordres graves de la flore intestinale si usage per os comme anti-diarrhéique bactérien).

La présence simultanée de corticoïdes puissants dans certaines spécialités à usage local doit être prise en compte.

Le dosage plasmatique du thiamphénicol est obligatoire chez la femme enceinte pour

éviter un risque neuro et médullo-toxique chez l‘enfant.

Chez l‘insuffisant rénal, un dosage plasmatique et une individualisation de la dose sont recommandés.[104]

10.10. Effets indésirables

Le spectre large des lincosamides expose à des nausées et à de fortes diarrhées, non

évitables, par atteinte de la flore digestive mais aussi à de redoutables et fréquentes entérocolites pseudo-membraneuses par prolifération en rebond du Clostridium difficile. Ces diarrhées peuvent ne survenir que quelques semaines après l'arrêt du traitement mais lui sont directement liées. C'est le danger principal et très réel de cette famille d‘antibiotiques qui n'est utilisé qu'en deuxième intention et sur antibiogramme.

Il existe aussi des réactions allergiques rares et bénignes, des cas d'érythème

polymorphe, de syndrome de Stevens-Johnson, des ulcérations œsophagiennes sévères avec les formes orales, surtout chez le sujet âgé et alité et qui déglutit mal. Une atteinte hépatique est possible mais modérée en principe d'où une surveillance conseillée des transaminases. Une atteinte des lignées sanguines médullaires est toujours à redouter, neutropénie surtout (NFS hebdomadaire).

Les formes locales n'exposent qu'à un prurit et à des sensations de brûlures locales qui sont dose-dépendantes.

La synergistine, la pristinamycine, peuvent provoquer des allergies de type urticaire,

œdème de Quincke ou choc anaphylactique et des troubles cutanés : éruptions bulleuses, pustulose exanthématique aiguë généralisée. Des troubles digestifs graves sont aussi rapportés comme des diarrhées avec colites pseudomembraneuses, aiguës et/ou hémorragiques.

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Les polymyxines étant neurotoxiques et néphrotoxiques, ceci justifie leur usage le

plus court possible. En cas d‘instillation auriculaire, il est nécessaire de vérifier que le tympan est intact (risque d‘ototoxicité : surdité et troubles de l‘équilibre si contact direct avec l‘oreille interne). En usage local, se méfier de la sélection de souches multirésistantes ou de l‘induction de mycoses en cas d‘usage trop prolongé. Eczéma allergique de contact et photosensibilisation sont au premier plan à cause d'un usage local prépondérant.

Le thiamphénicol du groupe des phénicolés, provoque des atteintes hématologiques

graves mais réversibles de toutes les lignées sanguines (NFS bi-hebdomadaire) qui ne contre-indique pas forcément son emploi en cas d‘engagement du pronostic vital. Avant 6 mois, une atteinte neurotoxique des noyaux gris centraux du cerveau est possible.

10.11. Surveillance des effets

En dehors du suivi de la réponse anti-bactérienne :

Lincosamides : surveillance du transit (colites pseudo-membraneuses), transaminases

hépatiques et NFS hebdo ou bi-hebdomadaires (atteintes médullaires et hépatiques). Suivi de réactions allergiques au niveau dermique (érythème polymorphe, syndrome de Stevens-Johnson).

Peptolides : surveillance de la réponse au traitement si prescription probabiliste et

respect de la durée de traitement inférieure à 7 à 10 jours. Surveillance clinique du transit, de l‘insuffisance rénale (réversible), de l‘absence de troubles neuropsychiques (paresthésies, confusion), de réactions allergiques.

Thiamphénicol : nécessite une NFS hebdomadaire pour détecter une atteinte

médullaire réversible après arrêt immédiat du traitement.[104]

11. Oxazolidinones

Le linézolide est un antibiotique bactériostatique, inhibant la synthèse protéique de la bactérie. Son spectre se limite aux bactéries à Gram positif. Il est avant tout un antibiotique anti staphylococcique en particulier en remplacement de la vancomycine. Mais il peut être utilisé contre des streptocoques. Il présente également un intérêt contre les

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entérocoques résistants à la vancomycine (VRE). Il est indiqué dans

les pneumopathies nosocomiales ou communautaires ainsi que les infections compliquées

des tissus mous. Il doit être initié en milieu hospitalier après avis spécialisé. Il peut être

utilisé par voie orale (biodisponibilité 100%). Les résistances sont pour l‘instant encore rares mais cela tient au fait de la restriction de son utilisation.

Son profil de tolérance n‘est pas encore parfaitement établi. Il est myélotoxique et neurotoxique. Les toxicités les plus graves sont observées pour les traitements les plus longs. Il convient de ne pas dépasser 28 jours de traitement.[105]

11.1. Médicaments existants

Le linézolide et le tédizolide sont pour le moment les 2 seuls représentants de cette famille. Le chef de file, le linézolide a été développé initialement comme anti dépresseur (IMAO) et ses vertus antibactériennes n‘ont été identifiées que secondairement.

11.2. Mécanismes d’action des différentes molécules

Il s‘agit d‘un inhibiteur de la synthèse peptidique (il se fixe sur le ribosome bactérien et empêche la formation du complexe d‘initiation 70S).

Les germes habituellement sensibles sont les bactéries à Gram positif :

- Bactéries à Gram positif aérobies : Staphylococcus aureus (sensibles ou non à la méthicilline), Staphylococcus non-aureus, streptocoques (dont pneumocoques), entérocoques.

- Bactéries à Gram positif anaérobies : Clostridium perfringens

11.3. Effets utiles en clinique

Les oxazolidinones sont des antibiotiques bactériostatiques dirigés principalement contre les bactéries à Gram positifs. Leur intérêt est d‘autant plus importante vis à vis des staphylocoques résistants à la méthicilline et à la vancomycine, de même que les entérocoques vanco-résistants (VRE).

L‘efficacité du linézolide dans le traitement des pneumopathies nosocomiales à germes sensibles s‘est révélée équivalente à la vancomycine.

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La génération de souches résistantes est pour l‘instant faible (2011), bien qu‘il existe déjà de souches résistantes à la vancomycine et au Linézolide.

Les résistances au linézolide pour les coques à Gram positifs sont d‘origine génétique (mutation ARN ribosomal 23S) et non croisées avec d‘autres antibiotiques.

Ses indications sont :

-les pneumonies communautaires et nosocomiales à bactéries à Gram positifs sensibles (documentation bactériologique obligatoire).

-Les infections compliquées des tissus mous à bactéries à Gram positifs sensibles (documentation bactériologique obligatoire).

-Aux USA les infections à entérocoques résistants à la vancomycine (VRE) sont également dans l‘indication.

Le traitement doit être entrepris en milieu hospitalier après avis d‘un infectiologue ou bactériologiste.

Ne pas associer à la vancomycine (antagonisme).

L‘association à la rifampicine est synergique ou additive.[105]

11.4. Pharmacocinétique

Tableau XXI : Pharmacocinétique du linézolide.[105]

Biodisponibilité orale 100% = privilégier cette voie

Diffusion

Bonne pour revêtement cutané et poumon Vd = 40-50 litres

% fixation aux protéines plasmatiques = 30 %

Cinétique Non linéaire, clairance baissant avec augmentation des doses

T1/2 5-7 heures = 2 prises par jour

Métabolisme 2 métabolites inactifs générés probablement par un mécanisme non

enzymatique. La clairance non rénale représente 65% de la clairance totale.

Elimination fécale Minime (3-6%)

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11.5. Source de la variabilité de la réponse

Interactions médicamenteuses :

Le linézolide est un IMAO, c‘est donc un sérotoninergique. De ce fait il expose au risque de syndrome sérotoninergique en cas d‘association avec d‘autres sérotoninergiques (antidépresseurs, dextrométhorphane, triptans).

Pas d‘interaction pharmacocinétique significative avec la rifampicine ou les antivitamines K.

Ne pas associer à la vancomycine (antagonisme).

L‘association à la rifampicine est synergique ou additive. Interactions non médicamenteuses :

Interaction théorique avec les aliments riches en tyramine (source de sérotonine). Réponses des populations physiologiques particulières :

Chez les enfants d‘une semaine à 12 ans, donner 10 mg.kg-1

.j-1 en 2 prises quotidiennes.

Ne pas donner chez la femme enceinte (pas de données cliniques) ; toxicité de la reproduction chez l‘animal.

Le linézolide passe dans le lait maternel : arrêter l‘allaitement. Réponses des populations pathologiques particulières :

Chez l‘insuffisant rénal dont la clairance de la créatinine est supérieure à 30 mL.min-1

, les concentrations de linézolide sont inchangées = pas d‘adaptation de posologie. Pour des

clairances inférieures à 30 mL.min-1 et les patients dialysés, les concentrations de linézolide

restent inchangées, en revanche, les métabolites s‘accumulent (x 10) et on ignore si cela peut avoir une traduction clinique.

Insuffisant hépatique (cirrhose Child A et B) pas de modification des concentrations. Pas de données pour cirrhose Child C.[105]

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11.6. Situations à risque ou déconseillées

Hypertension artérielle sévère non contrôlée, phéochromocytome, hyperthyroïdie, syndrome carcinoïde, dépression bipolaire, schizophrénie, état confusionnel aigu.

Contre-indications absolues :

Traitement IMAO associé, inhibiteurs de recapture de la sérotonine, tryptans.

11.7. Précautions d’emploi

Surveillance de base : privilégier un traitement de moins de 28 jours

NFS régulière (chaque semaine) pour la myélotoxicité.

Saignements (thrombopénie), fatigue pâleur, essoufflement (anémie), fièvre (neutropénie). Troubles sensitifs et paresthésies (neuropathies). Baisse de l‘acuité visuelle, du champ visuel, vision des couleurs.

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11.8. Effets indésirables

La plupart des effets indésirables surviennent avec un traitement prolongé. En dehors de nécessité impérieuse, il convient de ne pas dépasser 28 jours de traitement.

Tableau XXII : Effets indésirables du linézolide fréquence et gravité.[105]

Effets indésirables Fréquence Gravité Surveillance Conduite à tenir

Céphalées Fréquent Faible Traitement symptomatique

Nausées Fréquent Faible Traitement symptomatique

Agueusie Traitement symptomatique

Diarrhée Fréquent Modérée Traitement symptomatique

Candidoses Fréquent Modérée Traitement symptomatique, antifongiques

oraux

Colite pseudomembraneuse Fréquent Modérée Arrêt du traitement *, ATB adaptée

Syndrome sérotoninergique Rare Grave

Ne pas associer avec d‘autres sérotoninergiques

Arrêt du traitement *, traitement symptomatique

Neutropénies Fréquent Modérée Fièvre, syndrome

infectieux Arrêt du traitement *, NFS

Thrombopénies Peu fréquent Grave Saignement Arrêt du traitement*, NFS

Eosinophilie Peu fréquent Variable Exanthème, fièvre, NFS Arrêt du traitement*,

Anémies pouvant nécessiter

des transfusions Rare Grave

Fatigue, essoufflement, pâleur

Arrêt du traitement*, NFS, transfusion si nécessaire

Neuropathie périphérique Rare Grave Hypoesthésie,

paresthésie Arrêt du traitement *

Neuropathie optique pouvant évoluer vers une perte de la vision

Rare Grave

Clinique : trouble de vision, acuité visuelle,

vision des couleurs, champ visuel Arrêt du traitement* Acidoses lactiques Nausées, vomissements, douleurs abdominales

Arrêt du traitement*, réanimation

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11.9. Surveillance des effets

-Dosages plasmatiques : Les concentrations résiduelles mesurées doivent être

comprises entre 2 et 7 mg/l pour obtenir une bonne efficacité antibactérienne et une bonne tolérance, notamment au plan hématologique.[105]

12. Daptomycine

La daptomycine est un lipopeptide actif uniquement sur les bactéries à Gram positif. C'est un antibiotique à activité concentration-dépendante indiqué principalement dans les bactériémies et endocardites à Staphylococcus aureus.

Cette molécule présente une toxicité musculaire et son association à d'autres spécialités myotoxiques comme les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase est à éviter. Le suivi thérapeutique pharmacologique par le dosage des concentrations résiduelles est conseillé chez les patients insuffisant rénaux afin de prévenir le risque d'accumulation.[106]

12.1. Médicaments existants

La daptomycine est un lipopeptide cyclique polyanionique actif uniquement sur les bactéries à Gram positif.

Cette molécule est indiquée dans les infections de la peau et des tissus mous chez l'adulte et l'enfant de moins de 1 an ainsi que dans l'endocardite infectieuse et la bactériémie à Staphylococcus aureus.

Elle est administrée en une injection IV par jour à raison de 4 à 10 mg/kg en perfusion de 30 minutes ou en bolus de 2 minutes.[106]

12.2. Mécanismes d’action des différentes molécules

Le mécanisme d'action implique la liaison (en présence du cofacteur calcium) aux membranes bactériennes des cellules en phase de croissance et en phase stationnaire, entraînant une dépolarisation et aboutissant à une diminution rapide de la synthèse protéique, d'ADN et d'ARN. Le résultat est la mort de la cellule bactérienne.

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La daptomycine a une activité concentration-dépendante rapidement bactéricide vis à vis des bactéries à Gram positif.