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CHAPITRE VII DISCUSSION GÉNÉRALE

7.2 Caractéristiques des participants

Dans les études explorant les relations entre la distance de marche, la force et la fatigue musculaire, l’hétérogénéité des participants limite l’interprétation clinique des résultats. En effet, au vu de la diversité des atteintes liées à une PC, l’application des résultats issus d’études incluant tous types de PC peut s’avérer limitée pour une grande partie de la population des enfants ayant une PC. En particulier, l’hétérogénéité des participants concerne la topologie des atteintes et les patrons de marche. De plus, la majorité des études incluent les enfants ayant un niveau fonctionnel élevé (GMFCS I et II), négligeant ainsi les enfants aux capacités de marche les plus faibles (GMFCS III).

7.2.1 Niveaux fonctionnels

La majorité des études se sont concentrées sur des groupes d’enfants ayant principalement un niveau fonctionnel élevé (GMFCS I-II) pour évaluer la relation entre la force et les capacités de marche (Eek et Beckung, 2008 ; Ferland et al., 2012 ; Gillett et al., 2018) et pour mesurer la fatigue musculaire (Eken et al., 2017, 2018 ; Moreau et al., 2009). Les enfants de niveau GMFCS III présentent pourtant des limitations fonctionnelles plus importantes que les enfants de niveau GMFCS I-II. En effet, des

différences significatives ont été observées entre les niveaux GMFCS pour la distance parcourue lors d’un test de marche de 6 minutes (Fitzgerald et al., 2016), pour la vitesse de marche et la longueur de pas (Davids et al., 2019) ainsi que pour la force musculaire (Eek et Beckung, 2008 ; Thompson et al., 2011). Ne pas inclure les enfants ayant un niveau GMFCS III dans les études limite l’application clinique des résultats aux enfants les plus fonctionnels. Les enfants ayant un niveau GMFCS III représentent la partie de la population la plus à risque d’une détérioration des capacités de marche avec l’âge (Opheim et al., 2009). Ainsi, les relations établies entre les capacités de marche, la force et la fatigue musculaires devraient être approfondies chez les enfants moins fonctionnels pour qui les faibles capacités de marche sont une barrière à l’intégration sociale (Beckung et Hagberg, 2002).

7.2.2 Atteintes bilatérales vs unilatérales

De nombreuses études combinent les enfants ayant une atteinte unilatérale et ceux ayant une atteinte bilatérale dans leur échantillon (Dallmeijer et al., 2017 ; Eken et al., 2018 ; Ferland et al., 2012 ; Gillett et al., 2018 ; Maanum et al., 2010). Cependant, des différences significatives ont été observées entre ces deux groupes au niveau de la spasticité, de la faiblesse musculaire et des performances à la marche (Meyns et al., 2016). En effet, les atteintes bilatérales étaient associées à une plus grande spasticité, en particulier au niveau des ischio-jambiers (Holmes et al., 2018 ; Meyns et al., 2016). Une faiblesse musculaire plus importante est également retrouvée chez les enfants ayant une atteinte bilatérale au niveau des fléchisseurs de la hanche, des fléchisseurs et extenseurs du genou ainsi que des fléchisseurs de la cheville (Holmes et al., 2018 ; Meyns et al., 2016). Finalement, la performance à la marche est plus faible (Meyns et al., 2016), notamment à cause d’une amplitude de mouvement réduite à la hanche, au genou et à la cheville (Holmes et al., 2018). Une association entre la faiblesse musculaire et l’amplitude de mouvement de la cheville a d’ailleurs été démontrée chez les enfants ayant une atteinte bilatérale, mais cette relation n’était pas présente chez les

enfants ayant une atteinte unilatérale (Papageorgiou et al., 2019). Ceux-ci compensent avec leur côté non-atteint pour maintenir leurs capacités de marche ce qui confère des carctéristiques très spécifiques à la démarche des personnes ayant une atteinte unilatérale (Szopa et al., 2014).

Ainsi des différences importantes au niveau fonctionnel ont été observées entre les atteintes bilatérales et unilatérales. La combinaison de ces deux atteintes dans les études limitera l’interprétation des résultats, et ne sera pas spécifique à l’une des deux atteintes qui diffère en termes de faiblesse musculaire, spasticité et performance à la marche. L’inclusion d’enfants ayant des atteintes unilatérales et bilatérales dans un même groupe pour évaluer les relations entre les capacités de marche et les atteintes cliniques n’est donc pas souhaitable lorsqu’on veut étudier la stratégie particulière mise en place par les enfants ayant une atteinte bilatérale.

Les trois études de cette thèse se sont concentrées sur les atteintes bilatérales seulement. La taille des échantillons s’en est trouvée réduite, mais les conclusions des études s’appliquent à une population plus homogène ce qui augmente l’impact clinique des résultats pour cette partie moins fonctionnelle de la population.

7.2.3 Spécificité des patrons de marche

En plus de limiter l’inclusion des participants à des atteintes bilatérales, les études 2 et 3 de la présente thèse ont été effectuées en sélectionnant des patrons de marche spécifiques. Cette analyse a permis de constater des différences entre les patrons «crouch gait» et «jump gait» au niveau de la détérioration de la cinématique, des muscles fatigués, et de l’impact de la force musculaire (Études 2 et 3).

Dans la présente thèse, alors qu’une flexion maximale du genou a augmenté à la sixième minute dans les deux groupes, elle n’a été maintenue que par le groupe «crouch gait» (Étude 2) durant la phase d’appui. Dans le groupe «jump gait», cette

augmentation de flexion était plutôt suivie par une extension des genoux se rapprochant des valeurs initiales (Étude 3). Ce résultat suggère une force musculaire adéquate pour effectuer une extension de genou durant la phase de simple appui. L’action du couple FP/EG, permettant l’extension du genou durant l’avancement du tibia par l’action excentrique des fléchisseurs plantaires, pourrait expliquer en partie cette différence observée entre les deux patrons de marche. Alors que le couple FP/EG est absent dans le patron de marche «crouch gait», il est en partie actif dans le patron de marche «jump gait» (Brunner et Rutz, 2013 ; Sangeux et al., 2015). De plus, dans une étude de simulation, Correa et al. (2012) ont mis en évidence que les fléchisseurs plantaires étaient significativement plus utilisés dans le patron de marche «jump gait» pour l’accélération du CM vers le haut comparativement au patron de marche «crouch gait». La différence au niveau de la sollicitation des fléchisseurs plantaires entre ces deux patrons de marche pourraient ainsi expliquer la différence dans leur détérioration. En plus de considérer un groupe composé uniquement d’atteintes bilatérales, les résultats de ces études soulignent pour la première fois la nécessité de considérer séparément les patrons de marche pour évaluer l’impact de la force et de la fatigue musculaire sur les capacités de marche.