• Aucun résultat trouvé

5.3 Source de photons uniques polarisés pour la cryptographie quantique

5.3.2 Caractéristiques de la source de photons uniques polarisés

1000 800 600 400 200 0 600 400 200 0 -200 0.07 1.27 1.16 1.12 1.27 ns raw coincidence

Figure 5.20: Fonction d’autocorrélation de la source utilisée par Alice

La figure 5.20 représente une courbe d’autocorrélation d’un centre NV unique posé sur le miroir diélectrique. La puissance d’excitation est de 0.21 mW, ce qui correspond au maximum du facteur de mérite. Cette valeur est 5 fois plus faible que dans la section précédente. En effet, l’objectif est de meilleure qualité et présente moins d’aberrations. De plus, la réflexion d’une partie de la pompe par le miroir diélectrique crée des interférences constructives du laser excitateur au niveau du nanocristal. Ces deux phénomènes expliquent la réduction observée de la puissance de saturation. En ajustant la fonction d’autocorrélation comme dans le paragraphe 5.2.2.1, on obtient la durée de vie du centre NV sur le miroir qui est 23.06 ns. Cette valeur est très proche de celle obtenue avec les échantillons déposés sur la silice, ce qui est compatible avec l’indice n = 1.5 de la dernière couche du miroir.

En ajustant avec la formule 5.13 on a, dans le cas présent, Ton= 1400ns et Tof f = 600ns, soit un

rapport cyclique de Ton/(Ton+ Tof f) = 0.71. Cette valeur est légèrement supérieure à celle mesurée

dans la section 5.2.3, mais on n’excite pas le centre NV à saturation (voir figure 5.14).

5.3.2.1 Facteur fil

Nous avons introduit au chapitre 1 le facteur fil, défini par fil = Pn≥2/Pn≥1. Pour évaluer la qualité

de la source de photons uniques, nous allons donner une estimation de ce facteur. Compte tenu de la faible efficacité de collection, on a Pn≥2 ≈ p2, où p1et p2 sont les probabilités de détecter un et deux photons par impulsions, et p2 = p21/2pour une source poissonienne. On obtient alors :

fil = p2 p1+ p2 (5.15) = CN(0) p1 2 1 + CN(0)p21 (5.16)

Dans un premier temps, on mesure le facteur CN(0)en ajustant la fonction d’autocorrélation avec

la formule 5.5. On obtient CN(0) = 0.07. Notre source émet donc 14.3 fois moins d’impulsions

contenant deux photons qu’une source cohérente atténuée ayant le même p1 . Ceci implique que

filP hU niques = 0.73× 10−3contre filCoherente= 10.4× 10−3pour une source cohérente atténuée avec la

La valeur théorique du facteur filpour une impulsion de durée 0.8 ns est donnée par (voir chap

1) filth = 0.36× 10−3. L’écart entre la théorie et notre valeur expérimentale est faible et provient

essentiellement du bruit de fond résiduel.

5.3.2.2 Efficacité de collection

Pour une puissance d’excitation de 0.21 mW moyen à un taux de répétition de 5.3 MHz, on col- lecte 35000 photons par photodiode. Le centre étudié ici présente un taux de polarisation de 46%, ainsi le nombre de photons non-polarisés collectés et détectés par notre système pour chaque photo- diode serait de 43000 photons par seconde si l’on n’avait pas de cube polariseur, soit une efficacité de production de photons uniques ηprodmirr = 0.008. Ce nombre est à comparer aux 10000 photons à 10

MHz pour les nanocristaux déposés sur une lame de silice (ηnano

prod = 0.001). Le gain en efficacité de

production de photons uniques est d’un facteur 8.

Pour estimer l’efficacité de collection, on doit tenir compte du rapport cyclique de l’émetteur. L’efficacité de collection (par photodiode) pour un nanocristal déposé sur une lamelle de microscope est de ηlamelle= 10000/(0.54× 10 × 106) = 0.0018et pour un centre NV déposé sur un miroir diélec-

trique ηdiel= 43000/(0.71×5.3×106) = 0.011, ce qui équivaut à un gain net en efficacité de collection

de 6. Si l’on considère que le miroir contribue d’un facteur 2 sur l’augmentation de l’efficacité, le fait de changer d’objectif augmente l’efficacité de collection d’un facteur 3.

On peut maintenant estimer le nombre de photons uniques réellement utilisables pour la cryp- tographie quantique. Ce nombre correspond à la somme des photons collectés par les deux photodi- odes à avalanche, en tenant compte de leur efficacité de collection de ηP DA= 0.6. Ainsi le nombre de

photons uniques en sortie du trou confocal est Nutile = 35000× 2/ηP DA = 116000photons uniques

polarisés par seconde. L’efficacité de production des photons uniques est ηprodcrypto = 116000/5.3MHz = 0.0218, soit 2.2% environ.

Remarque : Pour caractériser la source de photons uniques, nous nous intéressons à l’efficacité de "production" de photons uniques, et non pas à l’efficacité de collection où l’on tient compte de la correction dû au niveau métastable, puisque le chiffre intéressant en cryptographie le nombre de photons réellement utilisables pour coder l’information.

5.3.2.3 Résumé

Nous pouvons résumer les principales caractéristiques de la source stable de photons uniques polarisés, que nous avons réalisée :

• Elle délivre 116000 photons uniques polarisés linéairement par seconde. Le taux de répétition

du laser impulsionnel étant de 5.3M Hz, l’efficacité globale de la source est de 2.2%.

• Le paramètre CN(0)vaut CN(0) = 0.07. Le nombre d’impulsions contenant deux photons est

de 81 photons· s−1 contre 1168 photons· s−1pour une source cohérente atténuée. Le taux de fuite d’information filvaut fil= 0.73× 10−3, et est proche de la valeur théorique attendue.

• La durée de vie est de Γ = 23 ns. On collecte alors 86% des photons émis dans une fenêtre de

2Γ = 46ns, et 89% dans une fenêtre de 50 ns.

• A température ambiante, la largeur totale du spectre d’émission est de 100 nm, et le centre NV

5.4

Conclusion

Dans ce chapitre, on a étudié le centre NV dans les nanocristaux de diamant sous excitation impulsionnelle, et mis en place une source de photons uniques. Pour ces expériences, on a monté un laser impulsionnel, composé de plusieurs éléments juxtaposés. Il délivre des impulsions à λ = 532 nm, de durée 0.8 ns, à une cadence de 16/n MHz où n peut varier de 2 à 8.

Les mesures photophysiques que nous avons effectuées montrent un clignotement rapide de l’ordre de quelque centaines de nanosecondes, qui est responsable d’une perte d’environ 50% de l’efficacité de la source. Sous excitation impulsionnelle nous avons mesuré directement la durée de vie de l’émetteur. La valeur obtenue (Γ−1 ≈ 23 ns) ainsi que le taux de clignotement, sont conformes aux résultats obtenus sous excitation continue.

Pour augmenter l’efficacité de collection, on a placé les nanocristaux de diamant sur un miroir diélectrique. La fraction d’impulsions contenant un photon (polarisé linéairement) est alors de ηprod =

2%, et le nombre d’impulsions contenant deux photons est réduit d’un facteur 14 par rapport à une source cohérente atténuée. Nous allons maintenant décrire le montage de cryptographie quantique mis en place à partir de cette source de photons uniques, ainsi que la transmission d’une clé secrète.

Cryptographie quantique

Ce dernier chapitre est consacré aux expériences de cryptographie quantique que nous avons effec- tuées avec notre source de photons uniques polarisés. Après une description succincte du protocole de cryptographie quantique utilisé, je détaillerai le principe de fonctionnement de notre prototype et présenterai les résultats que nous avons obtenus. Les performances de notre montage de cryptogra- phie seront ensuite comparées à celles d’autres réalisations actuelles de cryptographie quantique, basées sur des sources cohérentes atténuées.

6.1

Principe du protocole de cryptographie

Pour distribuer une clé de codage quantique (Quantum Key Distribution: QKD), nous allons coder l’information sur l’état de polarisation d’un photon unique. Soit un photon dont l’état de polarisation|ψ dans la base de polarisation |H et |V (Horizontale et Verticale) est |ψ = α |H +

β|V avec la normalisation |α|2 +|β|2 = 1. Une mesure effectuée à l’aide d’un cube séparateur de polarisation revient à projeter l’état de polarisation sur l’un des vecteurs de base. La probabilité que le photon soit transmis est alors T =|α|2, tandis que celle qu’il soit réfléchi est R =|β|2. Si on prépare le photon avec α = 1 ou β = 1, alors on connaît par avance avec certitude le résultat de la mesure.

Si au contraire on choisit α = 1/√2et β = ±i/√2(polarisation circulaire), alors les probabilités pour que le photon soit transmis ou réfléchi sont égales et données par T = R = 1/2. Par contre, le résultat sera parfaitement déterminé si, pour faire la mesure, on effectue un changement de base et l’on se place dans la base circulaire, soit|D = 1/√2|H + i/√2|V et |G = 1/√2|H − i/√2|V . On peut donc coder un bit d’information sur l’état de polarisation d’un photon unique, mais cette information ne pourra être lue que si l’on connaît la base de polarisation dans laquelle elle a été codée.

La propriété de la mécanique quantique qui va garantir la sécurité de la transmission de la clé est le théorème de non-clonage : il n’est pas possible de copier parfaitement un état quantique inconnu [6]. Une démonstration par l’absurde montre cette impossibilité.

Supposons qu’il existe un opérateur unitaire de clonage U capable de dupliquer l’état d’un qubit1 sur un autre, et qui s’écrirait (en recopiant l’état du premier qubit sur le second) :



|0 |0 U

−→ |0 |0 |1 |0 U

−→ |1 |1 (6.1)

1Un qu-bit est l’équivalent quantique d’un bit d’ordinateur classique. Il se distingue du fait qu’il peut être dans une

superposition des états|0 et |1

On veut copier à l’aide de l’opérateur U l’état|ϕ = (a |0 + b |1 ) sur l’état |0 , il faut donc réaliser la transformation :

|ϕ |0 U

−→ |ϕ |ϕ = a2|0 |0 + b2|1 |1 + ab (|0 |1 + |1 |0 ) (6.2) Or les opérateurs de la mécanique quantique sont linéaires et d’après 6.1

(a|0 + b |1 ) |0 −→ a |0 |0 + b |1 |1 U (6.3) Les équations 6.2 et 6.3 sont contradictoires, sauf dans le cas particulier où ab = 0. Il n’est donc pas possible de cloner un état arbitraire. Appliqué à la cryptographie quantique, ceci implique qu’un espion n’est pas capable de recopier un qubit, choisi arbitrairement dans un ensemble d’états non orthogonaux.