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Caractérisation in-situ de la binode en milieu agité

I. DEMIXTION LIQUIDE-LIQUIDE EN MILIEU AGITE

I.1. Caractérisation in-situ de la binode en milieu agité

Théoriquement, la caractérisation d’une courbe d’équilibre, la solubilité par exemple, se fait par dissolution et par croissance des cristaux. On définit ensuite la température

d’équilibre (Te) correspondante à la valeur de solubilité comme

2 disso croiss e T T T + = si

Tcroiss≠Tdisso. Dans notre cas la courbe d’équilibre est la binode qui correspond à l’apparition de gouttes lors du refroidissement de la solution et leur disparition dans le cas du chauffage. C’est pourquoi, nous la caractériserons en refroidissant et en chauffant une solution de concentration donnée en principe actif en mesurant en temps réel et simultanément la turbidité et la conductivité de cette dernière. La température de la solution est connue à chaque seconde, par conséquent il est possible de représenter la turbidité et la conductivité de la solution en fonction de la température afin de déterminer la température de point trouble (apparition ou nucléation des gouttes) ou d’homogénéisation (disparition ou dissolution des gouttes). Il est important de noter que pour l’ensemble des expériences de caractérisation de la binode, aucune cristallisation n’a été observée avant l’apparition de la démixtion.

La figure 5.1(a) présente le relevé de turbidité d’une solution refroidie dans les conditions opératoires suivantes :

- Concentration de la solution égale à 14.66%massique de SR142801, - Solvant d’étude : Mélange Ethanol/Eau (54,2/45,8)massique,

- Volume de solution égale à 200 ml, - Agitation : 500 rpm

- Vitesse de refroidissement : 1°C/h

Pour des températures supérieures à 36,5°C la solution est limpide et sert de valeur de référence. Notons cependant que le signal de base ou référence n’est pas nul car la sonde turbidimétrique proche de l’agitateur « voit » ce dernier qui y est donc sensible.

A 36,1°C, le signal de turbidité diminue avec la température de la solution qui commence à s’opacifier. Or, lors de l’apparition de gouttes, on s’attend à ce que ces dernières diffusent

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plus la lumière augmentant ainsi le signal de turbidité. On rappelle que la mesure de la turbidité est une mesure relative. D’un point de vue physique, on explique la diminution du signal turbidimétrique par le fait que les gouttes « cachent » l’agitateur mécanique à l’origine du signal de base. Si on continue à refroidir la solution, le signal de turbidité augmente pour des températures inférieures à 35,5°C. Cette augmentation peut être la conséquence de trois phénomènes qui sont l’apparition de nouvelles gouttes au sein de la solution mais aussi la croissance et la coalescence des premières gouttes formées. En dessous de 32°C le plateau que l’on observe sur la figure 5.1(a) n’a aucun sens physique, il s’agit simplement de la saturation du signal de turbidité.

De la même façon que dans le chapitre précédent nous avons chauffé la solution démixée avec la même vitesse que pour le refroidissement soit 1°C/h. Le signal de turbidité (fig.5.1(b)) correspondant au chauffage de la solution se juxtapose parfaitement à celui du refroidissement. La température d’homogénéisation de la solution (disparition de la démixtion liquide-liquide) est assez proche de la température du point trouble. On peut donc affirmer que pour une concentration de principe actif de 14,66%massique un point de la binode en milieu agité se situe à une température de 36,2°C ±0,1°C.

(a) (b)

Figure 5.1 : Relevé de turbidité en fonction de la température d’une solution de SR142801 (a) refroidie puis (b)chauffée avec la même vitesse de 1°C /h.

Considérons dans les mêmes conditions opératoires le signal de conductivité. Ce dernier, varie avec la température avec une loi de type Arrhénius suivante ;

     − = RT E exp . 0 χ

χ où χ est la conductivité électrique d’une solution (S.cm-1

), E l’énergie

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représentant le logarithme du signal de conductivité en fonction de 1/T, nous devrions obtenir une droite. Or, on observe sur la figure 5.2 une rupture de pente lors du refroidissement de la solution. On peut estimer à la lecture graphique que la rupture de pente se produit vers 37,3°C. Cette rupture de pente coïncide pratiquement avec l’augmentation de turbidité de la solution à T=36,1°C (fig.5.1(a)). On pourrait donc penser que la conductivité électrique de la solution refroidie est plus sensible à l’approche de la démixtion que ne l’est la turbidité. Mais cette détermination reste purement graphique, il est donc difficile de lui accorder beaucoup d’importance. De plus lors du chauffage de la solution la valeur de conductivité à la sortie de la zone de démixtion est différente de celle d’entrée, avec T=38,6°C. On peut alors définir un point de la binode à une température de 38,0°C±0,6°C pour une solution à 14,66%massique en principe actif. La différence entre les points de la binode caractérisée par turbidimétrie et par conductimétrie est de 1,8°C±0,9°C. Cette différence peut être due à l’imprécision de la résolution graphique dans le cas de la conductivité mais aussi à des problèmes d’ordre techniques comme la pollution des électrodes de conductivité lors de la démixtion. Théoriquement à l’entrée comme à la sortie de la démixtion la solution possède la même concentration en principe actif dans le cas où aucune cristallisation n’aurait lieu à l’intérieur de la zone de démixtion et devrait donc donner la même valeur de conductivité. Or ceci n’est pas vérifié dans notre cas (fig.5.2), et aucun cristal n’est apparu. Le passage par la démixtion liquide-liquide perturbe donc considérablement le signal de conductivité qui reste donc difficilement interprétable.

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Figure 5.2 : Graphique représentant l’influence de la température sur la conductivité d’une solution de principe actif refroidie puis chauffée.

En résumé, la turbidimétrie semble être la technique appropriée à la caractérisation de la binode en milieu agité.

Des techniques de visualisation de la solution ont également été testées durant 3 jours dans les conditions opératoires décrites précédemment.

La première technique est un microscope de vision continue « in-process » , la Particle Vision and Measurement (PVM) décrite dans le chapitre III. En plaçant cette sonde dans le milieu il est possible de voir jusqu’à 60% de particules en suspension avec une bonne qualité d’image et une résolution de 5µm. Nous avons ainsi pu suivre le comportement d’une solution de SR 142801 lors de son refroidissement à la vitesse de 1°C/h. Lorsque la solution est limpide, la sonde fournit une image noire (fig.5.3(a)). En revanche, pour une température de 36°C (fig.5.1) l’image commence à s’éclaircir pour laisser entrevoir quelques gouttes en suspension (fig.5.3(b)). Si on continue à refroidir la solution, on observe de plus en plus de gouttes qui semblent croître (fig.5.3(c)). Cette technique semble être moins sensible que la turbidimétrie dans la détection de la démixtion liquide-liquide, mais elle permet d’observer la nature et la forme des particules en suspension. La PVM peut donc être une technique complémentaire et de validation de la turbidimétrie.

(a) (b) (c)

Figure 5.3: Images fournies par la PVM (a) solution limpide à T=40°C, (b) apparition de quelques gouttes en suspension à T=36°C, le système commence sa rentrée dans la zone de démixtion, (c) gouttes plus nombreuses et plus grosses, la solution démixée continue à être refroidie à T=35°C.

La seconde technique est un pilote mis au point par Rivoire au sein du laboratoire d’Automatique et de Génie des Procédés de Lyon. Le dispositif expérimental ainsi que le

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principe ont été préalablement décrits dans le chapitre III de ce manuscrit. Nous avons réalisé la même expérience que précédemment afin de comparer les deux techniques de visualisation. Lors du refroidissement de la solution, nous avons observé la démixtion liquide-liquide à 36°C. Cette démixtion liquide-liquide s’est traduit par une opacification brutale de la solution, obscurcissant complètement l’image, dans ces conditions la visualisation de l’apparition des gouttes n’est pas possible. Cette technique tout comme la PVM est limitée par la densité de particules en suspension. Ainsi dans notre cas, l’observation des gouttes en suspension (fig.5.4) ne peut être réalisée que lors de l’arrêt du mobile d’agitation du système, ce qui pourrait être gênant dans le cas d’une étude de l’influence de l’agitation sur la nucléation ou les transitions de phases par exemple. En revanche, dans le cas où la densité de particules en suspension le permettrait, la technique de visualisation mis au point par Rivoire fournit de meilleures images que la PVM. Il est à noter d’un point de vue économique que le pilote Rivoire est bien meilleur marché que la PVM, pratiquement 5 fois moins coûteux.

Figure 5.4 : Gouttes photographiées par la technique de visualisation mis au point par Rivoire, à T=35°C avec l’agitation arrêtée.

En résumé, la turbidimétrie couplée à une des sondes de visualisation « in-process » sont deux techniques complémentaires. Leur utilisation dans l’élaboration du procédé de cristallisation d’une molécule pharmaceutique pourrait s’avérer très intéressant pour la mesure de zone métastable, pour la visualisation de transitions de phases (Polymorphisme et démixtion) et pour la validation d’un procédé.

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I.2. Influence de la rampe de refroidissement sur l’apparition de la