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Caractérisation de la coquille d’oxyde

2.2 Étude par microscopie électronique en transmission

2.2.4 Caractérisation de la coquille d’oxyde

Pour les agrégats orientés selon un axe binaire, dans la section précédente, nous avons observé des plans supplémentaires autour du cœur icosaédrique de cobalt. Ces plans appartiennent à une coquille d’oxyde de cobalt qui s’est formée au contact de l’air (dépôt d’agrégats non recouverts). Les clichés de la figure2.12indiquent que cette coquille (flèches blanches) est cristallisée.

Comme le cobalt, l’oxyde de cobalt est aussi de structure cfc. Pour mettre en évidence la nature et la structure de l’oxyde de cobalt qui se forme autour de la coquille, nous nous sommes intéressés aux distances inter-réticulaires. Dans le tableau 2.1, nous avons rappelé les distances inter-réticulaires des principaux plans du cobalt et de ses oxydes massifs de structure cfc.

plans distances distances distances {hkl} Co cfc (Å) CoO cfc (Å) Co3O4spinelle (Å) 111 2.05 2.46 4.67 200 1.77∗ 2.13 4.04 220 1.26 1.51 2.86 311 1.07 1.29 2.44 222 1.03 1.23 2.33 400 0.89 1.06 2.02

TAB. 2.1 – Distances inter-réticulaires pour les matériaux massifs Co (cfc), CoO (cfc) et Co3O4

(spinelle). Les chiffres en italiques représentent les distances inférieures à la limite de résolution du microscope. L’astérisque représente les distances inter-réticulaires à la limite de résolution du microscope.

On voit dans ce tableau que les oxydes ont des distances inter-réticulaires plus grandes que celles du cobalt. Étant donné la résolution de nos mesures, on peut espérer mettre en évidence la structure de l’oxyde de cobalt.

À partir des images MEHR filtrées nous avons mesuré les distances inter-réticulaires des plans de la coquille et procédé à l’indexation de ces plans par comparaison relative à la distance moyenne entre les plans {111} du cœur de cobalt obtenue dans la partie précédente (2.19 ± 0.05 Å).

Coquille d’oxyde en relation d’épitaxie avec l’icosaèdre

Sur la figure 2.22 nous avons représenté une image filtrée d’un agrégat de cobalt sur lequel on distingue des plans supplémentaires autour du cœur icosaédrique de cobalt (le cliché MEHR correspondant est celui de droite de la figure2.12).

FIG. 2.22 – Image MEHR filtrée d’un agrégat de cobalt ayant une coquille d’oxyde en épitaxie (le cliché correspondant est celui de droite de la figure 2.12). Les flèches blanches sur l’image filtrée indiquent la direction des plans {111} et {200} de la coquille. Le schéma de droite illustre la croissance en épitaxie d’un oxyde de cobalt de structure cfc sur un agrégat icosaédrique.

Sur cette image, on reconnaît les plans {111} et {200} par l’angle de 55° entre eux (à comparer à 54.7° dans le cfc massif). D’autre part, on mesure une distance de 2.52 ± 0.05 Å entre les plans {111} et de 2.26 ± 0.05 Å entre les plans {200}.

Compte tenu des distances inter-réticulaires dans l’oxyde Co3O4(cf. tableau 2.1), il est exclu

que la coquille soit de cette nature. Les distances entre les plans {111} et {200} sont beaucoup trop élevées. Par ailleurs les propriétés magnétiques d’agrégats oxydés, que nous présenterons au chapitre3, nous permettent aussi d’exclure cet oxyde.

Dans le tableau2.2nous avons reporté les différentes distances inter-réticulaires mesurées sur l’agrégat de la figure 2.22, celle des matériaux massifs et des ratios de distance avec la distance entre les plans {111} du cobalt.

Plans Distances inter-réticulaires

dhkl(Å) dans . . .

Ratio des distances avec d111 du cobalt

{hkl} agrégat massif agrégat massif

111 (Co) 2.19 2.05 1 1

111 (CoO) 2.52 2.46 1.15 1.20

200 (CoO) 2.26 2.13 1.03 1.04

TAB. 2.2 – Distances inter-réticulaires pour l’agrégat de la figure2.22.

On peut comparer les distances inter-réticulaires de la coquille et les ratios dhkl(coq.)/d111(Co)

avec les valeurs de l’oxyde CoO de structure cfc. Bien que les distances inter-réticulaires mesurées soient supérieures aux valeurs attendues dans les matériaux massifs, les rapports entre ces distances concordent bien avec l’hypothèse d’une coquille de CoO autour du cœur de cobalt.

L’indexation des plans de CoO ({111} et {200} représentés sur le cliché MEHR) et l’angle entre ces plans (55°) nous indiquent que l’oxyde croît en épitaxie sur cet agrégat. Le schéma de la figure2.22 illustre la relation d’épitaxie entre une face de l’icosaèdre de cobalt et la coquille cfc de CoO.

Le désaccord de maille entre les deux matériaux est de l’ordre de 20%. Comme nous n’avons pas de calibration absolue du microscope, à ce stade de l’étude, on peut dire que l’on est entre deux hypothèses extrêmes de déformation des matériaux :

1. la distance entre les plans {111} du cobalt est identique à celle du massif (2.05 Å). Dans ce

cas le CoO se contracte d’environ 5% pour s’accommoder sur le cœur.

2. la distance entre les plans {111} de l’oxyde de cobalt est identique à celle du massif (2.46 Å).

Dans ce cas, le cobalt se dilate d’environ 5% pour que la coquille puisse s’accommoder.

Nous verrons grâce aux mesures de diffraction de rayons X et à la modélisation des déformations de l’icosaèdre (section2.3) que c’est plutôt la coquille d’oxyde de cobalt qui se contracte.

Coquille d’oxyde en relation de macle avec l’icosaèdre

L’épitaxie n’est pas le seul mode de croissance de la coquille d’oxyde de cobalt sur un agrégat. Le deuxième mode observé est le maclage. La figure 2.23 représente une image MEHR filtrée d’un agrégat dont la coquille d’oxyde est en relation de macle avec le cœur icosaédrique (le cliché MEHR correspondant est celui de gauche de la figure2.12).

FIG. 2.23 – Image MEHR filtrée d’un agrégat de cobalt ayant une coquille d’oxyde en relation de macle (le cliché correspondant est celui de gauche de la figure 2.12). Les flèches blanches sur l’image filtrée indiquent la direction des plans {111} et {200} de la coquille ; les flèches noires indiquent les plans de macle entre l’agrégat et la coquille. Le schéma de droite illustre la croissance en relation de macle d’un oxyde de cobalt de structure cfc sur un agrégat icosaédrique. Sur cet agrégat on distingue une couche supplémentaire d’atomes de cobalt.

Comme précédemment, l’indexation des plans de la coquille et l’angle entre ces plans permet d’établir la croissance maclée de l’oxyde (schéma de la figure2.23). Sur l’image filtrée on distingue parfaitement différentes familles de plans {111} et {200} du CoO de structure cfc (la direction de quelques-uns d’entre eux est donnée par les flèches blanches). De plus, sur la face de l’icosaèdre située en haut à droite du cliché, l’angle entre les plans {111} et {200} est de 126° (à comparer à 125.3° dans le cfc massif) ; l’angle entre les deux familles de plans {111} de la face de l’icosaèdre

située en haut à gauche est de 71° (à comparer à 70.6° dans le cfc massif). On peut faire le même

raisonnement sur les deux faces du bas de l’icosaèdre. On détermine ainsi que l’oxyde de cobalt est en relation de macle sur les quatre faces de cet agrégat. De plus on distingue très nettement les plans de macle au niveau des faces externes de l’agrégat (flèches noires).

Les distances moyenne entre les plans {111} d’une part (d111= 2.54 ± 0.05 Å), et entre les

plans {200} d’autre part d200= 2.28 ± 0.05 Å, sont similaires à celles mesurées dans la coquille

épitaxiée de la section précédente. Cela indique qu’en terme de déformation des matériaux (pour accommoder le désaccord de maille) le cas d’une coquille d’oxyde maclée se ramène à celui d’une coquille épitaxiée.

Croissance mixte de la coquille d’oxyde

La figure 2.24 représente une image MEHR filtrée d’un agrégat dont la coquille d’oxyde est mixte (macle et épitaxie) avec le cœur icosaédrique (le cliché MEHR correspondant est celui du centre de la figure2.12).

FIG. 2.24 – Image MEHR filtrée d’un agrégat de cobalt ayant une coquille d’oxyde en relation de macle et d’épitaxie (le cliché correspondant est le cliché central de la figure2.12). Les flèches blanches sur l’image filtrée indiquent la direction des plans {111} et {200} de la coquille ; les flèches noires indiquent les plans de macle entre l’agrégat et la coquille. Le schéma de droite illustre la croissance mixte d’un oxyde de cobalt de structure cfc sur un agrégat icosaédrique.

Sur cet agrégat, la coquille possède deux plans de macle avec le cobalt (représenté par des flèches noires) sur deux faces opposées de l’icosaèdre. Sur les deux autres faces la coquille est en épitaxie. Le schéma de droite de la figure2.24illustre les deux types de croissance de l’oxyde.

Habillage de l’icosaèdre avec une coquille d’oxyde de cobalt

La MEHR permet d’identifier précisément la structure de la coquille d’oxyde sur un agrégat icosaédrique. Par contre le contraste sur les images ne permet pas de déterminer précisément cette structure à l’interface oxyde-oxyde entre deux faces adjacentes de l’icosaèdre. Nous proposons ici trois modèles d’interface oxyde-oxyde selon la nature de la coquille.

Lorsque la coquille croît en épitaxie sur les faces de l’icosaèdre, elle «prolonge» en quelque sorte la structure de l’icosaèdre. Pour passer d’une face à une autre adjacente (elle aussi en épitaxie) il faut donc une macle à l’interface oxyde-oxyde, tout comme dans le cœur de cobalt de l’agrégat (Fig.2.25).

FIG. 2.25 – Coquille d’oxyde épitaxiée sur deux faces adjacentes d’un icosaèdre. Le cobalt est

représenté par des sphères (deux tétraèdres adjacents de l’icosaèdre) ; les plans (111) de la coquille sont représentés par des lignes.

Lorsque la coquille est maclée sur une face, tout se passe comme si, à cet endroit croissait un nouveau tétraèdre cfc. Si deux faces adjacentes ont à leur surface un oxyde maclé, comme c’est le cas de l’agrégat de la figure 2.25, il faudrait introduire un 5eme` tétraèdre cfc pour fermer la structure, ce qui impliquerait deux macles dans l’oxyde. Nous ne l’avons pas observé.

FIG. 2.26 – Coquille d’oxyde maclée sur deux faces adjacentes d’un icosaèdre. Le cobalt est re- présenté par des sphères (deux tétraèdres adjacents de l’icosaèdre) ; les plans (111) de la coquille d’oxyde sont représentés par des lignes.

Enfin si sur deux faces consécutives on a un oxyde maclé et un oxyde en épitaxie, comme sur la figure2.27, alors, à l’interface oxyde-oxyde, il faut introduire par exemple une dislocation pour fermer la structure.

FIG. 2.27 – Coquille d’oxyde mixte sur deux faces adjacentes d’un icosaèdre. Le cobalt est re- présenté par des sphères (deux tétraèdres adjacents de l’icosaèdre) ; les plans (111) de la coquille d’oxyde sont représentés par des lignes. Le point d’interrogation symbolise la présence d’un défaut à l’interface oxyde-oxyde, comme par exemple une dislocation.

En termes d’énergie de structure, la coquille d’oxyde en épitaxie tout autour de l’icosaèdre est la plus favorable. À l’autre extrême la coquille maclée entièrement sur l’icosaèdre, possédant le maximum de macles, n’est pas favorable. Entre ces deux configurations, on peut et on a observé effectivement des coquilles mixtes, dont on ne peut résoudre que quatre faces en MEHR.

Conclusions

La coquille d’oxyde de cobalt qui se forme autour des agrégats de cobalt icosaédriques est cristallisée dans une structure CoO cfc. Elle est constituée de quelques plans atomiques (∼ 1 nm d’épaisseur), ce qui correspond à ce qu’on peut évaluer d’après les propriétés magnétiques des agrégats (cf. chapitre3). Ces résultats sont en accord avec des observations d’agrégats de cobalt oxydés fabriqués par pulvérisation et condensation en phase vapeur avec des sources similaires à la nôtre [80, 66]. Les auteurs ont observé une coquille d’oxyde de structure CoO cfc d’environ 1 nm qu’ils ont mis en évidence par diffraction électronique.

La relation entre le cœur et la coquille n’a jamais été observée sur des agrégats oxydés de quelques nanomètres de diamètre. Les mesures en MEHR nous ont permis de mettre en évidence deux types d’interfaces possibles entre le cœur icosaédrique de cobalt et la coquille d’oxyde : l’épitaxie et le maclage. Pour certains agrégats les deux types d’interface sont présents. D’autre part, parmi les trois orientations de l’icosaèdre facilement identifiables en MEHR (axes de symétrie d’ordre 2, 3 et 5), l’axe binaire est le seul selon lequel nous avons observé la structure de la coquille. Cela est probablement dû au fait que selon un axe binaire l’interface entre le cobalt et l’oxyde est parallèle au faisceau incident d’électrons, ce qui permet de bien distinguer les plans {111} de l’oxyde de ceux du cœur de cobalt.

Le modèle en cœur/coquille que l’on déduit des observations en MEHR fait apparaître des coquilles d’oxydes épitaxiées ou maclées ne présentant que des faces {111} avec le cobalt. On peut alors imaginer que l’on a au moins localement ou sur quelques facettes une orientation non compensée de l’AF, qui permet par interaction d’échange un ancrage très fort du F.