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CHAPITRE II : ETUDE GEOCHIMIQUE

C- Les sédiments de fond du lac d’Aydat

1- Caractérisation chimique des sédiments du lac d’Aydat

Les études présentées précédemment ont montré l’importance de la phase authigène dans les sédiments du lac d’Aydat. Elle agit directement sur la concentration de certains éléments dans les sédiments des trappes et modifie considérablement la composition inorganique du flux sédimentaire. Pour mieux comprendre l’enregistrement du flux sédimentaire autochtone dans les sédiments anoxiques du lac d’Aydat, une comparaison des sédiments de fond du lac avec ceux de la rivière Veyre a été réalisée de façon à s’affranchir de la fraction terrigène des sédiments. Les sédiments de la Veyre étant considérés comme représentatifs des apports allochtones arrivant au lac (cf. Partie I, chapitre II, p. 89).

Cette comparaison a été réalisée en normalisant les concentrations des éléments par rapport à l’aluminium (Al) qui est un élément indicateur d’allochtonie (cf. Partie I, chapitre II, p. 91). Pour chaque élément dosé dans les échantillons des sédiments, une teneur normalisée par rapport à Al est alors calculée de la façon suivante :

E(i)* = (E(i) / AlL) x AlV

E (i) = concentration de l’élément i considéré dans les sédiments du lac ; AlL = concentration en Al des sédiments du lac ; AlV = concentration en Al des sédiments de la rivière Veyre, et E(i)* = la concentration normalisée de l’élément i

La concentration normalisée de l’élément i du sédiment rapportée à celle du même élément (i) de la Veyre permet alors de définir un indice de variation Qi spécifique à l’élément dosé (i) dans chaque échantillon des sédiments :

II- GEOCHIMIE

Cet indice Qi correspond alors à un facteur d’"enrichissement" de l’élément i dans les sédiments du lac d’Aydat par rapport à la concentration du même élément i dans les sédiments de la Veyre. Si Qi = 1, l’élément i ne manifeste ni enrichissement ni appauvrissement relatif par rapport aux sédiments de la Veyre, tandis que l’enrichissement apparent se manifeste par Qi > 1 et l’appauvrissement apparent par Qi < 1.

Les résultats de cet indice Qi sont présentés en annexe F et résumés dans les figures 33 et 34. Les données des éléments conservatifs (Ti, Terres Rares, Nb, Ta, Th et Y ; cf. Partie I, chapitre I, p. 87), sont représentées par le domaine hachuré noté "Référence terrigène". Selon ces résultats, les sédiments du lac témoignent d’un enrichissement en Si, Fe, P, V, As, Cu, Pb et, dans une moindre importance, en Mn. Le lac fonctionnerait donc comme un piège pour ces éléments. En revanche, les sédiments du lac montrent un déficit apparent en Ca, Na et K par rapport à ceux de la Veyre (figure 33). En considérant l’ensemble de ces résultats, et en négligeant les variations généralement modérées des indices Qi tout au long de la carotte sédimentaire, il faut souligner les forts écarts que subissent ces indices Qi à 3 cm, 19 cm et 33,5 cm de profondeur. A 3 cm de profondeur, seuls les éléments sensibles aux conditions redox (Fe, Mn, V, P, As et Cu) présentent des indices Qi qui diminuent. Ceci amène à considérer ce niveau comme une interface redox. Cette interface s’étendant très certainement sur les cinq premiers centimètres du sédiment comme le suggère la distribution des éléments As, Cu et Mo. En effet, en environnement anoxique, ces éléments sont souvent associés aux sulfures : AsS2- ou H2As3S6- (Kuhn et al., 1994), CuS (Hong et al., 1995) et MoS3 ou MoS2 (Magyar et al., 1993). Les données présentées ici proviennent d’une carotte sédimentaire qui a été prélevée au mois de janvier 1996. A cette période de l'année, la colonne d’eau du lac est alors complètement oxygénée. Le comportement de ces éléments peut alors s’expliquer par la diffusion de l’O2 dissous des eaux du lac dans les eaux interstitielles de surface des sédiments. Cette oxygénation est alors susceptible de provoquer l’oxydation/dismutation des sulfures auxquels s'associent ces éléments. En revanche, les variations observées à 19 cm et 33,5 cm de profondeur correspondent à des venues de matériel détritique plus importantes. Ces venues ont été identifiées par la diffraction des rayons X ainsi que par les analyses granulométriques, par de plus forts pourcentages des fractions argiles et silts à ces niveaux (cf. tableau 8, p. 58).

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Le déficit apparent en Ca, Na et K des sédiments du lac, peut formellement s'expliquer, soit par une altération in situ de ces minéraux hérités, soit par une moindre contribution des feldspaths. Les spectres de diffraction des rayons X des sédiments de la Veyre et du lac, n'apportent pas d'information assez précise pour permettre de trancher entre ces deux hypothèses qui s’expriment par des différences de composition minéralogiques minimes. Ces éléments ont également été identifiés dans la phase authigène des sédiments des trappes, d’une part, sous forme de calcite de précipitation et, d’autre part, sous forme d’éléments associés à la matière organique authigène et/ou adsorbés sur les particules sédimentant dans la colonne d’eau. Cette fraction authigène n’intervient pas dans l’enrichissement des sédiments en Ca, Na et K, ce qui implique qu’elle est fortement déstabilisée lorsqu’elle atteint le sédiment réducteur. En effet, la calcite authigène est dissoute par le CO2 libéré lors de la minéralisation de la matière organique, tandis que les cations Ca, Na, K et Mg fixés sur les surface minérales et organiques du sédiment, sont eux, facilement échangés ou libérés. Cette dernière observation sera reprise et complétée dans le paragraphe suivant qui concerne les attaques séquentielles réalisées sur les sédiments du lac d’Aydat.

L’enrichissement des sédiments du lac en Si, P, V, Fe, As, Cu, Pb et Mn, s’explique par la chimie et la biologie des eaux du lac. En effet, Sarazin et Devaux (1991), qui ont réalisé un bilan annuel des éléments nutritifs (C, N, Si et P), ont montré que le lac fonctionnait comme un piège accumulatif pour la silice : 50 % du flux de Si entrant sous forme dissoute sont stockés sous forme de silice particulaire biogènique (frustules de diatomées). Le bilan du phosphore montre que cet élément s’accumule également dans les sédiments de fond, mais qu’il est périodiquement recyclé grâce à un couplage étroit avec le fer (Philippe, 1989). Les éléments Fe, V et Mn présentent des évolutions tout à fait similaires les uns avec les autres. La très bonne corrélation mise en évidence entre Fe et V (RFe-V = 0,92), s'accorde avec les processus d’accumulation du V dans les sédiments par adsorption de ce dernier sur les particules de fer authigènes, dans la colonne d’eau (cf. Partie I, chapitre II, p. 111). Le taux d’accumulation plus important de Fe par rapport à Mn s’explique, en revanche, par leur différence de comportement redox. Ainsi, Davison et al. (1982) ont montré que dans un lac saisonnièrement anoxique, les taux d’accumulation du fer étaient plus importants que ceux du manganèse, le fer n’étant que peu relargué du sédiment, contrairement au manganèse qui y est rapidement réduit dès son incorporation. Plus précisément, en ce qui concerne le lac d’Aydat,

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Michard et al. (soumis) qui ont effectué un bilan chimique d’éléments dans le lac (présenté ci-après, p. 157), ont abouti aux résultats suivants : sur 68 kmol.a-1 de Mn particulaire sédimenté, seules 5,4 kmol.a-1 étaient enfouies alors que sur 490 kmol.a-1 de Fe sédimenté, 300 kmol.a-1 étaient effectivement stockées. Ainsi au total, 60 % de Fe et moins de 10 % de Mn sont accumulés dans les sédiments de fond du lac d’Aydat.