CHAPITRE 2 : DEGRADATION ACCELEREE D’UNE GDL COMMERCIALE PAR
2.3 R ESULTATS ET DISCUSSIONS
2.3.11 Caractérisation électrochimique en pile
2.3.11.1 Méthodologie
Pour les analyses électrochimiques en pile, effectuées au LRGP, nous avons utilisé un AME
(Figure 2-30.b) constitué d’une membrane Nafion® 215 et des électrodes commerciales
chargées à Pt/C 40 % pour 0,5 mg de Pt/cm². Les GDLs dégradées sont placées à la cathode,
avec une 24 BC neuve côté anodique. L’ensemble AME-GDL monté est testé dans une
monocellule commerciale Paxitech de 5 cm² (Figure 2-30.a). A la cathode, la GDL est séparée
du reste de l’AME avec une grille de titane platiné Ti/Pt (Figure 2-30.b) pour pouvoir récupérer
la GDL après caractérisation électrochimique et l’analyser. La circulation des gaz à l’intérieur
de la pile s’effectue suivant un monocanal type serpentin. Au cours de la caractérisation, la pile
est alimentée en hydrogène sec et en air humide à 35°C en contre-courant et à pression
atmosphérique, avec une stœchiométrie de 3 et 2 respectivement. La température de la pile est
maintenue à 42°C. Ces paramètres sont choisis après une série d’expérience sous différentes
conditions opératoires (température et de stœchiométrie). Dans ces conditions, la performance
de la pile est meilleure. Un potentiostat avec booster (EC-Lab, Biologic) relié à la pile a permis
le contrôle et la mesure de la tension et du courant. En raison de la conception de la cellule
PaxiTech, la caractérisation électrochimique a été faite à faible densité de courant. De plus, il
est difficile de travailler à des températures supérieures à 45°C.
(a) (b)
Figure 2- 29. Cellule commerciale PaxiTech utilisée pour les analyses électrochimiques (a) cellule montée ; (b) côté cathodique de la cellule
La courbe tension-courant est tracée après une chronopotentiométrie de 10 minutes suivant la
série des courants suivante : 0,2, 0,6, 0,8, 1, 1,2, 1,4, 1,6 et 1,8 A. Un spectre d’impédance est
attribué pour chaque courant imposé. La mesure expérimentale est établie entre 10 MHz et
0,1 Hz et répartie sur 50 points à une amplitude du courant (I
a) de 10%. Cette caractérisation
permet de comparer qualitativement la performance de la pile en présence des GDL dégradées
et de les comparer les unes aux autres.
Cathode
Anode
Grille
de Ti/Pt
Membrane
Joint
d’étanchéité
24 BC
Connexion
potentiostat
2.3.11.2 Courbes tension-courant ou courbes de polarisation
Pour étudier l’impact de la dégradation des GDL sur la performance d’une pile, la Figure 2-30
illustre les courbes de polarisation et les courbes d’évolution de la puissance en fonction de la
GDL, neuve ou dégradée, montée en pile. Dans cette étude, quel que soit le type de la GDL
testée (neuve, dégradée par immersion dans l’acide ou dégradée par voie électrochimique), les
courbes courant-tension montrent un comportement très similaire lorsque la densité de courant
est inférieure à 0,2 A.cm
-2. Dans cette région, les pertes de transfert de charges et les pertes
ohmiques cinétiques notées sont plutôt liées aux propriétés de la membrane et aux électrodes.
Par conséquent, la similitude des réponses obtenues est simplement due au fait que le même
assemblage (membrane et électrodes) est utilisé au cours de la caractérisation électrochimique
en pile. Comme on pourrait s’y attendre, la performance de la pile obtenue à forte densité de
courant est la meilleure avec une GDL neuve.
Toutefois, quand la densité de courant est supérieure à 0,2 A.cm
-2, une chute de tension plus
importante est notée avec les GDL dégradées par comparaison à la GDL neuve. A 0,28 A.cm
- 2,
la tension des GDL immergée dans l’acide et dégradée à 1 V vs. ECS diminue de 100 et 140 mV
respectivement, alors que dans le cas des GDL dégradée à 1,4 V vs. ECS, la déviation de la
tension notée est de l’ordre de 260 mV. Cet écart de la tension à des hautes densités de courant
est expliqué par l’augmentation des limitations de transport de masse suite à la corrosion de
carbone et la perte d’hydrophobicité de la GDL vieillie. Les courbes courant-tension (V-I) et
les courbes d’évolution de la puissance montrent que la dégradation de la GDL a une grande
influence dans la région de transport de masse et par la suite sur la performance de la pile.
Quand la GDL devient moins hydrophobe suite à la perte de carbone et l’oxydation de sa
surface, sa capacité à évacuer l’eau devient plus faible. Par contre, la perte d’hydrophobicité
n’est pas le seul facteur qui influe la performance de la pile. Ce sont plutôt tous les changements
(morphologie, structure et composition) de la GDL qui impactent le fonctionnement en pile.
Figure 2- 30. Effet de la dégradation de la GDL sur la performance électrochimique de la pile, Tpile = 42°C
0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 50 100 150 200 250 300 Pow e r d e n si ty (W.cm -2) Vo ltage (V) Current (mA.cm-2)
Comme pour les courbes de polarisation, l’effet de la dégradation est aussi noté au niveau des
puissances générées. Les GDL dégradées ont une puissance maximale plus faible que celle de
la GDL neuve (Figure 3-30).
2.3.11.3 Spectres d’impédance
Bien que ce test n’ait duré que 10 minutes, la chronopotentiométrie à courant fixe montre que
la tension délivrée par la pile dépend fortement de l’état de la GDL testée. La Figure 2-31
présente la réponse de la pile et les spectres d’impédance à 0,12 A.cm
-2et 0,24 A.cm
-2. Quand
la GDL est dégradée par immersion dans l’acide pendant 1000 heures, la tension en pile diminue
légèrement à 0,24 A.cm
-2par rapport à la GDL neuve (Figure 2-31.a). En revanche, cette
diminution augmente respectivement de 3, 7 et 10 % avec les GDL vieillies à 1, 1,2 et 1,4 V vs.
ECS. Ces résultats justifient l’influence du changement de la morphologie de la GDL après
vieillissement sur le comportement électrochimique de la pile. En outre, quand le courant
augmente, la teneur en eau au sein de la pile augmente.
(a)
(b) (c)
Figure 2- 31. Chronopotentiométrie et spectres d’impédance en fonction de la GDL montée (a) CP-0,24 A.cm-2 ; (b) SIE-0,12 A.cm-2 ; (c) SIE-0,24 A.cm-2
observée. De plus, les GDL dégradées à 1,2 V et 1,4 V vs. ECS montrent une performance
moins stable avec la présence des fluctuations de tension tout au long du test. (Cho et al, 2011)
[80] ont expliqué ces fluctuations observées à un courant fixe par un noyage local de la GDL
dû à une perte d’hydrophobicité locale et par la suite une distribution et passage non uniforme
de l’eau au sein de la couche. Les limitations du transport des gaz et de l’eau sont aussi
observées par spectroscopie d’impédance avec l’augmentation de la boucle à haute fréquence
et par la suite l’augmentation de la résistance de diffusion, principalement à 0,24 A.cm
-2(Figure
2-31.c). Les mesures SIE montrent aussi que la résistance ohmique de la cellule montée avec
GDL neuve ou dégradée reste inchangée (Figure 2-31.b et c). Cet impact pourrait être lié à une
dégradation de la morphologie et du caractère hydrophobe de cette couche, discutée ci-dessus.
Après dégradation, la couche a perdu sa capacité à drainer l'eau en excès dans la pile ce qui
accélère le noyage de la structure poreuse de la pile à combustible.
2.4 Conclusion
Le but de cette étude était de comprendre et d’identifier les phénomènes de dégradation d’une
GDL en ex-situ. En conclusion, les résultats de différentes techniques d’analyse microscopique,
spectroscopique et électrochimique combinées permettent de mieux comprendre les
mécanismes du vieillissement des GDL. Avec la dégradation, les observations microscopiques
montrent une morphologie et une structure des couches qui changent en fonction des conditions
opératoires utilisées (acide, haut potentiel). De plus, les analyses spectroscopiques (XPS)
indiquent une variation de la composition chimique entre une couche neuve et dégradée. En
raison de ces changements, le caractère hydrophobe de la GDL diminue. D’après les
observations menées au cours de cette étude préliminaire, plusieurs conclusions peuvent être
faites :
i. La dégradation de la GDL dépend fortement des conditions opératoires choisies. Par
exemple, comparée aux autres tests, la corrosion électrochimique à 1,4 V vs. ECS
montre une dégradation plus importante de la couche (MPS+MPL) et une performance
en pile très faible (inférieure à 0,3 V à 0,24 A cm
-2). En revanche, après immersion dans
l’eau, la morphologie de la GDL est très similaire à celle d’une couche neuve.
ii. Contrairement au MPS, la MPL contient deux composés fluorés (CF
2et CF
xH
ypar
exemple). Cela est probablement dû au processus de fabrication du MPS et MPL. De
plus, les changements des propriétés de la GDL sont davantage visibles à la MPL [77].
iii. La dégradation d’une 24 BC est présente côté MPS et MPL. Par contre, chacune de ces
couches présente un comportement qui dépend de sa nature et ses composants (résines,
fibres, poudre de carbone). Le PTFE de la MPL se décompose, il a peut-être subi une
réorganisation structurale, tandis que pour le MPS le PTFE reste stable après
dégradation. De plus, la corrosion de carbone et l’oxydation de la surface sont beaucoup
plus élevées côté microporeux.
iv. Contrairement à ce qui a été mentionné dans l’étude (Schulze et al, 2005) (76) et (Yu
et al, 2013) [87] par comparaison à une couche neuve, la teneur relative en carbone de
la GDL dégradée diminue par contre, la teneur relative en fluor reste constante.
Dans ce cas, la dégradation du fluor après vieillissement des GDL discutée dans la
littérature n’est plus valable.
v. Les changements structuraux après dégradation ont un impact majeur sur les
mécanismes de transport des gaz réactifs, de l’eau liquide et de l’eau vapeur au sein de
la pile à combustible ce qui explique la baisse de la performance en pile pour les GDL
dégradée quel que soit le type de la dégradation (immersion ou oxydation
électrochimique). Mais, malgré l’impact de la GDL sur le comportement d’une pile à
combustible, aucun mécanisme de dégradation n’a pas été mis en évidence à ce jour.
Selon la littérature, les AST sont les méthodes expérimentales les plus adaptées pour mimer
pour une longue durée le fonctionnement normal en pile. Cependant, compte tenu de la
dégradation excessive ainsi que l’affaiblissement de la structure de la couche, ces méthodes
reflètent-elles le vrai vieillissement des couches en pile ?
Pour comparer les résultats de la dégradation ex-situ de la GDL avec ceux d’un vieillissement
en pile, le chapitre suivant s’intéresse à l’étude de la dégradation de la GDL et la pile obtenue
après cyclage dynamique.
CHAPITRE 3 : VIEILLISSEMENT
Dans le document
Impact et optimisation des microporeux sur le vieillissement et la gestion en eau en pile à combustible
(Page 106-112)