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Chapitre 4. Conclusion générale

4.1. Principaux résultats et conclusions

4.1.1 Caractères de croissance et de qualité du bois

Le modèle infinitésimal de Fisher (1918) concernant la variation génétique de nature quantitative propose que les caractères complexes sont contrôlés par plusieurs gènes à effet faible sur la variation phénotypique et que leurs effets sont aussi influencés par l’environnement. Conformément à ce modèle, plusieurs études sur l’architecture génétique des caractères complexes chez les arbres forestiers montrent que les caractères quantitatifs reliés à la croissance et à la qualité du bois sont contrôlés par plusieurs gènes à effets faibles (Neale & Savolainen, 2004). On note toutefois que plusieurs études qui sont basées sur des analyses d’association ont utilisé un petit nombre de marqueurs et d’arbres (voir Introduction générale Tableau 1.2) (e.g. González-Martínez et al., 2006, 2007; Thumma et al., 2009; Wegrzyn et al., 2010).

Dans le chapitre 2 de la présente thèse, nous avons utilisé un plus grand nombre d’individus et de marqueurs génotypés, ce qui a permis d’exploiter un jeu de données d’une ampleur beaucoup plus grande que les analyses récentes adoptant une approche par gènes candidats

chez les conifères (Dillon et al., 2010; Beaulieu et al., 2011; Guerra et al., 2013). L’étude comporte 1694 arbres, répartis parmi 214 familles uniparentales, qui ont été génotypés avec 6385 SNPs valides représentatifs de 2652 gènes candidats définis de façon plus large lors des études précédentes chez les conifères (Pavy et al., 2013). Nonobstant cet apport non- négligeable, l’originalité du travail repose aussi sur une démarche d’analyse relativement inédite chez les arbres forestiers. Notre stratégie n’utilise pas de correction du seuil de signification pour les tests multiples et met en œuvre différentes analyse a posteriori visant de découvrir les bases fonctionnelles des gènes identifiés. L’utilisation d’un critère statistique permissif pour l’identification de SNPs significatifs (P < 0,05) avait pour but de détecter un maximum d’associations en mode de découverte et non pas d’identifier des marqueurs permettant de prédire des phénotypes en mode de sélection variétale par exemple. Notre objectif était donc d’explorer une approche alternative pour exploiter les résultats des analyses d’association et apporter un nouvel éclairage sur l’architecture génétique des caractères polygéniques chez l’épinette blanche.

À la lumière des résultats obtenus, on évalue que les cinq objectifs énoncés au début de la thèse ont été atteints. Nous discutons ici de nos résultats à la lumière de nos hypothèses initiales.

H1. Les gènes associés aux caractéristiques du bois ont des rôles biologiques dans la mise en place, l’organisation et la synthèse des composantes de la paroi secondaire.

Nous avons identifié plusieurs gènes liés à la biosynthèse de la paroi secondaire, ainsi que des gènes qui contrôlent directement ou indirectement la formation du bois. Les analyses des fonctions prédites de ces gènes ont permis d’identifier des fonctions moléculaires ou des processus biologiques sur-représentés pour chaque liste de gènes significativement associés à un caractère de bois donné. L’analyse d’enrichissement a permis d’identifier 17 termes GO (Gene Ontology) sur-représentés liés aux différentes fonctions moléculaires et processus biologiques et qui variaient selon les différentes listes de gènes. Une autre analyse d’enrichissement a permis d’identifier 39 familles de protéines surreprésentées. Nous avons aussi observé plusieurs gènes identifiés par des études antérieures sur la formation du bois. À titre d’exemple, les gènes impliqués dans le développement du

cytosquelette (α-Tubulin, β-Tubulin) sont sur-représentés parmi les gènes significativement associés à l’angle des microfibrilles du bois initial. Ces gènes sont essentiels dans l'organisation des microtubules conduisant au dépôt de microfibrilles pendant le développement de la paroi cellulaire secondaire (Fletcher & Mullins, 2010). Plusieurs gènes codant pour des enzymes de voies de synthèse de cellulose (CesA2, CesA3) et de la lignine (phénylalanine ammonia-lyase (PAL), le 4-coumarate:CoA ligase (4CL) et la cinnamate 4-hydroxylase (C4H)) ont aussi été identifiés. La formation de la paroi cellulaire secondaire est un processus de développement complexe régulée par plusieurs facteurs de transcription telles que WRKY, domaine NAC et R2R3-MYB qui sont sur-représentés dans plusieurs listes de gènes des différents caractères.

H2. Les gènes associés aux caractéristiques du bois ont un profil d’expression indicatif

d’un rôle potentiel direct ou indirect dans la formation du bois.

Le grand nombre de gènes identifiés par notre approche a permis de réaliser une analyse quantitative des profils d’expression dans les différents tissus, et de calculer des corrélations servant à construire un réseau de co-expression. L’expression des gènes porteurs de SNPs significativement associés aux différents caractères du bois a été obtenue à partir d’une base de donnée d’expression développée par un collègue de laboratoire (Dr E. Raherison). La base de données regroupe des résultats d’expression de près de 24 000 gènes dans plusieurs tissus de l’épinette blanche, ce qui a permis d’identifier différents modules de co-expression décrits par Raherison et al. (2015). L’analyse a permis d’identifier entre 34 et 66 gènes dans le module des gènes fortement exprimés dans le xylème pour chacun des caractères étudiés. Nos résultats montrent que les gènes de ce module sont significativement sur-représentés par rapport aux gènes dans les autres modules de co-expression.

Un réseau de co-expression des gènes a été construit à partir des données d’expression des gènes fortement exprimés dans le xylème secondaire, c’est-à-dire le tissu représentant le bois utilisé par l’industrie. Ce réseau a permis l’identification de 20 gènes ‘hub’ les plus connectés et de proposer leurs rôles dans les mécanismes de régulation de l'expression. Par exemple, on trouve parmi les gènes ‘hub’ des facteurs de transcription de type R2R3-MYB et domaine NAC (PgNAC-7 et PgNAC-8) qui ont été l’objet d’études fonctionnelles

montrant leur rôle dans la régulation transcriptionelle de la formation du bois (Bomal et al., 2008; Bomal et al., 2014; Duval et al., 2014). Parmi ceux-ci, le facteur de transcription NAC-7 de l’épinette blanche (PgNAC-7) qui est associé à la densité du bois initial, est le gène ‘hub’ du réseau ayant le plus grand nombre de connections. Ce gène PgNAC-7 serait, selon des analyses phylogénétiques et d’activation transcriptionnelle, identifié comme régulateur en amont de plusieurs gènes et enzymes nécessaires à la biosynthèse de la paroi secondaire (Duval et al., 2014). L’analyse montre aussi que le facteur de transcription NAC-8 de l’épinette blanche (PgNAC-8), associé à l’angle des microfibrilles du bois initial et final, serait impliqué dans la régulation de la biosynthèse de la cellulose dans la paroi cellulaire secondaire. Ces mêmes gènes sont aussi préférentiellement exprimés lors de la formation du bois initial au début de la saison de croissance (Raherison et al., 2015). Les deux facteurs de transcription PgMYB8 et PgMYB4, associés dans cette étude à plusieurs caractères dans le bois initial et le bois final, ont eux aussi été l’objet d’analyses fonctionnelles qui ont montré leurs rôles dans la biosynthèse de la lignine dans la paroi secondaire des cellules vasculaires (Bomal et al., 2008).

Dans le chapitre 2, nous avons montré que la stratégie combinant les données d’expression et les fonctions prédites des gènes identifiés par les analyses d’association, sans correction pour tests multiples, permet de cerner un large réseau agissant potentiellement sur les propriétés du bois. Des études complémentaires permettraient d’élucider l'image complète de leur rôle dans la structure du bois et de démontrer leur expression pendant les différentes étapes de la formation du bois. Nos résultats ont donc permis de cerner un large groupe de gènes agissant potentiellement dans la formation du bois et contribuant à la variabilité phénotypique observée dans la population sous étude. Elle a mis notamment en évidence différents facteurs de transcription qui pourraient agir de concert pour réguler les différentes parties du métabolisme au cours de la formation du cerne de bois tout au long de la saison de croissance.

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