5.2. Indicateurs des effets de la pêche sur les peuplements ichtyologiques in situ
5.2.1. Réponse des variables et tendances : vers des indicateurs potentiels
5.2.1.2. Capacités prédictives des indicateurs sélectionnés
Afin d’illustrer le potentiel de détection de variables dont la réponse à la pression de pêche est
apparue significative et cohérente (biomasse et taille moyenne), l’article 4 présente une prédiction
effectuée à partir des paramètres du modèle utilisant une mesure de pression de pêche continue, pour
un cas particulier d’habitat, pour deux valeurs contrastées de pression de pêche (cohérentes avec la
gamme de pression de pêche sur la zone VKP). En vue de commenter les potentialités de réponse des
différentes variables identifiées dans l’article 4 comme indicateurs des effets de la pêche, il est
intéressant d’examiner les valeurs prédites pour l’ensemble des biotopes présents sur la zone VKP.
Des prédictions ont été effectuées selon la démarche décrite dans l’article 4 et pour l’ensemble des
habitats. Afin de se focaliser sur la zone d’étude principale de la thèse, ces prédictions ont été
effectuées pour le cas de la zone VKP uniquement, pour deux niveaux de pression de pêche : 1 et 50
kg.ha
-1.an
-1. La première valeur correspond à un niveau d’exploitation faible et la seconde à une
exploitation intense en regard des constats réalisés sur la zone VKP. Cette seconde valeur correspond
également au seuil limite d’exploitation durable communément considéré pour évaluer la
surexploitation des pêcheries récifales (Newton et al. 2007). L’effet année n’a pas été pris en compte
dans les prédictions, afin de simuler une situation moyenne estimée par le modèle et non le cas
particulier d'une année isolée. Les prédictions ont été réalisées pour les variables considérées comme
pertinentes dans l’article 4, biomasse, richesse spécifique et taille moyenne pour toutes les
espèces (Figure 5.1), densité et richesse spécifique des espèces cibles (Figure 5.2), densité, biomasse
et taille moyenne des espèces carnivores (Figure 5.3), biomasse et richesse spécifique des espèces
corallivores (Figure 5.4) :
Variables « toutes espèces» - Concernant la biomasse (Figure 5.1a), les intervalles de confiance
des prédictions ne se superposent jamais entre les deux niveaux de pêche considérés. Ces prédictions
sont discriminantes quel que soit le type d’habitat, suggérant un pouvoir de détection des effets de la
pêche satisfaisant pour cette variable. Il en va de même pour la richesse spécifique (Figure 5.1b),
même si les intervalles de confiance des prédictions sont proches. Ceci suggère que la gamme de
pression de pêche prise en compte correspond au contraste limite pour une détection significative des
effets de la pêche via cette variable. Concernant la taille moyenne des individus (Figure 5.1c), les
intervalles de confiance sont proches, avec des cas de superposition pour certains habitats. Par
conséquent, le pouvoir de détection de cette variable diffère selon le type d’habitat considéré.
Variables « espèces cibles » - Pour les deux variables considérées (densité et richesse
spécifique), on constate un recoupement des intervalles de confiance des valeurs prédites, pour
l’ensemble des habitats (Figure 5.2a & 5.2b). L’incertitude sur ces prédictions suggère un pouvoir de
détection insuffisant de ces variables pour les contrastes de pêche rencontrés sur la zone. Cette
moindre sensibilité de réponse pour ces variables n’infirme pas leur potentialité d’indicateurs des
effets de la pêche mais met en cause leur utilisation pour un suivi sur la zone VKP.
Variables « carnivores » - Concernant la densité (Figure 5.3a), le recoupement des intervalles de
confiance des prédictions suggère un potentiel de détection insuffisant. En revanche, la biomasse et la
taille moyenne (Figures 5.3b & 5.3c) présentent des valeurs prédites significativement différentes pour
l’ensemble des habitats considérés. Cette différence dans le potentiel de détection des effets de la
pêche entre densité d’une part, et biomasse et taille moyenne d’autre part, apparaît cohérente : un
grand nombre d’espèces carnivores ne sont pas ciblées par la pêche (ex. parmi les Labridae ou
Lutjanidae), tandis que les carnivores ciblés et observés par UVC sont généralement de grande taille
(ex. Serranidae). Il est donc cohérent que la densité, pour laquelle la contribution des espèces
non-cibles est importante, présente un pouvoir de détection plus limité que la biomasse ou la taille
moyenne.
Variables « corallivores » - La biomasse (Figure 5.4a) des espèces corallivores (i.e.
Chaetodontidae dans le jeu de données utilisées) ne présente aucune superposition des intervalles de
confiance des valeurs prédites, suggérant un pouvoir de détection intéressant pour les niveaux de
pêche considérés. Il en va différemment pour la richesse spécifique (Figure 5.4b). Le résultat,
concernant la biomasse des Chaetodontidae, apparaît surprenant dans le sens où ils ne constituent pas
une famille ciblée par la pêche. S’ils sont souvent utilisés en tant qu’indicateurs de perturbations
anthropiques (Reese 1981, Sano et al. 1984, Öhman et al. 1998, Khalaf & Crosby 2005), cette
variation significative vis-à-vis de la pression de pêche mériterait de faire l’objet d’une étude
approfondie en vue de confirmer cette tendance. Malgré une réponse statistique satisfaisante, il
convient d’être prudent quand à l’utilisation de cette variable en tant qu’indicateur des effets de la
pêche.
En définitive, ces variables ont présenté une réponse significative à la pression de pêche et
donnent des informations intéressantes concernant les effets de l’exploitation sur les peuplements
ichtyologiques, mais elles ne constituent pas nécessairement des indicateurs dans le cadre d’un suivi
de ces effets pour la zone VKP. En ce sens, l’analyse des prédictions fournit des informations
supplémentaires par une évaluation du potentiel discriminant de ces variables vis à vis des niveaux de
pression de pêche sur la zone VKP.
Figure 5.1 : Prédiction de biomasse (a), richesse spécifique (b) et taille moyenne (c) pour l’ensemble du
peuplement (toutes espèces), pour des pressions de pêche faible (1 t.ha
-1.an
-1, triangles noirs) et forte (50 t.ha
-1