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Chapitre 1 Revue de la littérature

1.1. Décodage spectro-temporel de la parole chez les aveugles congénitaux

1.1.2. Capacités de discrimination spectro-temporelle des sons chez les aveugles

sons que constitue la parole, un meilleur traitement cognitif, ou une meilleure mémoire auditive à court terme ? Il existe plusieurs études montrant que les aveugles peuvent identifier de la parole plus efficacement dans différentes conditions ou qu’ils peuvent comprendre de la parole accélérée mais il existe peu d'études sur la perception des caractéristiques acoustiques de la parole, à un niveau plus fondamental de traitement, ce qui constitue un des thèmes explorés dans cette thèse.

1.1.2. Capacités de discrimination spectro-temporelle des sons chez les

aveugles

Discrimination de sons purs et de mélodies

Il existe pourtant des indices qui iraient dans le sens d’un meilleur traitement à un niveau plus fondamental également. Parallèlement aux études réalisées sur la parole, plusieurs travaux récents ont montré une certaine supériorité des aveugles congénitaux pour le traitement d’autres sons que ceux de la parole. Cette recherche est vaste et, comme mentionné auparavant, touche des traitements aussi variés que la localisation de sons dans l’espace, la reconnaissance de sons, ou l’écholocalisation. Ici, nous nous concentrerons sur les travaux les plus cohérents pour l’étude de la perception de la parole, c’est-à-dire sur les études portant sur les capacités de discrimination spectro-temporelle des aveugles congénitaux.

Les aveugles congénitaux auraient de meilleures habiletés à discriminer la hauteur de sons purs (Gougoux et al., 2004; Rokem & Ahissar, 2009; Voss & Zatorre, 2012; Wan, Wood, Reutens, & Wilson, 2010). Par exemple, ils présentent en moyenne des scores d’identification de la direction

du changement de hauteur de sons entre 80 et 100% selon la condition contre 50 à 80% chez les voyants (Gougoux et al., 2004), un seuil de discrimination de la hauteur de sons de 0.8% contre environ 3.5% chez les contrôles (Voss & Zatorre, 2012), des scores en moyenne 10 à 15% meilleurs que les contrôles pour des tâches de discrimination de la hauteur et du timbre de sons (Wan et al., 2010). Cette supériorité subsiste quand l'expérience musicale est prise en compte comme facteur de régression (Voss & Zatorre, 2012) ou dans le groupe contrôle (Rokem & Ahissar, 2009; Wan et al., 2010). Les tests impliquant un traitement de la hauteur sur des séquences plus longues donnent des résultats mitigés. Par exemple, un groupe d’aveugles avec une cécité précoce ne présentait pas de meilleurs scores qu’un groupe contrôle pour une tâche de discrimination simple de mélodies, mais montrait de meilleurs scores que le groupe contrôle pour des mélodies transposées, ce qui rend la tâche plus difficile (Voss & Zatorre, 2012). D’autre part, aucune différence entre aveugles et voyants n’a été observée pour une tâche qui consistait à comparer le premier et le dernier son d’une séquence de 6 ou 12 sons alors que les aveugles avaient de meilleurs scores de discrimination pour des sons présentés isolément (Wan et al., 2010). Concernant la dimension temporelle du traitement des sons, il semble que les aveugles congénitaux sont capables de traiter des signaux auditifs plus rapides que les personnes voyantes. Par exemple leur score de discrimination de la hauteur de deux tons, pour des stimuli très courts (20 ms), équivaut au score des contrôles pour des stimuli de 170 ms (Gougoux et al., 2004). Stevens & Weaver (2005) ont montré que lors d'une tâche de jugement d'ordre temporel, les aveugles n'étaient pas influencés par la présence d'un masque de bruit présenté après les stimuli même après un intervalle très court (10 ms), leur performance pour cet intervalle équivalait à la performance des contrôles pour un intervalle supérieur à 160ms. Ces résultats suggèrent que les mécanismes de perception auditive des aveugles congénitaux sont différents de ceux des voyants. Ces différences

semblent concerner plusieurs dimensions : traitement de la hauteur du son et intégration temporelle plus efficaces.

Le fait que les aveugles congénitaux démontrent une meilleure acuité auditive pour certains traitements acoustiques indique-t-il que les aveugles congénitaux pourraient percevoir la parole plus efficacement que les voyants dès l'étape de décodage acoustique ? Peuvent-ils par exemple traiter plus efficacement les indices acoustiques sur des sons plus complexes comme des unités de parole telles que les voyelles ?

Discrimination de sons de parole

Il existe peu d'études sur la perception de la parole des aveugles congénitaux au niveau du décodage acoustique. Ménard et collègues (2009) ont montré une meilleure catégorisation de voyelles chez des aveugles congénitaux adultes pour certains contrastes. En revanche, pour d’autres contrastes de voyelles, les deux groupes de participants ont atteint un score de 100% ce qui ne permet pas de faire apparaître de différence entre les deux groupes. Les aveugles seraient également meilleurs pour identifier des syllabes (i.e. /pa/, /ta/, /ka/, /ba/, /da/, /ga/) dans des conditions d’écoute dichotique que les voyants (Hugdahl et al., 2004), et plus rapides pour identifier la première voyelle de pseudomots dissyllabiques (baba, babu, dede, tete, gigo, gigi, lolo, wowo) (Klinge, 2011). Cependant, dans cette dernière étude, les aveugles étaient plus rapides que les voyants pour des tests impliquant d’autres types de traitement (par exemple l’identification d’émotions). Il se pourrait donc que les aveugles aient de meilleurs temps de réaction uniquement du fait qu’ils sont plus à l’aise pour utiliser les boutons de réponse que les contrôles qui avaient les yeux bandés pendant l’expérience et qui sont moins habitués à manipuler des objets sans les voir.

En conclusion, des études ont montré une certaine supériorité des aveugles congénitaux pour certaines tâches de perception de la parole mais peu d'entre elles ont évalué la perception de la parole à l’étape du décodage acoustique malgré des indications que les aveugles ont de meilleures capacités de discrimination acoustique pour d’autres types de sons comme les sons purs.

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