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De la capacité des investisseurs à se servir de l’information pour prendre des

Chapitre I : Les fondements théoriques du droit à l’information des

B- De la capacité des investisseurs à se servir de l’information pour prendre des

Certaines critiques formulées à l’encontre de la participation des actionnaires aux décisions est qu’ils ne sont pas toujours capables de prendre de bonnes décisions. Dans ce contexte, leur donner trop d’importance reviendrait à aller à l’encontre des intérêts de l’entreprise et des actionnaires eux-mêmes107. Cette incompétence est aussi souvent attribuée à certains facteurs comme la disponibilité et le temps108. Contrairement aux dirigeants qui gèrent les affaires de la société au quotidien, les actionnaires ne consacrent pas assez de temps à l’étude et à l’analyse des rapports. Le niveau de formation, le manque d’expertise et de jugement d’affaires sont autant de facteurs.

Cependant, les nombreuses critiques formulées sont surtout à l’endroit du petit investisseur, l’investisseur individuel qui pourrait ne pas avoir toutes les compétences nécessaires pour déchiffrer et utiliser l’information dans ses décisions d’investissement. Les informations à caractère financière exigent un certain niveau de compétence, que l’investisseur n’a pas toujours.Une nuance doit donc être faite au sujet de ces derniers facteurs dans la mesure où les investisseurs institutionnels

107 Voir Stephen M. BAINBRIDGE, « Director Primacy and Shareholder Disempowerment », (2006)

119 Harv. L. Rev. 1735, 1745-1749.

108 Julian VELASCO, « Taking shareholder rights seriously», (2007) 41, U.C. Davis Law Rev., 604,

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ont des compétences suffisantes pour analyser et se servir des informations divulguées afin d’effectuer des choix d’investissement éclairés.109

Les informations à caractère financière sont d’une complexité qui requiert des capacités d’assimilation et d’analyse au-dessus de la moyenne110. Or contrairement à ce qui est généralement pensé, nombreuses sont des personnes adultes qui ne possèdent pas les compétences leur permettant de comprendre ce type d’information. Sur ce point, une étude111 aux États-Unis révèle que 40 million de personnes adultes sont fonctionnellement analphabètes et 50 million le sont partiellement. Cette proportion serait encore plus grande en matière d’illettrisme mathématique, qui consiste en l’aptitude dans la compréhension et la manipulation des données chiffrées.

Comprendre les informations divulguées requiert un certain niveau de compétence. De plus, le flux d’informations contenant des données d’inégale importance exige que l’investisseur qui les reçoit soit doté des capacités lui permettant de les utiliser. Le volume d’informations servies aux investisseurs nécessite un degré d’expertise élevé pour les analyser et en extraire des données permettant de prendre une décision éclairée. Un facteur connexe est celui de la variété et la diversité des champs disciplinaires couverts par les informations divulguées.

À supposer que l’investisseur ait quelques compétences dans un domaine particulier, il y a des fortes chances qu’il soit illettré dans un autre domaine qu’il

109 Lucian Arye BEBCHUK, «The Case Against Board Veto in Corporate Takeovers», (2002) 69 U. Chi. L. Rev. 973, 1003. «There is little reason to believe that decisions of institutional investors on whether to defer would be so poor that mandating would be preferable to letting them make such decisions »; Bernard S. BLACK, « Shareholder Passivity Re-examined », (1990) 89 Mich. L. Rev. 520, 584-591.

110 Mark HOCHHAUSER, Lost in the Fine Print: Readability of Financial Privacy Notices, PRIVACY

RIGHTS CLEARINGHOUSE (July 1, 2001), http://www.privacyrights.org/ ar/GLB-Reading.htm (Exposant que dans un échantillon de soixante règles de confidentialité, seulement 3% à 4% de la population pouvaient comprendre le langage employé pour rédiger les contrats).

111 Ad Hoc Comm. on Health Literacy for the Council on Scientific Affairs, Am. Med. Ass'n, Health Literacy: Report of the Council on Scientific Affairs, 281 JAMA 552, 552 (1999).

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devrait pourtant maitriser pour formuler un choix éclairé. Malheureusement, il est difficile pour un investisseur individuel de disposer d’une pareille expertise. Par exemple Omri Ben-Shahar et Carl E. Schneider dans leur ouvrage More than you wanted to know: the failure of mandated disclosure, soulignent que l’on peut recenser environ 49 documents distincts constituant un dossier de contrat d’hypothèque, qui couvrent plusieurs champs du droit des contrats, du droit de la santé, du droit des valeurs mobilières, de la procédure pénale etc…112 En somme, un domaine vaste et varié. Dans le cas d’espèce, on s’attend à ce que le requérant qui reçoit le dossier avec des formulaires et des informations sur les modalités du contrat d’hypothèque, comprenne toutes les clauses qui recouvrent un champ disciplinaire vaste de niveau universitaire. En est-il capable? Imaginant la vie de l’investisseur qui essaie de comprendre tout le flux d’informations qui lui parviennent, les auteurs affirment :

« Truly reading and trying to comprehend even a modicum of the disclosures we face would mean a life-time educational project like the worst of high-school boring subjects and nasty texts going on your permanent records »113

En somme nous pouvons déduire des développements qui précèdent que l’analyse et le traitement des informations à caractère financier requièrent un certain niveau de compétence. Cependant, les investisseurs institutionnels disposent des capacités nécessaires pour se servir de l’information pour prendre des décisions d’affaire éclairées. Sur ce, le niveau de compétence de l’investisseur ne peut valablement constituer une raison suffisante pour remettre en cause le caractère légitime et fondamental du droit à l’information pour l’actionnaire. En effet, le petit investisseur peut solliciter l’avis des conseillers financiers pour l’aider dans sa prise de décision. Leur droit d’accès à l’information demeure fondamental.

112 Omri BEN-SHAHAR et Carl E. SCHNEIDER, More than you wanted to know: the failure of mandated disclosure, Princeton and Oxford: Princeton University Press, 2014 p. 22.

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C- La rationalité limitée des investisseurs comme limites à l’impact