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En droit pénal, les fondements principaux de la répression résident dans le dommage causé, dans l’infraction commise, dans la responsabilité morale ou dans la dangerosité de l’agent. Evidemment, lorsqu’il s’agit d’appliquer un régime d’exception comme celui de la colonisation, ces fondements sont très peu, ou pas du tout retenus.

En politique, la répression désigne le fait de réprimer et de prendre des mesures punitives vis-à-vis des attitudes contrevenant aux lois ou aux options d'un pouvoir politique en place, empêchant, par contrainte ou par violence, toute protestation et tout soulèvement collectif. De cette approche définitionnelle, et par rapport à la politique coloniale, s’impose l’analyse des fondements de la répression au Cameroun pendant la période de domination, ainsi que la législation mise en place par l’empire colonial français dans le Cameroun oriental.

Le choix du Cameroun oriental français sur lequel porte l’étude de ce chapitre obéit à l’hypothèse selon laquelle, pendant l’occupation, la quasi-totalité de la population camerounaise avait été plus au moins confrontée à la politique répressive exercée par la puissance coloniale française.

En effet dès février 1916, avant la fin des hostilités et le traité de paix, l’Angleterre et la France mènent des négociations secrètes quant au partage et à l’administration de l’ancienne colonie

106 allemande. En 1918, la France et le Royaume-Uni se partagent la colonie : la partie orientale est dévolue à la France, tandis que la zone occidentale revient au Royaume-Uni. Le traité de Versailles (1919) fixe les conditions de paix. Il entérine par là même le partage

du Kamerun. Le Cameroun occidental (le 1/5e du territoire) fut

intégré au Nigeria en tant que colonie anglaise, tandis que le Cameroun oriental, quant à lui, (soit les 4/5e du territoire) fut administré comme une colonie française ordinaire.116 La politique et les méthodes coloniales de répression furent ainsi appliquées à ces populations camerounaises censées bénéficier d’un régime spécial, celui du mandat. La France, tout en supprimant toutes traces de la colonisation allemande, instaura un régime de répression pour assurer l’ordre colonial français.

Afin de mieux cerner le régime de cette répression coloniale, il importe de parcourir le contexte socio-politique qui conditionnait son application ainsi que la législation pénale qui servait de référence à l’emprise coloniale française.

I. Le contexte socio-politique de la répression pendant la

colonisation

En 1900, les conditions de la répression appliquées dans toutes les colonies françaises étaient déjà dominées par la politique de la conquête et de la domination. En effet, lors du congrès international de sociologie coloniale, Albert BILLIARD, rappelle avec fermeté,

116 A. GIRAULT, professeur d’économie politique à l’université de Poitiers et membre de l’institut colonial international, dans son ouvrage : Principes de colonisation et de législation coloniale, T. I, aligne le Cameroun sur la liste des colonies françaises, en dépit du régime de mandat dont celui-ci devait bénéficier. Voir chapitre III : population, ressources et avenir des colonies françaises, p.124 et 149 ; voir aussi la table des matières : situation actuelle des colonies françaises. Leur population, leurs sources et leur avenir, p.801. Il considère ainsi le Cameroun comme une colonie française, en dépit du régime de mandat que celui-ci devait bénéficier.

107 précision et clarté, à l’assemblée de toutes les colonies, les intérêts qui doivent conduire toute politique coloniale. De longues ovations accompagnent ses déclarations : « Ce qu’elles (les nations civilisées)

recherchent avant tout, ce sont évidemment des débouchés pour la surabondance de leurs produits, des placements rémunérateurs pour les capitaux sans emploi, de nouveaux champs d’action pour leurs énergies inoccupées. Elles ne sauraient admettre dans leurs colonies des institutions politiques susceptibles de faire obstacle directement

ou indirectement, […].»117

De cette opinion généralement et officiellement partagée, parler de la répression pendant la colonisation en faisant abstraction de la logique qui sous-tendait la politique coloniale serait, à notre avis une aberration. Puisque d’abord, la corrélation qui existe entre ces deux termes – répression et colonisation – met en évidence l’influence que le second avait sur le premier. Ensuite, la colonisation impose d’autres critères d’appréciation quant aux fondements de la répression. Et enfin, le concept de la répression pendant la période d’occupation repose sur un ensemble d’éléments qui la justifient et la légitiment.

Malgré la "mission civilisatrice" attribuée à l’œuvre coloniale et proclamée officiellement dans la métropole française, les réalités dans les colonies offrent un tableau différent, celui de l’omniprésence de la logique de conquête dans l’exercice de répression.

117 A. BILLIARD, « Etude sur la condition politique et juridique à assigner aux indigènes des Colonies », in Congrès international de la sociologie coloniale, août 1900, T.2, Mémoires soumis au Congrès, Paris, Arthur Rousseau, 1901, p. 14.

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A. La prédominance de la politique de conquête

Pour garantir les « intérêts primordiaux » des nations civilisées, « il leur faut nécessairement conserver sur les peuples conquis un droit supérieur de souveraineté, avec les moyens d’action indispensables

pour que ce droit ne devienne jamais illusoire. »118 Cette déclaration

d’Albert BILLARD, concernant les intérêts devant conduire la politique coloniale, à l’ouverture du congrès international de sociologie coloniale, donne un aperçu général sur le sort réservé aux populations des colonies françaises en général, et au peuple camerounais par la suite. Et comme « la fin poursuivie – la défense de la "présence française" - justifie tous les moyens »119

,

il faut assujettir les indigènes afin d’affirmer la domination de l’empire colonial français.

1. Affirmer la domination de l’empire colonial français

La domination de tout Etat occupant commande une répression qui suit la logique de la politique en présence. Toute la théorie du droit pénal va se résumer dans la défense de l’ordre public colonial français. Les visées de répression coloniale vont automatiquement à l’opposé des finalités de la répression traditionnelle. Un changement radical s’opère dans une société où la répression avait une autre fonction, celle de la cohésion sociale, et comme principale méthode de sanction : la réparation. La répression coloniale française apporte donc un bouleversement total quant au but recherché. Le vivre-ensemble, si précieux aux populations camerounaises, est relégué au dernier rang des finalités de répression, ou devient même inexistant.

118 A. BILLIARD, op. cit., p. 14.

119 O. LE COUR GRANDMAISON, De l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français, Paris, La Découverte, 2010, p.8

109 De multiples déclarations des hommes influents de l’époque coloniale expliquent clairement cette préoccupation. Albert BILLARD précise :

« La première condition que doit remplir tout régime politique applicable aux indigènes, c’est donc de constituer et d’assurer en

droit et en fait, la solide hégémonie des Métropoles. »120 Jules

HARMAND abonde dans le même sens lorsqu’il dit : « Le "premier devoir" du conquérant est "de maintenir sa domination et d’en assurer la durée : tout ce qui peut avoir pour effet de la consolider et de la garantir est bon, tout ce qui peut l’affaiblir et la compromettre

est mauvais. »121 Ainsi : « La fonction principale des dispositions

répressives du code de l’indigénat sont de "frapper" et de "réprimer" pour maintenir notre domination" et "assurer la sécurité des

colons". »122 Ce code d’indigénat, considéré comme un « Monstre

Juridique » par Olivier LE COUR GRANDMAISON, devient instrument

de domination le plus précieux entre les mains des « Empereurs sans

sceptre »123 des colonies françaises.

William B. COHEN n’hésite pas à souligner avec conviction : « Malgré les beaux discours prononcés à propos des affaires coloniales, tous les régimes français depuis la révolution essayèrent de maintenir leur domination sur leurs possessions d’outre-mer. Selon l’expression si exacte de Robert W. July, le colonialisme français fut toujours "un mélange unique de démocratie théorique et d’autocratie dans les faits". »124 Telle est désormais la ligne de conduite qui sous-tend la législation coloniale, et plus encore la répression dans les colonies françaises sans exception. L’auteur de "De l’indigénat" le précise clairement lorsqu’il dit : « Il (le droit colonial) est ravalé au rang de

120 A. BILLIARD, op. cit., p. 14

121 Jules HARMAND, « Domination et Colonisation », Paris, Flammarion, 1910, p.170, in De l’indigénat d’Olivier LE COUR GRANDMAISON p.16

122 O. LE COUR GRANDMAISON, op. cit., p.80

123 W. B. COHEN, Empereurs sans sceptre, Histoire des Administrateurs de la France d’outre-mer et de l’Ecole Coloniale, Paris, Berger-Levrault, 1973

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pur moyen mis au service d’une fin précise : assurer la domination de

la République impériale sur les populations d’outre-mer. »125

C’est dans ce même ordre d’idées que Georges BROUSSEAU affirme :

« L’intérêt politique doit avant tout primer tous les autres »126

intérêts. Il s’appuie à cet effet sur les rapports du général GALLIENI. Selon ce dernier : « Dans une colonie…, l’intérêt supérieur de la domination française doit primer le souci que peuvent avoir les

magistrats d’appliquer la loi et la procédure métropolitaine, … ».

Toutes ces déclarations de personnalités imminentes de l’Etat français à l’époque coloniale dévoilent sans ambiguïté la prédominance de la politique de conquête. Celle-ci ne peut s’accompagner que des méthodes de répression à la hauteur de l’intérêt poursuivi. Ce qui commande forcément des comportements juridiquement condamnables comme l’assujettissement des autochtones.

Cette politique d’assujettissement ne pouvait pas épargner les camerounais, car la même politique coloniale fut appliqué d’une manière générale sans exception à d’autres pays colonisés.

2. Assurer l’assujettissement des indigènes

La politique de conquête au Cameroun se caractérise entre autres par l’assujettissement des populations autochtones, désormais soumises à la souveraineté française. L’assujettissement est fondé sur l’idée selon laquelle la relation coloniale ne peut reposer que sur la seule prise en compte des droits et intérêts de la mère patrie. Dans cette optique, le régime de répression mis en place est appelé à remplir

125 O. LE COUR GRANDMAISON, ibid. p.80

126 G. BROUSSEAU, « Note sur la Condition juridique des Indigènes au Congo », in

Congrès international de sociologie coloniale, Paris ARTHUR Rousseau, 1901, T. II, p.148

111 l’une des fonctions à lui assignées : assujettir le peuple vaincu. L’auteur de « De l’Indigénat » le dira sans ambages : « La fonction (du droit colonial) n’est pas de libérer et de rendre égaux ceux qu’il vise, conformément aux principes du jus naturalis subjectif et moderne, mais d’assujettir et de discriminer les autochtones en les plaçant au plus bas de la hiérarchie politique, sociale et juridique

érigée dans l’empire. »127

L’assujettissement doit évidemment passer par les actes. Ernest RENAN dira : « Ce n’est pas la force des gouvernements absolus, mais la dépression des sujets qui maintient les peuples dans

l’assujettissement. »128 Cette dépression, qui peut être de l’ordre

physique, psychique voire économique, s’accompagne de crainte. Le travail forcé devient un élément indispensable dans le processus d’assujettissement des indigènes.

Le travail forcé infligé aux hommes libres pendant la période de conquête, revêt une connotation d’inutilité pour la vie de l’être humain. Pendant la colonisation, le travail forcé devient, non seulement un moyen de soumission des peuples autochtones, mais aussi une peine. Albert BILLIARD, pendant son allocution devant l’Assemblée du congrès de 1900, insiste « sur l’efficacité du travail

comme moyen de correction de races généralement indolentes. »129

La France fit un très large usage du travail forcé au Cameroun et institutionnalise le procédé comme l’un des moyens de répression. Utilisé comme un instrument coercitif de répression par l’administration coloniale, les conditions de ce travail forcé étaient effroyables et remplissaient leur fonction d’assujettissement des populations camerounaises : travail forcené et démesuré, discipline

127 O. LE COUR GRANDMAISON, op. cit., p.17

128 E. RENAN, L’avenir de la science, Paris, Flammarion, 1890, p. 356

112 de fer et usage intempestif de la chicote, hygiène et nourriture plus que défaillantes. Dans la mémoire collective camerounaise, le travail forcé apparaît comme le symbole de la colonisation, sous son aspect le plus dépravant et barbare. Le principe même était contraire à l’idéal d’humanitarisme et de "mission civilisatrice" dont la nation française, auteur de la Déclaration des Droits de l’Homme, se voulait porteuse. Le travail forcé perpétuait, sous couvert des besoins de la communauté et du mythe de la mise en valeur, l’esclavage aboli au siècle précédent. Dans les métropoles, le débat sur la question fut incessant, et le BIT (Bureau International du Travail) dut intervenir à partir des années 1930 pour limiter l’usage du travail forcé.

Malgré tous ces éléments faisant prédominer la politique de conquête, la mère patrie ne cesse de proclamer la "mission civilisatrice" de l’expansion française.

B. La « mission civilisatrice » aux antipodes des réalités de

la colonisation

L’idéologie de « la mission civilisatrice » était donnée par les différents acteurs de la colonisation comme l’une des priorités, sinon la priorité, de celle-ci. A cet effet, la France avait pris pour auxiliaire de sa marche un des plus puissants moyens de civilisation : l’assimilation. C’est ainsi que « la spécificité du "génie" colonial français trouve son expression la plus caractéristique dans la théorie de l’assimilation, équivalent colonial de la théorie républicaine de

l’intégration. »130

130 COSTANTINI DINO, Mission civilisatrice, le rôle de l’histoire coloniale dans la construction de l’identité politique française, Paris, La Découverte, 2008, (troisième partie)

113 Malheureusement, le processus de civilisation, par le biais de l’assimilation des colonies à la mère patrie, rencontre des obstacles, sinon de farouches oppositions. Ce rejet a des conséquences majeures sur les colonisés, ravalés au rang de « sujets », privés des droits et libertés démocratiques élémentaires, et soumis à des dispositions répressives et discriminatoires. L’incompatibilité du facteur humain aggravera le sort des colonies françaises.

1. Le projet de l’assimilation controversé

A l’opposé de la Grande-Bretagne qui a adopté, dans la conduite de ses colonies, la politique d’association ou d’administration indirecte, la métropole française s’est orientée vers une politique d’assimilation ou d’administration directe qui visait à faire des indigènes des citoyens français à part entière. L’assimilation constitue, en effet, la voie spécifiquement française de la colonisation que la France avait prétendu pratiquer dans ses colonies, dans l’accomplissement de sa "mission civilisatrice".

Dans son essence, "assimiler" signifie « rendre semblable ». Pratiquée depuis le XIXe siècle, la politique d’assimilation française signifie aussi étendre le principe de l’intégration républicaine au territoire colonial. Dans cette politique, la loi doit être unique et s’appliquer uniformément à tous les membres de la nation. Toutes les lois approuvées par la mère patrie doivent s’appliquer aussi dans les colonies. Cela suppose donc que colons et habitants de la mère patrie soient traités théoriquement de la même manière, aient les mêmes droits, le même statut. Cette politique, en dépit de la promesse d’un statut identique à celui des métropolitains n’en est pas moins confrontée à des obstacles. L’un des obstacles majeurs c’est la segmentation entre indigènes et citoyens.

114 L’assimilation, souvent présentée comme la marque distinctive d’une colonisation "à la française", réputée généreuse et soucieuse d’élever les peuples dont le pays avait la charge, est condamnée avec vigueur et abandonnée par la majorité des contemporains au tournant du siècle. « La générosité intentionnelle dont semble s’inspirer la théorie de l’assimilation s’affaiblit et se ronge les ailes au contact de la

réalité. »131 Ce constat pittoresque est de Louis NGONGO au vu des

différentes opinions soutenues dans des milieux divers par les hommes influents de la Métropole française.

En effet, la politique de l’assimilation des colonies et des colonisés est officiellement rejetée par les pouvoirs publics comme une chimère dangereuse pour la stabilité et l’intégrité de l’empire. Albert BILLIARD recommande avec vigueur la « Renonciation sincère à toutes visées assimilatrices, non seulement dans le présent, mais encore pour l’avenir ; soumission définitive des indigènes à un régime

d’exception… »132 Les arguments ne manquent guère. D’ailleurs, ils

sont suivis par des propositions allant de la discrimination pure et simple à la répression à hauteur du rejet de l’assimilation des Camerounais aux citoyens français. Ce qui va à l’encontre même de la "mission civilisatrice" tant proclamée par la France. Une ligne de conduite se dégage. « La plupart de ceux qui défendent les possessions de la "Plus Grande France" (…) sont convaincus que l’esprit et la lettre de la Déclaration du 26 août 1789 ne peuvent ni ne doivent être étendus aux autochtones de l’empire en raison de leur

arriération. »133 Pourtant, la métropole française, considérant que les

droits de l’Homme étaient applicables partout, avait érigé l’assimilation en doctrine officielle.

131 L. NGONGO, op. cit., p.112

132 A. BILLIARD, op. cit., p.52

115 Malgré cette doctrine, certaines grandes figures, animées par le zèle colonialiste, soutiennent le contraire. La politique de conquête prédomine et influence inexorablement le régime de répression. Olivier LE COUR GRANDMAISON met en exergue les solutions proposées par Arthur GIRAULT au Congrès international de sociologie coloniale. Selon lui : « Aux peuples avancés d’Europe (…), conviennent les bienfaits de la démocratie, de l’État de droit et des longues procédures destinées à garantir les prérogatives civiles et civiques de leurs membres. Aux peuples " arriérés" ou "mal" civilisés d’Afrique, (…), il faut imposer d’autres institutions et une justice qui, débarrassée des subtilités découlant de " la séparation des autorités administratives et judiciaires ", pourra ainsi sanctionner promptement les " indigènes" en leur rappelant que les "Européens sont […] les maîtres". »134

Le souci de sauvegarder le prestige du colonisateur s’impose. Il commande par le même fait, la manière de réprimer les indigènes des colonies, y compris des pays sous mandat de France injustement assimilés aux colonies. La répression devient rude. Elle doit épouser la politique de conquête qui a comme maîtres mots : domination et assujettissement. Dans une telle logique coloniale, les finalités de la répression dans les traditions des populations camerounaises deviennent préoccupation sans objet. Seul le prestige des Blancs occupe le devant de la scène répressive, la ligne de conduite ayant été donnée officiellement pendant le congrès international par le spécialiste des sciences coloniales, puisque : « Il faut réprimer impitoyablement les délits commis par les natifs à l’égard des colons

116

pour sauvegarder le prestige de l’Européen. »135 La réciprocité n’est

d’ailleurs pas respectée dans le cas inverse.

Le régime de répression imposé déroge aux lois fondamentales de la République française. Les discriminations juridiquement sanctionnées sont établies. Pour des crimes identiques, les peines étaient appliquées différemment selon qu’il s’agissait des Camerounais ou des citoyens français de la colonie. Comme le souligne Olivier LE COUR GRANDMAISON : « Deux législations civiles et pénales, deux justices et deux systèmes de sanction sont établis sur des

fondements ouvertement raciaux. »136 Il poursuit : « Voilà un même

délit puni de deux manières différentes, suivant qu’il est commis contre un Européen ou contre un indigène ; nos idées égalitaires sont

forcément choquées de cette anomalie »137 au regard des principes et

des valeurs de 1789. C’est la consécration d’une flagrante inégalité dans la justice coloniale.

2. L’incompatibilité du facteur humain avec la pseudo

« mission civilisatrice »

De 1916 à 1959, la présence française au Cameroun a impliqué plusieurs acteurs poursuivant, certes, des buts différents, mettant ainsi en question la « mission civilisatrice » de la colonisation française. Si la divergence des objectifs dans l’œuvre coloniale avait eu pour effet de compromettre l’action civilisatrice dans les colonies françaises en général, une politique dans le choix du facteur humain n’avait non plus favorisé cette mission envisagée.

135 A. GIRAULT, Principes de colonisation et de législation coloniale, 2e Partie, T.I, Paris, Recueil Sirey, 1922, p.510

136O. LE COUR GRANDMAISON, op. cit. p.77

117 Le facteur humain est un concept qui intervient dans l'étude de l'interaction des comportements humains avec leur environnement. Il est évident que, non maîtrisé, le facteur humain peut avoir des conséquences très néfastes en termes de qualité et de rendement. Le facteur humain peut être la meilleure ou la pire des choses. Il ne peut