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Dans le domaine de l’imagerie ultra-rapide et de l’étude des phénomènes lumineux extrêmement brefs, la caméra à balayage de fente, ou streak camera en anglais, est à ce jour l’instrument de mesure le plus rapide. Pouvant actuellement atteindre des résolutions temporelles de l’ordre de la picoseconde, cette caméra est constituée de nombreux modules mettant en œuvre le tube imageur. Dans ce chapitre nous nous proposons d’expliquer dans un premier temps le principe de mesure de l’imagerie dite streak en comparaison à l’imagerie traditionnelle dite framing. Par la suite la mesure streak classique ainsi que le fonctionnement global de la caméra seront présentés. Dans une troisième partie, chaque élément de la caméra sera discuté et leur fonctionnement détaillé. Enfin nous exposerons en quoi et dans quelle mesure chaque partie limite la résolution de la caméra.

1. Principe de l’imagerie à fente

Lorsqu’on évoque une caméra, il est généralement compris qu’il s’agit d’un instrument de mesure permettant l’acquisition de plusieurs images consécutives prises à intervalles de temps régulier. Ces images mises bout à bout permettent de restituer une information spatiale en deux dimensions, x et y , résolue en temps. En considérant l’acquisition d’images IF, on peut décrire la séquence comme suit :

(

, , 0 .

)

F

I = f x y t + ∆ n t (eq. II.1) t0 est l’instant de capture initial, ∆t l’écart temporel entre chaque image et n un entier allant de 0 au nombre d’image capturées. Cette méthode de mesure, appelée framing, permet de reconnaitre facilement le sujet de l’image puisque l’image en deux dimensions correspond parfaitement à la perception humaine. On remarque aussi que

l’ensemble d’images obtenues est une représentation résolue en temps mais dont la composante temporelle est discrète. Il n’est donc a priori pas possible de déterminer ce qui se passe entre deux images et la capture ne donne une information qu’aux moments d’exposition de chaque image. Pour améliorer la résolution temporelle d’une telle acquisition il est nécessaire de réduire un maximum le temps ∆t entre chaque image. En faisant cela on augmente la cadence d’acquisition décrite en images par seconde (ips) ou frame per second (fps) en anglais. Cependant cette augmentation de cadence connaît plusieurs limites. D’une part, la sensibilité des capteurs classiques ne permet pas de détecter un très faible nombre de photons, et d’autre part le temps d’enregistrement de l’image n’est pas instantané même si celui-ci peut être considérablement réduit en réduisant la taille de l’image.

Une alternative au framing est l’imagerie à fente aussi appelée streak imaging. Cette technique consiste à réduire de manière drastique une dimension de l’image de manière à n’en capturer qu’une ligne. En faisant cela il est possible d’acquérir non pas plusieurs mais une seule image IS dont un des axes, classiquement l’ordonnée, représente l’information spatiale de la fente, et l’autre axe est une représentation continue du temps. On a alors :

( )

,

S

I = f x t (eq. II.2)

La vitesse d’acquisition d’un tel mode ne peut plus se mesurer comme précédemment en images par seconde puisque la base de temps est continue. On utilise alors habituellement la vitesse de balayage exprimée en secondes par mètre ou encore en secondes par pixel. L’amélioration de résolution temporelle d’un tel système comparativement à la méthode standard peut atteindre deux ordres de grandeur.

La réalisation d’un tel système peut être décrite grâce aux caméras à miroir rotatif qui ont la particularité de pouvoir mettre en œuvre les deux techniques (Figure II-1 (Uhring, 2012)). Dans le cas d’une caméra en mode framing (a), l’image du sujet

est formée successivement sur un ensemble de capteur placé en arc de cercle grâce à une optique d’entrée, un miroir tournant à très grande vitesse et des optiques de relais. On obtient alors plusieurs images acquises à intervalles de temps régulier si on considère la vitesse du miroir constante lors de l’acquisition (ce qui est généralement le cas au vue de la très courte durée de la mesure).

Figure II-1 : Caméras à miroir rotatif en mode framing (a) et en mode streak (b) (Uhring, 2012)

L’approche adoptée pour l’imagerie à fente est différente. Grâce à la caméra, on n’image plus le sujet entier mais seulement une ligne de celui-ci à l’aide d’une fente en entrée. Cette fente est ensuite imagée sur un capteur continu qui est balayé grâce au miroir de la caméra. On obtient alors non plus plusieurs images mais une seule dont une des dimensions correspond à la fente et l’autre au temps.

La figure II-2 représente la collision entre un projectile et un explosif. Cette scène est capturée avec deux caméras à miroir rotatif : l’une en mode framing et l’autre en mode streak (Cordin). La première image a été acquise à une cadence de 100 000 images par seconde. On peut voir clairement le projectile heurter l’explosif puis ce dernier exploser. Sur la seconde image la même scène est filmée en mode streak avec une vitesse de balayage de 1,89 µs/mm (la colonne observée est représentée par le cadre rouge sur l’image précédente). La mesure révèle que l’explosion survient avant même

que le projectile touche l’explosif, chose qui n’était pas visible avec la méthode de framing. Malgré tout, cette mesure ne permet pas d’obtenir d’information concernant une dynamique hors de l’axe de la fente. Ainsi les mesures framing et streak sont le plus souvent complémentaires, la première fournissant une dimension spatiale supplémentaire et la seconde une résolution temporelle bien plus importante (Fuller, 2005).

Figure II-2 : Collision entre un projectile et un explosif capturée avec une caméra à miroir rotatif framing (en haut) et streak (en bas) (Cordin)

Les caméras à miroir rotatif utilisant le principe de l’imagerie à fente peuvent atteindre des résolutions temporelles de 650 ps. Des contraintes mécaniques concernant le miroir limitent les performances de la caméra. En effet, à partir d’une certaine vitesse le miroir se déforme et ne permet plus d’imager fidèlement le sujet observé. Pire, le miroir peut être détruit s’il est actionné trop violement (Huang, 2007). Une alternative à ces caméras est possible en réalisant une caméra à balayage de fente à tube imageur. Dans la suite du manuscrit, le terme caméra à balayage de fente, ou caméra streak, désignera uniquement les caméras à tube à vide.

2. Le système de la caméra à balayage de fente