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V.3.1. Goujons connecteurs – influence de leur rigidité

L’influence de la rigidité donnée aux goujons connecteurs sur la réponse globale du nœud est estimée par comparaison du comportement expérimental du spécimen WR des essais de Darmstadt avec le comportement obtenu à l’aide de 3 modélisations : l’une avec le nœud acier seul (sans dalle), les deux autres avec le nœud mixte (avec dalle), le béton étant modélisé de manière élastique, avec des connecteurs flexibles et des connecteurs rigides.

La figure V.3.1 donne la courbe expérimentale ainsi que les 3 courbes obtenues par calcul élément fini. La raideur des goujons est déduite des formules empiriques de Oehlers et Bradford (1995). Dans notre cas, cela donne Kflex = 35 106 N/m. Les goujons rigides ont un module de Young 100 fois plus élevé que le module de l’acier, ce qui correspond à une raideur Krig = 1080 106 N/m ≅ 30*Kflex. La partie supérieure de la figure représente le comportement de la poutre mixte sous moment positif et la partie inférieure de la figure représente le comportement de la poutre mixte sous moment négatif. M/L est le moment dans la poutre (axe de la colonne) divisé par la portée, c’est-à-dire la réaction à l’extrémité de la poutre. Dtop est le déplacement imposé en tête de colonne.

M/L (kN)

0 50 100 150 200

0 10 20 30 40

courbe expérimentale nœud acier seul

goujons connecteurs rigides goujons connecteurs flexibles

M/L (kN) -200

-150 -100 -50 0

0 10 20 30 40

Dtop (mm)

Figure V.3.1. Comportement global du nœud - Influence de la flexibilité des goujons

On observe que dans la partie élastique de la courbe, la courbe expérimentale se rapproche plus du comportement du nœud avec poutres métalliques que de celui avec poutres mixtes, quel que soit le signe du chargement. Le raidissement dû à l’action mixte commence plus tard, après une certaine déformation des connecteurs et de la dalle de béton.

Sous moment positif, on n’observe aucune différence entre les modélisations mixtes avec goujons flexibles et goujons rigides. Ceci est dû à la configuration du spécimen de test et au gros plat à l’extrémité de la poutre qui exerce une compression sur la dalle sous moment positif ; il joue ainsi le rôle de gros connecteur en transmettant l’effort rasant par compression directe. Le rôle des goujons et de leur raideur est ici minimisé (cf. chapitre V.7).

Sous moment négatif, ce plat d’extrémité n’agit pas sur la dalle et la raideur des goujons influence la réponse du nœud. Après les premiers points de la courbe qui suivent la courbe du nœud métallique, la courbe expérimentale suit la courbe numérique obtenue avec les goujons flexibles. Cela confirme que l’utilisation de très grande raideur pour les goujons n’est pas une hypothèse réaliste et l’on choisit de travailler avec les formules empiriques proposées dans Oehlers et Bradford (1995).

V.3.2.Loi du matériau béton – localisation – branche descendante

La figure V.3.2 montre les courbes d’adoucissement du béton en fonction de la contrainte ultime pour la traction et la compression, superposée à la loi de compression uniaxiale proposée dans l'Eurocode2.

-0.001 0 0.001 0.002 0.003 0.004 déformation εεεεc

Figure V.3.2. Courbes d’adoucissement du béton comparé à la courbe EC2

Différentes valeurs de déformations ultimes ont été testées, avec des branches descendantes de pente très faible (εultime = 105 résistance / Ec) et des branches à pente très raide (εultime = 10 résistance / Ec). Le même béton est utilisé pour toute la dalle et on considère un coefficient de réduction du module de cisaillement (β) de 0.1.

Le tableau V.3. 1 donne une idée des problèmes de convergence rencontrés avec l’algorithme utilisé. “Pas de convergence” ne signifie pas qu’il n’y a pas de solution, mais qu’aucune solution convergée n’a été trouvée avec l’algorithme utilisé.

Tableau V.3.1. Convergence en fonction de la déformation ultime des branches descendantes du béton Traction

Plus la pente de la branche descendante est raide, plus les problèmes de convergence sont importants. On rencontre plus de problème en compression qu’en traction. Cela est dû au fait

que quand le béton perd sa résistance en traction, les armatures sont présentes pour reprendre la traction restante et continuer à résister. Ceci n’est pas le cas pour la zone de béton fortement comprimée, située juste devant la semelle de la colonne, dans une zone non armée dans la direction de la plus forte compression. Quand on passe le pic de compression, la grande non linéarité est difficile à traiter par le solveur.

La localisation a lieu dans la zone où le béton est fortement sollicité et l’endommagement a lieu sans possibilité de s’étendre dans une zone plus large. On a représenté la distribution de l’endommagement dans la dalle autour de la colonne à la figure V.3.3 pour 2 déplacements en tête de colonne. On observe les zones d’amorce de dégradation du béton et comment la dégradation se propage. Du côté de la traction (côté gauche), la propagation est plus importante que du côté de la compression (côté droit), ce qui correspond à la réalité puisque sous compression on finit par avoir écrasement du béton dans une zone très localisée devant la colonne et grand endommagement le long de la ligne d’appui des bielles de compression inclinées.

(a)

(b)

Figure V.3.3 Distribution de l’endommagement dans la dalle de béton (couche centrale) (a) Dtop = 40 mm (b) Dtop = 80 mm – εu = 100 f/Ec

A cause de la localisation, la dimension des éléments du maillage peut influencer les résultats.

Des éléments de taille plus grande sont favorables pour la réponse globale de la structure en ce sens que la localisation a lieu dans un élément plus grand, avec une contrainte moyenne plus petite que dans un petit élément. Plus les déformations ultimes sont prises grandes et plus le pourcentage d’armaturage est grand, plus l’influence de la dimension des éléments du maillage est faible (cf. V.1.2). La calibration des déformations ultimes du béton est donc directement liée à la dimension donnée aux éléments du maillage. Un élément d’une certaine taille associé à une loi de matériau avec une certaine branche descente sera capable d’atteindre la fissuration complète pour une certaine énergie (fracture energy). L’énergie libérée par unité de surface endommagée est le paramètre important. Si on fait l’hypothèse que ce paramètre doit rester constant dans le milieu modélisé, cela signifie que dans un élément de plus grande taille, la déformation ultime doit être plus faible pour dissiper la même énergie que dans un élément de taille plus faible. Le raffinement final du maillage est lié à des contraintes géométriques, mais aussi aux performances possibles du matériel informatique utilisé.

La figure V.3.4 donne les courbes numériques moment rotation obtenue avec différentes valeurs de déformation ultime du béton en compression comparées à la courbe expérimentale.

On voit que le comportement global n’est pas drastiquement modifié par les valeurs données à

la déformation ultime du béton. De plus grandes valeurs permettent de converger sous des déformations plus importantes et d’atteindre des résistances plus importantes, mais ces résistances sont quelque peu artificielles. Le choix de grandes valeurs de εu est pratique pour passer outre les problèmes numériques, mais cela a une signification implicite : cela confine artificiellement le béton. La concordance des résultats numériques avec grand εultime (= 105 résistance / Ec) avec la courbe expérimentale est relativement bonne en dépit du choix apparemment peu réaliste des paramètres du béton. On explique ce résultat par les 2 considérations suivantes :

-le confinement est réel à certains endroits.

-la dalle est bien armée, ce qui diminue l’influence des propriétés données au béton. Les armatures résistent si le béton fissure.

La dalle a été dimensionnée pour être l’élément fort dans la section, toute la plastification ayant lieu dans la semelle inférieure du profil métallique. Cela ne peut que diminuer l’influence des paramètres de dalle sur le comportement global de la poutre (et du nœud).

Le désavantage d’utiliser des branches descendantes à pente douce est qu’il est impossible de trouver le point réel de ruine, car cette ruine n’a jamais lieu.

M/L (kN)

80 120 160 200 240

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

courbe expérimentale epsu=10 fc/Ec epsu=50 fc/Ec epsu=100 fc/Ec epsu=100000 fc/Ec

M/L (kN) -240

-200 -160 -120 -80

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

Figure V.3.4. Comportement global du nœud – Influence des déformations ultimes du béton – β = 0.1 – pas de confinement additionnel

Ainsi, un confinement réel peut être justifié à certains endroits, comme pour le béton situé à l’intérieur des ailes de la colonne et pour le béton directement comprimé sur la face de la colonne si un armaturage transversal adéquat est présent.

Le degré de confinement n’est pas clairement défini. La restreinte latérale est quantifiable en fonction du pourcentage d’armature transversale devant la colonne, mais la restreinte verticale

est plus subjective (si elle existe), dépendant des armatures transversales par un mécanisme de chaînette et dépendant d’une friction possible sur la colonne. La figure V.3.5. donne une idée des mécanismes imaginés pour justifier un confinement latéral et vertical.

semelle de la colonne

restreinte latérale restreinte verticale

Figure V.3.5. Confinement du béton appuyant contre la face de la colonne.

V.3.3.Drucker-Präger en état plan de contrainte et confinement par armaturage transversal On traite un petit exemple pour mettre en évidence les limitations du modèle de béton en ce qui concerne la modélisation du confinement en fonction du paramètre d’adoucissement de la loi de béton en compression. Soit un élément de dalle carrée soumis à une compression uniforme par déplacement imposé dans une direction, armé de manière transversale avec ρy, le taux d’armaturage. La loi de Drucker-Präger est calibrée en imposant la résistance à la compression fc et à la bi-compression fcc.

Epaisseur de la dalle = 0.1 m Béton fc = 30 N/mm²

fcc = 35 N/mm² fcc/fc=1.167 Ec = 30000 N/mm²

ν = 0.15

Acier élastique uniaxial Es = 200000 N/mm²

Figure V.3.6 Elément de béton armé considéré pour l’étude du confinement

Les résultats sont donnés aux figures suivantes. La figure V.3.7 donne l’évolution des contraintes principales au cours du chargement et la figure V.3.8 donne la résistance maximale possible du béton en fonction du pourcentage d’armatures pour les 2 valeurs de déformations ultimes εu considérées et dans le cas élastique.

Si le béton situé devant la colonne est réellement en état plan de contrainte, le confinement maximal que l’on pourrait atteindre est très faible et la modélisation avec une branche descente de la résistance du béton en pente très douce est mauvaise, car elle donne une surcapacité au béton qui est inexistante dans la réalité.

Cependant, si le béton est soumis à une contrainte de compression dans la troisième direction de l’espace, on peut compter sur une résistance à la compression plus importante et une plus grande capacité de déformation. La modélisation 2D associée à un béton artificiellement ductilisé pourrait pallier les lacunes d’une modélisation 2D.

Dimposé

Dimposé Armatures

transversales

0.2 m

0.2 m

X Y

epsu = 100 fc/Ec - béton ductile

epsu = 10 fc/Ec - béton fragile

-40

Figure V.3.7 Evolution des contraintes principales au cours du chargement

1

Figure V.3.8 Résistance du béton maximale possible en fonction du pourcentage d’armatures dans les 2 configurations étudiées et dans le cas élastique.

V.3.4. Solution choisie

Au lieu de prendre la valeur exagérément haute des déformations ultimes du béton (εultime = 105 résistance / Ec), on choisit de prendre une valeur plus faible de εu dans la majeure partie de la dalle et d’ajouter du confinement autour de la colonne. La valeur de déformation ultime de base est finalement choisie égale à 100 f/Ec. On incorpore du confinement à priori dans les éléments de béton autour de la colonne.

L’addition d’un confinement avec une résistance de 1.3 fois la résistance de base du béton et une déformation ultime de 1.9 fois la déformation ultime du béton de base donne la meilleure concordance entre les résultats numériques et les résultats expérimentaux, surtout sous moment positif. Sous moment négatif, l’influence du confinement n’est pas si important, comme on peut le voir à la figure V.3.9. Ce choix donne un bon compromis entre la réalité et les contraintes du modèle de béton, et il permet de trouver une charge de ruine.

M/L (kN)

80 120 160 200 240

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

courbe expérimentale

pas de confinement additionnel autour de la colonne

confinement additionnel autour de la colonne

M/L (kN) -240

-200 -160 -120 -80

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

Figure V.3.9. Comportement global du nœud – Influence du confinement additionnel autour de la colonne– β = 0.1 – εu = 100 f/Ec

V.3.5.Influence du coefficient de réduction du module de cisaillement

Le coefficient de réduction du module de cisaillement β est pris égal à 0.1. Cette valeur n’a pas de signification physique. Un béton armé fissuré est toujours capable de transmettre en cisaillement plus que 10 % de sa capacité initiale. Le frottement présent le long des 2 lèvres de la fissure ainsi que l’action goujon des armatures traversant la fissure pourrait conserver une capacité en cisaillement correspondant à β = 0.4 ou 0.5, cf. Hand et al. (1973). Mais ici, c’est un moyen de diminuer la sur résistance éventuelle (artificielle) due au modèle de

fissuration fixe. La figure V.3.10 montre que sous moment positif, la capacité de la poutre n’est pas modifiée par une variation du paramètre β. Sous moment négatif, la plus grande raideur due au module de cisaillement plus important est conservée jusqu’au déplacement maximum étudié. On peut l'expliquer par les faits suivants. Dans les zones de dalle en compression (comme sous moment positif), les fissures de traction ne sont pas si nombreuses que dans les zones de dalle en traction directe. Comme les contraintes de traction plastiques conservent la même orientation que les contraintes initiales élastiques, l'influence de β est faible et diminue avec le chargement. Dans les zones de dalle en traction (sous moment négatif), les axes principaux peuvent tourner au cours du chargement croissant, les nouveaux axes principaux ne sont pas détectés et la résistance à la traction ne diminue pas. La différence de résistance au cisaillement se conserve au cours du chargement croissant.

M/L (kN)

80 120 160 200 240

0 20 40 60 80 100 120 courbe expérimentale béta = 0.1 - confinement béta = 0.5 - confinement

M/L (kN) -240

-200 -160 -120 -80

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

Figure V.3.10. Comportement global du nœud – Influence du coefficient de réduction du module de cisaillement β – εu = 105 f/Ec

V.3.6.Calibration finale

Finalement, la calibration des paramètres permettant de faire concorder au mieux les courbes de comportement global expérimental et numérique des poutres mixtes du spécimen WR et de réduire les problèmes de sur résistance artificielle et de localisation dus au modèle de béton donne le choix suivant des paramètres du béton :

- un coefficient de réduction du module de cisaillement β = 0.1

- des branches descendantes post-pic de pente douce avec une résistance nulle pour une déformation ultime supérieure ou égale à 100 fois la déformation élastique (résistance / module de Young) combinées à des éléments de 5 (à 10) par 5 (à 10) cm.

- du béton confiné de manière additionnelle dans et autour de la colonne avec une résistance 1.3 fois supérieure à la résistance de base du béton et une déformation ultime 1.9 fois supérieure à la déformation ultime du béton du reste de la dalle

La calibration finale en terme de courbe Moment-flèche est reportée à la figure V.3.11.

M/L (kN)

80 120 160 200 240

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

courbe expérimentale

courbe numérique de la modélisation calibrée

M/L (kN) -240

-200 -160 -120 -80

0 20 40 60 80 100 120 Dtop (mm)

Figure V.3.11. Comparaison de la courbe expérimentale et de la courbe numérique calibrée (Moment – Déplacement imposé en tête de colonne) de la poutre mixte WR.