II.1 Dispositif expérimental : présentation et caractérisation 1 Principe général : détecteurs Si et InGaAs
II.1.3 Calcul des images tomographiques et traitements numériques
Dans ce paragraphe, nous présentons la méthode utilisée pour extraire l’image tomographique des images interférométriques acquises par les deux caméras CCD du dispositif expérimental, ainsi que les traitements numériques développés pour améliorer la qualité de ces images.
• Calcul de l’image tomographique : méthode à décalage de phase
L’intensité lumineuse perçue par chaque pixel ( , ) des caméras peut s’écrire sous la forme (signal d’interférences à deux ondes) :
,
8 é , , 2 é , cos , II.3
où est l’intensité lumineuse à l’entrée de l’interféromètre, K un coefficient qui prend en compte les différentes pertes (transmission des objectifs et réflexions parasites sur les composants optiques), é est le coefficient de réflexion (uniforme) de la surface de
référence, , le coefficient de réflexion équivalent à la proportion de lumière arrivant sur les caméras mais n’interférant pas (lumière venant de la zone hors volume de cohérence de l’objet et des réflexions parasites éventuelles) et , le coefficient de réflexion équivalent à la proportion de lumière provenant du volume de cohérence dans l’échantillon.
L’information nécessaire pour l’image tomographique est contenue dans le terme , : c’est lui qu’il faut extraire de l’image interférométrique. La méthode la plus classique pour effectuer cela est basée sur un décalage de phase des images interférométriques, par exemple en déplaçant axialement le miroir de référence [17] ou en jouant sur la polarisation des images en sortie de l’interféromètre [31]. L’image tomographique est ensuite déduite par combinaison de ces différentes images. On parle alors d’OCT plein champ à décalage de phase. Un certain nombre d’algorithmes de décalage de phase ont été proposés, utilisant 2, 4 voire 7 images [46, 48, 80] acquises successivement ou simultanément.
Pour le dispositif d’OCT plein champ à deux longueurs d’onde, le décalage de phase est réalisé grâce à un transducteur piézoélectrique (PZT) et l’acquisition de deux images. Le transducteur piézoélectrique induit une oscillation sinusoïdale du miroir de référence, induisant ainsi une modulation sinusoïdale de la phase :
, ,
8 é , , 2 é , cos , 2
où est l’amplitude de la modulation de phase et la fréquence d’oscillation du transducteur piézoélectrique.
Les caméras CCD sont synchronisées avec l’oscillation du transducteur, à une fréquence de fonctionnement double (2f), grâce à deux générateurs (Agilent, modèle 33220A). Ainsi, au cours d’une oscillation du miroir de référence, deux images interférométriques sont acquises, correspondant à l’intégration du signal sur deux demi‐périodes de modulation. En pratique, on acquiert en fait séries de deux images pour améliorer le rapport signal sur bruit :
1=η 0T/2 , , et 2=η T/2T , , (II.5)
où représente l’efficacité quantique du détecteur CCD considéré et 1/ la période d’oscillation du transducteur. En intégrant ces équations, après avoir développé le cosinus en série de fonctions de Bessel du premier ordre, et en prenant la différence au carré, on obtient l’image tomographique : , 4 é cos , é , , II.6 On peut ainsi extraire l’information nécessaire à partir de l’acquisition et de la combinaison de deux images1, réalisable numériquement très rapidement. Expérimentalement,
1 Dans un dispositif à décalage de phase à deux images, le terme de phase cos²φ n’est pas éliminé : les franges d’interférences demeurent dans les images tomographiques. Cependant, au vue de la taille et de la distribution des structures dans un échantillon biologique, aucune frange n’est visible sur les images interférométriques.
l’acquisition et le traitement des images sont réalisés à l’aide d’un programme développé en Visual C++.
Notons que le critère de stabilité de la source lumineuse postulé précédemment prend ici tout son sens : le flux envoyé sur l’échantillon ne doit absolument pas varier entre les deux images en opposition de phase pour que tout ce que nous avons écrit soit possible. Une variation de flux entraîne un fond non nul sur les images tomographiques, limitant ainsi le contraste et la sensibilité. Il peut même faire apparaître des structures qui ne correspondent à aucune information structurelle réelle.
• Traitement numérique : transformée de Hilbert
Dans le cas de certains échantillons, comme par exemple les fibres de papier ou de cheveux, la reconstruction de l’image tomographique à l’aide de seulement deux images tomographiques en opposition de phase ne permet pas d’éliminer la modulation de l’enveloppe par les interférences, correspondant au terme de phase de l’équation (II.6). Une méthode à décalage de phase utilisant quatre images en quadrature de phase est possible [48] mais double le temps d’acquisition nécessaire par rapport à la méthode à deux images. Une seconde solution, adoptée ici, est de réaliser un traitement numérique des images a posteriori. Ce traitement, basé sur la transformée de Hilbert, s’est inspiré des travaux de Na et al [49].
Considérons l’intensité de l’image tomographique détectée par un pixel ( , ) d’une des caméras CCD du montage :
, , cos (II.7) En calculant la transformée de Hilbert de l’image tomographique, qui a pour effet dans l’espace réciproque de tourner de 90° les composantes de fréquence négative, on obtient : , , sin (II.8) On peut donc par combinaison de l’image tomographique et de sa transformée de Hilbert s’affranchir complètement de la modulation de l’enveloppe par les interférences, et cela sans acquisition d’images supplémentaires : , , , (II.9) Ce traitement, développé sous Matlab, présente cependant deux inconvénients majeurs : ‐ les images acquises possédant 256×256 (caméra Si) ou 320×254 (caméra InGaAs) pixels, il faut faire très attention aux problèmes d’échantillonnage qui peuvent dégrader la résolution spatiale des images (en pratique, on sur‐échantillonne les images en 1024×1024 en ajoutant des zéros au niveau des bords de l’image) ‐ le traitement est lourd, puisqu’il nécessite le traitement numérique de plus d’une centaine d’images, donc long et coûteux en mémoire. C’est pourquoi ce traitement a été peu utilisé au cours de ces travaux de thèse, seulement pour des échantillons dont la taille et la distribution des structures faisaient apparaître une modulation d’enveloppe gênante pour l’interprétation des coupes tomographiques (le papier par exemple). • Acquisition simultanée avec les deux caméras Les deux caméras fonctionnant à des fréquences différentes, l’imagerie simultanée n’est pas aussi simple que la méthode à décalage de phase à deux images décrite dans le paragraphe
précédent. La fréquence d’acquisition et le temps d’exposition de chaque caméra doivent être choisis judicieusement.
Pour se placer à une vitesse de fonctionnement maximale, nous avons fixé la fréquence d’oscillation du transducteur piézoélectrique à la moitié de la fréquence d’acquisition de la caméra la plus rapide, à savoir la caméra Si qu’on utilise à une fréquence de travail de 180 Hz. Comme la caméra InGaAs est plus lente, sa fréquence d’acquisition doit être un multiple entier de la fréquence d’acquisition de la caméra Si (cf. Figure II.10) :
(Si) (InGaAs) 2 piezo 2 (Si 2 (InGaAs) (piezo) (II.10) Deux cas peuvent se présenter :
‐ si est un entier pair, les images acquises successivement par la caméra InGaAs sont identiques car le transducteur est toujours à la même position : ceci est schématisé sur la Figure II.10(c).
‐ si est un entier impair, les images acquises successivement par la caméra InGaAs sont bien en opposition de phase et une image interférométrique pourra être extraite : ceci est schématisé sur la Figure II.10(b). Figure II.10 : Diagrammes temporels du système d’acquisition du dispositif d’OCT à deux longueurs d’onde. Les courbes rouges correspondent au signal de synchronisation des caméras Si a et InGaAs dans le cas où n est impair b ou pair c . Les courbes en pointillés
Ainsi, en choisissant impair et avec une synchronisation adéquate entre l’oscillation du transducteur piézoélectrique et le signal de déclenchement des acquisitions de chaque caméra, la caméra Si acquiert 2 images en opposition de phase pendant oscillations du PZT tandis que la caméra InGaAs n’acquiert que 2 images en opposition de phase. Electroniquement, nous avons choisi des fréquences de travail de 180 Hz et de 20 Hz respectivement pour les caméras Si et InGaAs. Dans cette situation, la fréquence d’oscillation du transducteur piézoélectrique est de 90 Hz et 9.
Dans une méthode à décalage de phase continue, les images sont intégrées alors que la phase varie, ce qui induit une légère dégradation du contraste des interférences. Cette dégradation du contraste, qui dépend du temps d’exposition des caméras mais pas de leur fréquence d’acquisition, doit être le même pour les deux caméras si l’on veut pouvoir comparer les images interférométriques aux deux gammes de longueurs d’onde. Pour cette raison, nous avons réglé un temps d’exposition de 2,05 ms pour les deux caméras, qui correspond au temps d’exposition maximal de la caméra la plus rapide.
• Mise à l’échelle des images tomographiques
Afin de visualiser correctement la structure tridimensionnelle des échantillons, le rapport entre les dimensions axiales et transverses doit être respecté :
‐ la dimension axiale est déterminée par le moteur puisqu’un pixel de la coupe tomographique selon la direction axiale Z correspond à un pas du moteur, à savoir 1 µm
‐ la dimension transverse est quant à elle donnée par la taille des pixels des caméras et du grandissement du système d’imagerie. Une calibration du champ transverse vu par les caméras à l’aide d’une mire de microscope à été réalisée. Ainsi, un pixel sur la caméra Si voit un champ de 0,923 µm au niveau de l’objet ce qui correspond à un champ total vu par la caméra de 236×236 µm² alors qu’un pixel sur la caméra InGaAs voit un champ de 1,364 µm au niveau de l’objet ce qui correspond à un champ total vu par la caméra de 436×349 µm².
On interpole alors les images tomographiques en face afin qu’un pixel selon les directions transverses X et Y corresponde à 1 µm au niveau de l’échantillon. On assure ainsi un rapport 1:1 entre les trois directions des images tomographiques et donc un rapport d’aspect réaliste.
• Traitement colorimétrique : image différentielle
Pour faciliter la comparaison des images tomographiques obtenues sur les deux gammes de longueur d’onde, nous avons développé une technique de traitement numérique colorimétrique s’appuyant sur le mode de couleur Teinte/Saturation/Luminosité (TSL). Dans ce mode de représentation, chaque couleur est caractérisée par trois paramètres (cf. Figure II.11), qui sont la teinte, mesurée par un angle autour de la roue chromatique, la saturation, mesurée depuis la couleur la plus neutre au centre de la roue vers les couleurs les plus vives en allant vers les bords et enfin la luminosité, mesurée entre le noir (pas de lumière) et le blanc (lumière maximum).
Les avantages de ce modèle, par rapport au mode de représentation Rouge/Vert/Bleu (RVB), sont de séparer clairement la composante luminosité des composantes chromatiques et de permettre de définir pour chaque teinte, un plan de teinte constante où les couleurs varient en luminosité et en saturation.
Nous avons utilisé cette propriété pour traiter les images tomographiques à l’aide d’un programme écrit sous Matlab : après normalisation de l’intensité des images entre 0 et 1, la
valeur de la teinte est fixée (teinte de vert pour les images acquises à 800 nm et de rouge pour les images acquises à 1300 nm), la saturation et la luminosité étant quant à elle données par l’intensité de l’image. On définit ensuite l’image différentielle comme la moyenne colorimétrique des images à 800 et 1300 nm. Par ce processus, les structures qui ont une intensité plus importante à 1300 nm apparaîtront rouges sur l’image différentielle, alors que les structures dominantes à 800 nm apparaîtront vertes.
Figure II.11 : a Roue chromatique ; b Principe du mode de représentation TSL.