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Chapitre III : Physiologie des cellules souches /progéniteurs cardiaques

1 Le calcium :

1.1 Le calcium dans les cellules souches:

Dans toutes les cellules et particulièrement dans les cellules somatiques de mammifères cet ion divalent joue un rôle fondamental dans les processus de prolifération et la différenciation. Cependant le rôle du calcium dans les cellules souches n’a été étudié que depuis quelques années (Heubach et al., 2004; Kawano et al., 2002). Cette recherche a suscité un intérêt important dans le domaine car les données suggèrent que la signalisation calcique est liée à la prolifération et à la différenciation cellulaire, deux fonctions fondamentales des cellules souches.

Le calcium (Ca2+) est un cation ubiquitaire qui contrôle de nombreux processus cellulaires tels que la prolifération, la différenciation cellulaire, et l'apoptose. Le mécanisme général de la signalisation calcique est relativement simple et repose sur les variations spatiotemporelles de cet ion (calcium libre). Dans les cellules eucaryotes, la concentration de calcium intracellulaire [Ca2+]i au repos est comprise entre 50 et 100 nM et peut atteindre entre 1 et 10µM suite à une stimulation. Les composants moléculaires du réseau de signalisation Ca2+ peuvent être divisés en plusieurs groupes selon leur fonction : il existe des canaux calciques de la membrane plasmique qui permettent l'entrée de Ca2+ dans la cellule (comme les canaux calciques indépendants et dépendants du voltage), des canaux de libération calcique localisés aux niveaux des stocks intracellulaires (comme les canaux sensibles à l’inositol triphosphate (IP3) et à la ryanodine), des pompes et des échangeurs Ca2+ (comme la

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pompe PMCA (pour plasma membrane Ca2+ ATPase) et SERCA (sarco/endoplasmic reticulum Ca2+-ATPase), l’échangeur Na+/Ca2+) qui réduisent la concentration du calcium cytosolique et/ou favorisent sa recapture dans les stocks intracellulaires; et enfin de nombreux senseurs cytoplasmiques (comme la calséquestrine, la calmoduline, le phospholamban ou encore la calcineurine A) qui traduisent les signaux calciques en activité cellulaire.

Plusieurs paramètres caractérisent les signaux calciques: leur origine, leur localisation, leur fréquence, leur amplitude et leur cinétique. Ainsi, en fonction de la nature de ces signaux, la cellule (par l’intermédiaire de protéines liant le calcium) va élaborer une réponse appropriée (Berridge et al., 2000).

1.1.1 L’activité calcique spontanée dans les cellules souches:

Les oscillations calciques spontanées ont été observées à la fois dans les cellules excitables et non-excitables et elles sont importantes pour le développement embryonnaire. Les oscillations calciques contribuent à la régulation de plusieurs processus tels que la fertilisation, la prolifération cellulaire, la sécrétion, la différenciation neuronale, la croissance axonale, la prolifération et la migration neuronale etc. (Clapham, 2007; Montoro and Yuste, 2004).

Bien qu’elles soient des cellules dites « non-excitables », les cellules souches adultes expriment certains canaux ioniques activés par le voltage (Heubach et al., 2004; Zahanich et al., 2005). Une étude réalisée sur les CSEs et les CSMs a montré que ces deux types cellulaires ne répondaient pas aux stimulations par le glutamate, le GABA, l’oxytocine ou la dépolarisation confirmant leur non-excitabilité(Forostyak et al., 2013).

Cependant, la majorité des cellules souches ont généré des [Ca2+]i transitoires après stimulation par l’ATP ; 88% des CSEs, 90% des CSMs du tissu adipeux et 62% des CSMs de la moelle osseuse (Kawano et al., 2006). La majorité des CSMs ont des récepteurs purinergiques fonctionnels (Faroni et al., 2013; Kotova et al., 2014) de type P2X pour les CSMs du tissu adipeux et de type P2X et P2Y pour les CSMs de la moelle osseuse(Coppi et al., 2007).

Les transitoires [Ca2+] spontanés se produisent principalement au cours des premiers stades de la différenciation des précurseurs neuronaux et régulent la croissance des neurites et l'apparition du phénotype GABAergique (Ciccolini et al., 2003). L'activité [Ca2+] spontanée a été observée dans 31% des précurseurs neuronaux dérivés des CSEs humaines et elle est

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médiée par l'influx Ca2+ via les VGCC HVA (pour High-voltage-activatedVoltage-gated calcium channel) (Forostyak et al., 2013). L’inhibition des transitoires [Ca2+] spontanés (médiés par les VGCC de type L et des canaux de type TRPC1) entraine une réduction significative de la prolifération dans les neurones post-mitotiques dérivés des CSEs humaines (Weick et al., 2009). L'activité [Ca2+] spontanée et synchronisée enregistrée dans les progéniteurs neuronaux dérivés des CSNs fœtales humaines serait dépendante des jonctions gap de type connexine 43 et des VGCC (Jäderstad et al., 2010). En effet dans ces cellules neuronales, l'inhibition des jonctions gap annule l'activité Ca2+ spontanée et la prolifération cellulaire

(Malmersjöet al., 2013).

Les CSMs de la moelle osseuse possèdent également des oscillations [Ca2+] spontanées et des transitoires calciques (Kawano et al., 2003). Dans les CSMs de la moelle osseuse humaines, les transitoires [Ca2+] spontanés résultent de la libération calcique des stocks du réticulum endoplasmique (ER) médiée par IP3 (Kawano et al., 2003, 2006).

En résumé, les oscillations calciques spontanées se produisent dans plusieurs types cellulaires; dans les CSEs, elles dépendent de l'influx Ca2+ via la membrane plasmique, alors que dans les cellules souches adultes, elles sont déclenchées principalement par la libération du Ca2+ depuis le RE. Les recherches dans ce domaine et plus particulièrement sur les cellules souches adultes sont peu nombreuses. Les découvertes dans l’avenir pourraient aider à la compréhension des mécanismes et du rôle de ces oscillations dans la prolifération et la différenciation.

1.1.2 Canaux VGCC et signalisation calciques

Les canaux Ca2+ voltage-dépendant (Voltage-Gated Ca2+ Channels ou VGCC) représentent la principale voie d'entrée de Ca2+ dans les cellules excitables. Les VGCC ont été classés en deux groupes principaux: les canaux à haut seuil d’activation (High Voltage-Activated channels ou HVA) qui comprennent les canaux de type L, N-, P / Q et R et les canaux à bas seuil d’activation (Low Voltage-Activated channels ou LVA) ou canaux de type T (Catterall and Swanson, 2015; Wang et al., 1999b). L'expression du VGCC de type L et T a été identifiée dans de nombreux types de cellule souches.

En particulier, ils ont été détectés au niveau protéique dans les CSMs du tissu adipeux (Bai et al., 2007; Jang et al., 2010)et dans les CSMs de la moelle osseuse (Heubach et al., 2004;

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Kawano et al., 2002; Zahanich et al., 2005). Certains travaux montrent que la modulation des canaux de type T qui se produit pendant la progression dans le cycle cellulaire pourrait contribuer à la maintenance de la capacité d'auto-renouvellement des CSEs de souris (Rodríguez-Gómez et al., 2012). L'activation des VGCC LVA serait à l’origine des oscillations calciques dans les progéniteurs neuronales dérivés des CSEs suggérant leur intervention dans le processus de prolifération cellulaire (Malmersjö et al., 2013). Les stocks calciques impliqués dans ces oscillations induites dans les CSEs et les CSMs avant différenciation font intervenir principalement les stocks calciques sensibles aux IP3 couplés aux vecteurs calciques membranaires P2x,y et VGCC. Les VGCC favorisent la différenciation des CSEs ainsi que les CSMs adultes de différentes origines (Forostyak et al., 2016) (figure H-18). En effet, au cours de la différenciation neuronales des CSEs, ces dernières commencent à exprimer les canaux calciques (L-VOCC, N-VOCC, P/Q-VOCC et R-VOCC). Les CSMs (du tissu adipeux et de la moelle osseuse) quand elles sont différenciées en plusieurs lignages (neuronal, adipogénique et ostéogénique) expriment les canaux calciques L-VOCC et T-VOCC (pour les CSMs du tissu adipeux) et les canaux calciques P/Q-VOCC (pour les CSMs de la moelle osseuse). En particulier, il a été démontré que la différenciation neuronale des CSEs dépend de la coopération entre les canaux calciques VGCC de type L et les canaux de libération calcique intracellulaire de type RyR2 (Yu et al., 2008) (figure H-18).

Le signal calcique spontané ou induit observé pendant la différenciation jouerait un rôle fondamental dans l’expression de certains gènes notamment ceux impliqués dans le cycle même du calcium. L’apparition des récepteurs à la ryanodine et de différents canaux calciques (types N, P/Q, R, T, L) entre autres serait contemporaine à l’évolution des propriétés du signal calcique.

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Figure H-18 : Illustration schématique de l’expression fonctionnelle des canaux et récepteurs calciques au cours de la différenciation des ESCs (A), des AMSCs (B) et des BMSCs (C). Les uESCs expriment les canaux (T-VOCC), les récepteurs (P2X2,4,5,7 et P2Y1,2,6) et les récepteurs (InsP3 R1-3). Au cours de la différenciation, les pESCs commencent à exprimer les canaux calciques (L-VOCC, N-VOCC, P/Q-VOCC et R-VOCC), les récepteurs (P2X2,3,4,5,7 et P2Y1), les récepteurs (RyR1,2,3), la SERCA et une augmentation du [Ca2+]i accompagnée de l’apparition d’oscillations calciques. Les uAMSCs expriment les récepteurs P2X, les récepteurs AVP-V1, les récepteurs OT,les récepteurs InsP3R et présentent des oscillations calciques. Au cours de la différenciation, les pAMSCs commencent à exprimer les récepteurs P2Y, les canaux calciques (L-VOCC,T-VOCC), la SERCA et les récepteurs (RyR) avec une augmentation [Ca2+]i. Les uBMSCs expriment les récepteurs (P2X, P2Y1,2), les canaux calciques (L-VOCC) ,les récepteurs AVP-V1a,les récepteurs InsP3R , la SERCA et présentent des oscillations calciques. Au cours de la différenciation, les pBMSCs commencent à exprimer les récepteurs OT, les récepteurs (P2X7, P2Y1), les canaux calciques (P/Q-VOCC), les récepteurs RyR avec une augmentation [Ca2+]i. D’après Forostyak et al., (2016). u: undifferentiated ; p :pre-differentiated ;ESCs : embryonic stem cells ; AMSCs : adipose-derived mesenchymal stem cells ; BMSCs : bone-marrow derived mesnchymal stem cells ; P2 :récepteur purinergique ;OT :récepteur

à l’oxytocine,AVP :récepteur à la vasopressine ;VOCC :canal calcique voltage

dépendant ;RyR :récepteur à la ryanodine ;InsP3R :récepteur à l’IP3 ; [Ca2+]i :concentration calcique intracellulaire ; SERCA : Ca2+-ATPase du réticulum sarco-endoplasmique.

A

C

B

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67 1.1.3 Les stocks calciques intracellulaires dans les cellules souches:

Le réticulum endoplasmique (ER) est le principal organe de stockage de Ca2+. Parallèlement, deux mécanismes majeurs de libération de Ca2+ réticulaire existent via les récepteurs à la ryanodine (RyR) et les récepteurs au 1,4,5-triphosphate d'inositol (InsP3). Le remplissage des stocks calciques « vidés » est assuré par l’existence d’une pompe Ca2+-ATPase (SERCA).

La cascade de signalisation métabotropique PLC/InsP3 a été démontrée comme la voie principale induisant la libération de Ca2+ de l'ER dans différents types de cellules souches. Des études ont montré que seuls les récepteurs à l’InsP3, et non les RyR, sont fonctionnels dans les ESC de souris (Yanagida et al., 2004); dans les CSMs humaines du tissu adipeux (Kotova et al., 2014; Tran et al., 2014) et dans les CSMs humaines de la moelle osseuse (Kawano et al., 2002). La voie de libération calcique PLC/InsP3 reste fonctionnelle quelle que soit l’origine ou le stade de différenciation, ce qui laisse à penser que cette voie est conservée dans toutes les cellules souches. Par exemple, les CSES et les MSC différenciés en cardiomyocytes, en adipocytes ou en neurones, possèdent toutes des récepteurs fonctionnels à l’InsP3 (Kawano et al., 2006; Resende et al., 2010; Sedan et al., 2008; Tran et al., 2015). Cependant, les récepteurs à la ryanodine sont peu caractérisés dans les cellules souches, même si ils apparaissent lors de la différenciation. Par exemple, les cellules neuronales et cardiaques dérivées des CSEs ou des CSMs, expriment des RyR fonctionnels (Forostyak et al., 2013; Resende et al., 2010). Des études ont montré qu’il y a un lien fonctionnel entre les RyR type2 et les VGCC de type L et que cela est important dans la différenciation neuronale (Yu et al., 2008).