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A mesure que les contours de notre question se définissent, une constante se dessine et nous rappelle à l’impératif qui ouvre la préface de The Political Unconscious : « Always historicize! »5 L’idée même de tournant culturel implique de lire la fiction et la critique qui

l’analyse comme des discours historiquement situés, et à penser les moyens de la représentation visuelle et verbale en tant qu’ils s’inscrivent dans un contexte technologique, économique, épistémologique et idéologique particulier. C’est ainsi dans une histoire de la mimésis qu’il nous faut situer nos œuvres, ce qui implique de concevoir le moment contemporain lui-même en tant qu’il s’inscrit et s’écrit dans l’histoire, nonobstant son statut particulier pour nous. En examinant de façon conjointe l’évolution des dispositifs optiques de la fiction et celle des technologies visuelles, qui connaissent au XXe siècle des transformations à la fois rapides et radicales, nous

Holocaust Fiction (« Formal Matters: Martin Amis, Time’s Arrow », in Sue Vice, Holocaust Fiction, Londres, Routledge, 2000, p. 11–37).

1 María Jesús Martínez-Alfaro, « Where Madness Lies: Holocaust Representation and the Ethics of Form in

Martin Amis’ Time’s Arrow », in Onega et Ganteau, éd., Ethics and Trauma in Contemporary British Fiction, op. cit., 127-154.

2 Jakob Winnberg, « “Don’t join the dots…”: Reading the Interplay of Autonomy and Commitment in Martin

Amis’s Time’s Arrow », in Jean-Michel Ganteau et Christine Reynier, éd., Autonomy and Commitment in Twentieth-Century British Literature (Montpellier, Presses Universitaires de La Méditerranée, 2010, p. 225-234).

3 On a notamment en tête l’idée de ré-vision liée à la pensée du trauma, et la question de l’échange de regards dans

le rapport éthique, tels qu’elles sont traitées par María Martinez-Alfaro.

4 C’est par exemple le cas de celle d’Oliver Schoenbeck, Their Versions of the Facts: Text und Fiktion in den

Romanen von Iain Banks, Kazuo Ishiguro, Martin Amis und Jeanette Winterson (Heidelberg, Wissenschaftlicher Verlag Trier, coll. « Horizonte », 2000).

nous proposons d’adopter une posture matérialiste, au sens où Karen Jacobs le fait dans son travail sur la littérature moderniste1 : « I follow a materialist methodology by presuming that […]

new visual discourses, techniques, and technologies lead, in the modernist period, to the emergence of new, distinctly modernist kinds of observers and visual relationships »2.

Pour autant il ne s’agit pas de faire du récit de fiction le simple miroir d’une réalité historique qui l’engloberait et la précéderait. Ce serait là oublier le corollaire de l’injonction formulée par Jameson, qui légitime la pratique interprétative et l’intérêt que mérite la littérature en tant que produit culturel et idéologique. A la suite d’Althusser, The Political Unconscious s’attache en effet à penser l’autonomie relative des superstructures3. Pour développer une pensée

de l’histoire qui ne soit pas mécaniquement déterministe, il faut envisager l’action du politique, de la culture et de l’idéologie en tant qu’elle ne dépend pas directement des processus économiques. Démentant l’idée selon laquelle ces derniers seraient les seuls vrais moteurs de l’histoire4, il faut pouvoir penser l’impact réel des productions culturelles sur les processus

historiques. Pour la critique littéraire, un tel travail consiste à concilier une orientation matérialiste et l’idée d’une créativité propre au récit de fiction, discours inscrit dans une histoire qu’il contribue à écrire5. Notre tâche sera ainsi d’appréhender le récit de fiction par le prisme

critique qu’Alan Sinfield désigne comme « déconstruction matérialiste »6, pour mettre en lumière

1 Karen Jacobs, The Eye’s Mind: Literary Modernism and Visual Culture (Ithaca, Cornell University Press, 2001). 2 Ibid., p. 3.

3 L’idée d’une autonomie relative des superstructures est développée par Louis Althusser dans Lire Le Capital

(Paris, Maspéro, 1965). Elle offre une interprétation de l’affirmation du Capital selon laquelle la sphère économique est déterminante « en dernière instance ». Pour Althusser, cette précision implique que si la superstructure est in fine déterminée par l’infrastructure, elle est « relativement » autonome par rapport à elle, et non le résultat mécanique d’un certain état des rapports de production. L’expression « autonomie relative » est traduite en anglais par « semi-autonomy », et apparaît sous cette forme dans The Political Unconscious.

4 Fredric Jameson voit dans l’idée d’autonomie relative un moyen pour Althusser d’élaborer une théorie marxiste

qui se démarque de l’interprétation stalinienne, et des conséquences que cette dernière présente. En effet si l’on applique à la lettre le principe selon lequel seule l’organisation de la production est déterminante, les sphères ne relevant pas de l’infrastructure mais de la superstructure, en particulier l’exercice du pouvoir politique et l’organisation de la culture, semblent privées de tout potentiel révolutionnaire, et ainsi réduites à une fonction accessoire dans l’histoire. Dans ce contexte, l’exercice dictatorial du pouvoir et la réduction de la sphère artistique à un instrument de propagande peuvent être présentés comme un mal relatif, voire nécessaire, en attendant que la révolution économique soit accomplie. Penser au contraire l’expression de « dernière instance » comme une formulation de l’autonomie relative de la superstructure, c’est redonner leur poids critique aux sphères politique et culturelle dans l’appréhension de l’histoire, et la modification de son cours.

5 C’est ainsi que Steven Connor propose, contre une conception déterministe des rapports entre littérature et

histoire sociale, de penser l’inscription de la fiction dans l’histoire, mais aussi celle de l’histoire dans les formes et le propos de la fiction : « it is very hard for social and cultural histories not to reduce novels to a kind of second-order phenomenon, to a reflection of a given or already existing set of historical facts and conditions, whether these be political, economic and social. This book proposes that a different account of the post-war novel is possible ; one that sees the novel not just as passively marked with the imprint of history, but also as one of the ways in which history is made, and remade […] [This is] to suggest that the processes of writing and reading novels are not fully distinct or finally distinguishable from the forms of conflict, deliberation and evaluation that belong to the social, economic or political realms. […] the processes we associate with the making and substantiation of fictional worlds are to be seen at work within the real, historical world » (Connor, The English Novel in History, op. cit., p. 1-2).

6 Dans Literature, Politics and Culture in Postwar Britain, Sinfield définissait comme suit l’ambition d’une

« déconstruction matérialiste » : « to evade formalist self-absorption by using deconstructive strategies to uncover the implication of the text in institutional, historical and ideological structures » (Sinfield, Literature,

l’imbrication réciproque, dialectique, des textes et des structures institutionnelles, politiques et idéologiques qu’ils contribuent à construire, et dans le cadre desquelles ils sont produits, distribués et lus.

S’attachant à inscrire le moment contemporain dans une histoire, notre entreprise s’inscrira dans la lignée de travaux effectués, ces dernières décennies, à propos du devenir de la mimésis dans le moment contemporain. Elle entretiendra par exemple un dialogue avec les travaux de Catherine Bernard quant aux nouvelles voies que le récit de fiction tâche d’ouvrir dans le champ de la représentation. Nous intéressera particulièrement l’attention avec laquelle Bernard examine le retravail par les écritures contemporaines de traditions poétiques antérieures, et de toute une histoire de la réflexion sur la mimésis et son statut heuristique. Ses lectures de Amis et Winterson, notamment, éclairent le fonctionnement de modes et d’outils littéraires qui, recontextualisés, permettent aux écritures contemporaines de reposer la question du réalisme, de ses ambitions et des moyens esthétiques qui lui sont offerts – de l’allégorie au sublime en passant par l’analogie1. Selon Bernard, l’emballement potentiel de ces outils et leur difficulté à produire

un sens fiable manifeste l’inquiétude de la fiction vis-à-vis de pratiques signifiantes qui menacent de tourner à vide, et sa méfiance par rapport à une économie du signe qui est le seul ressort du récit, mais qui peine à produire un discours véritablement pertinent, à répondre du monde tel qu’il nous apparaît. Pour autant la narration n’abdique pas toute fonction mimétique ou herméneutique : encore et encore, elle se remet à l’ouvrage, et affirme la responsabilité du médium verbal vis-à-vis du réel, malgré son impuissance à saisir, à expliquer ou à concilier les déchirements de l’histoire et la dévastation du monde2. Dans cette tension entre la tendance du

récit (ou de l’allégorie) à rechercher un ordre transcendant, garant du sens, et les forces ironiques qui sapent de tels principes d’ordonnancement, voire les subvertissent et en font des outils entropiques, la fiction élabore l’espace d’un réalisme qui n’est plus pré-moderne, ni victorien, ni moderniste, mais qui se nourrit de ces moments antérieurs de la mimésis pour penser le contemporain. De façon cruciale pour nous, le projet qui se dessine alors pour le récit fait une

Politics and Culture in Postwar Britain, op. cit., p. xix)

1 Voir Catherine Bernard, « London Fields de Martin Amis : la mimesis revisitée », Ebc, n°1, 1993, p. 1-15 ; « A

certain hermeneutic slant: sublime allegories in contemporary English fiction », Contemporary Literature, vol. 38 n°1, printemps 1997, p. 164-184 ; « Le statut de l’analogie dans la fiction anglaise contemporaine et son interprétation », Ebc, n°18, juin 2000, p. 21-32 ; « Under the Dark Sun of Melancholia: Writing and Loss in The Information. », in Keulks, éd., Martin Amis: Postmodernism and Beyond, op. cit., p. 117-136. L’allégorie occupe une place centrale dans la réflexion de Catherine Bernard, qui examine sa réapparition et son traitement dans le roman contemporain. Notre démarche n’explorera pas cet aspect de la mimésis narrative, et se lancera plutôt dans un examen des métaphores visuelles à l’œuvre dans le récit. Il semble néanmoins que le suspens que Bernard observe dans le travail de l’allégorie, entre dysfonctionnement et insistance ou persévérance de l’écriture et de la lecture, présente des résonances évidentes avec notre propos.

2 C’est là un point central de tout le travail de Bernard sur la mimésis dans le roman contemporain britannique.

Voir notamment Catherine Bernard, « Dismembering / Remembering mimesis: Martin Amis, Graham Swift », Postmodern Studies, n°7, 1993, p. 121-144 ; « London Fields de Martin Amis : la mimesis revisitée », Ebc, n°1, 1993, p. 1-15 ; « Under the Dark Sun of Melancholia: Writing and Loss in The Information. », op. cit.

place toute particulière à l’imaginaire visuel de la mimésis. Ainsi l’ambition d’une « métafiction réaliste »1 envisage la compatibilité de modes fictionnels souvent figurés, dans le discours

critique et dans les romans eux-mêmes, par des métaphores concurrentes : la transparence contre l’opacité, la transparence contre la réflexivité. La réévaluation des enjeux centraux à une poétique « réaliste » implique également de penser les liens toujours changeants entre nos pratiques représentatives et une histoire plus ou moins visible. Bernard a ainsi exploré, en particulier dans l’écriture de Pat Barker, le travail de la mimésis comme effort imaginatif vis-à-vis de ce qui reste invisible dans l’historiographie traditionnelle – lorsque la création suplée au fonctionnement de l’archive dans le devoir de mémoire2. Étudiant, comme nous le ferons, le rapport de la fiction à

une histoire traumatique, elle a démontré comment le roman contemporain britannique négocie ce qui ne peut se montrer, ce qui fait voler en éclat toute description, et abîme notre faculté même à nous imaginer. Il semble que la zone liminale qu’elle voit émerger alors, entre expérimentation et réalisme, entre réflexivité et mimésis, soit précisément celle dans laquelle s’élaborent les romans de notre corpus : toujours prompts à rappeler leur propre statut de récits et à ouvrir dans la lecture des espaces de suspens ironique, mais aussi animés par une ambition indéniable d’aller, pour construire un peu de sens, à la rencontre du monde et des lecteurs3.

L’approche de Catherine Bernard est d’autant plus pertinente pour notre projet qu’elle s’attache, comme nous l’indiquions plus haut, à « historiciser » son objet, en manifestant son ancrage dans un contexte spécifique mais aussi en étudiant la façon dont il négocie son rapport à sa propre histoire. C’est le sens que prennent, dans son travail, les rapprochements qu’elle suggère entre différents moments de l’histoire de la mimésis – lorsqu’elle démontre par exemple que les analogies proliférantes du roman contemporain renouent en partie avec une épistémé pré- moderne4, ou encore lorsque les écritures contemporaines, s’affrontant à l’aporie supposée de la

1 Voir Catherine Bernard, « Pour une métafiction réaliste : la portée mimétique du roman anglais contemporain »,

Études Anglaises, 50e année, n°2, avril-juin 1997, p. 143-156.

2 Catherine Bernard, « Pat Barker’s Critical Work of Mourning : Realism with a Difference », Études anglaises,

The Contemporary British Novel, François Gallix, éd., n°60, avril-juin 2007, p. 173-184.

3 L’une des directions que Bernard relève, dans ce travail d’articulation de la mimésis contemporaine à un univers

visible problématique, constituera un axe essentiel de notre travail. Reconnaissant que les mots seront toujours en défaut par rapport à ce qu’ils tâchent de dire, il semble que la fiction s’attache moins à réaffirmer sa propre impuissance herméneutique, qu’à envisager l’efficacité réelle qui est la sienne en tant qu’elle engage des pratiques – d’écriture et de lecture. Bernard analyse ainsi la façon dont l’écriture de Barker, suggérant sa propre impuissance face au trauma, ne s’abîme pas de façon pure et simple mais appréhende en creux une expérience de l’abjection, dans laquelle le corps déborde effectivement les capacités symboliques du sujet. Le sens n’est pas nié, mais comme déplacé du site de la langue vers le site même d’où l’expérience matérielle se vit – celui d’un corps pris entre un deçà de la langue et les cadres linguistiques qui sont ceux de la culture. Explorant les formes de l’abjection ou permettant le déploiement proliférant de l’analogie, le texte ne met pas seulement en suspens le sens : par la façon dont il s’adresse, il s’en remet au lecteur en tant qu’il est organisme vivant, et rémunère en partie le défaut de la langue dans le moment de la lecture. Un déplacement similaire semble offrir le pivot essentiel de notre travail, qui conduit de la crise du voir, liée à la remise en cause de son statut épistémologique, à l’exploration des liens qu’il continue pourtant de créer dans le cadre de la lecture, rencontre visuelle et linguistique entre le texte et nous.

représentation, semblent entrer en dialogue avec une esthétique moderniste, dans ses convictions précaires mais persistantes face à l’effondrement du monde1. De façon complémentaire, notre

analyse trouvera de précieux alliés dans les études attachées à inscrire dans un certain contexte historique d’autres moments de l’histoire de la mimésis. Ainsi nous pourrons envisager notre corpus en tant qu’il marque une étape dans l’histoire de ce que Nancy Armstrong définit comme l’ambition « réaliste »2 de la fiction littéraire. Pour Armstrong, le réalisme désigne, au-delà d’une

école esthétique, le basculement de la littérature vers un paradigme visuel, et l’établissement comme standard, pour le récit de fiction, d’un critère de visibilité. Ce phénomène, qu’elle associe à l’apparition et à la popularité croissante des techniques photographiques au XIXe siècle,

continue selon elle d’influencer la production et la réception des œuvres littéraires. Ainsi le « réalisme » victorien et le modernisme du tournant du XXe siècle ne diffèrent que dans la mesure

où leur ambition de dévoilement s’attache à des objets différents : tout en définissant le « réel » selon des logiques éloignées, ils sont travaillés par une même soif de visibilité3. Notre travail

semble d’autant plus s’inscrire dans la continuité de cette démarche que le moment contemporain confirme l’omniprésence de médias visuels entre lesquels la fiction littéraire doit trouver sa place. Steven Connor nous rappelle ainsi que le roman britannique se déploie, après-guerre, dans un contexte culturel qui voit l’autorité de l’imprimé remise en cause4 tandis que l’influence des

supports visuels s’affirme de plus en plus : « With the vast expansion, in the period since the Second World War, of the available range of forms of representation and reproduction, it grew more and more difficult to defend the claims of verbal narrative against the confidence, versatility and power of visual media of all kinds »5. Ce phénomène est favorisé, en particulier, par l’essor

des moyens informatiques à partir des années 70 : dans son travail de négociation avec d’autres façons de produire et de faire circuler la fiction, la littérature est amenée à entretenir des rapports complexes avec la télévision, la photographie et le cinéma6, alors qu’eux-mêmes voient leurs

1 Bernard, « A certain hermeneutic slant: sublime allegories in contemporary English fiction », op. cit.

2 Nancy Armstrong, Fiction in the Age of Photography: The Legacy of British Realism (Cambridge, Mass.,

Harvard University Press, 1999).

3 Karen Jacobs, quoique son travail porte sur la seule période moderniste, semble confirmer cette idée dans la

mesure où elle examine la construction du modernisme littéraire autour de la notion de « regard intérieur ». La garantie que représente le signe visuel, quoiqu’elle soit remise en cause et occupe une place tensionnelle, reste la principale source de préoccupation. En ce sens, on reste selon la réflexion mise en place par Armstrong dans une démarche réaliste, qui mesure la pertinence d’une écriture à l’aune de ce qu’elle fait voir – en l’occurrence, ce qu’elle dévoile au regard non-initié du lecteur.

4 Rappelant les analyses développées autour du travail de Marshall McLuhan, qui tendent à souligner avant tout le

discrédit où tombe le médium verbal dans la période contemporaine, Connor présente comme l’un des objectifs du critique contemporain d’examiner les variations de fortune que le médium littéraire continue de connaître : « to investigate the ways in which the authority and importance of the printed word, especially in the form of fiction, has been compromised, defended, and sometimes enhanced » (Connor, The English Novel in History, op. cit., p. 13).

5 Connor, The English Novel in History, op. cit., p. 28.

6 Dans le courant de ce travail Cloud Atlas a été adapté au cinéma par les sœurs Wachowski, et l’illustration de

couverture de l’édition brochée a été remplacée par l’affiche du film. Voir Lana et Lilly Wachowski, Tom Tykwer, Cloud Atlas (Studio Babelsberg, 2012), et sur ce travail d’adaptation, Jo Alyson Parker, « From Time’s Boomerang to Pointillist Mosaic: Translating Cloud Atlas into Film », in Harris, David Mitchell and the

conditions d’existence modifiées par la multiplication des supports électroniques.

La double ambition que représentent historicisme et matérialisme désigne comme influence méthodologique majeure pour notre travail le projet élaboré dans le domaine des études visuelles. En explorant la littérature moderniste par le biais de son rapport à la culture visuelle qui lui est contemporaine, Karen Jacobs nous rappelle le double prisme sous lequel envisager cette culture : penser le statut du visible et du voir implique à la fois de se pencher sur les discours théoriques et scientifiques attachés à la question de la vision, et d’appréhender un état technologique de la production des images. Dans le cas qui l’intéresse, la crise intellectuelle qui atteint le modèle « oculocentrique »1 hérité du cartésianisme ne peut s’envisager que dans la

tension qu’elle présente face au succès grandissant des techniques photographiques, et à l’utilisation de l’image dans les sciences sociales émergeant à la même époque – la sociologie et l’anthropologie. Cette attention à une approche philosophique et technologico-économique de la question visuelle guidera notre travail. Elle impliquera notamment d’établir des ponts avec les études visuelles, pour envisager ensemble un état des lieux technologique et ses enjeux

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