• Aucun résultat trouvé

Avant de présenter notre cadre théorique proprement dit, une brève clarification de quelques notions et termes utilisés dans cette thèse et jugés importants pour une meilleure compréhension du phénomène à l’étude est proposée. Il faut dire que les descriptions de ces notions, à savoir « culture », « contexte » et « interculturel », ont été inspirées par une vision du monde phénoménologique, notamment celle issue de la philosophie de Merleau-Ponty (1908-1961). Cette vision du monde prendra place, postérieurement, de manière plus concrète et détaillée dans la section sur la méthode de recherche adoptée (Chapitre 3). Quant aux termes à élucider plus spécifiquement en lien avec le sommeil, il sera question des mots « difficulté » et « trouble » du sommeil et « qualité du sommeil ».

2. 1. La culture : une ouverture à l’expérience vécue

Selon Kleinman et Good (1985), la culture se situe à l’intersection du sens et de l’expérience ; dans une perspective phénoménologique, elle est aussi un processus toujours en devenir, autrement dit, un processus de production, de construction et de reconstruction (subjective) continue de l’homme et de ce qui lui est significatif dans les multiples sphères de sa communauté. D’après Vignaux (1993), ce processus est engendré dans les interrelations entre la personne et lui- même/et Autrui et son environnement, en permettant la caractérisation d’un groupe particulier et, par la suite, sa différenciation d’autres groupes voisins.

La culture peut ainsi se constituer par l’ensemble des manifestations et des significations qui prennent la forme :

« […] de valeurs, de normes, de règles, des gestes, des couleurs, des sons, des objets, des discours, […] des manières de faire, d’être, de penser de soi vis-à-vis du groupe auquel on appartient, et par voie de conséquence, des différenciations, des oppositions voire des exclusions de ce groupe vis-à-vis d’autres groupes » (Vignaux, 1993, p.3).

Elle peut être comprise donc, selon la pensée merleau-pontyenne, comme un champ polymorphe de perception, dans lequel le monde réel, dominé par la conscience humaine et

historiquement contingent, s’organise en tant que phénomène significatif disposé à l’expérimentation (Ferraz, 2008). La culture étant constituante du monde permet de ce fait à la personne de transcender ses bases purement génétiques, biologiques et physiologiques pour l’amener à devenir un être social éminemment créatif, interactif et interpersonnel.

La personne, en tant qu’être imprégné de culture, est dans une « mutuelle constitution » (Merleau-Ponty, 1960) avec les mondes objectif, social et subjectif. Selon Habermas (1987), c’est la coexistence de ces trois mondes qui constituent le « monde vécu » (Lebenswelt), c’est-à-dire celui qui résulte de l’intercompréhension entre les questions (a) cognitives-expérientielles, (b) morales- pratiques et (c) expressives, respectivement, médiatisées par l’action communicationnelle. Le monde vécu est ainsi le monde où se déploie l'action des membres d'une société donnée. Il s'agit alors de rendre compte de cette action du point de vue de celui qui agit, c’est-à-dire de l’être humain profondément entremêlée avec le « monde » au jour le jour et imprégné par la culture, en tant que protagoniste de son monde vécu (Lebenswelt). Il est également dans un processus constant de transformation, d’actualisation, de construction identitaire et d’adaptation à l’environnement (Devereux, 1978), de transmission et de partage.

En appliquant ceci à la thématique du sommeil et en adoptant une vision du monde phénoménologique, on peut envisager que la culture façonne dynamiquement et symboliquement ainsi nos habitudes de sommeil dans notre vie de tous les jours. La manière dont nous gérons notre sommeil, soit comment nous dormons, avec qui, quand et l’endroit privilégié pour cette activité est intimement constituée et continuellement modelée/transformée par la culture, l’histoire, le temps et le lieu où nous nous trouvons. Ainsi, le sommeil a une signification et peut être considéré comme un phénomène social et culturel qui nous permet d’accéder aux manières multiples et propres de la personne de le vivre et de le représenter quotidiennement dans sa communauté, société.

2. 2. Le contexte : une ouverture à la signification des expériences vécues Dans cette recherche, le contexte est compris comme les réalités construites à partir des « multiples contours » (Merleau-Ponty, 1960) de l’expérience vécue qui constituent les mondes vécus (Lebenswelt) des gens. Il prend la forme des réalités socioculturelles ou historico-culturelles ou

politico-économiques ou spirituelles ou écologiques…, qui se constituent mutuellement avec la personne et dans lesquels cette dernière peut se développer et s’actualiser. L’expérience humaine est alors le point d’intersection multiple de ces différentes réalités qui sont toujours en mouvement et toujours déformées.

D’après la phénoménologie, la personne est la protagoniste de sa propre expérience du monde vécu (Lebenswelt) et ne peut ainsi pas être considérée en dehors du contexte qui l’entoure. Le contexte est pris comme une toile de significations plus concrète qui donne sens à la vie quotidienne dans un espace-temps donné. Cette toile de significations fournit les éléments constitutifs de la culture et de la société dont la personne fait partie.

Des recherches montrent que les éléments du contexte peuvent être alors liés aux rôles sociaux (modes de vie et travail, soit diurne ou nocturne) et aux relations de pouvoir, au genre, à la composition du ménage et sa dynamique, à l’âge, aux changements durant le cours de la vie (p. ex., le mariage, le partage du « lit », la présence des enfants à la maison ou pas, la retraite, le divorce…), au processus de vieillissement, au climat, à la classe sociale et au revenu, au niveau d’éducation et au chômage, entre autres (Arber, et al. 2012 ; Hislop & Arber, 2003 ; Hislop, 2007 ; Williams, 2005). Le sommeil est ainsi affecté par ces éléments contextuels, positivement ou négativement, et aussi par d’autres conditions plus spécifiques, comme par exemple : types de lits, de matelas, de draps, d’oreiller, d’habits pour dormir, autant que le lieu et l’heure privilégiés pour cette activité, la présence ou l’absence de luminosité et de bruits dans l’espace, les façons de gérer le sommeil (diurne/nocturne)…

2. 3. L’interculturel : un champ et une posture de recherche

L’interculturel en psychologie n’a été instauré que très récemment, soit une quarantaine d’années. Ce champ d’étude, en pleine expansion aujourd’hui, s’intéresse aux liens entre culture et comportements, l’approche psychosociologique étant la tendance dominante parmi les approches scientifiques existantes (Licata & Heine, 2012).

Actuellement, trois branches principales composent la psychologie interculturelle, à savoir : (a) la psychologie interculturelle comparative (cross-cultural psychology), (b) la psychologie culturelle (cultural psychology) et (c) la psychologie interculturelle interactionniste (intercultural psychology), dont les frontières sont perméables. Cette dernière branche relève les processus psychologiques impliqués dans les situations de contacts interculturels, c’est-à-dire la psychologie de l’immigration, la rencontre de deux groupes sociaux, l’acculturation, entre autres.

Les deux premières branches, à leur origine, abordent différemment la question de la relation entre culture et comportement, en adoptant des approches méthodologiques distinctes dans leurs études (étique – universaliste versus émique – relativiste, respectivement). D’après Licata et Heine (2012) :

« … l’approche étique étudie les comportements à partir d’une position extérieure au système culturel étudié, en ayant recours à la comparaison de deux ou plusieurs cultures, [tandis que] l’approche émique tente de pénétrer la complexité des comportements en adoptant le point de vue des membres du groupe culturel étudié… » (p. 66).

Dans cette étude, la notion d’interculturel5 définit un champ de recherche en psychologie

(comparative, c’est-à-dire entre deux sociétés différentes) qui situe le phénomène à l’étude dans le contexte culturel de sa production. Nous suivons en cela la définition de Cohen-Emerique (2011) :

« Ce champ recouvre les travaux qui cherchent à dégager l’influence de la culture sur les conduites humaines, à tous les niveaux, et dont l’objectif final est de faire progresser les savoirs sur ce qui est de l’ordre du culturel, du social et du psychologique et de leur articulation » (p. ii).

Cette définition corrobore le point de vue de la psychologie interculturelle comparative d’aujourd’hui qui se situe plutôt « à mi-chemin entre les approches étiques et émiques ; entre approche universaliste et approche relativiste » (Berry, et al. 2011 cité par Licata et Heine, 2012, p. 69). Elle vise ainsi, selon ces auteurs, à combiner les aspects transculturels (plus universels) et les

5 Selon, Licata et Heine (2012), « en français, le mot « interculturel » peut aussi bien référer à la comparaison

aspects culturalistes (plus spécifiques) des expériences vécues des gens de manière à comparer les cultures sur différents critères psychologiques, tels que les valeurs (p. ex., autonomie, hiérarchie), les attitudes (p. ex., Soi indépendant ou interdépendant), la perception (p. ex., pensée analytique ou holistique), la cognition (p. ex., pratiques éducatives), le développement (p. ex., transmission culturelle, pratiques parentales), etc.

À cet égard, lors des études interculturelles comparatives, l’exploration et la comparaison des expériences vécues des personnes – dans cette étude, celles liées aux difficultés de sommeil dans la relation de couples de Québec et de Fortaleza – est ainsi basée sur une analyse minutieuse (Abdallah-Pretceille, 1999), c’est-à-dire consciencieuse de ce qui se passe à l’intérieur des multiples contextes qui les entourent dans ces groupes culturels distincts. Cette analyse implique donc (a) une écoute ouverte et attentive de la parole, du discours, de l’expérience vécue de l’Autre et de Soi- même, de même que (b) le respect des visions de l’homme et du monde, des systèmes de valeurs et de croyances développés quotidiennement dans chaque culture par ses protagonistes, au cours de leur existence et dans l’« ici-et-maintenant ». Ceci permet de rendre plus cohérente une situation qui peut sembler hors de la « normalité » à des personnes ne connaissant pas d’autres contextes ou d’autres cultures ou, encore, qui sont confrontées à des situations interculturelles (Azra & Vannieuwenhuyse, 2001).

Bref, dans la présente étude, l’analyse minutieuse des expériences vécues des personnes comprend alors l’adoption d’une posture de chercheuse interculturelle comparative dans la reconnaissance, la validation et la gestion – de façon dynamique et mutuelle – des descriptions des difficultés de sommeil des couples québécois et fortalésiens. Cette posture permet ainsi l’établissement d’un dialogue virtuel entre les similitudes ou les différences des vécus des participants à Québec (Canada) et à Fortaleza (Brésil).

2. 4. Les termes « difficulté » et « trouble » du sommeil

Dans les ouvrages plus généraux de la santé mentale, soit le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR/Cas cliniques), année 2008, les « difficultés de sommeil » sont indiquées comme (a) des symptômes associés aux troubles du sommeil ou à

d’autres troubles pathologiques ou physiologiques ou (b) à l’utilisation de médicaments ou de substances comme l’alcool et la drogue. Les « troubles du sommeil », à leur tour, sont présentés selon la classification de : (a) troubles primaires du sommeil (p. ex., dyssomnies6 et parasomnies7),

(b) troubles du sommeil liés à un autre trouble mental (p. ex., insomnie liée à…, hypersomnie liée à…) et (c) autres troubles du sommeil (p. ex., trouble du sommeil dû à…, type insomnie, type mixte, trouble du sommeil induit par une substance…). Ces mêmes troubles se trouvent également dans la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10), année 2007, de l’Organisation

Mondiale de la Santé – OMS.

Par ailleurs, dans les ouvrages plus spécialisés sur le sommeil (p. ex., Billiard, 2007 ; Epstein, et al. 2009) comme dans l’Académie Américaine de la Médecine du Sommeil (AASM) et la Classification Internationale des Troubles du Sommeil (ICSD), les « troubles du sommeil » sont classés de manière plus détaillée selon leur forme, leur durée ou leurs causes, en grands blocs de catégories :

1. Troubles du sommeil et de la veille/rythme circadien du sommeil (dyssomnies) : insomnie ; hypersomnie ; narcolepsie-cataplexie ; syndrome de décalage horaire ; travail posté ; syndrome de retard/d’avance de phase du sommeil ; cycle veille-sommeil irrégulier ; par drogue ou substance ;

2. Troubles respiratoires au cours du sommeil (dyssomnies) : syndrome d’apnées obstructives ou centrales du sommeil ; syndromes d’hypoventilation/hypoxie du sommeil ;

3. Troubles moteurs liés au sommeil (parasomnies) : syndrome d’impatience des membres inférieurs ; mouvements périodiques des membres dans le sommeil ; bruxisme ; crampes nocturnes ;

4. Troubles du sommeil d’origine psychiatrique, neuro-psychologique ou liés à d’autres maladies (parasomnies) : trouble dissociatif lié au sommeil ; énurésie ; syndrome de la tête qui explose ; gémissements/grognement ou vocalisations nocturnes ;

6 Ensemble de troubles du sommeil consistant en une altération de la quantité, de la fréquence et de la durée du

sommeil. L’origine peut être intrinsèque (cause interne à l’organisme) ou extrinsèque (cause extérieure).

5. Troubles du sommeil liés à l’environnement : bruit ; chaleur et froid ; position de la personne au lit ; literie ; altitude ; partage du lit (troubles du sommeil en rapport avec des perturbations du sommeil du conjoint).

Par ailleurs, la recherche du sens des mots « difficulté » et « trouble » faite dans les dictionnaires alphabétiques et analogiques de la langue française révèle que le premier terme réfère au « caractère de ce qui est difficile, exigeant des efforts, pénible, problème… », tandis que le deuxième signifie « dysfonctionnement de, désordre… ».

Toutefois, les définitions rigoureuses de ces deux termes semblent rester dans le monde scientifique. Il est observé, en effet, un écart entre ce langage scientifique et celui ordinaire (du sens commun) employé par la population générale dans leurs discours liés au sommeil. Les personnes souvent ne font pas de différence entre les termes « difficulté » et « trouble » du sommeil, les utilisant comme des synonymes ou de simples redondances textuelles, indépendamment du fait d’avoir reçu un diagnostique ou pas pour ses plaintes liées au sommeil.

Prenant en considération les définitions présentées ci-haut, le terme «difficultés de sommeil» (DSom), dans cette étude, sera employé pour faire référence aux plaintes verbales (occasionnelles ou habituelles) du quotidien relatives au sommeil, telles que vécues par les répondants. Ces plaintes verbales peuvent être liées, entre autres, (a) à la difficulté de s’endormir ou de rester endormi le soir, (b) au fait de somnoler le jour, (c) à l’apparition d’événements troublants la nuit (p. ex., cauchemars, ronflement, bruits de l’extérieur) ou (d) au partage du lit. D’ailleurs, elles peuvent influencer la qualité de vie de la personne, d’un point de vue personnel, relationnel ou professionnel, sans toutefois mettre en danger son fonctionnement quotidien.

Pour finir, il faut dire qu’autant les « difficultés » que les « troubles » du sommeil peuvent être causés ou aggravés par le mode de vie de la personne, ainsi que par de mauvaises habitudes liées au sommeil. Toutefois, seulement les « troubles du sommeil » peuvent être diagnostiqués cliniquement, car ils rencontrent des critères pour ce faire.

2. 5. Le terme « qualité du sommeil »

Krystal et Edinger (2008) affirment que « le principal facteur limitant la recherche sur la qualité du sommeil est le manque d'une définition standard » (p. 15 – traduction libre). Normalement, la notion de « qualité du sommeil » est opposée à celle de « quantité du sommeil ». Ceci implique alors l’opposition entre un bon et un mauvais repos nocturne (respectivement, sans ou avec des interférences physiologiques ou environnementales dans le sommeil) versus le nombre d’heures dormies la nuit.

Toutefois, la notion de « qualité du sommeil » va au-delà de cette opposition, reflétant les différents aspects du sommeil et l’expérience globale qu’en ont les personnes. La « qualité du sommeil » peut ainsi être comprise/mesurée 1) objectivement ou 2) subjectivement (Pilcher, Ginter, & Sadowsky, 1997 ; Krystal & Edinger, 2008).

La qualité objective du sommeil (QOS) est définie en fonction de la durée totale du sommeil, de la latence d’endormissement, de l’occurrence d’éveils nocturnes ou d’événements pathologiques au cours du sommeil, de la nature, de la profondeur, de l’efficacité et de l'architecture des stades du sommeil tels que mesurés, par exemple, par (a) l'électroencéphalographie, (b) la polysomnographie, (c) l’actigraphie ou (d) le patron de cycles périodiques des ondes cérébrales au cours du sommeil (cyclic alternating pattern).

La qualité subjective du sommeil (QSS), à son tour, peut être la réponse à la question : « Comment avez-vous dormi la nuit dernière ? ». Toutefois, allant au-delà d’une dimension « favorable-défavorable » du sommeil, elle peut comprendre également des indices relatifs au repos que l’on ressent au réveil et à la satisfaction générale de la nuit de sommeil et du sommeil lui-même. Ces indices de la QSS peuvent être qualitatifs (p. ex., agendas du sommeil, rapports libres sur le sommeil et les habitudes liées au sommeil), autant que quantitatifs (p. ex., questionnaires subjectifs d’autoévaluation de la qualité du sommeil, comme l’Index de qualité du sommeil de Pittsburgh – IQSP).

D’ailleurs, il est possible que la « qualité du sommeil » soit influencée par d’autres phénomènes que le sommeil (Krystal & Edinger, 2008) comme l’état général de santé, la douleur, le stress, l’humeur, l’anxiété. Ceci peut avoir des effets/influences sur le processus d’évaluation (subjective ou objective) du sommeil, y compris de sa quantité ou qualité et, par conséquent, sur la qualité de vie de la personne.

Dans cette étude, la notion de « qualité du sommeil » adoptée sera celle liée à la qualité subjective du sommeil, mesurée quantitativement par un questionnaire sur le sommeil et qualitativement par des « rapports libres » sur le sommeil et une entrevue semi-structurée de couple sur les DSom (outils détaillés ci-dessous dans la section Les instruments de recherche). Cette notion prendra en considération, respectivement, la perception du dernier mois de sommeil des répondants, ainsi que leurs récits de l’expérience vécue des DSom dans l’« ici-et-maintenant ». Ceci englobera leurs caractérisations personnelles par rapport à ce qu’ils comprennent par « bonne/mauvaise nuit de sommeil », « sommeil réparateur » et « qualité globale du sommeil », entre autres.

2. 6. Le cadre théorique

Comme révélé auparavant, le cadre théorique de cette recherche est constitué de trois dimensions centrales, à savoir : (a) le sommeil en tant que phénomène social ; (b) la vie quotidienne dans le contexte de la société 24/7 et (c) le système du partage du « lit » en couple. Il faut dire que chacune de ces dimensions sont intimement entremêlées les unes aux autres et continuellement constituées, modelées et transformées par la culture, le temps, le lieu (espace) et l’histoire. Ces trois dimensions centrales sont ainsi dans une relation de mouvement dynamique, constant et toujours en devenir dans la constitution et la signification de l’expérience vécue des DSom dans la relation de couple (voir Figure 1, ci-dessous).

Figure 1. Cadre théorique

Figure 1. Les flèches indiquent l’idée de mouvement constant et toujours en devenir des trois dimensions centrales, ainsi que de la culture, du temps, du lieu (espace) et de l’histoire dans la constitution et la signification de l’expérience vécue du sommeil ou des difficultés du sommeil [EV(D)Som] des personnes.

2. 6. 1. Dimension centrale 1 : Le sommeil en tant que phénomène social

En règle générale, dans les sociétés occidentales, le sommeil est vu comme une action biologique, individuelle et solitaire, dont l’intérêt majeur repose sur ses fonctions biophysiologiques et psychologiques, y compris les rêves et ses interprétations. C’est seulement à partir des années soixante, que quelques sociologues, anthropologues et psychologues ont souligné l’importance d’étudier le sommeil et de le conceptualiser comme un phénomène social (Arber, et al. 2012 ; Aubert & White, 1959 ; Dement, 1972 ; El-Sheikh, 2011 ; Hislop, 2007 ; Rosenblatt, 2006 ; Schwartz, 1970 ; Taylor, 1993 ; Troxel, Cyranowski, et al. 2007 ; Venn, 2007). Aux aspects naturel, biologique et individuel du sommeil qui étaient antérieurement considérés, il était nécessaire d’ajouter un aspect social pour rendre compte de la complexité de ce phénomène changeant (et hétérogène). À cet égard, Williams (2005) affirme que :

« Sleep (…) is a complex (learned) behaviour or pratice that displays a high degree of socio-cultural plasticity or variability. Sleep (…) is irreducible to any one domain or discourse, arising or emerging through the interplay of biological and psychological processes, environmental and structural circumstances, and socio-cultural forms of

elaboration, conceived in temporally, spatially, contextually bounded and embodied terms. Relations between the sleeping and waking world, moreover, are themselves complex and mutually reinforcing » (p. 3 – les marques en italiques sont de l’auteur).

Toute société contient ainsi ses propres normes, règles, attentes normatives et messages moraux entourant le sommeil. Arber, et al. (2012), par exemple, soulignent que le comment, pourquoi, où, quand et avec qui nous dormons au cours de notre vie dépend du type de société dans laquelle nous vivons. De ce fait, le sommeil est un état (comportemental) ou une pratique régulé(e)/contrôlé(e), organisé(e)/institutionnalisé(e) socioculturellement.

De plus, Williams (2005) observe que le sommeil est, en général, fortement associé, en ce qui concerne les paroles et les actes, au temps, à la richesse, à la sagesse et à la vertu morale au fils du temps dans les sociétés. Selon lui, les proverbes et les aphorismes abondent à cet égard (p. ex., « Se coucher de bonne heure et se lever le matin procure santé, fortune et sagesse » ; « Le monde/l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt »), ainsi que la littérature avec ses références aux

Documents relatifs