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L'expérience vécue des difficultés de sommeil dans la relation de couple au Canada et au Brésil : une étude interculturelle comparative entre les villes de Québec et de Fortaleza

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L’expérience vécue des difficultés du sommeil dans la

relation de couple au Canada et au Brésil :

Une étude interculturelle comparative

entre les villes de Québec et de Fortaleza

Thèse

Taís Castelo Branco Crisóstomo de Araújo

Doctorat en psychologie

Philosophiae Doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Résumé

Le sommeil est un phénomène naturel, biologique, individuel mais aussi socioculturellement organisé. Comprendre l’expérience vécue des difficultés de sommeil (DSom) dans la vie quotidienne de couples canadiens et brésiliens est l’objectif de cette thèse. L’étude, inscrite dans le paradigme interculturel-comparatif, s’appuie sur la méthode phénoménologique critique (Moreira, 2009). Cette approche vise à saisir le monde vécu des couples avec DSom à partir de la description des multiples contours (socio-économico-culturel) dans lesquels chaque partenaire, et le couple, sont entremêlés profondément au jour le jour. Onze couples hétérosexuels, sans enfant, âgés entre 24 et 47 ans, dont l’un ou les deux partenaires rapportent avoir des DSom ont été recrutés à Québec (N = 6) et à Fortaleza (N = 5). L’entrevue phénoménologique de couple et la rédaction de « rapports libres » sur le sommeil pendant sept jours consécutifs ont été utilisés, ainsi que deux questionnaires (IQSP/EAD-16). Quelle que soit la ville, les expériences vécues des DSom sont majoritairement associées au stress de la vie professionnelle et adulte ; elles se traduisent par des symptômes de l’insomnie et sont étroitement liées aux contextes socioculturels, économiques, environnementaux et familiaux. Les couples se disent habitués aux DSom ; ils emploient, généralement, des stratégies personnalisées et plus « santé » pour y faire face et préfèrent la convention sociale du partage du lit. La majorité des répondants était globalement satisfaite de leur engagement au moment de leur participation à cette étude. Le vécu de relations saines apparaît ainsi comme promouvant des comportements appropriés liés au sommeil, mais n’assure pas nécessairement une absence de DSom au sein du couple. Considérer le sommeil en contexte et reconnaitre son aspect social (et dyadique) peut contribuer à l’identification des DSom, à leur signification et à leur évaluation.

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Abstract

Sleep is a natural, biological and individual phenomenon but also socioculturally organized. Understanding the lived experience of sleep difficulties (SD) in Canadian and Brazilian couples’ everyday life was the purpose of this thesis. The study, within in the comparative cross-cultural paradigm, is based on the critical phenomenological method (Moreira, 2009). This approach seeks to understand the lived world of couples with SD from the description of multiple contours (socio-economic and cultural) in which each partner, and the couple, are deeply intertwined day by day. Eleven heterosexual couples without children, aged between 24 and 47 years-old, with one or both partners self-reporting SD were recruited in Quebec (N = 6) and Fortaleza (N = 5). A couple’s phenomenological interview and “free reports” on sleep during seven consecutive days were used, as well as two questionnaires (PSQI/DAS-16). Regardless of the city, the lived experiences of SD were mostly associated with professional and adult lives’ stress that reflect symptoms of insomnia, and were closely linked to socio-cultural, economic, environmental and family contexts. The interviewed couples reported being used to their SD; they generally adopted personal and “healthy” strategies to cope with them and preferred the social convention of bed sharing. The majority of respondents were generally satisfied with their couple relationship at the time of their participation in this study. The experience of healthy relationships seems thus to promote appropriate behaviors related to sleep, but do not necessarily assure a lack of SD within the couple. Considering sleep in context and acknowledging its social (and dyadic) aspects could contribute to the identification of sleep difficulties, as well as their meaning and assessment.

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Resumo

O sono é um fenômeno natural, biológico, individual, mas também socioculturalmente organisado. Compreender a experiência vivida das difficuldades de sono (DSon) na realação de casais canadenses e brasileiros é o objetivo desta tese. O estudo, inscrito no paradigma intercultural comparativo, se apoia no método fenomenológico crítico (Moreira, 2009). Este busca entender o mundo vivido dos casais com DSon à partir da descrição dos múltiplos contornos (sócio-econômico-cultural) nos quais cada parceiro, e o casal, estão profundamente entrelaçados no dia a dia. Onze casais heterosexuais, sem criança, entre 24 e 47 anos, onde um dos parceiros ou os dois afirmam ter DSon foram recrutados em Québec (N = 6) e em Fortaleza (N = 5). A entrevista fenomenológica de casal e a redação de “relatos livres” sobre o sono durante sete dias consecutivos foram utilisados, como também dois questionários (IQSP/EAD-16). Independentemente da cidade, as experiências vividas das DSon são associadas principalmente ao estresse da vida professional e adulta, traduzindo-se por sintomas de insônia e estando intimamente ligadas aos contextos sociocultural, econômico, ambiental e familial que as rodeiam. Os casais se dizem habituados às DSon; empregam, geralmente, estratégias pessoais e mais “saudáveis” para combatê-las e preferem a convenção social do compartilhar a cama. A maioria dos participantes se diz globalmente satisfeita de sua relação de casal no momento da participação ao estudo. O vivido de relações saudáveis parece assim promover comportamentos adequados relacionados ao sono, mas não garante necessariamente a ausência das DSon no seio do casal. Considerar o sono em contexto e reconhercer o seu aspecto social (e diádico) pode contribuir para a identificação de Dson, assim como suas significação e avaliação.

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Avant-Propos

La réalisation de cette thèse et le cheminement pour arriver à son aboutissement a été des plus stimulants et enrichissants, remplis de défis et parfois d’obstacles. Je tiens ainsi à remercier ma famille, notamment à ma mère, pour son soutien constant tout au long de ma vie et pour avoir toujours cru en moi, même dans les moments plus difficiles.

À tous mes professeurs, d’ici et d’ailleurs, que j’ai eu dès mes premières années à l’école jusqu’au doctorat et qui m’ont aidée à grandir professionnellement, mais aussi personnellement : Un grand merci ! Je ne serai pas arrivée ici sans leurs exemples de rigueur scientifique et d’accomplissement professionnel, ainsi que leurs judicieux conseils et leur générosité. Merci mille fois à mon directeur de thèse, Dr Yvan Leanza et à ma co-directrice, Dre Annie Vallières pour leur soutien, leur patience et leurs encouragements durant ces cinq années de doctorat. Merci de tout mon cœur au Dre Marguerite Lavallée pour sa disponibilité, ses conseils et sa bonne humeur. Merci au Dre Francine Saillant qui m’a aidé à enrichir le contenu de cette thèse avec ses commentaires ancrés dans un regard anthropologique et interculturel sur le phénomène à l’étude.

Infiniment merci à tous mes amis et collègues, d’ici et de partout dans le monde, que j’ai pu rencontrer au cours ma vie ; merci pour l’aide et le soutien qu’ils ont pu m’apporter, parfois même sans le savoir. Nos échanges et nos relations m’ont permis de voir le monde de façon plus ouverte, flexible et colorée, et d’en apprendre davantage sur les « multiples contours » qui nous entourent au jour le jour et qui font de nous des êtres uniques.

Vous tous, chère famille, cher(e)s professeur(e)s, cher(e)s ami(e)s et collègues, vous m’avez aidée à me surpasser et je vous en suis vraiment reconnaissante !

Enfin et surtout, merci à Dieu pour le don de la vie et me permettre de réaliser les rêves qui me tiennent à cœur et auprès des gens que j’aime !

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À ma mère, Hélia, un exemple de vie qui m’inspire au quotidien.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Resumo ... vii

Avant-Propos ... ix

Liste des figures et tableaux ... xvii

Liste des acronymes ... xix

Chapitre 1 : Introduction... 1

1.1 La mise en contexte ... 1

1.2 La revue de la littérature ... 3

1. 2. 1. Sommeil, adultes et cultures ... 4

1. 2. 2. Sommeil, couples et cultures ... 9

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 17

2. 1. La culture : une ouverture à l’expérience vécue ... 17

2. 2. Le contexte : une ouverture à la signification des expériences vécues ... 18

2. 3. L’interculturel : un champ et une posture de recherche ... 19

2. 4. Les termes « difficulté » et « trouble » du sommeil ... 21

2. 5. Le terme « qualité du sommeil » ... 24

2. 6. Le cadre théorique ... 25

2. 6. 1. Dimension centrale 1 : Le sommeil en tant que phénomène social ... 26

2. 6. 2. Dimension centrale 2 : La vie quotidienne dans le contexte de la société 24/7 ... 28

2. 6. 3. Dimension centrale 3 : Le système interactionnel de partage du « lit » ... 30

2. 7. La pertinence de l’étude ... 32

2. 8. Les objectifs ... 33

Chapitre 3 : Méthodologie ... 35

3. 1. La méthode phénoménologique critique – MPC ... 36

3. 2. La sélection des participants ... 38

3. 2. 1. Les critères de sélection ... 38

3. 2. 2. La taille de l’échantillonnage ... 38

3. 2. 3. Le recrutement ... 39

3. 3. Les instruments de recherche ... 41

3. 3. 1. Les questionnaires ... 42

3. 3. 1. 1. L’Index de qualité du sommeil de Pittsburgh (IQSP) ... 42

3. 3. 1. 2. L’Échelle d’ajustement dyadique-16 (EAD-16) ... 43

3. 3. 1. 3. L’analyse des questionnaires ... 44

3. 3. 2. Les « rapports libres » sur le sommeil (RLSom) ... 45

3. 3. 2. 1. L’analyse des RLSom : le profil des nuits de sommeil ... 46

3. 3. 3. L’entrevue phénoménologique de couple (EPC) ... 47

(14)

3. 4. La procédure de recherche ... 51

3. 4. 1. La nomenclature adoptée... 51

3. 4. 2. Les rencontres ... 51

3. 4. 3. Les lieux des rencontres ... 53

3. 5. Les considérations éthiques ... 53

3. 6. Les contextes de recherche ... 54

3. 6. 1. La ville de Québec (Canada) ... 54

3. 6. 2. La ville de Fortaleza (Brésil) ... 57

3. 6. 3. Les transformations sociétales de la modernité et les nouvelles façons de l’être ensemble ... 59

3. 6. 4. L’être ensemble et le (faire) couple dans le contexte de la société 24/7 ... 59

3. 6. 5. Le mariage et la cohabitation au Canada ... 60

3. 6. 6. Le mariage et la cohabitation au Brésil ... 62

Chapitre 4 : Résultats... 65

4. 1. Les participants recrutés ... 65

4. 2. Les analyses quantitatives ... 67

4. 3. Les analyses qualitatives ... 76

4. 3. 1. Les différentes facettes de la perception de la QSS... 76

4. 3. 2. Les catégories descriptives ... 79

4. 3. 2. 1. Catégorie 1. Le vécu des difficultés de sommeil (DSom) dans la relation de couple ... 80

4. 3. 2. 1. 1. Les manifestations des DSom ... 80

4. 3. 2. 1. 2. L’« insomnie » ... 82

4. 3. 2. 1. 3. L’origine des DSom ... 84

4. 3. 2. 1. 4. L’interprétation des DSom à l’intérieur du couple ... 84

4. 3. 2. 1. 5. Les effets secondaires des DSom le lendemain et la recherche de l’aide spécialisée ... 85

4. 3. 2. 1. 6. Le discours d’être « habitué » aux DSom ... 87

4. 3. 2. 1. 7. Résumé catégorie 1. : ... 88

4. 3. 2. 2. Catégorie 2. Les facteurs de la vie quotidienne et les DSom ... 88

4. 3. 2. 2. 1. La vie professionnelle ... 89

4. 3. 2. 2. 2. La vie adulte ... 91

4. 3. 2. 2. 3. Le partage du « lit »... 93

4. 3. 2. 2. 4. La rumination de pensées ... 93

4. 3. 2. 2. 5. Les facteurs environnementaux ... 94

4. 3. 2. 2. 6. Les rêves ... 95

4. 3. 2. 2. 7. Les facteurs biophysiologiques ... 98

4. 3. 2. 2. 8. Résumé catégorie 2 : ... 98

4. 3. 2. 3. Catégorie 3. Les stratégies pour faire face aux DSom au quotidien ... 99

4. 3. 2. 3. 1. Les modalités et les types de stratégies adoptées à Québec et à Fortaleza 100 4. 3. 2. 3. 2. Les stratégies centrées sur les deux partenaires ... 102

4. 3. 2. 3. 3. Les stratégies en faveur de l’autre ... 103

4. 3. 2. 3. 4. L’origine des stratégies adoptées ... 103

4. 3. 2. 3. 5. L’efficacité et l’effet des stratégies adoptées ... 104

4. 3. 2. 3. 6. Les facteurs qui influencent le choix des stratégies préventives ou des stratégies pour remédier aux DSom ... 105

(15)

4. 3. 2. 3. 7. La consommation de médicaments avec ou sans ordonnance ... 106

4. 3. 2. 3. 8. La stigmatisation de quelques stratégies adoptées à Québec et à Fortaleza ... 108

4. 3. 2. 3. 9. La négociation des besoins de sommeil dans la relation de couple ... 109

4. 3. 2. 3. 10. Résumé catégorie 3 : ... 109

4. 3. 2. 4. Catégorie 4. Les rituels d'endormissement ... 110

4. 3. 2. 4. 1. Les rituels d’endormissement à Fortaleza ... 112

4. 3. 2. 4. 2. Les rituels d’endormissement à Québec ... 114

4. 3. 2. 4. 3. Le syndrome du « snooze » ... 115

4. 3. 2. 4. 4. La fin de semaine ... 116

4. 3. 2. 4. 5. L’« angoisse du dimanche soir » ... 117

4. 3. 2. 4. 6. Résumé catégorie 4 : ... 118

4. 3. 2. 5. Catégorie5. La transmission familiale ... 119

4. 3. 2. 5. 1. Résumé catégorie 5 : ... 121

4. 3. 2. 6. Catégorie 6. Le partage du « lit » ... 122

4. 3. 2. 6. 1. La signification du partage du « lit » à Fortaleza ... 123

4. 3. 2. 6. 2. La signification du partage du « lit » à Québec ... 125

4. 3. 2. 6. 3. Les inconvénients du partage du « lit » ... 127

4. 3. 2. 6. 4. Envier le sommeil de l’autre dans le partage du « lit » ... 128

4. 3. 2. 6. 5. Résumé catégorie 6 : ... 129

4. 3. 2. 7. Catégorie 7. Les bénéfices psychologiques et émotionnels du partage du « lit » 130 4. 3. 2. 7. 1. Les bons côtés du partage du « lit » ... 130

4. 3. 2. 7. 2. L’émergence de rôles de genre dans le partage du « lit » ... 131

4. 3. 2. 7. 3. Résumé catégorie 7 : ... 132

4. 3. 2. 8. Catégorie 8. La conformité à la norme sociale du partage du « lit » ... 133

4. 3. 2. 8. 1. Dormir ensemble/séparément à Fortaleza ... 133

4. 3. 2. 8. 2. Dormir ensemble/séparément à Québec ... 133

4. 3. 2. 8. 3. La conformité à la norme du partage du « lit » et les conséquences positives pour le couple ... 134

4. 3. 2. 8. 4. Résumé catégorie 8 : ... 135

4. 3. 2. 9. Catégorie 9. L’environnement de la chambre à coucher ... 136

4. 3. 2. 9. 1. Les accessoires pour bien dormir ... 136

4. 3. 2. 9. 2. La scène du couple et les activités partagées ... 138

4. 3. 2. 9. 3. Les activités à éviter dans l’environnement de la chambre à coucher ... 141

4. 3. 2. 9. 4. Le changement physique de l’environnement à coucher ... 142

4. 3. 2. 9. 5. Résumé catégorie 9 : ... 143

Chapitre 5 : Discussion générale ... 145

5. 1. Rappel du cadre théorique et des objectifs ... 145

5. 2. La société 24/7 ... 147

5. 3. L’être ensemble ... 155

5. 4. Les limites et les forces de la recherche ... 159

Chapitre 6 : Conclusion... 165

6. 1. La conclusion ... 165

(16)

Bibliographie ... 169

Annexes ... 181

Annexe 1. Annonce de diffusion de la recherche ... 181

Version en Français ... 181

Version en Portugais ... 182

Annexe 2. Questionnaire de vérification des critères d’admissibilité des participants ... 183

Version en Français ... 183

Version en Portugais ... 184

Annexe 3. Formulaire de consentement ... 185

Version en Français ... 185

Version en Portugais ... 188

Annexe 4. Coordonnées de ressource d’aide ... 191

Version en Français ... 191

Version en Portugais ... 192

Annexe 5. Formulaire d’engagement à la confidentialité ... 193

Version en Français ... 193

Version en Portugais ... 194

Annexe 6. Schéma d’entrevue ... 195

Version en Français ... 195

Version en Portugais ... 196

Annexe 7. L’Index de qualité du sommeil de Pittsburgh – IQSP ... 197

Version en Français ... 197

Version en Portugais ... 199

Annexe 8. L’Échelle d’ajustement dyadique-16 – EAD-16 ... 201

Version en Français ... 201

(17)

Liste des figures et tableaux

Figure 1 (Chapitre 2). Cadre théorique 26

Figure 2 (Chapitre 2). Modèle d'association dynamique entre le fonctionnement conjugal

et le sommeil 32

Figure 3 (Chapitre 5). Rappel du cadre théorique et superposition des contextes structurantes de l’expérience vécue du sommeil ou des difficultés du sommeil

[EV(D)Som] des personnes 146

Tableau 1 (Chapitre 3). Degrés de satisfaction dyadique, selon l’EAD-16 44 Tableau 2 (Chapitre 4). Description générale des couples participants 66 Tableau 3 (Chapitre 4). « Autorapport » des DSom, cotes globales et

appréciation de l’IQSP et de l’EAD-16 des couples participants 67 Tableau 4 (Chapitre 4). Analyse de contenu quantitative des RLSom des participants 69 Tableau 5 (Chapitre 4). Stratégies adoptées par les couples québécois et

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Liste des acronymes

TIC Technologies de l'Information et de la Communication OMS Organisation Mondiale de la Santé

NSF National Sleep Fondation

EEG Électroencéphalogramme

EIA Échelle d’insomnie d’Athènes ESE Échelle de Somnolence d’Epworth MEQ Morningness-Eveningness Questionnaire ICC Insuffisance cardiaque congestive AOS Apnée obstructive du sommeil TRS Trouble respiratoire du sommeil

OAM Orthèse d'avancée mandibulaire

SWAN Study of Women’s Health Across the Nation

ESG Enquête Sociale Générale

IBOPE Institut Brésilien d’Opinion Publique et de Statistique

DSM-IV-TR Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux)

CIM-10 Classification internationale des maladies, 10e version

AASM Académie Américaine de la Médecine du Sommeil ICSD Classification Internationale des Troubles du Sommeil DSom Difficultés de sommeil

QSS Qualité subjective du sommeil

IQSP Index de qualité du sommeil de Pittsburgh MPC Méthode phénoménologique critique RLSom « Rapports libres » sur le sommeil EPC Entrevue phénoménologique de couple EAD-16 Échelle d’ajustement dyadique – 16 EAD-32 Échelle d’ajustement dyadique – 32

DAS Dyadic Ajustment Scale

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Chapitre 1 : Introduction

1.1 La mise en contexte

Le sommeil est une thématique de plus en plus importante dans un monde dominé par les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) – contexte de la société 24/7, où « être en alerte est apprécié, être somnolent, problématisé et être vigilant, valorisé » (Williams, Coveney, & Gabe, 2013, p. 40 – traduction libre). Ainsi l’accès constant aux lumières vives, télévision, musique, internet, téléphone cellulaire, texto, services 24h, ainsi que le stress vécu au lever (dépendance au réveil matin), au travail, au trafic et dans les distances plus longues à parcourir de la maison à l’emploi repoussent régulièrement l’heure du coucher et diminue le nombre d’heures et la qualité du sommeil. Des altérations significatives sont également observées dans le fonctionnement mental, physique, professionnel et sexuel de la personne1 (qui devient plus stressée) en raison de ces

perturbations du sommeil pendant la nuit, autant qu’aux changements de routine.

La nécessité quotidienne de sommeil varie considérablement selon les exigences physiologiques propres à chaque personne. Toutefois, dans un contexte de société 24/7 d’hyper industrialisation, où les conditions de vie et de travail sont des plus frénétiques et exigeantes, le sommeil est souvent considéré comme une « perte de temps ». À cet égard, les personnes, avec ses motivations multiples, sentent la nécessité de se donner et de se montrer toujours actives aux sphères personnelle et professionnelle de leur vie (il faut absolument être impliqué dans tout), afin de (bien) se structurer dans leurs communautés d’appartenance. Cette perception du sommeil comme « une des activités humaines les moins productives » (Martin, 2005, p.4), augmente le nombre de gens fatigués et privés du sommeil dans le contexte de la société 24/7, car souvent on ne lui donne pas la place qu'il mérite.

Selon les études de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 40% de la population mondiale présente des difficultés de sommeil (Pavanelli, 2007). Les effets de la mauvaise qualité ou de la privation du sommeil sont associés à plusieurs questions de santé et de sécurité individuelle et

1 Dans cette thèse, quand on utilise le terme « personne », on fait référence au sujet au-delà de son action dans le

monde, c’est-à-dire quelqu’un qui est protagoniste de son existence et, par conséquent, de son monde vécu. Les termes « homme » ou « gens », lorsqu’employés sont considérés comme synonymes de « personne ».

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publique, ainsi que d’économie (Martinez, 1999 ; Roth, et al. 2002 ; Hamann, 2004 ; Gangwisch, et al. 2006 ; Hurst, 2008). Cela inclut, entre autres, l’augmentation (a) du nombre d’accidents dans le milieu industriel et dans le trafic autoroutier, (b) de dépenses en médicaments prescrits ou sans ordonnance, (c) de l’usage d’alcool, (d) de risques accrus de maladie du cœur, (e) d’accident vasculaire cérébral, (f) d’hypertension, (g) de diabète, (h) d’obésité et (i) de dépression. Les scientifiques ne s’entendent pas sur l’ampleur de la privation de sommeil dans la société 24/7, mais tous sont d’accord sur le fait que la somnolence est une cause majeure d’accidents et de blessures (Martin, 2005) et que les relations entre le sommeil, la santé et le mode de vie dans la culture populaire et dans la vie quotidienne sont multiples et évidentes (Williams, et al. 2013).

Le sommeil doit être ainsi considéré au-delà de son aspect naturel, biologique et individuel. Ce phénomène complexe est de plus en plus reconnu comme étant aussi social et entremêlé aux contextes familial et culturel. La relation de couple (indépendamment de leur façon d’être ensemble – mariage ou cohabitation), par exemple, est le contexte social primaire pour la plupart des adultes, dont la durée de vie inclut des milliers de nuits de sommeil partagé avec un autre adulte (National Sleep Fondation (NSF), 2005/2010 ; Rosenblatt, 2006). Toutefois, le sommeil comme un phénomène social (et dyadique) reste encore mal compris et largement négligé par les scientifiques. Selon Rosenblatt (2006), la plupart des rapports de recherche actuels et des articles cliniques sur le sommeil sont écrits comme si les gens dormaient seuls et dans une approche quantitative.

Néanmoins, Troxel, Robles, et al. (2007) suggèrent que la recherche sur le sommeil du couple doit fournir un appui conditionnel à l'hypothèse que « la qualité de la relation est particulièrement impliquée dans le sommeil et vice-versa » (p. 401, traduction libre). Des études récentes, majoritairement d’approche quantitative, suggèrent que la présence de difficultés de sommeil chez l’un des partenaires (ou les deux) peut non seulement contribuer aux problèmes dans la vie de couple et vice-versa (Strawbridge, Shema & Roberts, 2004 ; Troxel, Robles, Hall, & Buysse, 2007), mais aussi augmenter le risque pour l’autre partenaire de développer un trouble du sommeil (Ulfberg, Carter, Talback, & Edling, 2000).

(23)

Par ailleurs, les difficultés ou troubles du sommeil ne sont souvent pas détectés ni traités dans les consultations médicales conventionnelles (Williams, 2005 ; Müller & Guimarães, 2007 ; Léger, Poursain, Neubauer, & Uchiyama, 2008 ; Morin, 2009). Ceci potentialise les effets nocifs, par exemple, sur la structure du sommeil, le rythme circadien, mais aussi sur des aspects sociaux comme le partage du lit et la qualité de la vie quotidienne des deux membres du couple. Les conceptions erronées à propos du sommeil et la négligence de sa nature dyadique pour la majorité des adultes, spécialement par les professionnels de la santé (Troxel, 2010), contribuent ainsi à intensifier ces effets nocifs et, en plus, à l’installation ou au maintien (de façon chronique) des difficultés ou troubles du sommeil chez les personnes.

Malgré cela, ce qui se voit dans la littérature scientifique actuelle sur le sommeil est une attention insuffisante portée au sommeil des couples et, par extension, un faible nombre d’études sur cette thématique (Meadows, Arber, Venn, Hislop, & Stanley, 2009). D’où l’intérêt, dans cette recherche, de saisir les difficultés de sommeil dans la relation de couple à l’intérieur de deux contextes nationaux différents et de mettre en évidence les possibles similarités ou divergences de ce phénomène.

Ce manque de recherches sur le sommeil des couples suggère (a) qu’un effort de la recherche scientifique doit être fait pour augmenter le nombre d’études dans ce domaine, (b) autant qu’un effort éducatif, par la suite, pour mieux informer la population générale sur le sommeil et ses troubles, y compris les conséquences pour leur qualité de vie et les stratégies pour y faire face. Les gens pourront, de ce fait, les reconnaître plus facilement et adopter les différents moyens de recherche d’aide existant pour les affronter.

1.2 La revue de la littérature

Le survol de la littérature sur le sommeil et ses troubles, tenant compte, d’une façon ou d’une autre, des aspects sociaux et culturels des participants, a révélé davantage de recherches portant sur les enfants et les adolescents que sur les adultes et quelques-unes sur les personnes âgées. Les résultats qui portent sur les adultes (célibataires ou mariés) sont présentés ici, étant donné que c’est la population choisie dans le cadre de cette recherche. La première partie de cette recension des

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écrits a été organisée en fonction de la thématique sur le sommeil, l’adulte et la culture, tandis que la deuxième, sur le sommeil, le couple et la culture.

1. 2. 1. Sommeil, adultes et cultures

La qualité du sommeil et la qualité de vie sont étroitement liées, étant donné qu’un tiers de notre vie se passe en dormant (Martin, 2005). D’après Carskadon et Dement (2005), le sommeil peut se définir comme un état de comportement réversible et accompagné d’une perte de conscience du monde extérieur. Cette définition reflète la pensée sur le sommeil des sociétés occidentales industrialisées, dans laquelle la biologie tient une place centrale (Worthman & Melby, 2002) et le sommeil est conçu comme l'inverse de l’insomnie (Harvey, 2002 ; Morin, 1993 ; Perlis, Giles, Mendelson, Bootzin, & Wyatt, 1997 cité par Vallières, 2008). Il faut dire que cette pensée a gagné en force spécialement après l’apparition de l’électroencéphalogramme (EEG) dans les années 1925 qui a établi les patrons de sommeil dits « normaux » et, en 1950, après la découverte des états physiologiques du sommeil, c’est-à-dire le sommeil paradoxal et le sommeil lent2 (Kroker, 2007).

Les études qui traitent des aspects socioculturels du sommeil des adultes sont, majoritairement, quantitatives avec une croissance continue d’apparition dans les systèmes de référence PsycNET et PubMed à partir des années 2006. Ainsi, il y a un nombre croissant d’études épidémiologiques portant particulièrement sur l’insomnie, sa prévalence, ses caractéristiques et ses conséquences sur les qualités de sommeil et de vie des personnes, ainsi que sur les médicaments psychotropes pour y faire face et la cooccurrence de ce trouble avec l’apnée du sommeil (Baldwin, et al. 2010 ; Léger & Poursain, 2005 ; Morin, LeBlanc, Daley, Gregoire, & Merette, 2006 ; Morphy, Dunn, Lewis, Boardman, & Croft, 2007 ; Ohayon & Caulet, 1996 ; Ohayon, Lemoine, Arnaud-Briant, & Dreyfus, 2002 ; Subramanian, et al. 2011 ; Wickwire, et al. 2010). De plus, les résultats de ces études s’appuient, généralement, sur des questionnaires, des entrevues par téléphone ou des sondages électroniques (Ohayon, Caulet, & Guilleminault, 1997 ; Aikens & Rousse, 2005). Par exemple, Léger & Poursain (2005), ont étudié la prévalence et les caractéristiques de l'insomnie dans la population générale de 18 ans et plus de quatre pays différents (France, Italie, Japon et

2 Le sommeil lent est divisé en quatre stades qui passent d'un sommeil léger, soit le stade 1, à un sommeil plus profond,

soit le stade 3, selon l'activité électroencéphalographique qui inclut la fréquence et l’amplitude des ondes, la présence de fuseaux et de complexes K. Le sommeil paradoxal, à son tour, est caractérisé par une activité électroencéphalographique plus intense comme celle de l'éveil, des mouvements oculaires rapides et une atonie musculaire.

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Unis). Leur objectif était de mieux comprendre pourquoi l'insomnie est sous-estimée et sous-traitée, en soulignant aussi les différences dans les définitions utilisées pour ce trouble. Pour ce faire, le type, la fréquence, l'histoire naturelle des symptômes nocturnes et diurnes et les attitudes des gens quant à la nature et le traitement de l'insomnie ont été évaluées quantitativement à partir d’entrevues téléphoniques de 10 à 15 minutes dans chacun des quatre pays étudiés. Les résultats ont démontré que l’insomnie est rapportée par 37,2% des répondants en France et Italie, 6,6% au Japon et 27,1% aux États-Unis, ce qui suggère que la charge de l'insomnie sur les personnes qui en souffrent dans ces pays est considérable. Toutefois, de nombreux répondants n'ont pris aucune mesure pour soulager leurs symptômes, malgré l’impact du manque de sommeil sur la qualité de leur vie quotidienne.

Cette recension nous a révélé que la majorité des chercheurs ne font que comparer les différentes variables physiologiques (p. ex., les stades du sommeil), psychologiques (p. ex., les sentiments par rapport aux difficultés ou troubles du sommeil, les attitudes envers ou les stratégies pour y faire face) ou comportementales (p. ex., l’heure de coucher, la durée du sommeil, le temps

d’endormissement, les siestes, la consommation/la dépendance à des

benzodiazépines/psychotropes) liées au sommeil et ses troubles dans différents pays (Blanco, Kriguer, Pérez Lloret, & Cardinali, 2003 ; Jason, et al. 1995 ; Ohayon & Caulet, 1996 ; Soldatos, Allaert, Ohta, & Dikeos, 2005 ; Steptoe, Peacey, & Wardle, 2006) ou dans différents groupes ethniques, étudiés soit à l’intérieur d’un même pays (Bogui, et al. 2002 ; Goodin, McGuire, & Smith, 2010 ; Hale & Do, 2007 ; Ong & Clerk, 1998 ; Paine, Gander, Harris, & Reid, 2004 ; Poland, et al. 1999 ; Rao, et al. 1999 ; Stepnowsky, Moore, & Dimsdale, 2003), soit dans des pays différents (Natale, Adan, & Fabbri, 2009 ; Park, Matsumoto, Seo, Shinkoda, & Park, 1997 ; Park, Matsumoto, Seo, Shinkoda, & Park, 1998).

À titre d’illustration, Soldatos, et al. (2005), dans une étude transversale menée dans dix pays différents (Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Allemagne, Japon, Portugal, Slovaquie, Afrique du Sud et Espagne), ont décrit les différences possibles par rapport à la prévalence et aux types de troubles du sommeil entre ces pays afin de savoir comment ces manifestations affectent le fonctionnement diurne des répondants (N = 35 327). Ceux-ci, âgés en moyenne de 39 ans et avec des variations claires dans leur mode de vie, ont répondu à une même enquête (traduite dans leurs

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idiomes respectifs) portant sur les données sociodémographiques et le sommeil, ainsi qu’à l’Échelle d’insomnie d’Athènes (EIA) et à l’Échelle de Somnolence d’Epworth (ESE). Les résultats ont montré que, dans l’ensemble, 24% des répondants ont affirmé ne pas bien dormir. Selon l’autoévaluation de l’EIA, 31,6% avaient l’insomnie, tandis que 17,5% étaient prédisposés à en avoir et selon les scores de l’ESE, 11,6% des participants se montraient de beaucoup à très somnolents (niveau de danger) durant la journée. Les chercheurs ont conclu que les problèmes de sommeil rapportés sont sous-estimés dans la population générale et qu’il y a une nécessité de sensibiliser davantage les gens à l'importance des troubles du sommeil de même qu’à l'amélioration de leur détection et gestion. Stepnowsky, et al. (2003), à leur tour, dans une étude prospective sur les différences ethniques dans la physiologie du stress et le sommeil, ont examiné 51 travailleurs en bonne santé, âgés entre 15 et 50 ans, habitant aux États-Unis et qui s’auto-identifiaient comme « Blancs » (N = 27) et « Noirs » (N = 24). Le but de leur étude était de vérifier l’existence ou non de différences ethniques dans le sommeil des répondants, enregistré par polysomnographie, soit dans l’environnement contrôlé du laboratoire de recherche, soit dans l’environnement familial. Les résultats suggèrent que les « Noirs » ont moins de sommeil à ondes lentes (sommeil profond) que les « Blancs », peu importe l’environnement (laboratoire ou résidence familiale). Ils ont aussi beaucoup plus de sommeil profond à la maison par rapport au laboratoire, alors que l'inverse était vrai pour les « Blancs ». Ainsi, les chercheurs concluent que l’environnement familial est généralement considéré comme plus écologiquement valable pour la surveillance du sommeil que celui du laboratoire (contrôlé et en milieu hospitalier) et que les groupes ethniques peuvent réagir différemment à l'environnement de sommeil. Enfin, Park, et al. (1997) ont examiné les chronotypes et les habitudes de vie de 533 étudiants coréens (M âge = 20 ans), 468 étudiants japonais (M âge = 19 ans) et 311 travailleurs

japonais (M âge = 21 ans) afin de les comparer et de vérifier les différences entre les groupes/pays.

Les outils de recherches (Morningness-Eveningness Questionnaire – MEQ and Life Habits Inventory) ont été utilisés dans les versions coréenne et japonaise et les données vérifiées par des analyses de variance et le test de normalité de Kolmogorov-Smirnof. Les chercheurs ont conclu que la distribution des scores pour les trois groupes est normale. Toutefois, malgré le fait que les deux groupes d’étudiants (japonais et coréens) présentaient des habitudes de sommeil semblables, le groupe d’étudiants japonais (spécialement les hommes et ceux qui travaillaient à temps partiel ou avaient des activités sociales le soir) s’orientait plus vers le type « soir », alors que le groupe coréen se montrait plus du type « matin ». Quant aux travailleurs japonais, ils se couchaient et se levaient

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toujours plus tôt (type « matin ») que les étudiants (des deux pays) et leurs habitudes de sommeil étaient légèrement différentes. Cette différence entre travailleurs et étudiants pourrait s’expliquer, selon Park, et al. comme résultant des demandes d'emploi. Les auteurs affirment que les personnes du type « soir » ont des conditions de vie plus irrégulières que celles du type « matin ».

En réalité, les aspects socioculturels, lorsqu’abordés, sont généralement associées à l’ethnicité ou la nationalité (p. ex., « Hispaniques », « Afro-Américain », « Japonais »), à la race (p.ex., « Caucasien », « Blancs », « Noirs », « Jaune »), au genre (p. ex., « femme », « homme »), à l’âge, aux statuts d’emploi et au niveau socioéconomique dans les pays d’origine ou hôte (spécialement, lors d’études avec des immigrants ou réfugiés). Cela démontre que, malgré la cueillette de données sociales ou culturelles dans ces études, les résultats sont traités davantage dans une optique internationale que socioculturelle. En effet, il n’y a pas un réel intérêt pour comprendre comment les personnes, en appartenant à des sociétés spécifiques, définissent et organisent leur sommeil. Les contextes socio-économique, politique et culturel, c’est-à-dire les différentes dimensions de l’expérience, ne sont pas prises en compte dans ces études épidémiologiques et quantitatives sur le sommeil des adultes. C’est d’ailleurs dans cette même optique qu’ont été abordées les recherches portant sur les différences ethniques, soit dans le même pays, soit dans des pays différents. Cette façon statique et figée de considérer l’ethnicité est ainsi présentée comme étant « l’apanage de groupes minoritaires qui seraient porteurs de traits culturels spécifiques comprise dans un groupe englobant » (Vinsonneau, 2012, p. 81).

Il faut dire que même les études existantes dans ce domaine d’approche qualitative (Brostöm, Strömberg, Dahlström, & Fridlund, 2003 ; Hislop & Arber, 2003b) se contentent de traiter superficiellement les aspects socioculturels du sommeil qui mériteraient d’être considérés davantage. Par exemple, Brostöm, et al. (2003), dans une étude qualitative descriptive, ont interviewé 25 conjoints blancs entre 35 et 87 ans de niveaux scolaires différents (de l’école primaire au troisième cycle universitaire), dont le partenaire était diagnostiqué comme souffrant d’insuffisance cardiaque congestive (ICC) avec des problèmes respiratoires comme l’apnée du sommeil et, par conséquent, des difficultés de sommeil et de la somnolence diurne. La méthode avait comme but de collecter des descriptions précises du comportement adopté face à des situations décisives qui influencent le/la conjoint(e) dans les soins à prodiguer au partenaire atteint d'ICC, ceci en relation avec le sommeil du

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couple. Toutefois, malgré le fait que l’entrevue semi-structurée s’appuie sur une perspective holistique développée en sciences infirmières (cf. Sarvimäki & Stenbock-Hult, 1993 cités par Brostöm, et al.) qui prend en considération les dimensions biophysique, socioculturelle et psychologique des gens, les aspects socioculturels recueillis par cette étude ont été limités aux variables indépendantes retenues, à savoir la race (blanche), l’âge, le genre et le niveau d’instruction. Bien que ces variables relèvent du cadre ethnoculturel des personnes à l’étude, la façon dont elles sont étudiées ne les montre pas comme des éléments constitutifs des difficultés ou troubles de sommeil des gens dans leurs sociétés d’appartenance respectives. Il s’agit donc d’éléments relativement déconnectés du contexte socioculturel et du processus de signification de l’expérience vécue des répondants, vu que les influences socio-comportementales et de l’environnement sont mises de côté dans les évaluations des auteurs de cette étude.

D’ailleurs, il y a encore un manque important de données sur le sommeil des adultes dans une perspective interculturelle comparative. La recherche de mécanismes universels et de variations culturelles du sommeil, dues à un ensemble de facteurs socioculturels et autres, ne semble pas avoir été très populaire malgré l’intérêt d’une telle démarche. En effet, les études qui s’appuient sur une approche interculturelle comparative (Nasermoaddeli, et al. 2005 ; Natale, Adan, & Fabbri, 2009 ; Tomfohr, Ancoli-Israel, & Dimsdale, 2010 ; Voss & Tuin, 2008), dont les variables sont quantifiées, n’arrivent pas à construire une connaissance nuancée ou contextualisée du vécu du sommeil et de leurs difficultés. Les particularités socioculturelles n’y sont pas décrites en profondeur. Par exemple, Natale, et al. dans leur étude avec le MEQ, ont évalué 5 720 étudiants universitaires âgés en moyenne de 22 ans (3 851 Italiens et 1 869 Espagnols, dont 3 877 étaient des femmes et 1 843 des hommes) sur les effets de la saison de naissance (automne, hiver, printemps et été) sur le moment préféré du cycle veille-sommeil. Leurs résultats montrent que la nationalité a affecté tous les paramètres du sommeil considérés, sauf la durée. Les femmes préfèrent aller se coucher beaucoup plus tôt et dormir plus longtemps que les hommes, quelle que soit la saison de naissance et la nationalité. Pour la saison de naissance, un effet significatif mais faible est également observé sur le moment préféré pour se coucher, les participants nés au printemps et en été se mettant au lit et atteignant la mi-parcours du sommeil plus tard que ceux nés en automne et en hiver. Ces résultats montrent que des facteurs génétiques, environnementaux et culturels ont été évalués dans cette recherche, mais de façon superficielle, sans prendre en considération, par exemple, les possibles

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différences culturelles entre les Italiens et les Espagnols dans leurs croyances sur les habitudes de sommeil et la saison de leur naissance.

Selon Vallières (2008), il n'existe actuellement aucune information systématique sur les aspects socioculturels du sommeil chez des populations adultes. Ceci s’avère toutefois problématique, lorsque ce qui est défini comme étant un trouble du sommeil, par exemple, dépend de la perception et des attentes de la personne par rapport à ce qui est approprié comme sommeil dans une culture donnée (Jenni, 2005). Chaque société a des normes et règles à propos du sommeil qui informent sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas (Arber, Meadows, & Venn, 2012). Jenni affirme que ce sont ces normes socioculturelles qui déterminent fortement les frontières entre le sommeil dit « normal » et celui dit « pathologique ».

Ainsi, plus de recherches qualitatives, voire mixtes, semblent être nécessaires pour comprendre plus en profondeur comment les facteurs socioculturels influencent le sommeil et ses manifestations dérangeantes et pathologiques à l’intérieur d’une même culture et entre les cultures et comment les personnes les perçoivent, les expérimentent et les signifient au quotidien. Il serait intéressant d’explorer de façon dynamique et, notamment, contextualisée les similarités et les différences, par exemple, des comportements des gens par rapport aux difficultés de sommeil vécues en interaction avec le statut économique, le niveau d’éducation, l’environnement familial, les styles de vie (diurne et nocturne), l’influence du climat et l’exposition au soleil dans divers sites de recherche (urbain, rural…). Ceci contribuerait à comprendre le portrait plus ample et complexe des multiples dimensions (politique, économique et socioculturel) qui entourent la sphère du sommeil dans différentes sociétés.

1. 2. 2. Sommeil, couples et cultures

Comme discuté auparavant, le sommeil constitue une activité centrale de la vie humaine et ses effets sont profonds sur la santé et le bien-être quotidien. La relation de couple constitue aussi un comportement d’attachement fondamental entre les personnes avec des implications significatives dans leurs vies ; le sommeil dans le partage du lit à l’heure du coucher en fait partie. Rosenblatt (2006) affirme que, souvent, le défi de dormir à deux reflète le défi de vivre en couple. De

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ce fait, le contact des partenaires dans le partage du lit semble être crucial pour le maintien d’une relation saine au sein de plusieurs couples. Ce contact est souvent vécu comme un symbole de faire couple, de lieu de rencontrer des besoins de chaque partenaire et d’échanges d’informations qui leur permettent de s’ajuster et de mieux se connaître mutuellement.

Les études menées par Troxel, Robles, et al. (2007) révèlent que l’association entre le sommeil et la relation de couple est susceptible d’être bidirectionnelle et réciproque. Selon leur modèle d'association dynamique entre le fonctionnement relationnel et le sommeil, la qualité des relations intimes influence le sommeil et les difficultés ou troubles du sommeil influencent la qualité de ces relations. Par exemple, dans une étude longitudinale de trois ans sur la productivité et le vieillissement, dont, entre autres, l’association entre l’ajustement marital et les difficultés de sommeil (p. ex., « sommeil agité ») a été évaluée chez 927 femmes mariées (interviewées à la maison et âgées entre 25 et 60 ans), Prigerson, Maciejewski, & Rosenheck (1999) indiquent que vivre harmonieusement la relation conjugale est prospectivement lié à l’existence de moins de difficultés de sommeil et de symptômes dépressifs. De son côté, Rosenblatt (2006) obtient des résultats dans le sens inverse. Dans une étude avec 88 adultes mariés, âgés entre 21 et 77 ans et qui partagent le même lit depuis six mois à 51 ans, les difficultés de sommeil chez l’un des partenaires ou les deux, y compris des symptômes d’insomnie et d’apnée du sommeil, contribuent à l’apparition de problèmes maritaux.

Ainsi, pour une proportion importante d’adultes qui partagent le même lit, les difficultés de sommeil et les problèmes relationnels peuvent coexister, se (co)produire durant la nuit et se manifester dans la vie quotidienne. Ceci peut être plus accentué dans les moments significatifs de transition dans la trajectoire de vie (p. ex., l’arrivée des enfants, l’adaptation aux maladies) du couple ou de chaque membre individuellement (Cottrell & Khan, 2005 ; Medina, Lederhos, & Lillis, 2009). Toutefois, malgré ces indices de l’influence du sommeil dans les relations intimes et vice-versa, et, par conséquent, dans la santé psychophysique et le bien-être des partenaires, le nombre d’études portant sur la thématique du sommeil des couples est encore relativement faible dans la littérature scientifique (Rosenblatt, 2006 ; Troxel, Robles, et al. 2007 ; Meadows, et al. 2009).

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Généralement, les études existantes – mixtes, qualitatives ou quantitatives (majorité) – évaluent soit (a) l’impact du partage du lit sur le sommeil des partenaires (Beninati, Harris, Herold, & Shepard, 1999 ; Edinger, et al. 2001 ; Meadows, Venn, Hislop, Stanley, & Arber, 2005 ; Monroe, 1969 ; Pankhurst & Horne, 1994 ; Wellman, Bohannon, & Vogel, 1999) ; (b) l’impact des difficultés ou troubles du sommeil dans le fonctionnement marital (Billman & Ware, 2002 ; Cartwright & Knight, 1987 ; Izci, et al. 2005 ; Kiely & McNicholas, 1997 ; Lange, Waterman, & Kerkhof, 1998 ; McArdle, Kingshott, Engleman, Mackay, & Douglas, 2001 ; McFadyen, Espie, McArdle, Douglas, & Engleman, 2001 ; Scott, Ah-See, Richardson, & Wilson, 2003 ; Strawbridge, et al. 2004) ; ou (c) l’impact de la qualité de la relation sur le sommeil des partenaires (Arber, Bote, & Meadows, 2009 ; Carmichael & Reis, 2005 ; Hislop, 2007 ; McNamara, Andresen, Clark, Zborowski, & Duffy, 2001 ; Prigerson, Maciejewski, & Rosenheck, 1999 ; Scharfe & Eldredge, 2001 ; Troxel, Cyranowski, Hall, Frank, & Buysse, 2007). Il faut dire que ces recherches, malgré qu’elles traitent des couples (tous hétérosexuels), considèrent souvent la perception, le point de vue de seulement un des partenaires (celui à l’étude) au détriment de la dyade et de son fonctionnement. De plus, rares sont les études qui prennent aussi en considération les couples en unions consensuelles (p. ex., cohabitation hors mariage, soit l’union de fait ou l’union libre), laissant ainsi de côté une partie de la population en accroissement mondialement (Costa, 2004 ; Le Bourdais & Lapierre-Adamcyk, 2004 ; Thornton & Philipov, 2009 ; Toulemon, 1996) ou l’assimilant plutôt aux célibataires ou aux époux séparés ou divorcés (Laplante & Flick, 2010).

Les recherches (prospectives et longitudinales) regroupées dans le point (a), où le sommeil était objectivement mesuré par la polysomnographie ou par l’actigraphe, ont montré des effets significatifs du partage du lit ou des mouvements au lit sur le sommeil des membres du couple. Par exemple, dans une recherche avec 22 couples, âgés entre 20 et 59 ans, Meadows, et al. (2005) ont montré que les femmes et les hommes présentent une quantité comparable de mouvements au lit. Toutefois, l’impact de ces mouvements sur le sommeil des partenaires est différencié par le genre, les hommes étant plus affectés. Les études de Monroe (1969) avec 28 couples mariés, dont 14 d’entre eux étaient des bons dormeurs ; et de Pankhurst et Honre (1994) avec un groupe de 46 couples (les partenaires âgés entre 23 et 46 ans) qui partagent le même lit et un autre groupe de 39 participants qui dorment seuls (appariés par le sexe et l'âge), révèlent que la qualité subjective du sommeil des partenaires, c’est-à-dire celle rapportée pour eux, a été plus satisfaisante lors des nuits

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de sommeil partagé, malgré la présence des difficultés dans l’architecture, la continuité ou la qualité du sommeil observées objectivement chez les couples. Les femmes particulièrement préféraient le partage du lit dû au sentiment de « sécurité » que leur procurait la présence du partenaire au lit.

Les études (transversales, prospectives et longitudinales) du point (b) sont majoritairement associées à l’impact de l’apnée obstructive du sommeil (AOS) ou du trouble respiratoire du sommeil (TRS) dans la qualité ou le fonctionnement de la relation conjugale, tel que rapporté soit par le/la patient(e), soit par le/la partenaire. Par exemple, dans une étude avec dix couples dont les maris présentaient l’AOS, Cartwright et Knight (1987), utilisant des entrevues et des questionnaires sur la satisfaction maritale, l’ajustement social et la personnalité, ont trouvé une association opposée entre ce type de trouble du sommeil et la satisfaction maritale. Ils ont conclu que le mariage ne représente pas nécessairement un soutien social, mais semble être une charge supplémentaire pour les patients avec l’AOS. Au contraire, Scott, et al. (2003), dans leur étude avec 56 ronfleurs et un groupe contrôle de 63 répondants appariés, n’ont pas trouvé de différences significatives sur la satisfaction maritale entre les deux groupes. Les résultats d’Izci, et al. (2005) vont dans le même sens : aucune amélioration dans la satisfaction conjugale n’a été rapportée après l’implémentation de l’orthèse d'avancée mandibulaire (OAM)3 pour le traitement de ronflement et d’AOS. En dehors de l'influence

des troubles respiratoires du sommeil sur le fonctionnement conjugal, Strawbridge, et al. (2004) ont interviewé 405 couples, dont les partenaires étaient âgés entre 51 et 94 ans, sur l’association entre leurs difficultés de sommeil (p. ex., l’insomnie) et leur bonheur conjugal. Les résultats ont montré que les problèmes de sommeil des conjoints étaient associés à des taux élevés d’insatisfaction dans le couple, même après le contrôle de leurs propres difficultés de sommeil. L’étude de Hasler et Troxel (2010), qui a utilisé l’agenda du sommeil et l’actigraphe comme outils de recherche pendant sept jours consécutifs pour l’évaluation des difficultés ou troubles du sommeil auprès d’une population de 29 couples qui partagent le même lit, a révélé l’existence d’une association bidirectionnelle entre les rythmes veille-sommeil des partenaires et la qualité de leur relation de couple. Ceci peut représenter, selon les auteurs, une nouvelle voie d’étude et de recherche qui relie les relations intimes et la santé physique et mentale.

3 Orthèse dentaire qui aide à réduire le nombre d’apnées/hypopnées (arrêt ou réduction du flux respiratoire), en

augmentant le taux de saturation d’oxygène sanguin, ce qui, par conséquent, améliore l’architecture du sommeil et réduit les micro-éveils nocturnes.

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Le troisième groupe d’études (transversales et longitudinales – point (c)) évalue l’impact de la qualité de la relation de couple, ce qui inclut l’ajustement et le niveau de satisfaction de celle-ci, sur le sommeil des partenaires. À l’intérieur de cette thématique, l’association entre les styles d'attachement des partenaires et leurs problèmes de sommeil est l’objet d’étude le plus relevé. Ceci est dû au fait que, depuis quelques années, la théorie de l’attachement est de plus en plus utilisée par les chercheurs pour caractériser la relation amoureuse adulte (Fraley & Davis, 1997 ; Troxel, Robles, et al. 2007). Ainsi, Carmichael et Reis (2005) ont démontré dans leur recherche auprès de 78 couples mariés que l’attachement anxieux est associé à une moins bonne qualité subjective du sommeil. Ces résultats sont similaires à ceux de Troxel, Cyranowski, et al. (2007) qui ont évalué l’association entre l’attachement anxieux, le statut marital, le partage du lit et le sommeil dans un échantillon de 107 femmes qui souffrent de dépression majeure récurrente. Dans une recherche auprès de 421 couples mariés, dont l’âge moyen des femmes était de 33 ans et celui des hommes de 36 ans, Rauer, et al. (2010) vont au-delà de cette thématique « types d’attachement-sommeil perturbé ou non ». Ils démontrent que l’abus psychologique expérimenté dans la relation de couple influence négativement la qualité du sommeil, en générant de sévères difficultés ou troubles du sommeil et de santé mentale.

Généralement, dans ces recherches, le contexte ou les aspects socioculturels qui entourent cette association ne sont pas vraiment touchés. Ils sont majoritairement associés à des informations sociodémographiques comme le genre, les statuts marital et socioéconomique et l’ethnie ou la nationalité des partenaires étudiés dans leurs sociétés d’appartenance (p. ex., États-Unis, Angleterre). Il faut dire que, dans plusieurs de ces études, l’ethnie est utilisée comme synonyme de race ou comme variable indépendante, c’est-à-dire comme une « étiquette » statique, qui sert simplement, tel que décrit dans la section précédente (p. 4-12), à identifier le pays d’origine des participants. Cette manière de faire, qui case un ensemble de personnes sous une même rubrique, ne permet pas de dévoiler les valeurs, les croyances, les modes d’organisation sociale, c’est-à-dire les multiples dimensions socioculturelles qui constituent le monde vécu des personnes, y compris celles qui peuvent influencent leur sommeil. En plus, quand l’association entre la qualité des relations interpersonnelles au sein du couple et la qualité du sommeil est prise en compte, l’accent des chercheurs est plutôt mis sur les effets positifs ou négatifs de l’interaction des membres du couple sur leur sommeil d’un pays donné (souvent des sociétés occidentales – Troxel, Buysse, Hall, &

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Matthews, 2009) ou sur le nombre de contacts qu’ils ont entre eux durant la journée et qui pourrait interférer dans leur façon d’être ensemble au moment du coucher.

Une minorité de recherches évaluent aussi d’autres thématiques sur le sommeil des couples comme (a) les implications du ronflement, selon le genre, dans la relation de couple – les femmes étant les plus affectées par la stigmatisation de ce trouble du sommeil (Venn, 2007) ; (b) les réactions de chaque partenaire du couple aux interruptions de leur sommeil lors de la présence d’enfants à la maison – les femmes se montrant plus susceptibles de soumettre leurs propres besoins de sommeil à ceux de leur famille (Venn, Arber, Meadows, & Hislop, 2008) et (c) la négociation des couples en rapport aux dimensions spatiale, temporelle et relationnelle de leur environnement de sommeil, ce qui joue un rôle fondamental dans l’élaboration de l’identité du couple au fil du temps (Hislop, 2007). Ces études qualitatives récentes, issus d’un laboratoire de recherche sur la sociologie du sommeil (www.sociologyofsleep.surrey.ac.uk), utilisant des entrevues en profondeur et des agendas de sommeil audio enregistrées pour la collecte des données, prennent plus en considération qu’auparavant les aspects du contexte social du sommeil des couples (p. ex., les rôles sociaux, la santé, les changements au cours de la vie, la présence d’enfants à la maison). Toutefois, les aspects culturels du sommeil des couples, par exemple les pratiques et les habitudes de partage du lit (p. ex., l’heure du coucher, les routines d’endormissement, la place privilégiée, les activités faites au lit, les côtés préférés du lit) et la signification qu’ils leur donnent n'ont pas reçu une attention significative à ce jour.

Des études qui optent pour une perspective comparative de ce phénomène sont très rares et celles qui le font mettent normalement l’accent sur la comparaison de différents groupes ethniques (p. ex., « Afro-Américain », « Asiatique ») à l’intérieur d’un même pays. Troxel, et al. (2009) dans une étude empirico-quantitative, par exemple, ont examiné l’association entre le bonheur marital et les difficultés de sommeil rapportées chez 2 148 femmes d’âge mûr de cinq ethnies (non-Hispanique blanches, Afro-Américaines, Hispaniques, Chinoises, Japonaises) habitant dans sept villes des États-Unis (Los Angeles, Oakland, Chicago, Detroit, Pittsburgh, Newark et Boston). Les répondantes ont été recrutées dans le cadre de l’Étude sur la santé des femmes à travers le pays (Study of Women’s Health Across the Nation – SWAN) ; celles qui ont mentionné être maritalement heureuses

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ont rapporté avoir moins de troubles du sommeil. Selon les chercheurs, l'association était plus évidente chez les femmes blanches que chez les femmes afro-américaines.

Ce type de devis de recherche qui se contente de répartir les participants selon le critère « nationalité d’origine » sans plus, est une façon superficielle, voire biaisée ou ethnocentrique, de voir et de comprendre le phénomène « sommeil des couples ». Il manque des études plus consistantes qui portent sur (a) les aspects socioculturels du sommeil des couples, (b) l'association entre le sommeil, ses troubles et la qualité de la relation de couple dans la vie quotidienne dans différentes cultures et (c) les stratégies pour surmonter les problèmes de sommeil dans le partage du lit, indiquant l’importance des contextes outre que celui purement biologique du sommeil dans la compréhension du phénomène « difficultés de sommeil - relation de couple ».

Pour ce qui est spécifiquement du sommeil du couple au Canada, selon une recherche faite par Statistique Canada à partir de l’Enquête Sociale Générale (ESG) de 2005, les Canadiens mariés et sans enfants au ménage dorment moins longtemps chaque nuit (écart d’environ 24 minutes) que ceux non mariés. D’après les résultats obtenus, il y a aussi un écart entre les sexes : les hommes vivant avec une conjointe dorment légèrement moins (à peu près 15 minutes) que les femmes ayant un conjoint (Hurst, 2008). Toutefois, aucune explication ou hypothèse n’est formulée pour donner sens à ces observations.

Pour sa part, l’Institut Brésilien d’Opinion Publique et de Statistique (IBOPE), a analysé en 2009 les données recueillies dans la plus grande recherche réalisée sur la qualité du sommeil au pays. Quarante-trois mille participants de dix centres-villes brésiliens ont été recrutés. Les résultats indiquent que les Brésiliens célibataires et qui ne se sont jamais mariés dorment mieux que ceux qui sont mariés. Selon Rizzo, coordonnateur de la recherche, la justification se trouve dans le fait que les individus qui dorment seuls tendent à avoir une meilleure qualité du sommeil, n’ayant pas à leur côté quelqu’un qui donne des coups, qui ronfle, tousse, etc. Dans l’ensemble, l’insomnie était plus présente chez les femmes que chez les hommes.

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Pour conclure, les résultats de notre revue de littérature nous révèlent la portée limitée des recherches menées jusqu’ici sur le sommeil. En effet, ils révèlent l’absence de vision globale du phénomène et la nécessité de penser et de conceptualiser le sommeil de façon contextuelle, en tenant compte des multiples dimensions qui l’entourent au jour le jour. Comme discuté auparavant, les croyances/attentes sur le sommeil, autant que les habitudes sont fortement influencés par des facteurs socioculturels, historiques, environnementaux, entre autres. De même, au-delà d’une caractérisation normative du phénomène, les difficultés de sommeil et les vécus individuels et partagés qui s’y rapportent, peuvent varier considérablement à l’intérieur d’une culture comme d’une culture à l’autre.

À cet égard, notre cadre théorique (chapitre suivant) sera organisé selon les trois dimensions que nous jugeons centrales pour bien comprendre les difficultés de sommeil dans la relation de couple, à savoir : (a) le sommeil en tant que phénomène social, (b) la vie quotidienne dans le contexte de la société 24/7 et (c) le système interactionnel de partage du « lit »4 chez les couples. En

connectant ces trois dimensions qui sont étroitement liées, nous croyons pouvoir explorer le phénomène du sommeil (des couples) au-delà de la vision statique et superficielle telle que majoritairement présentée jusqu’ici. Il s’agit de mettre en valeur l’aspect social et culturel du sommeil, y compris ses difficultés, à partir du partage du lit, une activité quotidienne socioculturellement située, organisée et partagée chez des couples de différentes sociétés (24/7).

4 Sachant qu’un même objet peut prendre différentes significations chez différentes personnes, dans la présente étude,

nous considérons que chaque partenaire perçoit le lit selon des expériences et des perceptions qui lui sont propres. Cette façon unique de percevoir le lit peut ou non être commune aux membres du couple au moment du partage du lit.

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Chapitre 2 : Cadre théorique

Avant de présenter notre cadre théorique proprement dit, une brève clarification de quelques notions et termes utilisés dans cette thèse et jugés importants pour une meilleure compréhension du phénomène à l’étude est proposée. Il faut dire que les descriptions de ces notions, à savoir « culture », « contexte » et « interculturel », ont été inspirées par une vision du monde phénoménologique, notamment celle issue de la philosophie de Merleau-Ponty (1908-1961). Cette vision du monde prendra place, postérieurement, de manière plus concrète et détaillée dans la section sur la méthode de recherche adoptée (Chapitre 3). Quant aux termes à élucider plus spécifiquement en lien avec le sommeil, il sera question des mots « difficulté » et « trouble » du sommeil et « qualité du sommeil ».

2. 1. La culture : une ouverture à l’expérience vécue

Selon Kleinman et Good (1985), la culture se situe à l’intersection du sens et de l’expérience ; dans une perspective phénoménologique, elle est aussi un processus toujours en devenir, autrement dit, un processus de production, de construction et de reconstruction (subjective) continue de l’homme et de ce qui lui est significatif dans les multiples sphères de sa communauté. D’après Vignaux (1993), ce processus est engendré dans les interrelations entre la personne et lui-même/et Autrui et son environnement, en permettant la caractérisation d’un groupe particulier et, par la suite, sa différenciation d’autres groupes voisins.

La culture peut ainsi se constituer par l’ensemble des manifestations et des significations qui prennent la forme :

« […] de valeurs, de normes, de règles, des gestes, des couleurs, des sons, des objets, des discours, […] des manières de faire, d’être, de penser de soi vis-à-vis du groupe auquel on appartient, et par voie de conséquence, des différenciations, des oppositions voire des exclusions de ce groupe vis-à-vis d’autres groupes » (Vignaux, 1993, p.3).

Elle peut être comprise donc, selon la pensée merleau-pontyenne, comme un champ polymorphe de perception, dans lequel le monde réel, dominé par la conscience humaine et

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historiquement contingent, s’organise en tant que phénomène significatif disposé à l’expérimentation (Ferraz, 2008). La culture étant constituante du monde permet de ce fait à la personne de transcender ses bases purement génétiques, biologiques et physiologiques pour l’amener à devenir un être social éminemment créatif, interactif et interpersonnel.

La personne, en tant qu’être imprégné de culture, est dans une « mutuelle constitution » (Merleau-Ponty, 1960) avec les mondes objectif, social et subjectif. Selon Habermas (1987), c’est la coexistence de ces trois mondes qui constituent le « monde vécu » (Lebenswelt), c’est-à-dire celui qui résulte de l’intercompréhension entre les questions (a) cognitives-expérientielles, (b) morales-pratiques et (c) expressives, respectivement, médiatisées par l’action communicationnelle. Le monde vécu est ainsi le monde où se déploie l'action des membres d'une société donnée. Il s'agit alors de rendre compte de cette action du point de vue de celui qui agit, c’est-à-dire de l’être humain profondément entremêlée avec le « monde » au jour le jour et imprégné par la culture, en tant que protagoniste de son monde vécu (Lebenswelt). Il est également dans un processus constant de transformation, d’actualisation, de construction identitaire et d’adaptation à l’environnement (Devereux, 1978), de transmission et de partage.

En appliquant ceci à la thématique du sommeil et en adoptant une vision du monde phénoménologique, on peut envisager que la culture façonne dynamiquement et symboliquement ainsi nos habitudes de sommeil dans notre vie de tous les jours. La manière dont nous gérons notre sommeil, soit comment nous dormons, avec qui, quand et l’endroit privilégié pour cette activité est intimement constituée et continuellement modelée/transformée par la culture, l’histoire, le temps et le lieu où nous nous trouvons. Ainsi, le sommeil a une signification et peut être considéré comme un phénomène social et culturel qui nous permet d’accéder aux manières multiples et propres de la personne de le vivre et de le représenter quotidiennement dans sa communauté, société.

2. 2. Le contexte : une ouverture à la signification des expériences vécues Dans cette recherche, le contexte est compris comme les réalités construites à partir des « multiples contours » (Merleau-Ponty, 1960) de l’expérience vécue qui constituent les mondes vécus (Lebenswelt) des gens. Il prend la forme des réalités socioculturelles ou historico-culturelles ou

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politico-économiques ou spirituelles ou écologiques…, qui se constituent mutuellement avec la personne et dans lesquels cette dernière peut se développer et s’actualiser. L’expérience humaine est alors le point d’intersection multiple de ces différentes réalités qui sont toujours en mouvement et toujours déformées.

D’après la phénoménologie, la personne est la protagoniste de sa propre expérience du monde vécu (Lebenswelt) et ne peut ainsi pas être considérée en dehors du contexte qui l’entoure. Le contexte est pris comme une toile de significations plus concrète qui donne sens à la vie quotidienne dans un espace-temps donné. Cette toile de significations fournit les éléments constitutifs de la culture et de la société dont la personne fait partie.

Des recherches montrent que les éléments du contexte peuvent être alors liés aux rôles sociaux (modes de vie et travail, soit diurne ou nocturne) et aux relations de pouvoir, au genre, à la composition du ménage et sa dynamique, à l’âge, aux changements durant le cours de la vie (p. ex., le mariage, le partage du « lit », la présence des enfants à la maison ou pas, la retraite, le divorce…), au processus de vieillissement, au climat, à la classe sociale et au revenu, au niveau d’éducation et au chômage, entre autres (Arber, et al. 2012 ; Hislop & Arber, 2003 ; Hislop, 2007 ; Williams, 2005). Le sommeil est ainsi affecté par ces éléments contextuels, positivement ou négativement, et aussi par d’autres conditions plus spécifiques, comme par exemple : types de lits, de matelas, de draps, d’oreiller, d’habits pour dormir, autant que le lieu et l’heure privilégiés pour cette activité, la présence ou l’absence de luminosité et de bruits dans l’espace, les façons de gérer le sommeil (diurne/nocturne)…

2. 3. L’interculturel : un champ et une posture de recherche

L’interculturel en psychologie n’a été instauré que très récemment, soit une quarantaine d’années. Ce champ d’étude, en pleine expansion aujourd’hui, s’intéresse aux liens entre culture et comportements, l’approche psychosociologique étant la tendance dominante parmi les approches scientifiques existantes (Licata & Heine, 2012).

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Actuellement, trois branches principales composent la psychologie interculturelle, à savoir : (a) la psychologie interculturelle comparative (cross-cultural psychology), (b) la psychologie culturelle (cultural psychology) et (c) la psychologie interculturelle interactionniste (intercultural psychology), dont les frontières sont perméables. Cette dernière branche relève les processus psychologiques impliqués dans les situations de contacts interculturels, c’est-à-dire la psychologie de l’immigration, la rencontre de deux groupes sociaux, l’acculturation, entre autres.

Les deux premières branches, à leur origine, abordent différemment la question de la relation entre culture et comportement, en adoptant des approches méthodologiques distinctes dans leurs études (étique – universaliste versus émique – relativiste, respectivement). D’après Licata et Heine (2012) :

« … l’approche étique étudie les comportements à partir d’une position extérieure au système culturel étudié, en ayant recours à la comparaison de deux ou plusieurs cultures, [tandis que] l’approche émique tente de pénétrer la complexité des comportements en adoptant le point de vue des membres du groupe culturel étudié… » (p. 66).

Dans cette étude, la notion d’interculturel5 définit un champ de recherche en psychologie

(comparative, c’est-à-dire entre deux sociétés différentes) qui situe le phénomène à l’étude dans le contexte culturel de sa production. Nous suivons en cela la définition de Cohen-Emerique (2011) :

« Ce champ recouvre les travaux qui cherchent à dégager l’influence de la culture sur les conduites humaines, à tous les niveaux, et dont l’objectif final est de faire progresser les savoirs sur ce qui est de l’ordre du culturel, du social et du psychologique et de leur articulation » (p. ii).

Cette définition corrobore le point de vue de la psychologie interculturelle comparative d’aujourd’hui qui se situe plutôt « à mi-chemin entre les approches étiques et émiques ; entre approche universaliste et approche relativiste » (Berry, et al. 2011 cité par Licata et Heine, 2012, p. 69). Elle vise ainsi, selon ces auteurs, à combiner les aspects transculturels (plus universels) et les

5 Selon, Licata et Heine (2012), « en français, le mot « interculturel » peut aussi bien référer à la comparaison

Figure

Figure 1 (Chapitre 2). Cadre théorique    26
Figure 1. Cadre théorique
Figure 2.  Modèle  d'association dynamique entre le fonctionnement  conjugal et le sommeil
Tableau 1. Degrés de satisfaction dyadique, selon l’EAD-16.
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