3.2 L’approche documentaire...43 Chapitre 4 - Questions de recherche...49 4.1 Jeux didactiques sur les stands...49 4.2 L’utilisation et le rôle des ressources...50 4.3 Pratiques de savoirs et leur didactisation...51 4.4 Questions de méthode pour rendre compte de situations didactiques...51 Chapitre 5 - Méthodologie : des études de cas...53 5.1 Principes méthodologiques...53 5.2 Le film d’étude et ses traitements...54 5.3 Le choix des enquêtés...60 5.4 Le recueil de données pendant les médiations sur les stands...65 5.5 De la dépiction à la description...71 5.6 La présence in situ et l’ouverture de pistes...80 5.7 Le chapitre de méthodologie en bref...92 Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique Page 39 sur 609 Chapitre 3 - Chapitre 3 - adre théorique et positionnementadre théorique et positionnement scientifique scientifique C C Dans ce chapitre, nous décrivons les cadres conceptuels qui nous guident dans nos analyses : la théorie de l’action conjointe en didactique (3.1, p. 39) et l’approche documentaire (3.2, p. 43). 3.1 3.1 La théorie de l’action conjointe en didactique (TACD)La théorie de l’action conjointe en didactique (TACD) La TACD nous apporte une grammaire pour décrire et interpréter les situations didactiques de notre corpus. Elle nous paraît également utile pour envisager les apprentissages dans des contextes et des relations plus diversifiés que les formes scolaires ordinaires. Dans une première partie nous abordons la notion de jeu. Puis, nous définissons les transactions didactiques, les actions qui se jouent dans le milieu. Nous précisons dans la troisième partie les notions de contrat et milieu. 3.1.1 La notion de jeu La TACD utilise la notion de jeu en filiation avec différents auteurs : notamment Bourdieu, avec l’idée de jeu du monde social (1987) ; Wittgenstein (2004), avec la notion de voir-comme sous-jacente aux jeux, et les jeux de langage/formes de vie afférents. La notion de jeu est conçue comme un modèle des situations didactiques, de leur grammaire. La notion permet d’identifier ds enjeux, des règles définitoires ou stratégiques, ds stratégies (Sensevy, 2011c, 2011b, 2012a, 2012b). Les jeux didactiques concernent les savoirs, incorporés dans des jeux épistémiques et des jeux d’apprentissage (Sensevy, 2011c ; Gruson, Forest, & Loquet, 2012 ; Santini, 2013). Le jeu épistémique source fait appel aux savoirs qui s’actualisent dans les pratiques de référence (Martinand, 1986), il « existe en dehors de la situation didactique » (Gruson et al., 2012, p. 357). Nous considérons la situation didactique comme une succession de jeux Page 40 sur 609 Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique d’apprentissage de savoirs entre le professeur et les élèves. 3.1.1.1 Des formes symboliques pour jouer Nous modélisons les actions du professeur comme la mise à disposition, pour les élèves, d’un ensemble de formes que ces derniers doivent mettre en relation et interpréter pour développer un savoir. Ces formes sont qualifiées de symboliques (Sensevy, 2015). Elles sont langagières, iconiques, matérielles, proxémiques ou de tout autre ordre, produites intentionnellement ou pas, et déchiffrées ou pas. En retour, les élèves agissent stratégiquement avec et sur ces formes matérielles et symboliques. Ils « jouent » à faire des liens entre des éléments de savoir symboliques, plus ou moins multiformes et plus ou moins épars (selon la stratégie du professeur), pour gagner un savoir. Cependant les joueurs sont partenaires, ils ne jouent pas l’un contre l’autre. L’action du professeur et de l’élève est du type gagnant-gagnant, c’est à dire que les deux partenaires gagnent ou perdent ensemble. Ainsi le professeur gagne dans son enseignement si, et seulement si, l’élève gagne dans son apprentissage, c’est-à-dire qu’il devient autonome dans ses savoirs et n’a plus besoin du professeur, à ses côtés, pour réussir » (Sensevy, 2011c, p. 102). Nous revenons sur la notion de formes symboliques dans la section, relative au milieu, qui les contient. 3.1.1.2 Les sémioses comme jeux de signes L’incorporation des signes dans le jeu didactique est appelé sémiose (ibid., p. 191). Nous prêtons aux transactants des intentions de produire des signes pour autrui et de les déchiffrer, mais aussi d’en montrer et d’en percevoir de manière non consciente (Forest, 2008). La sémiose du milieu est le processus de déchiffrement du milieu. Le jeu didactique est essentiellement sémiotique. 3.1.1.3 Le professeur maître du jeu Les actions du professeur dans son jeu avec les élèves (Sensevy, 2011c, p. 143) sont décrites avec les termes définir, dévoluer, réguler, et instituer. Le professeur définit le jeu qui est joué dans la situation ; il dévolue le jeu aux élèves ou fait en sorte qu’ils s’y investissent de manière adéquate ; il régule23 ou influe sur l’évolution de la situation pour favoriser les 23 Par défaut, quand nous employons « régulation » ou « réguler », dans notre étude, il s’agit du sens employé dans la TACD : « la régulation de la situation » ou « réguler la situation ». Notre étude présente deux occurrences de l’emploi de la régulation en didactique professionnelle. Elles sont marquées par les adjectifs « pro-active » et « rétro-active » (3.2.3, p.46). Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique Page 41 sur 609 apprentissages ; il institue, ou fixe une production, comme une avancée dans le savoir. 3.1.2 Transactions didactiques Le jeu didactique entre le professeur et les élèves prend la forme de transactions didactiques, où chaque joueur est un transactant. Les formes symboliques contiennent des éléments de savoir qui sont le substrat-même de ces transactions. « La tâche du professeur est alors immense, car c’est à lui que revient d’organiser les expériences que vont vivre les élèves, l eur continuité et leur cohérence avec les contenus dont il vise l’appropriation. » (Santini & Sensevy, 2012, p. 100). Dans cette introduction à la TACD, nous donnons à voir les transactions didactiques au moyen d’une première représentation graphique. Nous modélisons le jeu (didactique et sémiotique) du professeur (P) sur l’élève avec une flèche (Illustration 11, p. 41) qui désigne les formes symboliques, exprimant des éléments de savoir (S), que le professeur (P) organise (SP). Réciproquement, nous modélisons le jeu des élèves (Es) sur le professeur par une flèche portant les éléments de savoir exprimés par les élèves : SEs. Comme nous l’avons dit précédemment, le jeu didactique est essentiellement sémiotique. Les flèches n’indiquent donc pas la transmission des savoirs directement reçus par les élèves. Nous revenons sur cet aspect dans la synthèse de notre étude relative aux outils pour décrire le travail conjoint (9.1.3, p. 370). Nous faisons évoluer cette représentation dans notre étude (6.5, p. 153, 7.5.3, p. 218, et section 9.1.3.1, p. 371, de la synthèse). 3.1.3 Contrat et milieu didactiques Une des entrées didactiques pour analyser la construction de savoirs est la description de deux systèmes articulés : d’une part les savoirs déjà contractualisés, le contrat didactique, et d’autre part, de nouveaux éléments sur lesquels portent les transactions, un système dynamique, souvent réactualisé, le milieu didactique. Le triplet des genèses est fortement corrélé à la Illustration 11: Un modèle de la transaction didactique Page 42 sur 609 Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique constitution du milieu. 3.1.3.1 Le contrat didactique L’institution scolaire crée un système d’attentes réciproques entre le professeur et les élèves. Brousseau (1986) le décrit comme une relation qui détermine, explicitement pour une petite partie, mais surtout implicitement ce que chaque partenaire, l’enseignant et l’enseigné, a la responsabilité de gérer et dont il sera responsable d’une manière ou d’une autre devant l’autre. Ce système d’obligation réciproque ressemble à un contrat . Brousseau (1998) envisage le contrat didactique comme un système composé d’une partie explicite actualisée dans la situation, et d’une partie implicite propre aux habitudes installées, dans l’institution scolaire, entre le professeur et les élèves. Dans la TACD, nous définissons le contrat didactique de façon plus large. Il est vu comme le système des connaissances « déjà-là » (Sensevy, 2011c, p. 45) avec lequel l’élève aborde une nouvelle situation. Le système de responsabilités réciproques, avec sa partie explicitée dans l’action et sa partie implicite liée aux habitudes, fait partie du contrat didactique, mais n’en est pas la seule composante. Un système d’attentes lié à des éléments de savoirs est inclus dans le contrat. En effet, une bonne partie des connaissances ou éléments de savoirs déjà-là avec lesquelles l’élève aborde un problème dépendent étroitement de l’action conjointe antérieure. Le système d’attentes du contrat didactique est basé sur un arrière-plan de connaissances a priori partagées par les transactants (Illustration 12, p. 42). Ce sont des systèmes de responsabilités réciproques explicites, des systèmes d’habitudes plus ou moins implicites, les savoirs construits ensemble, et des voir-comme (Wittgenstein, 2004). « L’arrière-plan est donné par les significations communes dans l’institution didactique qui structurent l’esprit objectif de l’institution. » (Sensevy, 2011c, p. 103). Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique Page 43 sur 609 3.1.3.2 Le milieu didactique Le milieu didactique est l’ensemble des formes symboliques que les transactants doivent interpréter et mettre en relation pour construire des savoirs. Le professeur l’agence pour ses élèves avec une intention didactique mais tous les transactants l’alimentent. Le milieu didactique a des dimensions à la fois sémiotiques, proxémiques et épistémiques (Forest, 2012). C’est dans le milieu didactique que sont jouées les transactions didactiques. Dans un arrière-plan commun, les transactants ont un « déjà-là construit par l’action conjointe antérieure », le contrat didactique. 3.1.3.3 La dialectique réticence-expression Brousseau (op. cit.) décrit la situation singulière dans laquelle se trouve le professeur et l’appelle le paradoxe du contrat : « le savoir et le projet d’enseigner vont devoir s’avancer sous un masque » (Brousseau, 1998, p. 73). Nous utilisons avec Sensevy (2011c, p. 390) la dialectique réticence-expression. Ces descripteurs mettent en lumière ce que dit, ce que montre (expression), ce que tait et ce que cache (réticence) le professeur. 3.1.3.4 Le triplet des genèses Le processus de production du milieu est nommé mésogenèse. Sensevy déclare : « Disposer de la catégorie de mésogenèse pour décrire l’activité didactique, c’est donc étudier comment le contenu, tel qu’il est formé et perçu par les transactants, donne forme, en continu, aux transactions, et comment celles-ci se trouvent co-élaborées par le professeur et les élèves » (2011c, p. 147). Chaque acteur prend donc une part dans la production du milieu. Le partage et l’identification de cette responsabilité forment la topogenèse. La chronogenèse décrit comment la réactualisation du milieu s’inscrit dans le temps, comment l’avancée des savoirs s’actualise. Plusieurs représentations graphiques concernant le triplet des genèses émergent de notre étude. Nous les synthétisons dans la section (9.1.3, p. 370). 3.2 3.2 L’approche documentaireL’approche documentaire Dans nos enquêtes, les « ressources » sont centrales. Pour décrire les situations où elles entrent en jeu, nous adoptons l’approche documentaire initiée par Gueudet et Trouche (2010). Dans un premier temps, nous différencions la ressource de l’artefact. Ensuite nous définissons Page 44 sur 609 Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique ce qu’est un document. L’approche documentaire nous permet enfin de décrire une évolution de l’activité. 3.2.1 De l’artefact à la ressource L’approche instrumentale développée par Rabardel est un des modèles à l’origine de l’approche documentaire. Le concept d’artefact en est à la base. Rabardel conçoit l’artefact comme une production humaine : « chaque artefact a été conçu pour produire une classe d’effets, et sa mise en œuvre, dans des conditions prévues par les concepteurs, permet d’actualiser ces effets » (Rabardel, 1995, p. 60). Nous préférons utiliser le terme de ressources au sens qu’Adler leur donne : ce qui permet de « re-sourcer » sa pratique professionnelle, de la « nourrir à nouveau, ou différemment » (Adler, 2010, p. 25). Nous étendons cette définition à d’autres domaines que l’enseignement des mathématiques, en incluant ce qui permet de ressourcer ses connaissances. Les ressources, dans l’acception d’Adler, recouvrent, non seulement les ressources matérielles construites par l’homme24, mais aussi les ressources matérielles naturelles, comme le corps humain, les roches et l’eau, ainsi que les ressources humaines mobilisées dans les transactions, et les ressources sociales et culturelles, comme le temps et les langages (ibid., p. 38-39). Nous empruntons à Adler (2010, p. 31) la notion de transparence des ressources avec les termes de visibilité et d’invisibilité. Une ressource est visible quand elle est « objet de l’attention », quand les sujets se familiarisent avec elle et son mode opératoire. Elle devient invisible quand les sujets ne prêtent plus attention à sa présence. Entre les deux, la transparence indique une forme d’équilibre : la ressource est vue, mais elle n’est plus le centre de l’attention, elle peut être utilisée. 3.2.2 Des ressources au document En substituant les ressources aux artefacts, Gueudet et Trouche (op. cit.) étirent la dialectique artefact/instrument de Rabardel25 à celle de ressources/document. Leur schéma (Illustration 13, p. 45) explicite le processus de constitution d’un document. 24 Nous utilisons alors aussi artefact, au sens anthropologique de l’anglais artifact, un objet produit par l’être humain en vue d’une activité humaine finalisée. 25 Rabardel définit l’instrument comme « l’artefact en situation, inscrit dans un usage, dans un rapport instrumental à l’action du sujet, en tant que moyen de celle-ci » (op. Cit.) Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique Page 45 sur 609 Celui-ci s’inscrit dans une institution, et pour une classe de situations26 donnée. Dans l’intention professorale, une ressource n’est pas employée seule. Elle est associée et combinée à d’autres ressources. Ce travail peut aller de la prise en main d’une ressource telle qu’elle a été conçue, à l’idée de détournement de telle autre pour son projet d’enseignement. Le professeur met les ressources à sa main, les adapte et les articule (intrumentalisation). Au cours de ce processus, il développe aussi des connaissances, et ce développement est influencé par les caractéristiques des ressources mobilisées. (instrumentation). 3.2.2.1 Mobilisation des schèmes en situation Dans la mise en œuvre de la situation didactique, le professeur utilise l’ensemble des ressources. Il se trouve dans son institution, dans la classe de situations et dans le contexte prévus. Le professeur utilise, avec les élèves, les ressources selon ce qu’il avait anticipé, planifié. Pour agir avec ses ressources, il active un schème d’utilisation des ressources. Vergnaud définit le schème comme « une organisation invariante de la conduite pour une classe de situations donnée » (Vergnaud, 2001, p. 112) Il développe la notion après Kant, et Piaget qui parle de schème d’action27. le but ou les sous-buts, les anticipations sontla partie du schème qui représente l’intention, le désir, le besoin, la motivation, l’attente. Cet élément précède et accompagne l’action ; les règles d’action, de prise d’information et de contrôle sont la partie moteur du schème. Elle conduit au résultat recherché ; 26 La classe de situations se caractérise par « des tâches à accomplir et des conditions à prendre en compte » (Rabardel & Bourmaud, 2005, p. 216). 27 « Un schème est la structure ou l’organisation des actions telles qu’elles se transfèrent ou se généralisent lors de la répétition de cette action en des circonstances semblables ou analogues » (Piaget & Inhelder, 1967, p. 11) Illustration 13: Représentation schématique de la genèse d’un document (Gueudet & Trouche, 2010, p. 59) Page 46 sur 609 Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique les invariants opératoires permettent le prélèvement et la sélection de l’information pour en inférer des conséquences utiles pour l’action, le contrôle et la prise d’information. Ils sont de nature conceptuelle et pas forcément explicite. Cet élément constitue la partie épistémique du schème. Il est composé de concepts-en-acte et de théorèmes-en-acte ; les inférences sont présentes dans toutes les activités en situation car une activité n’est jamais automatique mais au contraire régulée (Ibid.). Gueudet et Trouche (2010) nomment document l’association de l’ensemble des ressources utilisées et du schème d’utilisation de ces ressources. Nous considérons que le schème d’utilisation des ressources commence à se développer lors de la préparation de la situation didactique. 3.2.2.2 Orchestration documentaire De même que l’approche documentaire prolonge l’approche instrumentale, le concept d’orchestration documentaire (Sanchez, 2010) généralise celui d’orchestration instrumentale. L’orchestration instrumentale est définie comme : « Une orchestration instrumentale est exactement l’agencement systématique par un agent intentionnel des éléments (artefacts et humains) d’un environnement en vue de mettre en œuvre une situation donnée et, plus généralement, de guider les apprenants dans les genèses instrumentales et dans l’évolution et l’équilibrage de leurs systèmes d’instruments. » (Trouche, 2005, p. 127) Comme Sanchez, nous appelons la gestion didactique des ressources « orchestration documentaire ». 3.2.3 Évolution de l’activité des professeurs Nous considérons que les professeurs, individuellement, au fil des usages de ces ressources pour une activité finalisée, développent des schèmes d’utilisation de ces ressources. Le schème décrit à la fois une organisation stable de l’activité du professeur, et les possibilités d’adaptation de cette activité aux spécificités de la situation. En effet, les situations ne sont jamais exactement les mêmes, le professeur doit s’adapter aux incidents dans la classe, faire des régulations. Nous différencions deux types de régulations de l’activité, selon la description de Coulet : « les régulations proactives ont pour fonction l’ajustement d’un schème au regard de la spécificité de la situation à travers la variabilité des actions portées, tandis que les régulations rétroactives Chapitre 3 - Cadre théorique et positionnement scientifique Page 47 sur 609 montrent la réorganisation de l’activité en conséquence des retours sur l’action (feedback) pris en compte par le sujet » (Coulet, 2010, p. 185). Le processus d’instrumentation qui désigne le développement du schème se poursuit généralement pendant l’activité avec les élèves. Nous clôturons ainsi le chapitre relatif aux cadres théoriques qui nous permettent de nous positionner scientifiquement. Dans le document Didactisation de pratiques de savoir scientifiques, transactions avec des publics scolaires et non scolaires. Des scientifiques, de leur laboratoire à la Fête de la science (Page 38-50)