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6. Présentation du terrain : cadre naturel

6.2 Cadre géologique

De manière générale, le territoire du projet de Parc naturel régional Gruyère – Pays-d’Enhaut se situe dans la région des Préalpes romandes, dont une esquisse est visible à la figure 5. Les Préalpes sont un édifice de nappes de couverture, qui se sont échappées du prisme d’accrétion lors de la formation des Alpes et qui ont été charriées sur l’avant pays molassique.

Ainsi, plusieurs entités et nappes peuvent être distinguées, la plus étendue étant la nappe

des Préalpes médianes. Sur cette dernière reposent la nappe des Préalpes supérieures (ou nappe de la Simme au sens large) et la nappe de la Brèche. En se déplaçant vers le SW, on rencontre une zone déprimée appelée zone submédiane (Caron, 2005), puis la nappe du Niesen et enfin la nappe inférieure (composée de terrains ultrahelvétiques). A l’opposé, sur la bordure S-E des Préalpes, on retrouve la nappe du Gurnigel ainsi que quelques affleurements de la nappe inférieure.

Figure 5: Esquisse structurale des Préalpes romandes et chablaisiennes (Caron, 1973, inBonzanigo et al., 1996)

Mais avant de nous pencher sur les caractéristiques propres à chaque nappe, une brève présentation de la formation des Préalpes romandes s’impose. Après la fermeture de l’océan liguro-piémontais, au Paléocène, les futures nappes préalpines, soumises à d’importantes pressions, ont pu s’échapper du prisme d’accrétion. Au cours de la mise en place des nappes alpines, elles ont été charriées jusque dans l’avant pays sur plus de 100 km (Mosar, 1991), subissant elles-mêmes des réorganisations. A la base des nappes se trouve une relativement épaisse couche de cornieule du Trias (Mosar, 1991, Marthaler, 2001). Ce niveau, comparable à une couche de téflon, a facilité le chevauchement des

nappes (Marthaler 2001). Pour ce qui est de l'origine spatiale, les Préalpes correspondent

« à la couverture sédimentaire décollée de l’ensemble pennique Grand-St-Bernard – Mont-Rose dans le Valais méridional » (Labhart et Decrouez, 1997).

Pour résumer, « Les Préalpes apparaissent ainsi comme le produit du débordement sur l'avant-pays européen des couvertures chassées par le rapprochement de l'Afrique et de l'Europe » (Mason,1976: 557).

L’expulsion précoce des nappes préalpines du prisme d’accrétion leur a permis de n’être que peu ou pas métamorphisées. Ainsi, on a pu retrouver des fossiles qui ont aidé à déterminer l’âge et les conditions de dépôt des nappes des Préalpes (Caron, 2005).

L’étude de la géologie de notre terrain a son importance puisque les formes du paysage sont directement influencées par la lithologie. La zone concernée par le projet de Parc naturel régional Gruyère – Pays d’Enhaut se trouve en grande partie sur la nappe des Préalpes médianes mais elle recoupe également des terrains des nappes supérieures, de la Brèche, du Niesen et de la zone submédiane. Nous allons brièvement présenter les caractéristiques de ces nappes.

La nappe des Préalpes médianes contient deux entités qu’il est important de différencier : les Préalpes médianes plastiques et les Préalpes médianes rigides. La figure 7 montre que ces deux entités n’ont pas du tout réagi de la même manière à la poussée des Alpes. Les Préalpes médianes plastiques se sont plissées tandis que les Préalpes médianes rigides se sont cassées en écailles.

Figure 6: Coupe dans les Préalpes romandes (Caron, 1973, in Bonzanigo et al., 1996)

Ces réactions très différentes trouvent leur explication dans la lithologie ; les Préalpes médianes plastiques sont composées de roches calcaires ainsi que de termes marneux et

argileux. Par contre, dans les Préalpes médianes rigides, il ne reste que les niveaux calcaires compétents qui n’ont pas pu absorber la déformation par des plis. Cela a mené à la formation d’écailles.

C'est un environnement de dépôt différent qui est à l'origine de la lacune des Préalpes médianes rigides. Si les sédiments qui constituent les roches des Préalpes médianes plastiques se sont sédimentés dans une zone de bassin assez profond, ceux des roches des Préalpes médianes rigides se sont déposés dans une

zone de plus haute énergie – par exemple un haut-fond – qui s’est retrouvée, à plusieurs reprises, du Trias à l’Eocène, balayée par des courants. Ce sont ces courants qui sont responsables de la lacune en termes argileux et marneux (Caron, 2005). Pour donner un exemple, la chaîne des Vanils, succession de synclinaux et d’anticlinaux, appartient aux Préalpes médianes plastiques tandis que la Gummfluh, ci-contre, est un sommet typique des Préalpes médianes rigides.

La nappe de la Brèche n’est que peu développée dans les Préalpes romandes par rapport au lambeau Chablaisien (Labhart et Decrouez, 1997). Sur notre zone d’étude, elle n’affleure qu’à proximité de la Gummfluh. Cette nappe doit son nom aux brèches caractéristiques dont elle est principalement constituée.

La nappe supérieure est uniquement composée de flyschs. Ce sont des roches tendres et assez imperméables. Le paysage est plus arrondi et vallonné. De nombreuses zones humides et tourbières se développent fréquemment dans les terrains constitués de flyschs. Et ces terrains présentent une prédisposition aux mouvements de masses et glissements (Loup, 2004) comme visible à la en photo 3.

Photo 2 : Glissement de terrain dans des flyschs (juillet 2007).

Photo 1 : La Gummfluh (photo : Ueli Raz)

La nappe du Niesen est, elle aussi, une nappe de flyschs mais ceux-ci sont plus grossiers et à dominance conglomérative (Caron, 2005). Epais de 1 à 2 km, ce niveau compétent forme des sommets importants tels la chaîne du Niesen, la Tornette et le Pic Chaussy (Labhart et Decrouez, 1997). Ce sont aussi ces flyschs du Niesen que l’on retrouve en partie au Col des Mosses.

Enfin la zone submédiane est composée de terrains de wildflysch à lentilles de gypse. On la retrouve à proximité du Col des Mosses.

Pour ce qui est de la géologie structurale, les Préalpes sont marquées par les événements tectoniques liés à leur formation et donc à celle des Alpes. De nombreuses failles ont joué dans le massif, elles sont le plus souvent d’axe N ou NE (Plancherel, 1979, Mosar et al., 1996), soit obliques à l’orientation générale des reliefs. Ces failles décrochantes (sénestres) se traduisent, dans le paysage, par une certaine dissymétrie des structures.