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Chapitre 4 - Impact direct des particules cosmiques sur des bolomètres de type TES

4.2 Cadre expérimental

4.2.1 Fonctionnement des bolomètres TES

Courbe de transition

Le principe du bolomètre TES, pour Transition Edge Sensor, est similaire aux bolomètres composant le plan focal de Planck/HFI (voir le schéma de principe fourni en Figure 2.32) : l’onde électromagnétique est absorbée par une grille thermiquement couplée à un senseur. La différence se trouve dans le senseur thermique constitué d’un matériau supraconducteur. En ajustant sa température sur la transition raide entre son état normal et supraconducteur, on obtient un thermomètre de grande précision. Pour une faible variation de température du senseur, la variation de la résistance est grande et permet une mesure précise comme on le voit dans la Figure 4.1.

Les senseurs des bolomètres, les TES, utilisés pour cette étude, sont fabriqués en Niobium Silicium (Wasim & Zebouni 1969) par le CSNSM. Ce matériau, suivant sa composition en Nb, devient supraconducteur lorsqu’il est refroidi à une température comprise entre 40 mK et 800 mK (Marnieros 2014).

Figure 4.1 : Exemple d’une courbe de la transition entre l’état normal (> 400 mK) et l’état supraconducteur (< 370 mK). Ces données ont été obtenues pour le senseur ANTES01 développé par Jianqiang Zhong lors de sa thèse à l’IAS.

Contre-réaction

Les autres différences majeures se situent dans la chaîne de lecture avec le SQUID (Superconducting Quantum Interference Device) et la contre-réaction électrothermique (ETF, pour ElectroThermal Feedback). Lors d’une variation de la température du senseur causée par l’absorption d’une onde électromagnétique, ce n’est pas la résistance qui varie, mais le courant de polarisation. Cette technique permet au senseur une stabilité thermique importante autour du point de fonctionnement, généralement au milieu de la transition supraconducteur du matériau. Cela permet d’accélérer significativement le détecteur (par rapport aux bolomètres de Planck/HFI qui dépendent de leurs constantes de temps physiques).

Le circuit peut être représenté par le schéma synoptique donné en Figure 4.2. La boucle de gain associée est ℒ = (𝑃𝑃𝐵𝐵× 𝛼𝛼𝑇𝑇)/(𝐺𝐺 × 𝑇𝑇) avec PB la puissance de chauffage par effet joule du TES, αT la pente de la courbe de transition R(T) du senseur, G la conductance du lien thermique et T la température du senseur (∼ Tc). Ces paramètres restent quasi-constants, sauf αT qui varie avec la tension de polarisation.

Figure 4.2 : Schéma synoptique d’une chaine de lecture d’un TES. Le bloc de la chaine direct est le TES, dont la fonction de transfert comprend la conduction thermique G du système. La contre-réaction apparait sur le bloc retour.

Il est attendu que la diminution de la température du point de fonctionnement (diminution de la tension de polarisation) entraîne via l’ETF une diminution du temps de réponse de la constante de temps associée au boucle de gain ℒ. Pour un modèle à 3 constantes de temps τ1,

+

𝑑𝑑𝑃𝑃 𝑑𝑑𝑇𝑇 1 𝐺𝐺

τ2 et τ3, soumises au boucle de gain ℒ (Maasilta 2012), seule la plus lente, τ3 est significativement modifiée.

Dans le cas d’un système stable, cette constante de temps τ3 représente le pôle dominant qui est alors soumis à l’effet de l’ETF, une modification du gain entrainant une fréquence de coupure plus élevée (Figure 4.3). Les constantes de temps suivantes (τ2 et τ1), à plus haute fréquence, sont moins sensibles à l’ETF et ne varient donc pas.

Figure 4.3 : Exemple de diagramme d'amplitude à trois constantes de temps τ1, τ2 et τ3 aux fréquences respectives de f1, f2 et f3. La contre-réaction agit uniquement sur le pole dominant G3.

Multiplexage

A la différence des bolomètres de Planck/HFI, les bolomètres TES sont assemblés par matrices de pixels par micro-fabrication. Chaque pixel est un bolomètre. Sur un wafer en silicium peuvent être gravées de larges matrices regroupant des centaines voire des milliers de pixels16. Ce grand nombre de capteurs nécessite un multiplexage pour transmettre les données des senseurs qui permet de lire de manière quasi-simultanée l’ensemble des TES d’une même matrice.

L’un des problèmes que peut présenter un tel système est la « proximité thermique » entre les détecteurs. A l’inverse de Planck/HFI où les détecteurs sont découplés les uns des autres (sauf entre les pairs des PSB) par la capacitance du housing et de la platine, les TES d’une même matrice sont tous reliés entre eux par le wafer en silicium les supportant. Ainsi, une particule déposant de l’énergie au sein de ce wafer peut générer un signal corrélé sur plusieurs senseurs. 4.2.2 Moyens expérimentaux

Afin d’observer l’impact de particules émis par une source radioactive sur les bolomètres TES, nous avons mis en œuvre les moyens expérimentaux suivants.

16 BICEP3 (Karkare et al. 2014), par exemple, ou le Keck Array, embarquent des matrices de TES de milliers de pixels. Dans l’espace, Athena/X-IFU fera de même d’ici 15 ans.

G (dB) f (Hz) G1 G2 G3 G3’ f3 f3’ f2 f1

Les mesures ont été réalisées avec le cryostat à dilution de l’APC au sein duquel une matrice de 23 bolomètres TES était déjà intégrée. L’électronique de lecture utilisée est composée d’un SQUID par détecteur, déporté autour de la matrice de bolomètres. Un ASIC à 4K (Application-Specific Integrated Circuit) assure la polarisation des SQUID, la lecture séquentielle (multiplexage) des pixels et l’amplification à froid. La lecture des mesures est réalisée après le passage du signal dans un amplificateur à 300K et un CAN échantillonnant le signal de sortie à 10 kHz. Plus de détails sont donnés dans (Martino et al. 2014; Martino 2012, chap.10.3). Ces différents éléments sont rappelés dans la Figure 4.4.

Figure 4.4 : Circuit de polarisation et de lecture. Le TES est représenté par une résistance variable à gauche. Le composant au centre représente le SQUID, l’amplificateur « G » l’ASIC et l’amplificateur de droite l’amplification à 300 K. Le TES est polarisé par une tension constante via un générateur de courant (à 300 K) et une résistance Rshunt. La variation de la résistance du TES générée par une onde électromagnétique (ou une particule) entraîne une variation de courant dans la bobine modifiant le champ magnétique lu par le SQUID.

Figure 4.5 : Le cryostat à dilution de l’APC et le support (en bas) accueillant la matrice de bolomètres TES. En fonctionnement, chaque étage du cryostat est isolé du rayonnement par un écran en cuivre et l’enceinte est sous vide.

Le support mécanique de la matrice est suspendu par des fils de kevlar pour l’isoler thermiquement de la platine froide à 200 mK. Un régulateur de type PID maintient la platine froide à cette température afin d’absorber toutes les fluctuations thermiques émanant des

bolomètres. Seul un fil de cuivre, dont la conductance est maîtrisée, fait le lien thermique entre les deux éléments. Cette technique permet de supprimer la majorité des fluctuations thermiques du bain et garantit une stabilité thermique de la matrice.

En fonctionnement, la matrice de bolomètres (Figure 4.6) est à la même température que son support, soit 200 mK, tandis que le TES est à une température d’environ 550 mK, sa température critique. Pour atteindre ces températures, l’ensemble du dispositif est chauffé au-dessus de la température critique, puis le TES est polarisé afin de conserver sa température de fonctionnement. Enfin, la matrice et son support sont redescendus à 200 mK. Sans cette procédure, le TES ne peut pas atteindre sa température critique puisque le matériau le composant est supraconducteur. Toutes les mesures ont été réalisées avec la matrice de TES ayant une température critique de 550 mK.

Figure 4.6 : [A gauche] la matrice de 23 bolomètres TES. Chaque pixel fait 3 x 3 mm2. La grille s’étend sur une surface de 2 x 2 mm2. Au centre de chaque pixel se trouve le capteur composé des différents éléments détaillés sur la figure de droite. Autour des capteurs, les pads en or permettent l’interconnexion entre les détecteurs et les SQUID. [A droite] une vue rapprochée et schématique sur le capteur : en vert, au centre, le NbSi sur lequel sont posés les peignes inter-digités en niobium qui polarisent le senseur. En rouge la grille absorbante en iridium. En noir, le wafer de silicium. En bleu les zones de vide. Images tirées de (Martino 2012).

La source radioactive utilisée est un substrat d’américium 241 d’un diamètre de 3 mm émettant des particules α de 5 ,44 ± 0,05 MeV à un flux d’environ 8 Bq. La source est placée à 1 mm de distance d’un pixel (TES 1) de la matrice. La séparation de 5 mm entre chaque pixel permet de supprimer la quasi-totalité des interactions entre les α et les TES environnants.

Figure 4.7 : [A gauche] la source radioactive encapsulée placée sur le support. [A droite] le support fixé au cryostat sur les fixations de la matrice de TES. La source fait directement face, à une distance de 1 mm d’un TES de la matrice.