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Chapitre 2 - Le satellite Planck et son instrument « haute fréquence »

2.4 L’instrument HFI

2.4.4 Les Bolomètres

Principe de mesure bolométrique

Figure 2.32 : Schéma de principe du bolomètre. Le rayonnement incident élève la température de l’absorbeur qui transmet son énergie à la résistance. La variation de son impédance sous un courant de polarisation est mesurée par une variation de tension à ses bornes.

Un bolomètre est un capteur de température associé à un absorbeur sensible au rayonnement électromagnétique (Jones 1953). L’élévation induite par le rayonnement incident élève la température de l’absorbeur qui génère un changement d’impédance du capteur. Un bolomètre tel que ceux embarqués sur Planck/HFI est composé d’un thermomètre résistif couplé à un absorbeur en grille absorbant le rayonnement incident. La résistance est polarisée

Absorbeur

Puit thermique (wafer) Conduction thermique G Résistance Courant de polarisation Mesure de tension Rayonnement incident

en courant, et son impédance est déterminée à partir d’une mesure de tension. L’ensemble doit être couplé à un puits thermique par une conduction thermique G suffisamment importante pour absorber la puissance reçue, mais également suffisamment faible pour ne pas transmettre les fluctuations thermiques du puis au bolomètre.

Les bolomètres de HFI

Les détecteurs de HFI sont des bolomètres d’environ 1 µm d’épaisseur refroidis à 100 mK construits et testés par le Jet Propulsion Laboratory à Pasadena (NASA/JPL) (Bock et al. 1995; Mauskopf et al. 1997; Yun et al. 2004; Holmes et al. 2008). Deux types de bolomètres sont embarqués sur HFI :

les SWB (Spider Web Bolometer), constitués d’un absorbeur en forme de toile d’araignée, avec en leur centre le thermomètre, sont sensibles à la température du rayonnement.

Les PSB (Polarization Sensitive Bolometer), sont constitués de deux bolomètres PSBa et PSBb rectangulaires tournés l’un par rapport à l’autre d’un angle de 90°. Ils sont sensibles à la température, mais également à la polarisation du rayonnement (Jones et al. 2003; Jones et al. 2007).

HFI embarque en tout 54 capteurs bolométriques refroidis à 100 mK. Deux n’observent pas le ciel, ils sont dit « aveugles » ou « dark ». Ils monitorent les effets systématiques tels que les variations de température de la platine afin de supprimer ces effets des autres bolomètres et améliorer le signal scientifique. Les 52 autres capteurs sont répartis entre 20 SWB et 16 PSB (16 PSBa et 16 PSBb) et observent le ciel aux fréquences de 100 GHz, 143 GHz, 217 GHz, 353 GHz, 545 GHz et 857 GHz. Les bolomètres sont composés des éléments suivants (Holmes et al. 2008) :

− Un thermomètre en Germanium dopé par transmutation neutronique (neutron-transmutation-doped, NTD) (Haller et al. 1996) d’environ 350 x 150 x 30 (épaisseur) µm3.

− Un absorbeur composé d’une grille suspendue en nitrure de silicium (Si3N4) d’éléments de 5-10 µm de largeur et moins de 1 µm d’épaisseur. La partie absorbante de la grille est recouverte d’or, matériau absorbant les photons, pour capter le rayonnement électromagnétique. L’espacement de la grille est supérieur à 50 µm afin d’absorber le rayonnement millimétrique tout en étant transparent aux longueurs d’onde plus faibles et réduire l’interaction avec les particules cosmiques.

Un wafer (silicon die) en silicium sur isolant 14 (Silicon On Insulator, SOI) recouvert d’un dépôt de Si3N4 de 1 µm d’épaisseur. Il soutient la grille par 12 pieds (dont 2 supportant la connectique de la résistance) et sert de lien thermique avec l’absorbeur. Le ou les pads en or (dépendant du type : PSB ou SWB) sur lesquels sont soudés les connecteurs

14 Le silicium sur isolant (ou SOI) est constitué d’une couche de silicium et d’une couche d’isolant tel que le saphir, le dioxyde de silicium ou de l’air.

assurent le contact électrique de la résistance. La forte capacité calorifique de cet élément lui permet d’emmagasiner une importante quantité d’énergie sans chauffer. − Un backshort, situé sous l’absorbeur, soutient le wafer et améliore l’absorption du

rayonnement par la grille. Placé à λ/4 de distance de l’absorbeur, le backshort permet de renvoyer la partie non absorbée de l’onde incidente vers l’absorbeur. Pour cela, il est absolument essentiel de s’assurer d’un alignement optimal.

Un circuit imprimé, ou Printed Wiring Board (PWB) est monté à l’arrière du backshort, en direction opposée au wafer. Il intègre l’électronique nécessaire (inductance et capacité) à l’atténuation des signaux radiofréquences avant leurs corrections au niveau du bolomètre.

Une traversée, ou feedthrough, élément présent seulement sur les PSBa, relie électriquement le pad en or du PSBa au PWB. Le fil, suspendu par de l’époxy, passe dans un cylindre collé à l’époxy sur le backshort. Cette technique permet une excellente atténuation du cross-talk électrique avec le PSBb.

Un boitier composé du housing et du cover. Le housing, fabriqué en Cupro-Béryllium, maintient le wafer des SWB ou des PSBa. Le cover, en Cupro-Béryllium également, est installé à l’arrière du backshort. Il protège le PWB et supporte le connecteur.

Le procédé de fabrication est donné en Annexe A.1

Figure 2.33 : Photos et détails des composants d’un des bolomètres SWB embarqué sur Planck/HFI. Les bolomètres PSB contiennent les mêmes éléments, mais sont positionnés différemment pour certains.

Housing Connecteur vers le PWB Pad en or et pontage Résistance Wafer Absorbeur et backshort à l’arrière

Figure 2.34 : Vue éclatée d’un PSB composé de deux bolomètres et des différents éléments listés précédemment (Holmes et al. 2008).

Grandeurs caractéristiques

A chaque type de bolomètre (PSB ou SWB) et chaque fréquence d’observation correspond une géométrie particulière basée principalement sur l’absorbeur dont l’espacement de la grille dépend de la longueur d’onde observée. Les bolomètres de même type et fréquence sont identiques. Cette diversité dans la mesure permet la séparation de composantes (voir §2.2.3) nécessaire à l’analyse des données.

Les bolomètres montés sur HFI sont extrêmement complexes de par leur fabrication. Ce sont les dimensions et les propriétés des matériaux composant le bolomètre qui font sa sensibilité et garantissent son bon fonctionnement. Ainsi, réaliser un modèle thermique fin des bolomètres nécessite une grande attention. Néanmoins, les principales caractéristiques et grandeurs sont connues, elles sont données dans la Table 2.4 et la Table 2.5.

Freq

Type

NTD Wafer Grille Gold pad

Surface Epais. masse Die Si die surf. Nitride surf. Epaisseur Nitride Absorber Au Epaisseur Au

GHz mm2 µm mg mm2 mm2 µm angström angström 100 PSB 0,05 350 35 43 1,17 1,2 95 3000 143 SWB 0,05 350 33 41 0,58 1,0 150 3000 143 PSB 0,05 350 40 49 0,53 1,2 95 3000 217 SWB 0,05 350 23 28 0,15 1,2 175 3000 217 PSB 0,05 350 40 49 0,53 1,2 95 3000 353 SWB 0,05 350 25 30 0,12 1,0 125 3000 353 PSB 0,05 350 40 49 0,50 1,2 95 3000 545 SWB 0,05 350 25 31 0,48 1,0 / 3000 857 SWB 0,05 350 25 31 0,40 1,0 / 3000

Table 2.4 : Tailles caractéristiques des éléments composant les différents bolomètres embarqués sur l’instrument HFI. PWB Backshort PSBb Feedthrough PSBa Housing Cover Connecteur

Eléments Capacité calorifique [J/K] Grille + thermomètre 1 10-12

Pad en or 1 10-10

Wafer 1 10-11

Housing 1 10-4

Table 2.5 : Ordres de grandeur des capacités calorifiques des éléments composants le bolomètre Liens thermiques au sein d’un bolomètre

Les liens thermiques au sein d’un bolomètre sont très complexes à modéliser à cause de l’encombrement très réduit du système et des incertitudes, faibles mais significatives, sur les géométries et masses des composants. La sensibilité est telle qu’une infime variation de masse peut engendrer une erreur non négligeable dans le calcul des liens thermiques. Néanmoins, on peut établir un modèle thermique général (Figure 2.35) reliant les principaux éléments du bolomètre.

Dans le cas d’un dépôt d’énergie dans le wafer, la chaleur est transmise vers l’absorbeur puis le thermomètre. Une fluctuation thermique de la platine entraîne un chauffage du bolomètre via le housing et sa connectique, puis par le fil d’un côté et le wafer de l’autre. C’est cette complexité, avec la multitude de liens entre les éléments qui complique réellement le travail de modélisation. Cette situation a orienté l’étude des bolomètres par expérimentation, détaillée dans les chapitres suivants, en plus des simulations.

Figure 2.35 : Modèle thermique d’un bolomètre SWB. Tous les éléments sont détaillés dans le §2.4.4. Chaque élément est thermiquement décrit par sa capacité calorifique et sa diffusivité thermique. Chaque lien thermique représente une conductance.

Sensibilité

Les bolomètres ont été construits suivant un cahier des charges précis, mais ce n’est qu’après les tests réalisés en vol que les caractéristiques réelles ont pu être mesurées. Elles

Wafer Gold Pad Wires Absorber Thermometer Housing Cover Bolometer Plate PWB Connector Plate wiring Backshort

sont regroupées dans la Table 2.6. Ainsi, les données de trois détecteurs, ne fonctionnant pas de manière nominale, ont été écartées de la fabrication des cartes.

La sensibilité des détecteurs est donnée par la puissance équivalente de bruit (Noise-Equivalent Power, NEP). Elle correspond à l’amplitude de la fluctuation de puissance équivalente en entrée de l’instrument (en Watt) qu’aurait une fluctuation de puissance d’écart type σ (autour d’une valeur moyenne donnée) pour une mesure avec un temps d’intégration d’environ ½ seconde, c’est à dire une bande passante de 1 Hz. Elle est donnée en W/Hz1/2.

100

GHz GHz 143 GHz 217 353 GHz 545 GHz 857 GHz

Longueur d’onde (mm) 3 2,10 1,38 0,85 0,55 0,35

Nombre détecteurs sensibles à la

polarisation (traités a) 8 (8) 8 (8) 8 (8) 8 (8) Nombre détecteurs non sensibles

à la polarisation (traités a) 4 (3) 4 (4) 4 (4) 4 (3) 4 (3) Fréquence moyenne centrale

(GHz) 100 143 217 353 545 857

FWHM du faisceau (arc⋅min) 9,37 7,04 4,65 4,43 3,80 3,67

Ellipticité moyenne 1,18 1,03 1,14 1,09 1,25 1,03

NEP moyenne (10-17 W⋅Hz-1/2) b 1,2 1,4 1,4 1,5 3,4 3,7 Table 2.6 : Caractéristiques principales des bolomètres. . Ces informations sont compilées à partir de (Planck HFI Core Team et al. 2011a) et (Planck Collaboration et al. 2011b). [a] les bolomètres 143-8, 545-3 et 857-4 ont été retirés du traitement des données. Ces trois détecteurs sont soumis à des signaux télégraphiques aléatoires (Random Telegraphic Signals, RTS) plus connus sous le nom de « pop-corn ». Cet effet s’observe par un changement aléatoire de la ligne de base du signal du bolomètre. [b] La NEP moyenne est calculée pour chaque groupe de fréquence.

Figure 2.36 : [A gauche] photo du plan focal de HFI à 4K incluant les cornets. [A droite] dénomination et disposition des bolomètres sur le plan focal. Les SWB sont représentés par des cercles et les PSB par des croix. Les différentes orientations des PSB permettent d’observer les composantes de la polarisation du rayonnement. Source : ESA / Planck

Table 2.7 : Organisation de la chaîne de lecture des données de HFI. Chaque colonne correspond à une ceinture. Chaque ceinture intègre 6 voies.