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Partie I – Cadre de l’étude

Chapitre 2 Cadre chronostratigraphique

L’étude des séquences stratigraphiques constitue un élément essentiel dans la connaissance du Quaternaire armoricain, notamment pour la reconstitution de son évolution climatique et environnementale. De plus, en l’absence de données chronologiques absolues et de faune, elle est bien souvent la seule méthode d’attribution chronologique des occupations paléolithiques.

Après une présentation du contexte chronostratigraphique régional, chacune des industries lithiques étudiées est replacée dans son contexte stratigraphique local et sa position est interprétée d’un point de vue chronologique.

2.1 – Chronostratigraphie régionale et signification

paléoclimatique

Pendant le Quaternaire, le Massif armoricain se trouve au voisinage des inlandsis de l’hémisphère Nord. Cette région a donc connu des conditions climatiques et géodynamiques périglaciaires. Les dépôts consistent principalement en des coulées de solifluxion (coulées de heads), des limons et des lœss qui, en bordure du littoral, alternent avec des niveaux d’origine marine (galets et/ou sable) (Milon et Dangeard, 1928 ; Morzadec-Kerfourn, 1973). Ces dépôts pléistocènes sont conservés de manière très inégale entre la côte sud et la côte nord armoricaine (Monnier, 1976). Ainsi, sur la côte sud, sont préférentiellement conservés des sédiments correspondant au Pléistocène ancien tandis que la présence sur la côte nord de hautes falaises de roches dures a permis l’accumulation et la conservation des sédiments de la seconde moitié du Pléistocène moyen et du Pléistocène supérieur. Quant à la couverture pléistocène qui se trouve dans les terres, elle est encore très peu connue car peu étudiée.

L’étude de ces dépôts périglaciaires et des plages et sols fossiles qui leurs sont associés (Monnier, 1973a, 1979, 1980 ; Monnier et Van Vliet-Lanoë, 1986) a permis la reconnaissance de quatre formations, au sens géologique du terme, définies principalement à partir de l’étude de coupes de la baie de Saint-Brieuc (Monnier et Morzadec-Kerfourn, 1982 ; Bigot et Monnier, 1987 ; Monnier et Bigot, 1987). Ces formations géologiques constituent ainsi un référentiel chronostratigraphique régional pour le Massif armoricain breton auquel appartiennent les sites étudiés.

La Formation de Nantois, définie à partir des niveaux inférieurs de la coupe de Nantois, comprend des dépôts épais (couches d'éboulis cryoclastiques, limons sablo-argileux, lœss à grosses concrétions carbonatées) où s’interstratifient des sables d’origine marine et littorale et des paléosols lessivés (Monnier et Morzadec-Kerfourn, 1982 ; Monnier et Van Vliet-Lanoë, 1986 ; Loyer et al., 1995; Monnier, 1998).

La séquence inférieure témoigne de plusieurs épisodes tempérés et boréaux de rang équivalent à plusieurs gros interstades ou à un complexe interglaciaire frais où le niveau de la mer était proche de l’actuel et le paysage vraisemblablement forestier. Au-dessus prennent place des lœss et des sables limoneux qui ne peuvent provenir que des fonds de la Manche. Des régressions marines importantes ont donc eu lieu à certains moments, dégageant de grands espaces peu à peu continentalisés (paysage de toundra)

fins témoignant de conditions nettement plus humides et se termine par une pédogenèse illuviale de type limons à doublets qui atteste d’une amélioration climatique importante à la fin de cette glaciation (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998).

La Formation de Nantois correspond donc à l’avant-dernier cycle

interglaciaire/glaciaire (Holsteinien/Saalien ; stades isotopiques 6 à 9) qui précède le dernier (Éémien/Weichselien ; stades 5 à 2) (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998).

La Formation de La Haute-Ville, qui correspond aux couches 14 à 24 de la coupe de la Haute-Ville, se caractérise par un faible bilan sédimentaire (Monnier et Van Vliet- Lanoë, 1986 ; Monnier et Bigot, 1987). Elle comprend successivement une plage ancienne (sous-stade 5e), une couche de solifluxion (sous-stade 5d) incluant un petit horizon humifère et sur laquelle s’est développé un sol lessivé (sous-stade 5c), puis un glacis d’érosion marqué par un niveau hydromorphe sur lequel s’est mise en place une dune littorale de retrait eustatique (sous-stade 5b) affectée par une pédogenèse de type brun lessivé (sous-stade 5a) (Monnier et al., 2002). Le dépôt primaire de la dune littorale régressive a pu être daté par thermoluminescence de 103.3 ± 17.3 ka sur la coupe de Nantois où l’on retrouve la Formation de la Haute-Ville (Loyer et al., 1995). Plus à l’ouest par rapport à cette coupe de référence, dans les régions du Goëlo et du Trégor, les horizons humifères se traduisent par des sols podzoliques et des sols gris forestiers bien caractéristiques (« Sol du Goëlo ») que l’on retrouve au moins à deux reprises au-dessus de la plage ancienne du sous-stade 5e (Monnier et al., 2002). Ces sols correspondent également aux sous-stades isotopiques 5c (Brørup) et 5a (Odderade). La Formation de la Haute-Ville témoigne donc d’une dynamique interglaciaire complexe dans le contexte d’un niveau marin proche de l’actuel, voire légèrement au- dessus (plages à la Haute-Ville). Deux phases froides se sont ensuite succédées, en alternance avec deux phases tempérées (vers 110 000 ans et vers 90 000 ans) (Bigot et Monnier, 1987 ; Loyer et al., 1995 ; Monnier et al., 2002).

Cette formation correspond au dernier interglaciaire stricto sensu (Éémien s.s., stade isotopique 5e) et au début du Weichselien, c’est à dire à l’ensemble du stade isotopique 5 (entre 125 000 ans et 75 000 ans) (Loyer et al.,1995 ; Monnier, 1998). Ce sont les dépôts correspondant à cette formation qui ont livré le plus de témoignages d’occupations humaines sur la côte nord de la Bretagne, ce qui s'explique aisément par les conditions géologiques, paléoclimatiques et paléogéographiques.

La Formation de Port-Morvan, qui correspond aux couches 11 à 21 de la coupe éponyme, représente la base de la séquence weichselienne (Monnier et Bigot, 1987). Caractérisée par un fort bilan sédimentaire, elle comprend de bas en haut des colluvions, des sables plus ou moins limoneux et carbonatés qui correspondent vraisemblablement à un apport éolien (déflation de sables et de limons littoraux) et, au sommet, des limons feuilletés (structure caractéristique de l'existence d'un pergélisol) (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998). Des paléosols faiblement développés s'intercalent dans les limons sableux, témoignant de courtes phases de stabilisation climatique dans un environnement certainement très ouvert dominé par les herbacées. Le dernier de ces paléosols (sol brun calcique) est nettement plus marqué et constitue un horizon repère important que l’on retrouve de façon assez constante dans les coupes du littoral nord armoricain (« sol interpléniglaciaire ») (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998).

Des datations par thermoluminescence ont été obtenues sur les dépôts équivalents de la

Formation de Port-Morvan dans la coupe de Nantois (Loyer et al., 1995) ; ainsi les

surmontent les colluvions de la base de la séquence ont été datés de 82,9 ± 13,4 ka (Proglaciaire). Les épais limons sableux feuilletés du sommet de la séquence donnent une date de 67,1 ± 10,5 ka (Pléniglaciaire inférieur). S’agissant d’un dépôt flué, la datation porte sur le sédiment primaire, c’est à dire sur la partie supérieure des limons sableux.

Les études malacologiques mettent bien en évidence, de bas en haut de la formation, l'accentuation du froid et de la sécheresse par phases successives entrecoupées de rémissions plus ou moins longues (Monnier et Bigot, 1987). Le domaine littoral ne se traduit plus que par des éléments remaniés dans les sédiments éoliens (grains de sable, coquilles). Ceci atteste d’une accentuation de la régression marine accompagnée de l'installation de conditions véritablement lœssiques (apparition de la chlorite) (Loyer et

al., 1995 ; Monnier, 1998).

La Formation de Port-Morvan traduit donc la mise en place progressive de conditions de plus en plus rigoureuses (pléniglaciaires) et l’accentuation de la régression marine, entrecoupées toutefois de phases tempérées (Monnier et Van Vliet-Lanoë, 1986 ; Monnier et Bigot, 1987). Cette formation correspond approximativement au stade 4 et à la première moitié du stade 3, soit entre 75 000 ans et 40 000 ans (Loyer et al., 1995). La Formation de Sable-d’Or-les-Pins, qui comprend les couches 3 à 7 de la coupe éponyme, représente le sommet de la séquence weichselienne (Bigot et Monnier, 1987). Caractérisée par un fort bilan sédimentaire, cette formation s’étend pratiquement à l’ensemble de la côte nord de la Bretagne, bien que souvent incomplète en raison de l’ampleur des phénomènes d’érosion généralisés et présentant des faciès assez différents (Bigot et Monnier, 1987). Elle comprend essentiellement des lœss, qui alternent d'abord avec de multiples lits sableux mis en place par ruissellement, puis qui deviennent de plus en plus fins et massifs vers le haut (éloignement des zones sources en rapport avec l'accentuation de la régression, climat plus sec). Le lœss de couverture, lité, a été daté par thermoluminescence de 18,2 ± 2,5 ka (Loyer et al., 1995). Il se serait donc mis en place au Pléniglaciaire supérieur, après la période d’extension maximale des inlandsis. Les couches sont parfois séparées par des glacis d'érosion (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998). Les paléosols sont rares et très faiblement développés ; il s’agit d’horizons gleyifiés liés à un paysage proche de la toundra herbacée avec congères. L'empreinte du gel et des phénomènes périglaciaires est souvent très forte (figures de cryoturbations syngénétiques sous la forme de fentes et d'ondulations) (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998).

Cette formation témoigne donc d’un climat froid rigoureux entrecoupé par une phase d'adoucissement relatif (légère pédogenèse en couche 5) (Bigot et Monnier, 1987). La pauvreté de la faune malacologique confirme la rigueur du climat (Monnier et Van Vliet-Lanoë, 1986). Cette formation témoigne également d’un abaissement considérable du niveau de la mer permettant l’assèchement de grandes étendues en Manche, propices à la déflation éolienne et donc à la formation du lœss (Bigot et Monnier, 1987).

La Formation de Sable-d'Or-les-Pins, à sédimentation lœssique dominante, représente donc le Pléniglaciaire supérieur (Bigot et Monnier, 1987). Selon la chronologie isotopique, elle correspond à la seconde moitié du stade 3 et au stade 2, soit entre 40 000 et 15 000 ans (Loyer et al., 1995 ; Monnier, 1998).

2.2 – Position stratigraphique des industries et datation

géologique des occupations

Tous les sites considérés dans le cadre de cette étude sont actuellement en position d’estran (portion du littoral entre les plus hautes et les plus basses mers) ; ceci est d’ailleurs le cas pour nombre de gisements paléolithiques dans le Massif armoricain. La couche archéologique affleure directement sous l’estran, mise au jour par l’érosion marine, et libère progressivement l’industrie au gré des marées.

Cette situation particulière est le résultat d'une érosion importante de la couverture sédimentaire initiale au niveau du gisement préhistorique.Par contre à proximité de ces sites, en arrière de la plage, se trouvent presque toujours des dépôts pléistocènes piégés aux pieds de falaises ou dans des dépressions et que l’érosion marine actuelle rend particulièrement accessibles et observables.

Des corrélations stratigraphiques peuvent donc être effectuées entre les dépôts résiduels de l’estran et les dépôts de la falaise, en s’appuyant sur des analyses sédimentologiques, afin de resituer les occupations dans leur contexte stratigraphique d’origine. Ensuite, des corrélations avec les formations définies à l’échelle régionale peuvent à leur tour être établies. C’est ainsi que l’on parvient à resituer les sites archéologiques d’estran dans leur contexte chronostratigraphique régional quand le bilan sédimentaire local est faible et qu’on obtient en quelque sorte une « datation géologique » de ces occupations paléolithiques.

Obtenir des données chronologiques absolues est difficile sur ces sites, comme dans l’ensemble de la région d’ailleurs, pour plusieurs raisons (Loyer et al., 1995). Du fait de l’acidité des sols armoricains, la décarbonatation limite singulièrement l’utilisation de la Résonance Paramagnétique Électronique (RPE) et des méthodes fondées sur les déséquilibres dans les familles de l’uranium (méthodes des U234/Th230 ou U235 /Pa231). L’absence de silex et de quartz chauffés ne permet pas non plus d’obtenir une datation par la thermoluminescence (TL).

La seule possibilité de datation absolue reste donc la datation par TL ou OSL (Luminescence Stimulée Optiquement) des dépôts éoliens mais la principale difficulté réside dans le fait de savoir ce que l’on date exactement : il faut effectivement s’assurer qu’aucun remaniement n’a permis au sédiment d’avoir été réexposé à la lumière solaire après son dépôt initial. Or, nous avons le plus souvent à faire à des dépôts de pente (coulées de solifluxion) remaniant des formations littorales et/ou des lœss plus anciens ; les résultats obtenus risquent donc de ne pas être conformes à la réalité (âge de l’occupation humaine). De plus, dans le cas des sites sur estran, la faible épaisseur de la couche archéologique érodée ne permet généralement pas la pose d’un dosimètre nécessaire au calcul de la dose annuelle ; la datation doit alors se faire au niveau de la coupe de corrélation en falaise. La démarche géologique et la corrélation stratigraphique restent quoi qu’il en soit nécessaires.

Ces méthodes de datation radiométriques ont pour le moment été assez peu mises en œuvre et, en dehors de la datation du site moustérien du Mont-Dol par ESR et la méthode Uranium-Thorium à partir de restes fauniques (Monnier et al., 1995), elles ont servi uniquement à la datation de couches géologiques au niveau des stratotypes de référence : datations TL (sur grains de quartz) sur la coupe de Nantois (Loyer, 1993 ; Loyer et al., 1995) et datations OSL (sur grains grossiers de quartz) sur la coupe de Sables-d’Or-les-Pins (Folz, 2000). Nous regrettons de n’avoir eu l’occasion de recourir à ces méthodes de datation pour les sites étudiés en raison notamment des difficultés

liées aux conditions de gisement évoquées ci-dessus. Mais à l’avenir, il est important de songer à développer ces expériences quand les conditions le permettent pour préciser les datations des occupations préhistoriques.

2.2.1 – Roc’h-Gored

L’industrie lithique du site de Roc’h-Gored provient de ramassages effectués au niveau de l’estran dans la zone de balancement des marées. C’est l’érosion marine qui a mis au jour la couche archéologique, plus ou moins recouverte par le sable, les blocs et les galets de la plage actuelle.

Dans ces conditions, la séquence stratigraphique à l’emplacement de l’occupation préhistorique est très restreinte. Par contre, en arrière de la plage sont conservés des dépôts pléistocènes entaillés en falaise (Fig. 9). La corrélation stratigraphique de la couche archéologique avec ces dépôts et leur comparaison avec les formations bien connues sur le littoral nord de la Bretagne offrent une possibilité de se corréler à une échelle chronostratigraphique régionale et donc d’aboutir à une datation géologique du site paléolithique.

Un sondage, de faible ampleur compte tenu de la position sous le niveau des plus hautes mers (présence constante de remontées d’eau), a permis de reconnaître la couche contenant l’industrie. Par ailleurs, plusieurs prélèvements ont été effectués au niveau de la falaise.

Des analyses sédimentologiques (analyses granulométriques, morphoscopie des grains de quartz, comptage des minéraux lourds) ont permis de déterminer la couche géologique de la falaise correspondant à la couche archéologique sous l’estran et d’obtenir ainsi une datation géologique de l’occupation préhistorique (Huet et Monnier, à paraître).

2.2.1.1 – Description lithostratigraphique • Les couches observées en falaise

Couche 1 : sol actuel ; limite tranchée par rapport à la couche 2. Couche 2 : horizon B textural ; limite assez nette avec la couche 3.

Couche 3 : texture limoneuse, plus ou moins zonée ou litée, alternativement orangée et gris jaune ou jaune-gris ; quelques graviers ; limite peu marquée avec la couche 4.

Couche 4 : texture limoneuse avec quelques blocs, graviers et lentilles d’arène granitique ; limite nette avec la couche 5.

Couche 5 : texture sablo-limoneuse incluant 12 % de graviers, avec quelques blocs ; structure polyédrique à grumeleuse. Couleur brun jaune (10 YR 5/7) à l’état humide, jaune orange terne (10 YR 7/3) sur échantillon sec ; limite assez nette avec la couche 6. Couche 6 : texture sablo-limoneuse friable avec un taux de graviers analogue à la couche sus-jacente (12%) ; présence de quelques blocs. Couleur brun à brun jaune (10 YR 4.5/4) à l’état humide, jaune orange terne (10 YR 7/2) sur échantillon sec ; limite

Couche 7 : limon moyen sableux avec quelques blocs ; peu de graviers (6 %) ; structure polyédrique à légèrement feuilletée. Couleur brun à brun jaune (10 YR 4.5/6) à l’état humide, brun jaune vif à jaune orangé terne (10 YR 6/5) sur échantillon sec ; limite floue avec la couche 8.

Couche 8 : limon moyen sableux avec quelques blocs et cailloux ; présence importante de graviers (14 %) ; couleur brune (10 YR 4/6) à l’état humide, jaune orange terne (10 YR 6/4) sur échantillon sec ; limite peu distincte avec la couche 9. Couche 9 : texture sablo-limoneuse avec

des graviers abondants (17 %) ;

nombreuses concrétions ferro- manganiques ; contient quelques blocs et cailloux dispersés ; structure grossièrement polyédrique. Couleur brun jaune (10 YR 5/6) à l’état humide, brun jaune vif à jaune orangé terne (10 YR 6/5) sur échantillon sec ; limite nette avec la couche 10.

Couche 10 : texture sablo-limoneuse avec beaucoup de graviers (28 %); présence d’illuviations argileuses ; couleur brun jaune (10 YR 5/8) à l’état humide, brun jaune vif à jaune orangé terne (10 YR 6/5) sur échantillon sec ; limite nette avec la couche 11.

Couche 11 : texture sableuse avec une forte proportion de graviers (37 %) ; très friable avec des lentilles « illuviées » ; quelques blocs et cailloux. Couleur brun jaune vif (10 YR 6/8) à l’état humide, jaune orange terne (10 YR 7/4) sur échantillon sec ; limite peu marquée avec la couche 12. Couche 12 : texture sablo-limoneuse avec beaucoup de graviers (23 %) ; structure litée et assez compacte ; quelques blocs et cailloux. Couleur brun à brun jaune terne (10 YR 4.5/7) à l’état humide, jaune orange terne (10 YR 6.5/4) sur échantillon sec ; limite peu marquée avec la couche 13.

Couche 13 : texture sableuse avec nombreux graviers ; très friable ; couleur brun jaune (10 YR 5/8) à l’état humide, jaune orange

Fig. 6 – Roc’h-Gored : coupe

stratigraphique schématique de la falaise en arrière du gisement (description des couches dans le texte).

terne à brun jaune vif (10 YR 6/5) sur échantillon sec ; la base de la couche 13 n’a pu être visualisée.

Couche observée à une centaine de mètres à l’ouest de la coupe décrite ci-dessus : Couche D : sable sur platier fossile ; texture sableuse (90 % sable grossier), très pauvre en limon, faiblement argileuse (5,5 %) avec de rares graviers (0,4 %) ; friable ; couleur jaune orangé à brun jaune vif (10 YR 6.5/8) à l’état humide, jaune orangé terne (10 YR 7/4) à l’état sec).

• La couche archéologique érodée sous l’estran

Couche eP : texture sablo-argileuse (limite sable limoneux) avec beaucoup de graviers (22 %) ; couleur brun à brun vif (7.5 YR 4.5/6) à l’état humide, brun jaune vif (10 YR 6.5/6) à l’état sec.

2.2.1.2 – Corrélation entre la couche archéologique et la falaise

Les comparaisons des courbes et indices granulométriques, des caractères morphoscopiques et minéralogiques des différents échantillons prélevés, validées par un traitement statistique approprié (analyses en composantes principales (ACP), classifications hiérarchiques), ont permis d’individualiser la couche 10 comme étant la couche géologique observée en falaise présentant la plus forte similitude avec la couche archéologique sous l’estran (couche eP) (Huet et Monnier, à paraître).

2.2.1.3 – Interprétation générale des dépôts

Le haut de la falaise est clairement identifiable à l’échelle régionale, notamment la couche 3 qui représente un lœss récent mis en place durant le maximum glaciaire du Weichsélien, il y a environ 20 000 ans (stade isotopique 2). La base du lœss (couche 4) est marquée par des petites couches lenticulaires d’arène surmontant un glacis d’érosion passant latéralement, à proximité de la falaise rocheuse, à un head grossier. Sous le head, les couches sont plus difficiles à corréler avec la séquence type du Pléistocène de Bretagne (Monnier, 1973a ; Monnier, 1980 ; Monnier, 1979 ; Monnier et Bigot, 1987 ; Bigot et Monnier, 1987). Toutefois, la présence de limons soliflués et plus ou moins arénacés, ainsi que la description de structures feuilletées marquant des processus de ségrégation de glace nous laissent à penser que nous nous trouvons toujours en contexte périglaciaire correspondant aux stades isotopiques 3 et 4, avec certainement des hiatus dans l’enregistrement sédimentaire.

La couche 10, celle qui concorde le mieux avec le niveau archéologique de l’estran (couche eP), paraît être la trace d’un paléosol humifié à rapprocher de ceux que l’on connaît dans le domaine du Trégor-Goëlo au stade isotopique 5. Ces paléosols (sols gris forestiers, podzols) sont généralement au nombre de deux superposés, avec parfois, entre les deux, la présence d’un sable dunaire (cf. §I-2.1-Formation de La Haute-Ville ; Monnier, 1973a). A Roc’h-Gored, cette dune est observée un peu plus au nord de la coupe principale (couche D) et en place sur l’estran fossile ; elle repose sur des reliques fluées d’un premier sol humifié associées à des galets marins sur le platier rocheux. Ce sable d’origine littorale peut s’être déposé au début d’une période de régression marine,

Brieuc où son dépôt primaire a d’ailleurs pu être daté par thermoluminescence de 103.3 ± 17.3 ka sur la coupe de Nantois (cf. §I-2.1-Formation de La Haute-Ville ; Loyer et al., 1995).

A quelques 500 mètres au nord de Roc’h-Gored, la falaise est de la plage du Cosmeur montre clairement la présence des deux paléosols séparés par la dune. Cette séquence peut donc être interprétée comme suit : éléments flués durant le stade 5d de la plage du stade 5e (galets), surmontés par les reliques d’un sol humifié (stade 5c), puis par des coulées de solifluxion et la dune (stade 5b), enfin par un sol humifié (stade 5a).

Il en résulte que la couche 10 de la falaise de Roc’h-Gored qui nous sert de référence correspondrait au sol humifié supérieur de la séquence habituelle, donc au stade 5a. L’observation des coupes sur l’autre bord de la rivière de Morlaix (falaises à l’ouest de Barnenez) montre la même séquence avec notamment la présence d’un quartz taillé dans le paléosol supérieur.

L’industrie de Roc’h-Gored appartient donc au Paléolithique moyen récent et semble se placer à la fin du stade isotopique 5, sous-stade 5a (Huet et Monnier, à paraître).

2.2.2 – La Trinité (Nord et Sud)

Les industries de La Trinité Nord et La Trinité Sud proviennent pour l’essentiel de