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Le cadre des capabilités pour repenser les états de déséquilibre/équilibre dans le handicap

« J’appelle "stratégie" le calcul (ou la manipulation) des rapports de force qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir […] est isolable.. Elle postule un lieu susceptible d’être circonscrit comme un propre et d’être la base d’où gérer ces relations avec une extériorité de cibles ou de menaces. […] J’appelle "tactique" l’action calculée que détermine l’absence d’un propre. Alors aucune délimitation de l'extériorité ne lui fournit la condition d'une autonomie. La tactique n'a pour lieu que celui de l'autre. Aussi doit-elle jouer avec le terrain qui lui est imposé tel que l'organise la loi d'une force étrangère. »

Michel De Certeau, L’invention du quotidien 385

Le cadre des normes de vie et celui des affordances nous a permis de disposer d’une grille de lecture pertinente qui s’applique au déroulement d’une vie en situation de handicap, tour à tour dans son environnement organique puis technique. Mais qu’en est-il de la dimension existentielle de la vie en société, en groupe ? Comment déployer un espace qui permette de rendre explicites les frontières qui sont posées dans le monde humain pour un individu handicapé ? Comment comprendre la permanente négociation de ces frontières ? Nous considérons donc une fois encore la même problématique sous un aspect différent : celui qui associe l’individu à son environnement social, fait a priori de barrières et de conventions normatives légitimées la plupart du temps par la durée de leur application et leur usage répété par la majorité statistique. Comment l’individu s’infiltre-t-il dans ces frontières ? Comment les infléchit-il ? Comment l’ordre préalablement construit par la société des hommes trouve-t-il à être adapté selon les capacités et les souhaits de chaque individu ? Quelles peuvent être les principaux appuis que chaque individu engage dans son existence en tenant compte des différentes données que lui donne le groupe humain auquel il appartient ? Comme le montre Michel De Certeau dans la citation d’exergue, il y a différentes formes d’investissement d’un ordre social préexistant : on peut bricoler entre les équilibres d’un tel ordre, ce qu’il désigne sous le mot de « tactique ». On peut également reconstruire un équilibre plus authentique à la mesure de l’individu, à condition qu’il reste compatible avec l’ordre préalable dans lequel cet ordre plus « localisé » et « personnalisé » s’insère, ce qu’il nomme « stratégie » dans la citation.

La plupart du temps, ce mouvement résulte du constat d’un désordre inhérent dans l’existence d’un individu : ce dernier n’est plus en phase avec son environnement social ou, en amont, organique ou technique. Il doit construire un ordre plus authentique qui peut revêtir la forme

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donné social pour s’en affranchir cependant et engager des points d’équilibre plus adaptés à sa personne (Fig. 31).

La situation de handicap peut être ainsi décrite avec pertinence car elle est susceptible d’épouser les mouvements exprimés ici : l’individu handicapé serait dans une situation de « désordre » initialement, une situation où il doit reconfigurer sa manière d’être avec les autres dans la société car les moyens physiques ou psychologiques dont il dispose ne lui permettent pas d’investir de façon satisfaisante l’ordre social déjà construit autour de lui, par des causalités le plus souvent très indirectes. L’individu trouve alors de nouvelles formes d’action ainsi que de perception, dans le monde humain à travers lequel il évolue. La construction de ce nouvel équilibre dépend des conditions de possibilité que la société prodigue à l’individu pour investir l’espace ordinaire dont elle est dépositaire.

Quels sont alors les outils qui lui permettent d’atteindre cet équilibre qui est plus en rapport avec les capacités dont il est doté ? Quel processus engage-t-il dans le mécanisme de retour à un équilibre durable pour lui à partir du déséquilibre qu’il entretenait avec l’ordre ordinaire ? Comment se déploient alors les phénomènes de résilience ? Comment décrire finement le type d’équilibre vers lequel l’individu s’achemine ? Est-ce l’équilibre de départ quelque peu modifié, ajusté, altéré ? Jusqu’où l’individu peut-il tolérer un écart à l’univers social qui n’est pas le sien mais qu’il peut néanmoins investir au prix de diverses précarisations, « déformations » ? Ou s’agit-il d’un équilibre « bulle » à l’intérieur d’un équilibre social plus vaste, qui a pu être créé dans la mesure où les conditions de possibilité permettaient à l’individu d’en inventer les bases ?

C’est à partir du concept récent de capabilité, dérivé de la branche de l’économie, que nous établirons une troisième et dernière grille de lecture du phénomène de rééquilibrage propre au handicap. Ce concept, créé à l’origine sans lien avec le thème qui nous intéresse du handicap, permet de décrire et d’évaluer la qualité de la vie d’un individu en fonction de son contexte, socio-économique principalement, et des conditions d’accès que ce dernier confère à la situation, mais aussi des capacités qu’il peut ou non y déployer.

La notion nous permettra ici plus qu’ailleurs de remettre en perspective les mouvements du rapport social rendus plus visibles dans la situation de handicap en réfléchissant également à l’espace disponible nécessaire préalablement. Comment évaluer les frontières de l’ancienne situation ? De la nouvelle (celle que l’individu handicapé choisit ou non d’investir) ? Quelles sont alors les modes de régulation dont chaque acteur de la situation fait preuve ? Dans quelle mesure la dimension éthique permet-elle d’éviter la démesure en jugulant les différentes tensions en présence ?

On présentera dans un premier temps le concept de capabilité, qui émerge d’une critique de l’utilitarisme défendu par Adam Smith et porté par le philosophe John Rawls. On tâchera dans un second temps d’adapter cette problématique à la spécificité d’une situation de handicap : celle de personnes autistes dont le témoignage nous renseigne sur la façon de

réguler un environnement qui leur est hostile a priori. On pourra alors déterminer de manière plus visible quelles sont les conditions à mettre en place pour que l’individu ait la possibilité d’investir un cadre qui lui permette de retrouver un équilibre lorsqu’il s’en écarte, et quels sont les outils qui permettent à l’individu de se saisir de ces opportunités.

A. Position du cadre des capabilities

L’approche par les capabilités émerge à partir des développements d’Amartya Sen386,

prix Nobel d’économie en 1998. « Les économistes, les responsables politiques et les administrateurs qui travaillent à résoudre les problèmes des pays les plus pauvres ont longtemps propagé un récit qui dénature l’expérience humaine. Selon les modèles dominants qui sont les leurs, la qualité de vie dans un pays s’améliore si et seulement si le Produit Intérieur Brut (PIB) par tête augmente387 », écrit Martha Nussbaum, autre instigatrice de l’approche par les capabilités. Ces considérations résultent d’une critique de la pensée utilitariste qui fonde alors l’essentiel du paysage économique occidental. Sen insiste sur le fait qu’il ne suffit pas de se référer au simple revenu financier pour évaluer la qualité de vie d’un individu, mais qu’il faut principalement se baser sur les libertés d’opportunité de l’ensemble des individus auxquels on s’intéresse. Tout en se situant dans la lignée de John Rawls388, Sen souligne l’inadéquation de l’approche du philosophe qui prône l’égalité des « biens sociaux premiers ». En effet, dans de nombreuses situations, une même quantité de ces biens sociaux fondamentaux ne permettrait pas à des individus de réaliser les mêmes actes dans leurs contextes respectifs. « Considérer A et B comme également favorisés parce qu’ils disposent du même montant de ressources, c’est, essentiellement, oublier que la vie de A est indépendante et distincte, c’est prétendre que les conditions où se trouve A sont interchangeables avec celles de B, ce qui ne peut pas être le cas389. »

La base informationnelle qui permet de comparer le niveau de vie d’individu entre eux doit donc essentiellement se focaliser sur le contexte social de l’individu et les libertés qu’il est en mesure d’y saisir ou non. L’outil que permet cette approche est dans un premier temps appliqué au registre de la pauvreté. Sen propose une autre grille de lecture que celle qui était ordinairement appliquée jusqu’alors, et s’intéresse au thème des inégalités. C’est à l’égalité des chances que doivent aspirer les citoyens et non à l’égalité de leurs situations réelles qui se logent toujours dans des contextes différents et qui rendent donc leurs expériences individuelles incommensurables. Comme Nussbaum l’écrit : « Traiter les gens comme des égaux ne veux pas dire égaliser les conditions de vie de tous390 » Il ne s'agit donc pas

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386 Sen A., Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Odile Jacob, 2000b. 387 Nussbaum M. C., Capabilités. Comment créer les conditions d'un monde plus juste ?, Paris:

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seulement d’identifier les ressources existantes localement mais surtout d’en proposer une redistribution plus équitable en agissant sur les libertés d’action des citoyens. Comme Sen l’écrit dans son ouvrage L’Economie est une science morale : « Il n’est donc en rien étonnant, à la lumière de ce diagnostic, que la politique qui consiste à compléter les revenus des personnes (en leur offrant, par exemple, un emploi public, ou en payant un salaire aux plus démunis qui sont à la recherche d’un travail) puisse se révéler un des moyens les plus efficaces d’empêcher les famines. C’est en fait de cette façon que les famines ont été, en Inde, systématiquement évitées depuis l’indépendance391. »

Le courant de pensée des capabilités est très largement développé à partir des années 1980, mais sa diffusion dans le monde francophone est relativement restreinte. Sen renouvelle la façon d’évaluer la qualité de vie des individus. L’approche par le PIB ne semble pas fournir les informations pertinentes dans cette perspective. Il est impossible de dissocier la valeur mercantile d’une ressource et le contexte où elle est utilisée, la façon dont elle est répartie entre les individus. Il distingue dès lors le champ des fonctionnements (ce que l’individu peut ou ne peut pas faire ou ce qu’il peut être réellement dans le milieu où il évolue) et le champ des capabilités (la liberté de choisir qu’a un individu entre plusieurs fonctionnements, fonctionnements qui ne s’ancrent qu’ensuite dans son contexte de vie). Selon ces considérations, un bien doit être évalué selon le pouvoir d’agir qu’il confère à une personne en termes qualitatifs (dans le champ de la santé ou de la participation sociale par exemple) et pas seulement par rapport à sa valeur monétaire, coupée de tout contexte.

Les fonctionnements constituent les conditions de vie des habitants d’un pays mais ce sont sur leurs capabilités qu’il faudra intervenir dans le cas où ces fonctionnements n’apparaissent pas équitables, c'est-à-dire ne prennent pas la mesure des besoins essentiels des individus. Nussbaum, dans son ouvrage Capabilités définit la capabilité, en reprenant et développant les termes de Sen, comme « "une forme de liberté : la liberté substantielle d’atteindre différentes combinaisons de fonctionnement". Il ne s’agit donc pas simplement des capacités dont une personne est dotée, mais des libertés ou des possibilités créées par une combinaison de capacités personnelles et d’un environnement politique, social et économique392. » Sen ne

développe pas de liste qui consisterait à cataloguer les capabilités fondamentales pour un individu, contrairement à l’approche de Nussbaum, qui en définit dix. Elle reconnaît toutefois la contingence essentielle de la liste qu’elle développe, en admettant qu’il vaut mieux adapter cet outil d’évaluation selon les circonstances. C’est aux habitants et à l’Etat lui-même d’adapter cette liste en prenant en considération la situation économique du pays à un instant donné. Voici la liste des dix capabilités centrales que Nussbaum énumère :

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391 Sen A., L'économie est une science morale ("La Liberté individuelle : une responsabilité sociale",

1991 et "Responsabilité sociale et démocratie", 1996), La Découverte 1999, pp. 52-53.

1. La vie. Etre capable de mener sa vie jusqu’au terme d’une vie humaine d’une longueur normale ; ne pas mourir prématurément, ou avant que sa vie ne soit tellement réduite qu’elle ne vaille plus la peine d’être vécue.

2. La santé du corps. Etre capable d’être en bonne santé (santé reproductive y compris) ; être convenablement nourri ; avoir un abri décent.

3. L’intégrité du corps. Etre capable de se déplacer librement de lieu en lieu ; d’être protégé contre une attaque violente, agression sexuelle et violence domestique comprises ; avoir des possibilités de satisfaction sexuelle et de choix en matière de reproduction.

4. Les sens, l’imagination et la pensée. Etre capable d’utiliser ses sens, d’imaginer, de penser, de raisonner, et de faire tout cela d’une manière « vraiment humaine », une manière informée et cultivée par une éducation adéquate (y compris, mais pas seulement, une éducation de base en humanités, mathématiques et sciences). Etre capable d’utiliser l’imagination et de penser en lien avec l’expérience et la production d’œuvres et d’événements de son propre choix, religieux, littéraires, musicaux, etc. Etre capable d’utiliser son esprit en étant protégé par les garanties de la liberté de l’expression, tant pour le discours politique et artistique que pour la liberté de culte. Etre capable d’avoir des expériences qui procurent du plaisir et d’éviter les peines inutiles.

5. Emotions. Etre capable de s’attacher à des choses et des gens autour de nous ; d’aimer ceux qui nous aiment et qui s’occupent de nous, de regretter leur absence ; de manière générale, être capable d’aimer, de regretter, d’expérimenter la nostalgie, la gratitude, la colère légitime. Ne pas voir son développement émotionnel contraint par la peur et l’angoisse. (Défendre cette capabilité signifie soutenir des formes d’associations humaines qui sont cruciales pour leur développement.)

6. La raison pratique. Etre capable de se former une conception du bien et de participer à une réflexion critique sur l’organisation de sa propre vie. (Cela suppose la protection de la liberté de conscience et du culte.)

7. L’affiliation. (A) Etre capable de vivre avec et pour les autres, de reconnaître et d’être attentif à d’autres êtres humains, de prendre part à différents types d’interactions sociales ; être capable d’imaginer la situation d’autrui. (Protéger cette capabilité signifie protéger des institutions qui constituent et nourrissent de telles formes d’affiliation, et aussi protéger la liberté d’assemblée et de discours politique.) (B) Avoir les bases sociales du respect de soi et de la non-humiliation ; être capable d’être traité avec dignité et dont la valeur est égale à celle des autres. Cela suppose des dispositions pour interdire les discriminations fondées sur la race, le sexe, l’orientation sexuelle, l’ethnicité, la caste, la religion, l’origine nationale.

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10. Le contrôle sur son environnement. (A) Politique. Etre capable de participer efficacement au choix politique qui gouverne sa vie ; avoir le droit de participation politique, la protection du libre discours et de la libre association. (B) Matériel. Etre capable de posséder (terres et biens meubles), et jouir de droits de propriété sur une base égalitaire avec les autres ; avoir le droit de chercher un emploi sur une base égale avec les autres ; être protégé contre les perquisitions et les arrestations arbitraires. Dans son travail, être capable de travailler comme un être humain, d’exercer ses raisons pratiques et d’entrer dans une relation sensée de reconnaissance mutuelle avec les autres travailleurs.393

Aménager un espace de liberté suffisant pour exprimer une capacité est aussi important qu’exprimer cette capacité pour un individu donné : sans la combinaison de ces capacités internes associées à ces « autorisations » du milieu, l’individu n’a aucune efficience et ne peut concrétiser ces capabilités dans la réalité, qui se traduisent en fonctionnements replacés dans leur contexte écologique. Comme l’écrit Nussbaum, « De nombreuses personnes sont libres, intérieurement, d’exercer une religion mais n’ont pas la possibilité de le faire au sens d’une capabilité combinée, parce que le libre exercice du culte n’est pas garanti par le gouvernement394. » Inversement, un espace de liberté n’a aucune valeur si personne n’a la capacité ad hoc à exprimer : « Il est aussi possible qu’une personne vive dans un environnement politique et social où elle peut réaliser une capabilité interne (par exemple, critiquer le gouvernement), mais qu’elle n’ait pas développé la capacité à penser de manière critique ou parler en public395. »

Les capabilités apparaissent de même très dépendantes les unes des autres, et peuvent tour à tour se limiter ou se renforcer mutuellement. C’est le cas par exemple pour une société politique qui ne procurerait pas le droit à ses concitoyens de s’exprimer en public tout en leur donnant une éducation qui leur donne les outils de discourir sur des questions politiques. La capabilité convoque d'ailleurs, comme le souligne Nussbaum396, l’idée selon laquelle certains

modes de fonctionnement ne pourront être sélectionnés que si certains fonctionnements en amont de ces derniers sont déjà réalisés.

Une capabilité interne, c'est-à-dire une liberté d’exercer une capacité individuelle, peut être paralysée par « les conditions sociales, politiques, familiales et économiques397 » qui peuvent

empêcher les gens de choisir leur mode de fonctionnement réel. Cette contrainte est comparable à la contrainte d’emprisonnement, comme le dit Martha Nussbaum. Grâce à la grille de lecture des capabilités, on peut être surpris à bien des égards par certaines situations dont le champ des possibles, qui pourrait sembler limité au premier abord, se trouve en fait

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393 Nussbaum M. C., Capabilités. Comment créer les conditions d’un monde plus juste ?, op. cit., p. 55-

57.

394 Ibid., p. 41. 395 Id. 396 Ibid., p. 45. 397 Ibid., p. 52.

largement ouvert, contrairement à d'autres situations socialement plus privilégiées, qui laissent en vérité bien peu de champ de manœuvre à leurs protagonistes. Nussbaum prend l’exemple de la femme indienne Vasanti dont la situation lui sert de point de départ dans le livre Capabilités, Comment créer les conditions d’un monde plus juste. Elle montre que « des femmes appartenant aux castes supérieures, comme Vasanti, sont souvent plus mal loties que celles des castes inférieures, qui peuvent circuler librement398 ». Dans cette perspective,

promouvoir les capabilités revient à promouvoir des zones de liberté, « ce qui n’est pas la même chose que de faire fonctionner des individus d’une certaine manière399 ».

Quelle est la position que la perspective des capabilités adopte alors par rapport à la question du handicap ? Comme Sen et Nussbaum l’écrivent, l’idée d’équipement inné joue un rôle fondamental dans l’approche du développement humain. « Après tout, le terme même de "développement humain" suggère le déploiement de pouvoirs que les êtres humains apportent avec eux dans le monde400. » Il faut dès lors nous interroger sur les capabilités qu’il est le plus

pertinent de développer. En effet, toutes les capacités d’un individu ne méritent pas la même attention quant à leur développement, en rapport avec l’utilité du fonctionnement qu’elles pourront procurer. Nussbaum prend l’exemple d’un enfant qui ne saura jamais « siffler Yankee Doodle Dandy tout en se tenant sur la tête » : sa situation ne sera pas catégorisée comme relevant d’un handicap. « Nous ne dirions pas que les capacités humaines de cet enfant ont été "mutilées et déformées" parce que, même si la capabilité en question n’est pas mauvaise, à la différence de la capacité pour la cruauté, et même si elle est probablement fondée dans la nature humaine, elle n’est tout simplement pas d’une grande importance401. »

Inversement, si un individu est dépourvu d'une capacité ordinairement attendue par la société, il sera catégorisé comme étant en situation de handicap. Dans cette perspective, si promouvoir les capabilités, c’est promouvoir des zones de liberté, alors il faudra investiguer, identifier, en