• Aucun résultat trouvé

Le cadre des affordances : un second concept à l’échelle des objets pour penser l’équilibre

« Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les "moyens du bord", c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures. »

Claude Lévi-Straus, La Pensée sauvage357

Le propre du bricoleur, comme l’explique Claude Lévi-Strauss dans la citation d’exergue, c’est de travailler à partir d’un nombre fini de matériaux dont il parvient à déployer l’efficacité en fonction de ses besoins. Les ressources dont il dispose ont une réalité physique mais leur intérêt ne prend sens dans l’économie de son existence que par rapport à l’usage qu’il en fait. Sa principale préoccupation consiste donc à savoir comment utiliser les moyens que son milieu lui offre, à organiser les relations les plus pertinentes possibles entre lui et son environnement, même si cet environnement ne lui propose a priori qu’un nombre limité de ressources.

La personne en situation de handicap bénéficie d’un nombre restreint de ressources physiques qui la contraignent donc à réorganiser les modes d’actions qu’elle a dans la réalité afin de les rendre les plus efficaces possibles. Elle doit recréer l’interface des outils qui ne sont pas utilisables a priori autour d’elle afin de rendre à nouveau efficace, au moins en partie, leur fonctionnalité. L’individu handicapé est donc de toute évidence sommé de créer, contraint de « faire avec » le peu de moyens dont il dispose pour tirer parti au mieux des potentialités de la situation. Comment s’y prend-il donc ? C’est en maniant les outils, au sens large du terme, qui sont autour de lui que l’individu réapprend à percevoir et à agir dans le monde des interfaces où il évolue. Quelles sont les techniques qu’il est susceptible de mettre en œuvre afin de créer d’autres façons de faire ? Quels sont les détours qu’il emploie, qu’il met tour à tour en balance ?

L’activité du bricoleur dont parle Lévi-Strauss358 n’est certes pas l’apanage de la personne

handicapée, pourtant cette étape du bricolage constitue une étape déterminante de la reconstruction de son environnement. Ce besoin de reconstruction a pour origine le fait que l’homme entretient des liens a priori altérés avec son milieu, qu’il doit refabriquer afin d’infléchir les frontières hostiles dans lesquelles il est engagé initialement. Ces frontières

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

357 Lévi-Strauss C., op. cit., p. 31. 358 Ibid.

doivent être reconsidérées à l’échelle environnementale. Comment l’individu va-t-il faire alliance avec le monde qui l’entoure ?

En vertu de ces considérations, il apparaît absurde d’attendre de personnes qui ne disposent pas des mêmes capacités pour percevoir et pour agir dans leur environnement qu’elles soient capables des mêmes performances qu’une personne ordinaire. C’est bien plutôt leur capacité d’adaptation qui est alors en jeu pour leur permettre d’atteindre un nouvel équilibre de vie en utilisant différemment le même monde qui les entoure.

Dans ce contexte d’étude, nous proposons d’utiliser le cadre conceptuel des affordances dont le terme a été forgé en 1977 par James J. Gibson359. Ce sont toujours ces mêmes mouvements de retour à l’équilibre, potentiellement plus visibles dans l’expérience de la vie des personnes en situation de handicap, qui nous intéressent. Par rapport au bagage d’outils que nous permettait le cadre conceptuel des normes de vie dans le premier temps de nos recherches, cette nouvelle focalisation nous permet de poser à une autre échelle les mêmes interrogations propres à l’adaptabilité de l’individu en situation de handicap dans le contexte particulier qui est le sien. Ce sont donc les mêmes questions que l’on se pose dans cette partie mais à une échelle différente, qui relève plus d’un environnement extérieur au corps de l’individu et dont on attend donc des éléments de réponse différents, davantage en rapport avec la perspective externe qui est désormais la nôtre.

Commençons par poser le cadre conceptuel des affordances : historiquement, comment ce concept a-t-il émergé ? Comment a-t-il été forgé linguistiquement ? Comment a-t-il été depuis utilisé et appliqué ? Dans quelles autres disciplines a-t-il été utilisé ? Enfin, ne peut-on rapprocher son usage de celui d’autres termes dans d’autres disciplines qui font référence à la même notion ?

A. Position du cadre des affordances

Comme le disent Marion Luyat et Tony Regia-Corte dans leur article : « Lorsque nous évoluons librement dans notre environnement, notre posture et notre locomotion s’adaptent très souplement et sans que nous en ayons conscience au terrain sur lequel nous nous déplaçons. Le moindre de nos gestes est effectué sans incident et de manière complètement en phase au but fixé. Nous n’essayons pas d’atteindre des objets inatteignables, nous n’essayons pas de nous asseoir sur des meubles trop haut ou trop bas, nous n’essayons pas de marcher sur des surfaces impropres au déplacement comme l’eau360. » L’homme doté d’un système perceptivo-moteur ordinaire adapte constamment ses mouvements à l’environnement qui

!

l’entoure de façon inconsciente par l’intermédiaire des outils dont il dispose, que ces outils soient organiques ou artificiels, extérieurs. L’enchaînement des réactions motrices revêt alors un aspect relativement fluide, qui ne semble pas rencontrer d’obstacles particuliers. Ce résultat est en fait le produit d’un long apprentissage, d’une lente mise en adéquation que l’individu « normal » a institué avec son environnement au fil du temps, le plus souvent sans se rendre compte de ce processus.

Cette justesse est décrite par le concept d’affordances361 : le concept décrit la façon dont

l’individu a la possibilité de s’attacher techniquement à son environnement extérieur via une série d’informations que délivre ce dernier et qui sont sélectionnées et traitées par l’individu dans l’opération perceptive qu’il engage. En effet, son environnement lui permet ou ne lui permet pas de réaliser un certain nombre d’actions.

L’originalité de la notion réside dans le fait qu’elle relie l’action de l’individu à la perception qu’il a de son milieu et qui guide cette action, en lui permettant d’évaluer les potentialités d’action que la situation lui autorise en fonction de ses besoins et des ressources qu’il peut déployer. L’individu sélectionne donc dans son milieu les informations pertinentes à la tâche qu’il a besoin d’accomplir, donnant différentes valeurs à un même environnement physique indifférencié au départ. Il structure et polarise donc la situation dans laquelle il est immergé en fonction de ces informations traitées.

Cette polarisation du milieu trouve déjà des prémices de questionnement dans la théorie de la Gestalt362. Pour les théoriciens qui soutiennent ce mouvement, chaque chose perçue par un individu nous informe sur ce que l’on peut faire ou non avec elle. Comme l’indique Kurt Koffka, d’ailleurs collègue de Gibson au Smith College de 1928 à 1941, le terme allemand de « caractère de demande » (« Aufforderungscharakter») illustre la même idée que Gibson développera dans le concept d’affordances : « Each thing says what it is… a fruit says "Eat me"; water says "Drink me"; thunder says "Fear me"; and woman says "Love me"363 ». Ainsi, un escalier peut inviter un passant à le gravir dans la mesure des dispositions physiques et psychologiques de ce dernier. La théorie gestaltiste distingue déjà un environnement « comportemental » et plus seulement « géographique ».

C’est à partir du verbe anglais to afford, « offrir/pouvoir se permettre », que le néologisme a été forgé : comme Gibson l’écrit, « The affordances of the environment are what it offers the animal, what it provides or furnishes, either for good or ill364. » Le monde extérieur ne peut

donc pas être appréhendé seulement en unités de mesure physiques classiques : l’environnement doit nécessairement être mis en rapport avec un individu qui tiendrait compte des capacités qu’il peut déployer dans son environnement en fonction des paramètres

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

361 Gibson J. J., The Ecological Approach to visual perception, Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum

Associates, Inc., 1986 (première édition 1979).

362 Lewin K., « Untersuchungen zur Handlungs-und Affektpsychologie II. Vorsatz, Wille und Bedürfnis

», Psychologische Forschung, 1926, 7: pp. 330-385; Koffka K., Principles of gestalt psychology, New York: Harcourt, Brace, 1935.

363 Koffka K., op. cit., p. 7 ; Gibson J. J., The Ecological Approach to visual perception, op. cit., p. 138. 364 Gibson J. J., The Ecological Approach to visual perception, Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum

physiologiques et psychologiques qui le constituent. C’est au système animal-environnement que s’attache essentiellement le concept d’affordances, dans la mouvance d’une théorie écologique qui précède de peu la formation du terme et qui en est le cadre de pensée.

Ce concept a largement été retravaillé par la suite365. Les chercheurs qui poursuivent l’étude

de la notion s’attachent à clarifier un concept qui ne se définit pas de manière univoque. Des nuances sont apportées à la notion comme autant de parti pris. L’utilisation du terme est critiquée par exemple par le fait que dans l’ouvrage de 1979 de Gibson, l’affordance est décrite comme un ensemble de propriétés invariantes de l’environnement, qu’elle soit perçue ou non. Actuellement, on observe une scission entre les tenants de l’approche écologique : l’affordance serait alternativement une propriété de l’environnement366 ou une propriété de la

relation animal-environnement367.

L’environnement pris au sens de Umgebung de Jakob Von Uexküll serait donc une « vaste collection d’opportunités » comme l’écrivent Luyat et Regia-Corte368. Un individu ne percevrait pas seulement des objets, mais un ensemble de relations fonctionnelles à toujours réajuster à ses propres capacités et limites avant de pouvoir faire une utilisation efficace de l’un d’eux en temps voulu. Par exemple, l’individu ne perçoit pas directement l’objet « chaise » mais la relation qu’il projette entre cet objet et l’utilisation que lui permet d’en faire son corps (pour s’en servir, une certaine marge métrique des jambes, une tenue du dos entre autres sont des propriétés nécessaires dont doit disposer l’individu). L’usage de la chaise peut être détourné, utilisé dans d’autres intentions que l’usage ordinaire qui en est fait spontanément et pour lequel la chaise a été élaborée. Plusieurs autres types d’objets peuvent permettent à un individu de s’asseoir, comme un banc, un tabouret, un rocher que l’individu pourrait relativement ajuster à sa morphologie. L’idée de chaise peut également revêtir différentes modalités concrètes selon les critères, les attentes et les besoins de l’utilisateur qui peut s’asseoir sur des surfaces apparemment très différentes les unes des autres. L’affordance ne relève donc pas d’un objet précis mais d’une relation projetée par l’utilisateur entre son corps et l’environnement qu’il veut investir.

Les affordances ne sont pas non plus un ensemble figé (ou ne le sont que faussement par l’usage « habituel » que l’on fait des objets qui nous environnent) mais relèvent d’un ensemble d’actions à réévaluer constamment par l’acteur potentiel qui fait face à la situation. On voit donc ici combien la notion d’affordance relie action et perception comme deux entités

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

365 Sanders J. T., « An ontology of affordances », Ecological Psychology, 1997, 9(1): pp. 97-112;

Chemero A., « An outline of a theory of affordances », Ecological Psychology, 2003, 15(2): pp. 181-195; Heft H., « Affordances, dynamic experience, and the challenge of reification », Ecological Psychology, 2003, 15(2): pp. 149-180; Jones K. S., « What is an affordance? », Ecological Psychology, 2003, 15(2): pp. 107-114; Michaels C. F., « Affordances: Four Points of Debate », Ecological Psychology, 2003, 15(2): pp. 135-148; Stoffregen T. A., « Affordances as properties of the animal-environment system », Ecological Psychology, 2003, 15(2): pp. 115-134; Kirlik A., « On Stoffregen’s definition of affordances », Ecological Psychology, 2004, 16(1): pp. 73-77; Stoffregen T. A., « Breadth and limits of the affordance concept », Ecological Psychology, 2004, 16(1): pp. 79-85.

!

quasi indissociables : l’action guiderait la perception qui à son tour guiderait l’action. Le « corps agissant » est au cœur d’une telle conception : on souligne la similitude entre le concept des affordances et les notions philosophiques développées par Maurice Merleau- Ponty, que la théorie de la Gestalt a fortement inspiré.

Comme Gibson, Merleau-Ponty met avant tout en avant le primat de l’expérience vécue du sujet immergé dans un milieu dont il ne peut jamais être abstrait d’une manière absolue. Comme l’écrit Merleau-Ponty, la perception relève bien d’une activité très paradoxale dans le lien même qu’elle entretient avec la perspective de l’action : « La perception est donc un paradoxe, et la chose perçue elle-même est paradoxale. Elle n’existe qu’en tant que quelqu’un peut l’apercevoir. Je ne puis même pour un instant imaginer un objet en soi. »369 L’objet en

soi n’existerait donc pas, il n’y aurait jamais qu’un individu qui projette ce que peut faire son corps avec le monde qui l’entoure. La perception serait donc une opération qui s’attacherait à explorer et évaluer les possibles que propose l’environnement à un individu dans la réalisation efficace d’une performance, que l’individu aurait déterminée selon ses critères de choix et les possibilités dont il dispose.

Le premier à mettre en application la perception d’une affordance est William H. Warren en 1984370. Il tient compte des caractères physiques des deux groupes d’hommes qu’il considère : un groupe de petite taille d’une part (163,7 cm) et un groupe d’hommes de grande taille de l’autre (189,8 cm). On présente à chaque sujet différents escaliers dont la hauteur de contremarche varie. Le sujet doit alors juger, sans réaliser réellement d’action réelle, s’il pense être à même de gravir la marche en posture bipède sans s’aider des mains. La hauteur de contremarche limite au-delà de laquelle le sujet n’accepte plus de considérer la marche comme étant « montable » par lui, soit le seuil critique est comme on pouvait l’attendre plus petit pour les hommes de petite taille (67,13 cm) que pour le groupe de grande taille (81,32 cm). Toutefois le rapport entre la hauteur de la marche et la longueur de jambe des sujets de chacun des groupes est approximativement équivalent à un seuil critique de ratio 0,88. En résumé, un escalier n’est plus jugé « montable » quand le rapport entre la hauteur des marches et des jambes du sujet dépasse 0,88, ratio qui correspond à l’activité motrice décrite biomécaniquement. Warren propose donc une première formalisation mathématique de l’affordance à travers le calcul du ratio π qui décrit le rapport entre l’interface du milieu et la métrique de l’individu en accord avec la discipline de la biomécanique.

D’autres applications concrètes du champ conceptuel des affordances ont également été étudiées depuis la conception de Gibson et sont répertoriées dans l’article de Marion Luyat et Tony Regia-Corte371, comme l’« assoyabilité » des surfaces372, la « passabilité » des

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

369 Merleau-Ponty M., Le primat de la perception et ses conséquences philosophiques, Lagrasse:

Verdier, 1996 (première édition 1947), p. 49.

370 Warren W. H., Jr., « Perceiving affordances: visual guidance of stair climbing », Journal of

Experimental Psychology: Human Perception and Performance, 1984, 10(5): pp. 683-703.

371 Luyat M., Regia-Corte T., op. cit., p. 310.

372 Mark L. S., « Eyeheight-scaled information about affordances: a study of sitting and stair climbing »,

Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance, 1987, 13(3): pp. 361-370; Mark L. S., Vogele D., « A biodynamic basis for perceived categories of action: a study of sitting and stair climbing », Journal of Motor Behavior, 1987, 19(3): pp. 367-384.

ouvertures373, la « posturabilité » d’une surface374, le caractère « attrapable » d’un objet375, la

« franchissabilité » des fossés376 ou, encore, la possibilité de passer sous une barrière377. L’affordance est donc ordinairement traduite par l’adjonction du suffixe « -abilité », ability en anglais : elle ne s’attache pas à un objet particulier mais à un usage qui remplit certaines fonctions. L’interface ou l’outil ne sont donc pas des éléments dont l’apparition phénoménale serait univoque au sein du même objet, mais pourrait être le lieu de plusieurs usages possibles du même objet donné, potentiellement importé ou détourné. L’affordance fait référence à une action qui se loge dans l’utilisation fonctionnelle d’un outil aux manifestations concrètes potentiellement protéiformes.

Donald Norman, ingénieur et psychologue à la fois, reprend l’usage du terme en 1988 dans le contexte des interactions homme-machine : le concept d’affordance fait référence aux possibilités d’agir qu’a l’individu et qu’il perçoit directement. Dans son ouvrage The Design of Everyday Things378, il donne corps à la notion d’affordance à travers la problématique du design et des interactions environnementales que ce dernier permet. L’affordance ne dépend pas seulement des capacités physiques de l’individu mais aussi de ses objectifs, de ses valeurs, du bagage contextuel dont il est pourvu. Pour Norman, l’affordance d’un objet « suggère » spontanément à celui qui perçoit cet objet la façon dont il va interagir avec, la façon dont il peut en tirer parti pour réaliser ses projets. La notion fait référence à un concept relationnel, loin d’être une notion simplement inhérente à un sujet ou un objet. L’approche de Norman est la même que celle de Gibson, à cette nuance près qu’elle s’inscrit également dans une visée qui touche à des applications pratiques. Norman se pose la question : comment élaborer un objet afin qu’il soit le plus efficace possible pour son utilisateur ?

L’objet n’est pas utilisé de la même manière ni donc perçu de façon similaire. L’usager utilise des grilles de lecture différentes en vue de l’action qu’il projette de faire par le biais des outils dont il dispose. L’objet « paire de ciseaux » par exemple peut donc permettre d’illustrer plus précisément les points clés que Norman met en lumière. L’usage de cet outil varie selon l’objectif et la dextérité de l’usager, qu’il s’agisse d’un enfant, d’un coiffeur, d’un sculpteur. C’est parce que l’individu ordinaire est doté d’une main à cinq doigts dont le pouce est

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

373 Warren W. H., Jr., Whang S., « Visual guidance of walking through apertures: body-scaled

information for affordances », Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance, 1987, 13(3): pp. 371-383.

374 Regia-Corte T., Luyat M., « Dynamic constraints on haptic judgment of slanted surfaces », Current

Psychology Letters, 2004, 12(1); Regia-Corte T., Luyat M., Darcheville J.-C., Miossec Y., « La perception d’une affordance de « posturabilité » par les systèmes perceptivo-moteurs visuel et haptique », L’Année Psychologique, 2004, 104: pp. 169-202.

375 Solomon H. Y., Turvey M. T., « Haptically perceiving the distances reachable with hand-held

objects », Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance, 1988, 14(3): pp. 404-427; Carello C., Grosofsky A., Reichel F., Solomon H. Y., Turvey M. T., « Visually perceiving what is reachable », Ecological Psychology, 1989, 1(1): pp. 27-54.

376 Burton G., « Nonvisual judgment of the crossability of path gaps », Journal of Experimental

!

opposable qu’il peut se servir de cet objet de la manière dont il envisage son action. Son champ de perception se développe dans la direction des actions qu’il peut envisager : selon le but souhaité, l’individu n’aura pas les mêmes attentes quant au design de l’outil dont il fait usage. Il ne développera pas non plus les mêmes capacités pour s’en servir selon qu’il utilise une paire de ciseaux pour découper du papier ou un matériau plus dur comme par exemple du cuir. Ce n’est pas la même force motrice qu’il déploiera selon l’action, ni la même précision sans laquelle l’usager risquerait d’avoir une action dommageable (le coiffeur n’a par exemple que peu de marge de liberté pour des erreurs). Dans ce cadre, l’outil apparaît comme un prolongement du corps mais constitue pourtant dans l’usage qui en est fait un élément de rupture puisque le corps n’est pas toujours en mesure d’effectuer l’action qu’il envisage sans