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Partie IV: Nouvelles conceptions de la conception pour le Génie électrique: vers l'approche « Systèmes -

V. c.1 Travaux sur la conception collaborative

Le contexte, qui a suscité les recherches sur la conception collaborative est le fait que l’on pouvait profiter de la montée en puissance d’Internet, pour faire collaborer à distance des concepteurs ayant des compétences complémentaires. Pour ces travaux, nous nous sommes associés de longue date avec l’équipe Conception Intégrée du laboratoire de mécanique 3S (intégré à présent dans le laboratoire G-SCOP), pour voir comment ce contexte permettait d’imaginer de nouveaux processus de conception.

But des travaux

Nous nous sommes plus particulièrement focalisés sur le dimensionnement et l'optimisation collaborative à distance pouvant regrouper des concepteurs du génie mécanique et du génie électrique.

De notre point de vue, la question était notamment de savoir si le framework (générateurs – composants –services, voir partie « II.b.3 Vers une approche de plate-forme à base de composants logiciels »), imaginé dans un cadre mono acteur pouvait trouver une extension répartie et multi-métiers. La question paraît d’autant plus pertinente, que le dimensionnement en particulier, et la conception en général, de dispositifs du génie électrique fait intervenir de plus en plus de compétences. Cela est le cas pour les structures électromécaniques classiques, mais cela devient encore plus vrai pour des structures intégrées comme les micro-systèmes ou même la conception de réseaux de bord automobile ou d’aviation.

La question consiste dès lors à imaginer de nouvelles méthodes et de nouveaux outils, mais aussi l’organisation associée. Concernant le dimensionnement par optimisation, ce problème se pose à 3 niveaux :

- la co-construction du modèle de dimensionnement, - la co-construction du cahier des charges commun,

- la co-analyse des résultats de dimensionnement en commun.

Ces travaux autant par les objets d’études (les méthodes et outils, mais aussi l’organisation), et les approches mises en œuvre (notamment l’observation des concepteurs en situations de conception que nous allons détailler) ne trouvent donc leur pleine légitimité que dans le cadre d’une approche SCCO.

Une

approche du

problème

par

observation

des

concepteurs

en situation

Mise en situation par immersion des chercheurs comme acteurs :

Nous avons d’abord mené une série d’expériences dans lesquelles, en tant que chercheurs-acteur, nous avons cherché à concevoir et à dimensionner le déclencheur en travaillant à distance. J’ai directement participé à une telle démarche [WFR 10]. Des chercheurs ayant travaillé sur ces questions, comme A. Belaïdi et I. Ammar ont repris cette démarche [BEL-05], [AMA-07].

Mise en situation avec des chercheurs observateurs

Dans le cadre d’un projet (le projet COSMOCE financé par la région Rhône Alpes et qui a été un consortium multidisciplinaire sur la conception synchrone à distance en ingénierie), nous avons mis en place des expériences dans lesquelles nous avons mis des groupes d’étudiants en situation de conception, et en particulier de dimensionnement à distance du déclencheur. Ces concepteurs ont été filmés ce qui a permis de réaliser ce qu’on appelle dans le domaine des sciences cognitives un corpus, un savoir un ensemble de vidéos et de traces écrites et audio montrant l’activité des concepteurs.

Ces expériences ont été menées sur deux ans. 3 groupes d’étudiants collaboraient : un groupe d’étudiants apportant la compétence électrique, un autre groupe la compétence mécanique et un troisième la compétence de mise en fabrication. Les films issus de l’activité de chaque groupe de chercheurs (cf. photo de gauche sur la figure V.3), ont été synchronisées (cf. photo de droite sur la figure V.4) avec une quatrième vue montrant l’activité sur l’écran partagé à distance par les 3 groupes.

Ces expériences nous ont permis d’être des observateurs externes du processus de conception.

Figure V.4: Expérience de conception collaborative d’un actionneur électromécanique – Ces expériences sont filmées et analysées dans le cadre du projet COSMOCE en vue de spécifier de nouvelles méthodes et outils supportant la conception collaborative

Grâce aux deux expériences précédemment détaillées, nous avons fait, ou participé à deux types d’analyses.

Les

analyses

menées sur

les

observations

des

Une analyse macroscopique :

Celle-ci s’est focalisée sur l’activité de dimensionnement. Elle a montré que pour réaliser le dimensionnement collaboratif à distance, les concepteurs avaient le choix entre 2 stratégies :

1° La stratégie séparée : c’est la stratégie qui consiste à séparer le problème global de dimensionnement

Une analyse microscopique :

L’analyse microscopique se focalise sur un niveau d’activité plus fin que le niveau macroscopique, au sens où l’on s’intéresse aux activités et aux interactions de base entre les concepteurs perceptibles dans toutes les phases de la conception : le choix de structure, le dimensionnement, la revue de projet, …

Ce travail a été mené, sur la base des vidéos du corpus des expériences, par des chercheurs des sciences cognitives pour comprendre les micro-activités (laboratoire ICAR – Lyon) en

en situation

isolément, pour ensuite mettre en commun leur résultat de dimensionnement. Typiquement le déclencheur qui était l’objet de la conception dans ces expériences contenait un ressort et un circuit magnétique avec une bobine et un aimant. Dans le cadre de cette stratégie, le groupe de mécaniciens concevait le ressort, le groupe d’électricien concevait, le circuit magnétique, puis les concepteurs « assemblent » les 2 pièces et vérifient que le cahier des charges est satisfait. Cette solution nécessite cependant un certain nombre d’itérations avant de converger.

2° La stratégie intégrée : cette stratégie consiste à construire en commun le modèle du dispositif, à concevoir ensemble le cahier des charges et à utiliser un seul optimiseur qui résout le problème global de conception

micro-activité comprenant les activités de [MET-06]:

- synchronisation cognitive, c'est-à-dire l’activité d’explication nécessaire pour que les concepteurs ait un espace de connaissances et de représentation commun, concept aussi développé dans [RUI-05] dans un contexte de conception en ingénierie mécanique - propositions d'exigences, c’est à dire l’activité de formulation de contraintes - propositions de solutions,

- recherche de ressources, c'est-à-dire une activité déclenchée lorsque les concepteurs n’ont pas les savoirs, connaissances ou compétences

- évaluation, c'est-à-dire une activité permettant d’éliminer ou de retenir les solutions proposées

- Gestion de projet

- Gestion de la coordination et de la communication

Il a été montré que ces activités permettaient un codage du corpus c'est-à-dire permettait à chaque instant de dire que la micro-activité du concepteur intervenant était l’une de ces micro-activités.

Des

résultats

montrant

l’intérêt des

prises en

compte des

dynamiques

portées par

les

concepteurs

Il n’est pas possible d’entrer ici dans tous le détail de ces travaux et de leur résultats. On va insister sur un certain nombre d’entre eux, qui sont vraiment le résultat de cette analyse des concepteurs en situation : Tout d’abord cela a permis de voir que la stratégie intégrée a du mal à émerger en pratique. Or ce résultat n’était pas nécessairement prévisible dans une vision OSMO, rationalisante et mathématisée, dans laquelle on se doit de penser que la stratégie intégrée est nécessairement la meilleure. En effet elle permet de faire une optimisation globale, et non une optimisation partie par partie, moins « sûre », puisque l’optimum du système n’est pas égal à l’optimum des parties prises isolément.Or ce raisonnement purement mathématique ne permet d’expliquer ce qu’on observe en réalité. C’est le cadre SCCO, qui nous permet d’avancer des hypothèses quant à l’explication de ce résultat:

-On peut évoquer le coût de l’activité de synchronisation cognitive identifié au niveau microscopique : pour arriver à construire le modèle commun, ou un cahier des charges commun, les concepteurs doivent construire un espace de connaissances commun. Ceci a un coût dont il faut tenir compte, et qu’il faut certainement contribuer à réduire si on veut favoriser l’émergence de la stratégie intégrée.

- Les observations nous ont aussi amené à penser que la stratégie intégrée a trop peu émergé par manque d’organisation . Ceci montre la nécessité d’une réflexion sur l’organisation autour des méthodes et outils, en attribuant notamment des rôles aux différents concepteurs.

- …

En tout cas ces réflexions, avec d’autres, nous ont par la suite aidé à spécifier, dans la thèse de I. Ammar, les méthodes et les organisations, à mettre autour d’un outil expérimental appelé COSTO (Collaborative Specification Tool) pour favoriser un dimensionnement collaboratif plus efficace.

- notamment a été conçu dans COSTO un glossaire partagé, permettant de définir la signification des variables partagées, pour faciliter la synchronisation cognitive

- COSTO doit être accompagné par la mise en place d’une organisation de travail avec un chef d’orchestre dans les phases de construction du modèle et du cahier des charges

V.d Nouvelles perspectives de recherches à développer dans le