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C HAPITRE II L’ ORDRE ET L ’ UNITÉ DE LA CITÉ : DE LA

PERSPECTIVE PRAGMATIQUE DU PROTAGORAS À

LARCHÉTYPE PLATONICIEN DE LA RÉPUBLIQUE

S

ECTION

1. L’ordre civique

« Nous gouvernons dans un esprit de liberté et cette même liberté se retrouve dans nos rapports quotidiens, d’où la méfiance est absente. Notre voisin se passe-t-il quelque fantaisie, nous ne lui en tenons pas rigueur et nous lui épargnons ces marques de réprobation qui, si elles ne causent aucun dommage matériel, sont pourtant fort pénibles à voir. Mais, si nous sommes tolérants dans les relations particulières, dans la vie publique, nous évitons très scrupuleusement d’enfreindre les règles établies. Nous obéissons aux magistrats qui se succèdent à la tête de la cité, comme nous obéissons aux lois, à celles surtout qui assurent la protection des victimes de l’injustice et à ces lois non écrites qui attirent sur ceux qui les transgressent le mépris général. »114

-Périclès, Oraison Funèbre.

La répartition collective et ses implications sur l’idée d’égalité

La période de l’humanité au cours de laquelle les êtres humains, à présent dotés d’un sens de la justice et du respect, s’unissent et fondent des cités durables n’est pas décrite dans le mythe, puisqu’elle n’advient pas au temps pré-politique, mais relève plutôt de l’histoire de la civilisation humaine. Le mythe se conclut donc sur les recommandations de Zeus à Hermès quant à la répartition de la δίκη et de l’αἰδώς, passage que nous nous permettrons de citer in

extenso vu sa grande importance pour la suite :

Aussi Zeus, de peur que notre espèce n’en vînt à périr tout entière, envoie Hermès apporter à l’humanité le respect et la justice [αἰδῶ τε καὶ δίκην], pour constituer l’ordre des cités et les liens d’amitié qui rassemblent les hommes [εἶεν πόλεων κόσμοι τε καὶ δεσμοὶ φιλίας συναγωγοί]. Hermès demande alors à Zeus de quelle façon il doit faire don aux hommes de la justice et du respect : « Dois-je les répartir de la manière dont les arts l’ont été ? Leur répartition a été opérée comme suit : un seul homme qui possède l’art de la médecine suffit pour un grand nombre de profanes, et il en est de même pour les autres artisans. Dois-je répartir ainsi la justice et le respect entre les hommes, ou dois-je les répartir entre tous ? » Zeus répondit : « Répartis-les entre tous [ἐπὶ πάντας], et que tous y prennent part [πάντες μετεχόντων] ; car il ne pourrait y avoir de cités, si seul un petit nombre d’hommes y prenaient part [μετέχοιεν], comme c’est le cas pour les autres arts ; et instaure

114 Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, trad. D. Roussel, Paris, Gallimard, 2000, livre II, §37 (sauf mention

en mon nom la loi suivante : qu’on mette à mort, comme un fléau de la cité, l’homme qui se montre incapable de prendre part [μετέχειν] au respect et à la justice115.

Ce double don, de manière implicite, permet de combler ce qui faisait défaut aux hommes, c’est-à-dire la capacité de s’assembler de façon durable et harmonieuse. L’art politique, tel que Protagoras l’appelle, consisterait donc au départ à avoir la capacité de former des cités, mais plus particulièrement, à avoir la capacité de les maintenir à long terme ; capacité qui requiert, comme nous l’avons vu, de posséder la δίκη et l’αἰδώς, mais également qu’elle soit le fait de tous116. Voilà les conditions d’acquisition de l’art politique par l’espèce humaine : la justice et le

respect d’une part et leur répartition entre tous de l’autre. Il s’agit bien d’un critère de l’art politique, car sans la répartition égale, il serait impossible d’assurer la participation du grand nombre, ce qui est ultimement la condition d’existence des cités.

Zeus exige qu’Hermès distribue ces deux qualités entre tous (ἐπὶ πάντας), à défaut de quoi les cités ne pourraient exister. Si un seul homme ou un petit nombre d’hommes seulement possédait la δίκη, et qu’un nombre tout aussi restreint de citoyens bénéficiait de l’αἰδώς, il n’y aurait pas d’art politique (πολιτική τέχνη), puisque celui-ci ne peut être exclusif aux yeux de Protagoras. À travers cette répartition se profilent l’idée de bien commun et, à plus forte raison, celle d’égalité civique. Or, si nous pouvons penser qu’un principe d’égalité résulte de la répartition, c’est à la suite d’un travail d’interprétation du mythe seulement, puisqu’il n’y a pas de mention explicite dans le texte allant en ce sens117. Ici, le concept se dégage de la

méthode : la défense de l’égalité se construit au regard des conséquences tacites du mode de répartition. Il est dit que tous doivent y avoir part sans quoi personne ne peut y avoir part. Que cette part soit arithmétiquement égale ou non, elle suppose néanmoins une capacité communément partagée. Il est donc possible d’y voir une défense de l’égalité de base, au sens

115 Prot., 322b-e (traduction légèrement modifiée).

116 Il est important ici de rappeler le décalage entre les injonctions du mythe et la réalité. Dans le récit

anthropogonique, il est dit que les qualités sont réparties parmi tous les êtres humains (τοῖς ἀνθρώποις) (322d). Bien que Protagoras, en employant ἄνθρωπος, semble référer à l’humanité entière, l’universalisme de la vertu est réservé au cadre mythologique et une fois replacé en contexte sociétal, il désigne les citoyens. Ainsi, la formule « entre tous » (ἐπὶ πάντας) sera soumise aux critères traditionnels de citoyenneté et prendra le sens de « tous ceux qui ont le droit de cité ».

117 Pour cette raison, certains auteurs argumentent que Protagoras ne fait pas de l’égalité un principe naturel des

cités. Cf. D. Loenen, Protagoras and the Greek Community, Amsterdam, N.V. Noord-Hollandsche Uitgevers Maatschappij, 1940, p. 12-13 ; G. B. Kerferd, The Sophistic Movement, op. cit., p. 145. Pour une défense de la thèse contraire, voir R. K. Balot, Greek Political Thought, Massachusetts, Blackwell, 2006, p. 74-79.

où tous ont au moins une part, mais dont la valeur respective peut différer118. En distribuant

l’αἰδώς entre tous, elle cesse d’être restreinte aux relations de pouvoir et se généralise à l’ensemble des citoyens de sorte que le respect qui en ressort se fonde sur un sentiment d’égalité mutuel et réciproque. Nous retrouvons en toute clarté cette idée d’égalité dans le versant négatif de l’αἰδώς : celui qui est impudent (ἀναιδής) est, par définition, celui qui veut plus que sa part. Dès lors, il ne fait aucun doute à notre avis que l’art politique s’enracine dans un principe d’égalité des droits, puisque Zeus précise la nécessité de la participation collective, mais rien n’indique qu’il soit question ici d’une égalité parfaite au niveau des compétences, c’est-à-dire au sens de parts numériquement égales, mais plutôt d’une égalité dans ce qui permet la participation et la mise en pratique de ces compétences : une égalité dans les droits. Le mythe parle seulement d’un partage en commun, certes, et la distribution remet à chacun une part du lot dont nous ne pouvons connaître l’exacte proportion, mais il n’en demeure pas moins que cette répartition fonde en droit les principes d’isègoria et d’isonomie119, et donc elle a

pour conséquence directe d’établir une certaine égalité arithmétique dans l’accès au savoir et au pouvoir politique. Nul besoin qu’il y ait une adéquation parfaite entre les compétences pour avoir une égalité dans les droits.

La notion d’égalité est généralement comprise comme un principe sous-jacent de la démocratie, un droit rendu possible par l’entremise de ce régime – au même titre que la liberté par exemple. Or, dans le mythe, l’égalité n’est pas envisagée comme la résultante d’un certain ordre politique, c’est-à-dire comme une mesure positive mise en place à la suite de la reconnaissance des droits dont bénéficie le peuple, ce qui ferait d’elle d’emblée un idéal démocratique ; elle est avant tout comprise comme un devoir que chacun a envers les autres, un principe structurel requis pour l’établissement des fondements de la société civile. Elle ne

118 Cela nous paraît être l’interprétation la plus appropriée, puisque Protagoras admettra lui-même par la suite que

certains citoyens maîtrisent mieux la vertu politique que d’autres. Ce problème s’éclaircira d’autant plus nettement lorsque nous analyserons comment le sophiste conçoit le processus de formation citoyenne. Nous verrons qu’il est très plausible que l’αἰδώς et la δίκη soient remises en part égale à chacun, mais que néanmoins l’éducation joue un rôle fondamental dans leur développement, au point d’affecter l’actualisation de ces qualités.

119 Alors que l’isègoria caractérise un rapport d’égalité dans le droit de parole, et donc dans la participation

politique, l’isonomie se définit plutôt comme une égalité générale. Le terme ἰσονομία a souvent été compris comme un principe d’égalité (iso) devant la loi (nomos). Or, cette définition est contestable pour deux raisons : νόμος n’a pas pour signification première « loi » et l’expression « égalité devant la loi » n’a pas en soi une signification claire. Si nous comprenons bien ce qui est entendu par « égalité devant la loi », soit la représentation et l’accès égal à la justice, c’est parce que nous lui avons attribué a posteriori ce sens. De plus, la traduction de νόμος par « loi » apparaît plus tardivement et, de manière générale, ce terme signifie plutôt « part ». La locution attestée « ἴσα νέμειν » renverrait au fait de répartir en parts égales ou distribuer uniformément quelque chose. Voir A. Fouchard, « III. Le bon ordre démocratique : Isonomia », dans op. cit., p. 214-221.

représente donc pas un résultat du régime démocratique, ni un droit qui en découle, mais une condition de possibilité même de l’ordre social et politique et, par voie de conséquence, une condition préalable de la démocratie. Elle peut, il est vrai, être considérée a posteriori comme un droit que détiennent les membres d’une polis démocratique, mais au sein du mythe elle relève avant tout d’une responsabilité qui incombe à tous, d’un travail collectif, parce que le partage égal de l’art politique assure le maintien de la cité. En cela, la répartition d’Hermès fait du fonctionnement démocratique celui qui est le plus fidèle à l’essence même du rassemblement des êtres humains en cités.

Platon est parfaitement conscient du fait que la répartition des vertus décrite par Protagoras fonde en raison le processus démocratique, en cela qu’elle fait abstraction des privilèges et des désavantages naturels. Il se montrera très critique vis-à-vis de ce type d’égalité, puisque remettre à tous une part arithmétiquement égale équivaut selon lui à traiter les inégaux en égaux120, alors que chacun devrait plutôt recevoir une part proportionnelle à sa valeur. Ce

rapport d’égalité fondé sur le mérite, que Platon qualifie de « géométrique », est préférable à son avis, car il est en adéquation avec l’inégalité originelle des êtres humains. Telle qu’il la définit dans les Lois, cette forme d’égalité serait la plus juste en raison même de son accord avec la nature :

L’égalité la plus vraie et la meilleure n’apparaît pas facilement aux yeux de tout le monde. […] Au plus important, elle attribue davantage, et au plus petit elle attribue moins, donnant à chacun une juste part en proportion de sa nature ; et tout naturellement elle accorde dans tous les cas aux mérites plus grands de plus grands honneurs, tandis que, à chacun de ceux qui sont le contraire pour la vertu et pour l’éducation, elle dispense ce qui leur convient suivant cette proportion121.

Nous pouvons voir que la distinction entre la conception platonicienne de l’égalité et celle entrevue par Protagoras repose sur une prémisse distincte au sujet de la condition naturelle des hommes en ce qui a trait spécifiquement à l’art politique122. Pour l’un, les hommes sont inégaux

quant à leur nature et la société doit refléter ce même rapport d’inégalité présent entre les individus, et pour l’autre, c’est à partir de la prémisse d’une égalité naturelle à travers les différences que la société civile doit s’élaborer. Contrairement au sophiste comme nous le

120 Rép., VIII, 558c-d.

121 Platon, Lois, trad. L. Brisson et J.-F. Pradeau, dans Œuvres complètes, op. cit., VI, 757b-d.

122 En effet, nous pouvons croire que Protagoras admettait lui aussi l’existence de différences de nature entre les

individus, mais au niveau de leur capacité à exercer l’art politique, ils sont considérés en égaux, ou du moins ils doivent être considérés ainsi pour le bien de la cité. Il s’agit donc d’une défense en règle de l’égalité des chances.

voyons, les différences de caractère, qui sont ultimement des inégalités naturelles, loin de devoir être corrigées, doivent se perpétuer dans le politique et servir de mesure au principe d’égalité ; une égalité juste, dit-il, est « accordée en toute occasion à des inégaux conformément à la nature. »123 Traduite en termes politiques, cette égalité renvoie à une constitution

aristocratique ou technocratique construite sur l’excellence morale et la connaissance. Ces deux visions concurrentes de l’égalité politique auront des répercussions considérables sur leur vision respective de ce qu’est une cité et de ce qu’elle doit incarner, tant au niveau de son fonctionnement structurel qu’au niveau de ses fondements théoriques.

Deux modèles de cités

Pour bien comprendre ce qui distingue la cité protagoréenne de celle décrite par Platon – et parallèlement pour voir comment la cité idéale est élaborée en réponse au modèle démocratique présenté dans le Protagoras –, il faut remonter au problème initial de l’avènement des cités : comment des êtres humains a priori incompatibles en raison de leurs différences et de leurs oppositions en viennent-ils à s’associer ?124 D’une part, ce problème soulève la question

de l’origine ou de la cause des cités, c’est-à-dire de l’élément déclencheur qui pousse les êtres humains à délaisser le modèle individuel ou familial pour un mode de vie civique, et d’autre part, il pose la question du principe d’organisation de celles-ci, c’est-à-dire de la nature du processus d’union et d’ordonnancement qui permet d’établir une association durable. Dans la

République, Socrate propose à Adimante de voir la formation d’une cité comme une réponse au

besoin qu’ont les hommes de répartir les tâches afin d’assurer leur survie :

Or, selon moi repris-je, la cité se forme parce que chacun d’entre nous se trouve dans la situation de ne pas se suffire à lui-même, mais, au contraire de manquer de beaucoup de choses. Y a-t-il, d’après toi, une autre cause à la fondation de la cité ? / Aucune, dit-il. / Dès lors, un homme recourt à un autre pour un besoin particulier, puis à un autre en fonction de tel autre besoin, et parce qu’ils manquent d’une multitude de choses, les hommes se rassemblent nombreux au sein d’une même fondation pour s’entraider. C’est bien à cette société que nous avons donné le nom de cité, n’est-ce pas ? / Exactement125.

123 Lois, VI, 757d-e.

124 Nous laisserons quelque peu de côté le projet des Lois dans ce parcours comparatif pour nous concentrer

plutôt sur la République. Ce choix est motivé par la proximité conceptuelle – et temporelle – du Protagoras et de la

République. Il se trouve renforcé par l’hypothèse de Luc Brisson, présentée au premier chapitre, qui voit dans le Protagoras une préfiguration de la République (supra, note 21). Nous tâcherons parallèlement de confirmer cette

hypothèse et de montrer en quoi le projet de cité idéale de Platon se construit bel et bien en réponse à la théorie éthique et politique de Protagoras. Voir L. Brisson, « Le mythe de Protagoras. Essai d’analyse structurale », op. cit., p. 7-37.

La division du travail et des biens est une constante dans presque tous les discours explicatifs sur l’origine des sociétés, bien qu’elle puisse intervenir de différentes manières. Pour tirer sa subsistance des compétences techniques, l’espèce humaine a intérêt à collaborer et à répartir les tâches de manière à ce que chacun se spécialise dans un seul domaine au lieu de disperser ses efforts dans une multitude de fonctions. Dans le mythe de Protagoras, les êtres humains ne sont pas épargnés de ce problème et l’impossibilité pour un individu de maîtriser à lui seul tous les arts nécessaires à sa survie est également ce qui motive l’association. Cela correspond justement à la deuxième phase de l’humanité décrite dans le mythe : les êtres humains possèdent les techniques, mais ils ont besoin de s’unir pour bénéficier pleinement de celles-ci. Cependant, là où Platon met un terme à son explication de la genèse des cités et situe la cause du regroupement des hommes, Protagoras rapporte plutôt une série de tentatives de rassemblement et leur échec, nous montrant par le fait même que le besoin de s’unir pour survivre n’est pas un principe suffisant pour permettre l’avènement des cités, bien qu’il en constitue la principale raison. Pour le dire simplement, la reconnaissance de ce besoin représente un motif partiel et non une cause effective. Si le manque réussit à susciter le rassemblement des êtres humains, cette association restera temporaire et, en dernière instance, insuffisante pour combler les besoins mêmes qui motivent sa création. La cité s’avère essentielle à la survie de l’espèce en tant qu’elle seule rend possible la division du travail certes, mais il y a une différence fondamentale entre la communauté politique complexe que l’on nomme cité et une association purement utilitaire orientée autour de l’échange de services. Deux choses doivent être réunies d’après le mythe pour passer d’un regroupement utilitaire à une cité, deux éléments qui se retrouvent également dans la théorie politique de Platon : un ordre et un élément unificateur. Selon Protagoras, ceux-ci ne peuvent advenir qu’avec l’apport des sentiments de respect et de justice auxquels tous prennent part. En effet, il est dit dans le mythe que l’αἰδώς et la δίκη sont remises à l’humanité pour former d’une part « l’ordre des cités » (πόλεων κόσμοι), principe d’organisation et d’harmonie civique, et d’autre part pour créer

« les liens d’amitié qui rassemblent les hommes » (δεσμοὶ φιλίας συναγωγοί), principe d’unité et de cohésion sociale126.

Au niveau de la forme, une thèse très similaire se voit défendue par la théorie platonicienne. Bien que le besoin semble consister en une force d’attraction suffisante pour permettre aux individus de se rassembler et de fonder des cités, la « communauté élémentaire » présentée au deuxième livre de la République n’est pas représentative de la réalité politique et sociale de son temps. Une cité qui s’orchestre uniquement autour de la répartition des tâches en vue de la satisfaction des besoins, voilà qui offre un portrait déconnecté des cités existantes, où la satisfaction des besoins premiers a laissé place à des désirs multiples et complexes127.

C’est pourquoi, à partir de l’image de la cité déjà fondée qu’il considère comme malade, Platon dressera un nouvel idéal type : la cité parfaite. Ce modèle de cité mise en grande partie sur la justice pour atteindre ses différentes visées telles la vertu, l’unité, l’harmonie ou même la primauté de la raison. Comme nous le verrons, leur conception de l’ordre et de l’unité civique laisse apparaître des similitudes notables – l’importance de la justice et le rôle unificateur de l’amitié –, mais leur approche de ces différentes notions nous confirme que Platon construit sa propre cité à partir d’un reflet inversé de la théorie protagoréenne, qu’il « théorise en faisant face au grand adversaire qu’il s’est donné : Protagoras. » 128

126 Prot., 322c-d.Il existe un débat à savoir si l’αἰδώς et la δίκη ont chacune une fonction propre, et si oui, laquelle

exactement – de l’établissement de l’ordre civique ou de la création des liens d’amitié – correspond à l’une et à l’autre, ou bien si ces deux éléments relèvent d’un accomplissement conjoint ; αἰδώς et δίκη produisent à la fois

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