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Les célébrations des Fêtes au pays

CHAPITRE I : L A TRADITION DANS LES CONTES DE N OËL AU Q UÉBEC DE 1859 À 1940

3. Les coutumes et le nationalisme

3.2. Les célébrations des Fêtes au pays

Plusieurs contes de Noël racontent en détail le déroulement typique d’un soir de Noël au Québec. Cela commence souvent par le départ de la famille pour la messe de minuit. Les gens doivent s’habiller très chaudement parce qu’il fait très froid dehors. La messe est tenue dans une vieille église du village natal, les gens s’y rendent en carriole sous les flocons de neige, « privilège des Noëls canadiens, et, sans lesquels, semble-t-il, Noël n’est pas Noël156 ». La cérémonie est touchante

et on évoque les chants de Noël traditionnels :

Après la grand'messe viennent les messes basses; alors seulement commence la véritable fête de Noël avec ses vieux cantiques, si doux et si savoureux, comme le souvenir de ceux qui ne sont plus, mais dont les usages se conservent avec tant de respect dans nos bonnes campagnes canadiennes : « Il est né le Divin Enfant », « Ça bergers », « Nouvelle agréable ». Puis une dernière messe, et l'on sort, ému, ravi, réconforté, béni, surtout béni…157

Pendant ce temps, à la maison, les préparatifs s’achèvent alors que cela fait des semaines qu’on s’y attarde. Quelqu’un a dû renoncer à la messe de minuit pour pouvoir veiller sur les jeunes enfants qui dorment, terminer de préparer le repas et la maison et enfin accueillir les convives. C’est souvent soit la mère, une sœur aînée ou la bonne.

Il fallait aussi qu'il restât quelqu'un afin de préparer le réveillon, complément presque indispensable de la Messe de Minuit. Les tourtières flairant bon les épices réchauffent dans le fourneau; les beaux beignes dorés, saupoudrés de sucre rose, sont là sur la table

155 J.-P. WARREN. Hourra pour Santa Claus! [...], p. 206. 156 C. PERRAS. « La Noël à Saint-Hilaire » […], p. 116.

157 P.-E. MONARQUE. « Une messe de minuit à la campagne », Les premiers coups d’aile, Montréal, Les clercs de

à côté des confitures, tandis que dans le tambour, hors de l'atteinte de Charlot, les têtes

en fromage et les guertons [cretons] refroidissent en attendant la fringale qu'auront les gens de la messe qui s'en viennent, car on entend le bruit des grelots qui tintinnabulent

dans la nuit noire158.

Après l’office religieux, les invités arrivent et les discussions s’animent autour du repas traditionnel :

Oh! la belle messe de Minuit que nous avons eue, mame Flavigny! s'écrièrent fermiers et fermières - Philippe Gendreau, Marcel Benoît, Lisette et Julie - en s'approchant de la table qui croulait presque sous les mets robustes et succulents de nos compagnes, rangés avec art par « la Louise » et la petite bonne de Suzanne, à côté des pyramides monumentales de croquignoles, saupoudrées de sucre blanc - le gâteau national sans lequel un réveillon de Noël serait incomplet sur les bords du Saint-Laurent159!

Dans ce dernier extrait qui provient d’un conte de Louis Fréchette, le narrateur ne manque pas de souligner l’aspect traditionnel des croquignoles, aliment indispensable au réveillon canadien selon lui. Fréchette parle d’ailleurs des croquignoles dans quatre autres contes de son recueil La Noël au

Canada ainsi que dans son avant-propos du livre. Dans deux de ces contes, le mets rappelle le pays

à des personnages qui doivent passer Noël en dehors du Québec. Ainsi, plusieurs auteurs mettent l’accent sur les plats traditionnels des Fêtes canadiennes dans leurs contes.

Le réveillon typique est toujours joyeux et il est suivi d’une veillée :

Plaisante coutume, que ces réveillons dans nos campagnes, gardiennes de notre foi, de nos mœurs et de nos traditions nationales. Une joie exubérante règne toujours dans ces repas de Noël, et les francs éclats de rire fusent dans toutes les directions. Après le « réveillon », vient la « veillée » qui dure jusqu'aux petites heures. Durant tout ce temps, les jeunesses dansent et valsent quadrilles après cotillons, et cotillons après quadrilles. Et les invités qui ne doivent pas rester à coucher, s'éloignent après force saluts courtois.160.

Il y a un peu plus de variantes quant au déroulement du Jour de l’An dans les contes. Néanmoins, généralement, on commence par évoquer le réveil de la maisonnée le matin du 1er janvier. Les

enfants découvrent les cadeaux que leur a apportés le petit Jésus. Ensuite, toute la maisonnée reçoit la bénédiction paternelle. Ce moment est souvent émouvant :

158 P.-E. MONARQUE. « Une messe de minuit à la campagne » […], p. 22. 158 J.-P. WARREN. Hourra pour Santa Claus! [...], p. 206.

159 L. FRÉCHETTE. « Une aubaine », La Noël au Canada […], p. 67. 160 C. PERRAS. « La Noël à Saint-Hilaire » […], p. 120-121.

Petits et grands tombent à genoux. Le père, de plus en plus ému, jette un regard sur toutes ces têtes inclinées, articule quelques paroles de bons souhaits que l'émotion gêne visiblement et, se redressant de toute sa taille :

—Soyez tous bénis, fait-il, et que la nouvelle année vous soit heureuse!

En même temps, il trace solennellement dans l'espace, au-dessus de tout son monde, l'auguste symbole de la Rédemption161.

Après la bénédiction, la maisonnée se prépare pour la tournée du Jour de l’An. Soit on part visiter la parenté, soit celle-ci nous visite.

Bien qu'il soit encore de fort bonne heure, puisque l'on s'éclaire à la lueur des lampes, les visiteurs sont attendus d'un moment à l'autre. Il en est même qui commencent la tournée des parents et des amis immédiatement après le coup de minuit. Déjà l'on entend au dehors les tintements joyeux des clochettes […]. Puis, un grand bruit de carrioles devant la porte qui s'ouvre toute grande pour recevoir les nouveaux arrivants. Ce sont les fils, les brus et les petits-enfants de Baptiste Dumont qui viennent souhaiter la bonne année aux vieilles gens.

- Entrez, entrez, crie Baptiste Dumont, je vous la souhaite bonne heureuse, mes gars, et l'Paradis à la fin de vos jours162!

Autre élément incontournable de la période des Fêtes et pourtant peu représenté dans les contes : la guignolée, tradition importée par les premiers colons français163 où l’on passe de porte en porte

pour cueillir des aliments que l’on redistribue aux pauvres par la suite tout en chantant gaiement des chansons folkloriques et en se déguisant en « Papa Noël », tel que mis en scène dans « Une guignolée » (1921) de Jules Tremblay164. Souvent associée au Jour de l’An à l’époque, la guignolée

permet d’offrir une aide alimentaire aux nécessiteux pour qu’ils puissent passer de belles Fêtes eux aussi. Dans le conte de Tremblay, les enfants tout joyeux sont saisis par la pauvreté d’un logement pendant leur quête et décident de donner des denrées qu’ils ont reçues à la dame qui leur a répondu.

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