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BRUITS DÉSAGRÉABLES, SONS AGRÉABLES, UNE DISTINCTION TRÈS RELATIVE

Première difficulté : Y a-t-il de bons ou de mauvais sons ou bruits ? Ce1tes, il semble que

chacun s'accorde à considérer les bruits de moteurs (avions, voitures, machines ... ) comme nuisibles. Encore qu'on puisse se demander si la disparition totale de certains de ces bruits lorsqu'ils sont de faible niveau (départs des bateaux du port par exemple) ne demanderait pas quelques adaptations. Mais admettons. A l'inverse, la brave dame du Conseil muni­ cipal n'indique-t-elle pas que, contrairement à ce que l'on aurait pu croire. le son bucolique d'une fontaine ne plaît pas à tout le monde, en tous cas pas tout le temps ?

Et ces charmants bambins, que tout l e monde ou à peu près, à part W.C. Fields, s'accor­ de à trouver charmants ... sauf s'il leur prend de faire résonner leurs cris de jeux et de joie sous nos fenêtres lors des grasses matinées réparatrices de fins de semaines !

Et cette musique, censée adoucir les mœurs ... Qui n'a jamais eu des envies de meurtre devant ces "artistes" plus ou moins talentueux (mais qu'importe la qualité) qui viennent vous imposer leur business à peine commencez-vous à déguster la tranquillité d'une terrasse de café, ou même dans un wagon de métro, devant ces "tubes" publicitaires que nous a un temps infligé la RATP sans qu'on puisse y échapper, sans parler de ces ama­ teurs de "Hi-Fi" à 2 ou 1 00 watts qui crachent leurs décibels par les fenêtres, ou simple­ ment sur une plage, dans un camping ou dans un bus ?

Il y a les bruits supportables, les nôtres, et les bruits insupportables, ceux des autres, les bruits agréables, ou plutôt ceux que l'on est disposé à trouver tels à un moment donné, car on a choisi de se les procurer, à un niveau sonore donné, et les bruits désa­ gréables (ce peuvent être les mêmes), mais l'endroit et le niveau ne nous conviennent plus, c'est comme cela qu'on peut trouver du plaisir ou péter de fureur. Ce merveilleux et reposant bruit de la mer permet-il de passer de merveilleuses nuits de sommeil ? Il y a les bruits "évitables" (l'automobile) et les bruits "inévitables" (l'automobile).

Il y a les bruits "auxquels on s' habitue" , et ce sont peut-être les pires, parce qu'ils ont des effets pathologiques dont on ne se rend plus compte, ceux auxquels on ne s'habitue pas ou auxquels on ne s'est pas encore habitué, ou ceux qu'on ne supporte plus.

Il y a les bruits de faible intensité (planches à roulettes), mais dont la répétitivité finit par créer d'autant plus de fixations qu'ils sont accompagnés d'une symbolique désagréable (gêne occasionnée aux piétons, dégradations causées par leurs acrobaties, comportements sociaux de leurs pratiquants ... ). Ce n 'est pas le niveau sonore des bruits de balles ou de ballons sur les murs des maisons qui en font le désagrément. Il n'en est pas moins réel. Il y a aussi les bruits bucoliques qui peuvent devenir désagréables, comme ces concerts matinaux de piafs dans les arbres à 4 ou 5 heures du matin, dans le calme environnant. Voilà qui ne rend pas aisée l'appréciation des modalités de la gêne et du plaisir. Mais les sensibilités, les caractères s'ajoutent à ces éléments d'appréciation :

• Il y a ceux qui détestent tout son ou bruit, ou presque ; et il y a ceux qui ne peuvent se

passer de bruits (cas de bien des jeunes de banlieues, qui le revendiquent d'ailleurs).

même si cela mène une génération entière à la surdité précoce. Il y a aussi ceux qui souffrent de l'absence de certains sons qui les relient à la vie ambiante, que ce soient des sons urbains ou de campagne.

• Il y a les cultures ou ethnies dont les systèmes relationnels demandent, tolèrent ou ne

supportent pas les types ou les intensités de sons de la même manière. Et là, les seuils d'intolérance sont vite franchis, malgré les idéologies, et il y a là une des origines de rejets instinctifs les plus importantes.

• Il y a ceux qui se couchent tôt et se lèvent tôt, et 1 'inverse, il y a les vieux ou les jeunes, les calmes et les agités, etc.

B ien que toutes ces considérations puissent paraître banales, il n 'était pas inutile de les rappeler à ceux qui croient que la relation au bruit est simple, illusion fréquemment

répandue chez les décideurs et les usagers, et avec lesquels les concepteurs d'espaces urbains sont obligés de composer.

Car ces problèmes se résolvent sans trop de difficultés dans les espaces clos, "exterritoria­ lisés" ; les usages des espaces clos sont plus homogènes. Ils reposent sur une sorte de contrat d'adhésion implicite de catégories, de sensibilités, de règles d'usages assez bien codifiées, claires pour tous ceux qui s'y trouvent ou ont décidé volontairement d'y aller. Personne ne va se plaindre du bruit infernal d'une boîte, ou du niveau sonore d'un cinéma avec le son "sensurround" ou quelque chose comme cela ! On n'y va pas ou on s'en va ! Dans l 'espace collectif, il n ' y a d'autre code qu'un consensus supposé exister, mais en réalité très vague, celui d'un comportement moyen dans des espaces réglés par la simple police ou des règlements de copropriété. Devant cela, l 'éventail des comporte­ ments et des sensibilités est tellement vaste et de plus en plus remis en cause par l'évo­ lution des mœurs et l'arrivée massive d'éléments allogènes à une population autochto­ ne, qu'il est difficile d'apprécier les modalités de la gêne (voir ci-dessus), et aussi de déceler l'impact de ces différentes gênes ou plaisirs sonores.