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5 Au-delà du bruit urbain, quels autres risques sanitaires ?

Chapitre III : Risques sanitaires et environnements urbains : les milieux

III- 5 Au-delà du bruit urbain, quels autres risques sanitaires ?

Le phénomène du bruit urbain a retenu notre attention au titre d’un fait éminemment perceptible par les publics, et se trouve particulièrement approprié pour une approche sur les perceptions (nous soulignons) sociales des facteurs de risques en santé-environnement. La place des sciences humaines et sociales y devient de fait légitime et pertinente. Perceptible sur le plan sensoriel, au point d’influer sur des comportements individuels et sociaux, de servir de critère de choix dans les lieux de résidence et de considérer un certain accès à a qualité de vie urbaine.

Il constitue ainsi un élément décisif à la fois dans une approche qualitative des lieux de vie urbains et dans la représentation cartographique que l’on peut établir des zones impactées, avec des périmètres bien définis de la portée des ondes, de leur niveau d’émission sonore. Il devient un indicateur très utile pour qualifier et quantifier les degrés d’attractivité-répulsivité des lieux de vie. De là des initiatives intéressantes en termes de construction d’indicateurs servant à mieux délimiter des « zones calmes », des « zones ZEN207 », à délimiter des « zones de bruit critique »208 pour en identifier des Points Noirs Bruit (PNB)209.

Nous retiendrons pour achever cette partie sur les « milieux urbains sonores » trois points spécifiques devant orienter les recherches ultérieures en matière de qualité de vie urbaine et plus spécifiquement de la conception d’un urbanisme favorable à la santé, d’un urbanisme « promoteur de la santé publique ».

- Le maillage territorial des zones à enjeux, par l’identification des grands axes et secteurs urbains les plus exposant et aux publics les plus exposés : ces véritables « bandes sonores » urbaines constituent des axes stratégiques bien entendu de mobilité, mais aussi en conséquence de vecteurs d’impacts distincts. Les « transects »210 qu’il est possible de tracer, en estimant la part de publics riverains exposés sur les secteurs

207 ZEN : zone d'épanouissement notoire, selon l’indice conçu par Philippe Woloszyn, chargé de recherche au laboratoire Espaces et sociétés de l’université de Rennes II, avec la collaboration de l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération de Rennes, l’AUDIAR.

Voir http://www.audiar.org/sites/default/files/etudes/environnement/zones-calmes_2011_web.pdf 208

ZBC : zone de bruit critique, zone urbanisée relativement continue (distance< à 200 m entre bâtiments) où les indicateurs de gêne, évalués en façades des bâtiments sensibles (habitat, santé, action sociale) et résultant de l'exposition de l'ensemble des infrastructures de transports terrestres dont la contribution sonore est significative, dépassent, ou risquent de dépasser à terme, la valeur limite diurne 70dBA et/ou la valeur limite nocturne 65 dBA.

209 Voir à ce titre l’article du 5 juillet 2012 du Club Villes Décibel résumant la démarche de la ville de Rennes sur l’écoquartier de la Courrouze, http://www.bruit.fr/nos-services-aux-acteurs-du-bruit/club-decibel-villes/les-

rendez-vous-du-club-decibel-villes/acoustique-des-ecoquartiers-la-courrouze-au-microscope.html?pop=1&print=1&tmpl=component

210 Un transect est une ligne virtuelle ou physique tracée pour étudier un phénomène où l'on comptera les occurrences. Un échantillonnage (systématique ou aléatoire) peut être établi de façon à caractériser la composition et la distribution géographique de populations (espèces animales, végétales, etc.). Cela permet de mettre en place un dispositif d’observation de terrain ou la représentation d’un espace, le long d’un tracé linéaire et selon la dimension verticale, destiné à mettre en évidence une superposition, une succession spatiale ou des relations entre phénomènes : coupe géologique, coupe (ou transect) biogéographique. Voir http://www.hypergeo.eu/spip.php?article60 (revue électronique en épistémologie de la géographie).

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limitrophes de ces infrastructures (routières et ferroviaires, etc.) forment des itinéraires prioritaires dans une démarche d’investigation mixant approches qualitative et quantitative.

- Le second point est celui des risques sanitaires associés à ces « bandes sonores urbaines », par co-exposition voire par multi-expositions à d’autres facteurs d’impacts (polluants atmosphériques des véhicules motorisés ; facteurs de risques physiques en accidentologie et plus largement d’emprises favorisant des « délaissements », des « déprises » des espaces publics. Une illustration en est donnée avec les cartes de pollutions de l’air aujourd’hui établies sur l’agglomération de Lyon. Nous y retrouvons ainsi une répartition similaire et donc comparable sur le maillage des infrastructures routières urbaines des niveaux d’émission et de concentration en polluants de l’air. Les épisodes de pollutions atmosphériques en milieux urbains ont été d’une actualité très vive en France dans la semaine du 6 au 14 mars 2014, au point que les décideurs soient tenus de prendre des dispositions inhabituelles pour réduire les niveaux d’émissions. Figure 20 : Cartographie des niveaux de concentration en NO², agglomération de Lyon

(source : Air Rhône-Alpes, 2011211)

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Présentation de Manuel Marquis, Directeur Territorial zone Ouest, Camille Rieux, Chef de projet

Exploitation, CETE de Lyon ; conférence VAD, ville aménagement durable, Lyon, 18/12/2012. Voir : (source :

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Le dernier point est celui se rattachant directement à la problématique de la justice environnementale, laquelle a été très sérieusement analysée dans l’expertise collective produite par l’ANSES en décembre 2012212. Le rapport qui en est issu est remarquable par l’articulation très précise établie sur la multi-dimensionnalité du phénomène « bruit urbain » (et plus largement « risques sanitaires liés au bruit », y compris en établissement diffusant de la musique amplifiée). De la dimension « résidentielle » (l’habitat) et du voisinage, celle de l’espace public de proximité jusqu’à l’échelle du territoire urbain, l’expertise différencie trois niveaux d’analyse des effets générés par le phénomène :

• les formes sociales (composition socio-démographique, (dé)peuplement, impacts sur certains marchés, par exemple de l’immobilier);

• les formes spatiales (composition fonctionnelle des lieux, dynamiques d’évolution des territoires, morphologies des tissus urbains...);

• les gouvernances territoriales (pluralisation des acteurs, mobilisations environnementales, création de dispositifs ad hoc, mise à l’agenda d’une troisième génération de politiques publiques) ;

Et ce préalable de classification conduit le groupe d’expertise à conduire une réflexion explicite sur « les injustices environnementales », lesquelles peuvent se présenter sur le plan économique (décotes immobilières pour cause de bruit des transports routiers, même si plus faibles que celles observées pour le bruit d’avions213, décote moyenne se situant entre 0,4 et 0,6 % par décibel supplémentaire, passé un seuil avoisinant 60dBA), baisses de valeurs foncières (moins -value engendrée pour la promotion immobilière avec surcoût de la protection des locaux contre le bruit). L’accessibilité et la mobilité favorisées par cette proximité aux infrastructures, même si bruyantes, devraient au contraire contribuer à la valorisation des territoires214. Mais d’autres travaux (Nelson 2008) montrent que les fonctionnalités de l’espace ne sauraient rivaliser avec les désaménités (désavantages ou inconvénients) environnementales. C’est lorsque les populations en ont les moyens budgétaires et la possibilité familiale, qu’elles quittent les espaces fortement exposés, alors que les plus modestes s’y résignent, du fait d’avantages comparatifs (moindre coût de l’immobilier). Autrement dit les plus hauts revenus vivent bien plus que la moyenne dans des quartiers plus tranquilles, quand les ménages de niveau plus modeste vivent dans des environnements bien plus dégradés, notamment sonores215. A fortiori, ces espaces contraints subissent « une spirale de

212 Anses, rapport d’expertise collective, Saisine «2009-SA-0333 –Indicateurs bruit-santé» Décembre 2012, 313 pages. Accessible sur : https://www.anses.fr/fr/documents/AP2009sa0333Ra.pdf

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Faburel G., Maleyre et al. , 2007, « Le bruit des avions comme facteur de dépréciations immobilières, de polarisation sociale et d’inégalités environnementales. Le cas d’Orly », Développement durable et territoires. Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie.

Navrud S., 2002, “The State-of-the-Art on Economic Valuation of Noise”, Agricultural University of Norway. 214 Arsenio, E, Bristow, Al., Wardman, MR, 2011, An alternative revealed preference approach for valuing traffic noise indoors: Using ex ante and ex post choices of apartments, 40th International Congress and Exposition on Noise Control Engineering 2011, INTER-NOISE 2011, 4, pp.3654-3660; Maloir, C., Tillema, T., and Arts J. (2010). Livability near roads : Towards more sustainable road planning by taking account of the residential context . Paper submitted for presentation at the 90th TRB 80 meeting, January 23-27 Washington DC.

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Nijland, H, Van Kempen, E., Van Wee, G, Jabben, J. (2003) Costs and benefits of noise abatment measures, Transport Policy, Volume 10, Issue 2, p. 131-140; voir aussi Faburel G., Gourlot N., Arrif T., 2008, Prise en compte de l'environnement dans les documents et procédures d'urbanisme proposés par la loi SRU.

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gradation environnementale » (ville de Robbins dans l’agglomération de Chicago) au point de contribuer à l’appauvrissement de la cité et conduit les leaders politiques locaux à accepter un développement économique tourné vers d’autres activités impactantes, dont un incinérateur de déchets217.

Les injustices environnementales se présentent ainsi en tant que distribution spatiale non équitable des nuisances pesant plus fortement sur les bas revenus et les minorités, avec des travaux devenus classiques pour les projets d’autoroute aux USA218 et quelques-uns menés en Europe sur la seule problématique sonore autour des aéroports (Schweitzer et Valenzuela 2004). A l’échelle d’une région telle que l’Ile de France219, les auteurs ont croisé des données statistiques sur l’environnement et les populations, montrant que « le bruit des transports est l’un des tous premiers facteurs environnementaux de distribution socialement différenciée dans l’espace francilien (avec les espaces verts et la présence d’usines cf figure n°21 ci-après), résultat partiellement confirmé par voie d’enquête auprès de 600 habitants: la qualité architecturale prenant le pas sur l’offre d’espaces verts »220. Le comptage de la population concernée par cette exposition fait ressortir que 2 748 882 personnes en 2008 seraient en situation d’inégalités environnementales en Île-de-France, plus de 1 million le seraient pour cause de surexposition au bruit des transports.

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Been V, 1994,” Locally Undesirable Land Uses in Minority Neighborhoods”, Yale Law Journal, 103, 1383-1422 217 Voir Pellow, D.N., A. Weinberg and A. Schnaiberg (2001) The Environmental Justice Movement: Equitable Allocation of the Costs and Benefits of Environmental Management Outcomes. Social Justice Research, 14 (4) 423-439. Voir Lucie Laurian « La distribution des risques environnementaux : méthodes d'analyse et données françaises », Population 4/ 2008 (Vol. 63) , p. 711-729 . URL : www.cairn.info/revue-population-2008-4-page-711.htm.

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Schweitzer L., Valenzuela A., Journal of Planning Literature 18 (4), 383-398, 2004. 219

Faburel G., Gueymard S., Inégalités environnementales en région Ile-de-France : le rôle structurant des facteurs négatifs de l’environnement et des choix politiques afférents, in Espace, Populations, sociétés, numéro 2008/1, « Populations, vulnérabilités et inégalités écologiques », p159-172.

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Anses, rapport d’expertise collective, Saisine «2009-SA-0333 –Indicateurs bruit-santé» Décembre 2012, p135. Accessible sur : https://www.anses.fr/fr/documents/AP2009sa0333Ra.pdf

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Figure 22 : Page extraite du rapport de l’expertise collective ANSES, Saisine «2009-SA-0333 – Indicateurs bruit-santé» Décembre 2012, p135. Accessible sur :

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Une prise de conscience de différences entre individus, entre groupes sociaux, peut faire naître un sentiment d’injustice au regard d’une idée, ou d’un idéal. Cette prise de conscience peut émerger au fil d’une évolution des conditions de vie des personnes (lors d’une situation sociale et économique qui fragilise un foyer), de leur santé mentale (avec l’âge, une maladie). En considérant les écarts entre individus, groupes sociaux, le sentiment d’injustice peut poindre et inciter à considérer des inégalités jugées injustes et injustifiées. L’idée de justice serait alors de revendiquer une juste répartition des avantages et des dommages. Certaines différences prennent un sens et une valeur pouvant conduire à juger les situations d’abord d’inégales, puis d’injustes Toutefois, des situations d’inégalités peuvent être justifiées et rendant ainsi les inégalités justes. En effet, si une inégalité de fait, entre individus, a pour justification un moindre mérite, un moindre effort, alors que les chances initiales sont similaires (même accès à des ressources, à des services), alors cette inégalité tend à être qualifiée de « juste » au sens de « justifiée ». Aussi faut-il qu’elle puisse être justifiée par le plein exercice de la liberté de la personne dans ses choix. A partir de cette prise de conscience, peuvent s’instaurer des critères de distinction et de progression vers des inégalités injustes, à savoir :

1) Par la disproportion dans la répartition des charges et des avantages, soit par les « écarts significatifs » entre les deux, soit par rapport à un seuil dit d’équité (une moyenne, une médiane)

2) Par la vulnérabilité des publics, notamment en situation de souffrance endurée et éprouvée (laquelle renvoie à la difficile question de la souffrance)

3) Par les motifs, les mobiles (la raison, les causes) des situations d’injustice

4) Par la présence du tiers-juste, d’un témoin à même de pouvoir juger de la situation, sans être en situation lui-même de conflit d’intérêt et donc de prise de partie a priori 5) Par la non-reconnaissance de la dignité des personnes, au sens de leurs droits

fondamentaux, exigeant l’observance du respect et de la considération de leur situation.

6) Par le cumul des inégalités – fardeau et surcharge- ou des privilèges, ce qui suppose de considérer l’ensemble des facteurs de pondération des charges et avantages. 7) Par la non-réciprocité des situations vécues entre des publics distincts et pourtant

pouvant exiger les mêmes conditions de vie et de niveau de qualité de vie.

La justice environnementale telle qu’elle peut s’instaurer dans la situation d’expositions à un facteur d’impact en santé-environnement comme le bruit urbain, mérite un éclaircissement. C’est dans ce sens que la recherche engagée devra établir progressivement cette lecture des situations. Mais esquissons d’emblée l’exercice :

1) Critère de disproportion : entre des publics exposés à un différentiel de niveau sonore sur des secteurs urbains, un écart de charge ou avantage peut être ainsi estimé :

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a. Situation A : par rapport au seuil de 65 LDEN DB : public sur-exposé à un LDEN de 95 DB / public sous-exposé à LDEN 55 DB

b. Situation B : par rapport à une moyenne générale de 65 LDEN DB : un public exposé à 65 LDEN DB pourra s’estimer lésé par rapport à un public exposé à 55 LDEN DB

2) Critère de vulnérabilité :

a. un public en situation de vulnérabilité, dont l’état de santé est fragilisé ou dans une phase de développement (enfants en bas-âge, mère enceinte), voire en souffrance, avec suivi médical. Ce public peut revendiquer une situation d’inégalité injuste car affecté dans sa qualité de vie, à son insu et à son détriment.

3) Critère de causalité justifiée:

a. La situation connue d’inégalité subie trouve-t-elle une raison, un motif explicatif pouvant la justifier ? Si le public ne reconnaît pas une raison (pas seulement une cause) à la situation éprouvée, le sentiment d’injustice émerge. Un bruit urbain connu, identifié et dont l’explication est patente peut toutefois ne pas être accepté car subi.

4) Critère du tiers-juste : l’analyse objective et distancée des situations d’inégalités requiert une posture de jugement des facteurs et motifs des inégalités. Pour

attribuer un principe de justice, le tiers-juste doit pouvoir se prononcer sans prise de partie a priori et sans conflit pour qualifier ce qui est injuste.

5) Critère de la dignité : ce critère relève directement de la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes à revendiquer leurs droits d’exercice de leur liberté d’expression et d’opinion, ainsi que de bénéficier des conditions de vie décente. Un habitat sur-exposé à un niveau sonore au-delà des seuils de tolérance peut atteindre l’occupant dans sa qualité de vie et dans la représentation de soi.

6) Critère de cumul : ce critère prend en compte les effets additionnels ou exponentiels de certains facteurs s’ajoutant à une charge identifiée (effets auditifs du bruit et effets non-auditifs du bruit et de particules polluantes de l’air ambiant).

7) Critère de réciprocité : une situation subie par un public peut constituer un motif d’inégalité injuste par le simple fait de n’être pas réciproquement vécue.

Nous pouvons d’emblée considérer à partir de ces situations que des critères d’inégalités injustes sont mobilisables pour mieux les caractériser. Les indicateurs de mesure de niveaux sonores (niveau de bruit) sont bien entendu utiles et indispensables pour définir des critères d’objectivité de la distribution des dommages et impacts susceptibles d’affecter les publics. Mais l’appréciation technique montre rapidement ses limites dans l’ordre d’une justice sociale. En effet, l’expertise plurielle ici rapportée montre bien que la série des critères et indicateurs d’acoustique et de caractéristiques du bruit s’avèrent insuffisants pour juger des situations. Le recours aux facteurs de contexte apporte un lot de critères complémentaires (variables sociales, économiques et facteurs de contexte dits individuels) sans toutefois parvenir à poser le jugement du juste et de l’injuste. C’est à

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ce titre que les principes de justice énoncés réinscrivent une dimension éthique dans l’ordre du jugement de ces situations. Ils permettent ainsi d’apprécier la complexité des contextes et conditions humaines, sans les réduire à des circonstances seulement mesurables. Il en va de l’appréciation et d’un jugement sur ce qui est supportable pour des publics en considérant leur perception singulière des situations. Et en conséquence ces critères peuvent constituer une grille de traitement politique des conditions de vie des populations. Si une invite à une justice distributive des coûts et bénéfices (selon un mode quasi comptable) devait s’exercer, à grands renforts de valeurs métriques dites objectives, cela pourrait conduire une égale distribution de ces coûts et bénéfices (par égalitarisme). Cette égale distribution pourrait induire d’autres formes d’inégalités subreptices, faisant abstraction des conditions singulières des individus, de leur diversité et singularité. Puisqu’il est question d’une décision publique, il est alors légitime de s’interroger sur la place occupée par les publics concernés. C’est l’un des arguments avancés par Iris Marion Young221, prônant un régime démocratique attentif à la part égale allouée aux populations dans un processus de reconnaissance de leurs droits.

L’orientation de notre recherche se précise à ce stade, avec une reconfiguration des procédures d’urbanisme et d’aménagement du territoire. La quasi absence des problématiques de santé-environnement dans les politiques publiques sectorielles, si ce n’est sous des formes encore dichotomiques (politiques environnementales d’un côté, politiques de santé orientées sur l’offre de soins de l’autre) retentit sur les orientations des programmes et projets d’urbanisme. C’est le chantier engagé depuis trois années sur l’inscription de la santé publique dans un « urbanisme favorable à la santé » qui a constitué la base réflexive puis prescriptive dans l’instruction des dossiers par les services d’état (dans le cadre de l’évaluation environnementale des dossiers et documents d’urbanisme). Il reste encore à institutionnaliser une démarche, passant par la participation en amont de l’instruction des dossiers de parties-prenantes non seulement dites expertes et spécialisées mais aussi et surtout concernées au titre des usages et des conditions de vie. Le recrutement de ces parties-prenantes reste souvent problématique en termes de représentativité (quels acteurs représentatifs ?), d’échéances des procédures administratives (quel temps pour la participation ?) et d’arbitrage sur les choix décisionnels (dans quelle mesure la décision peut-elle prendre en compte des avis dits non experts ?). Enfin, sur des problématiques de risques en santé-environnement, recelant des incertitudes scientifiques sujettes à controverses, il faut y ajouter une dimension d’imperceptibilité des facteurs de dangers et de risques susceptibles de susciter ici des réactions anxiogènes, là des réactions de déni.

221

Iris Marion Young, « Self-determination as a principle of justice », The philosophical forum, Fall, 1979. Nous devons aussi à Catherine Larrère l’insistance sur cette question d’une justice participative, à l’occasion de sa conférence du 25 février 2015 à Bron, “Justice environnementale et ville durable”.

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Chapitre IV : Politiques publiques et inégalités sociales en