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4-2. Approche par environnement (milieux & ressources) : des inégalités d’exposition aux facteurs de

Chapitre IV : Politiques publiques et inégalités sociales en santé -environnement sur les territoires

IV- 4-2. Approche par environnement (milieux & ressources) : des inégalités d’exposition aux facteurs de

L’approche par l’environnement, comprenant les milieux et ressources procède par secteurs géographiques où se concentrent des sources de pollutions et de nuisances d’origine anthropiques ou naturelles susceptibles de générer des risques pour la santé.

Certains secteurs géographiques connaissent des pressions environnementales significatives et supérieures du fait d’activités économiques (industries, chauffage urbain, transports, agriculture,…) ou d’émissions dans les compartiments (eau, air et/ou sol) ou encore de nuisances générées (sonores, d’odeurs, radiofréquences,…). A ces sources anthropiques, s’ajoutent de possibles pollutions d’origine naturelle (amiante environnemental, radon, pollens et plantes allergisantes,…). L’action n°32 du Plan National Santé-Environnement 2 a pour ambition « d’identifier et de gérer les zones géographiques pour lesquelles on observe une surexposition à des substances toxiques » dans le but de réduire les inégalités géographiques. Ces principales zones de surexposition de la population requièrent une surveillance environnementale aidés par des systèmes d’information géographiques et l’accès public des bases de données environnementales et sanitaires »271.

Si les milieux et ressources sont vecteurs de risques sanitaires, quels sont les moyens disponibles pour les repérer à l’échelle des territoires et en qualifier les niveaux d’ISSET ? Présentons ici sommairement des méthodes et outils repérés au sein des institutions pour diagnostiquer ces situations de cumuls des risques.

L’Evaluation des Risques Sanitaires (ERS)272 permet de caractériser le risque futur encouru par une population vivant dans la zone d’influence d’une installation classée selon une procédure en 4 étapes (cf figure n°6). Cette une démarche réglementaire constitue une aide à décision pour déterminer des stratégies de prévention et de gestion des risques. Sans être une étude épidémiologique (pas de détermination de l’impact réel sur la santé des populations) ni même une étude d’expologie (ne prenant pas en compte de l’exposition réelle des populations), les mesures de qualité des milieux ou leur modélisation fournit une estimation des expositions 273. En ce sens, l’ERS n’est pas un outil destiné à l’évaluation des inégalités environnementales ou sociale de santé.

Figure n°28 : les 4 étapes de l’ERS Etape 1 : Identification des dangers

Etape 2 : Définition de la relation dose-réponse Etape 3 : Estimation des expositions

Etape 4 : Caractérisation des risques

271 Cf http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNSE2.pdf 272

Guide pour l’analyse du volet sanitaire des études d’impact-méthodologie ERS InVS, février 2000: http://www.invs.sante.fr/publications/guides/etude_impact/rapport-etude-impact.pdf

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Caudeville J., « Caractériser les inégalités environnementales » in Eloi Laurent (dir.), Vers l’égalité des territoires – Dynamiques, mesures, politiques, Rapport pour le Ministère de l’égalité des territoires et du logement, 2013. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000131/0000.pdf

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Les Etudes Sanitaires de Zones (ERSZ), d’initiative régionale (DREAL).

Ces démarches volontaires consistent à identifier des points noirs (zone avec cumuls de polluants) sur un périmètre élargi, sans toutefois relever d’un diagnostic274. Ces ERSZ (au contraire de l’ERS) s’inscrivent dans une démarche globale d’évaluation de l’exposition des populations. Considérant un ensemble de sources de pollutions et nuisances présentes dans un espace géographiquement défini en fonction de l’analyse des enjeux sanitaires et environnementaux (multi-sources, multi-expositions, publics sensibles), l’analyse porte sur les agents et leurs cumuls. Toutefois, aucune préconisation de calcul des cumuls de risques (vu la complexité des facteurs de risques) ne permet la comparaison et la hiérarchisation des contributions des déterminant de l’exposition. Les gestionnaires disposent d’une batterie d’indicateurs (socio-économique, pollution des sols, densité des populations, perception du risque) pour définir un mode opératoire (dépollution)275 selon un phasage ( figure n°29) :

Figure n°29 : Déroulé d’une étude de zone en 5 phases Phase 1 : Etat des lieux et définition du schéma conceptuel des expositions Phase 2 : Modélisation de la dispersion atmosphérique et des transferts Phase 3 : Diagnostic de l’état des milieux

Phase 4 : Analyse de l’état actuel de l’environnement

Phase 5 : Caractérisation des expositions et des risques sanitaires

Puis : propositions de mesures concrètes pour lutter contre les pollutions et nuisances identifiées et suivi de ces mesures.

La « Plateforme intégrée pour l’analyse des inégalités d’exposition environnementale » (PLAINE) développé par l’INERIS276

Cet outil a pour objectif de caractériser les inégalités environnementales en croisant données environnementales, sanitaires, comportementales et socio-économiques277 selon un phasage décrit ci-dessous (figure n°30). Les expositions des populations sont estimées sur la base des équations classiques d’évaluation des risques sanitaires implémentées dans un modèle d’exposition multi-milieux (Modul’ERS) interfacé dans un système d’information géographique (SIG). Des résultats obtenus pour 4 polluants (cadmium, chrome, plomb et nickel) et au niveau national permettent la cartographie de l’exposition des populations sur une échelle spatiale fine (de l’ordre du km²) à partir de bases de données environnementales spatialisées par milieu (eau, air, sol).

274 La démarche diagnostique d’identification de points noirs environnementaux, mise en œuvre en Lorraine avec l’INERIS dans le cadre d’une des actions du PRSE2 (Etat, DREAL, ARS, Conseil Régional) a établi un état des lieux des polluants affectant les 3 milieux (eau, air, sol, bruit).

275

Guide ESZ INERIS : http://www.ineris.fr/centredoc/drc-guide-etude-zone-v5final101111-1321430999.pdf 276

Outil PLAINE INERIS : http://www.ineris.fr/centredoc/dp-inegalites-environnementales-1322122298.pdf Caudeville J., Développement d'une plateforme intégrée pour la cartographie de l'exposition des populations aux substances chimiques: construction d'indicateurs spatialisés en vue d'identifier les inégalités environnementales à l'échelle régionale. Compiègne, Université Technologique de Compiègne, 2011, 198 pages. 277

Données considérées par l’INERIS dans l’outil PLAINE : Données environnementales et d’exposition : émissions atmosphériques, sites pollués ou potentiellement pollués, qualité des milieux (concentrations dans l’eau l’air et le sol) et contamination des media d’exposition, estimation de l’exposition ; Données sanitaires : morbidité, mortalité ; Données comportementales : comportement alimentaire, etc. ; Données socio-économiques : démographie, indicateur de défaveur sociale, etc.

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Figure n° 30 : Phasage de la construction d'indicateurs d'exposition dans l’outil PLAINE Phase 1 : Sélection des variables d'intérêt

Phase 2 : Spatialisation des données

Phase 3 : Traitement des variables d'exposition Phase 4 : Agrégation des scores d'exposition

Phase 5 : Détection des zones de surexposition potentielle et analyse des déterminants La cartographie des défaveurs environnementales en PACA :

L’ARS PACA s’est doté d’outils cartographiques afin de diagnostiquer comment leurs populations sont localement impactées (par quel type de pollution et à quel degré)278. La construction d’un « indicateur composite de défaveur environnementale » comprend 4 données thématiques traitées par analyse en composantes principales (ACP) (air, eau, sols et logements). L’analyse de ces données par une méthode statistique de classification par ascendance hiérarchique (CAH) a permis d’établir 6 profils environnementaux de territoires en région (figure n°31, ARS PACA, 2013).

Figure n °31 : Cartographie de situation des territoires en PACA par rapport à la moyenne régionale.

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« Documenter les inégalités environnementales de santé en région PACA »- Emmanuelle Fiard - Master 1 « Climat, Risque, Environnement, Santé » dirigé par Pierre Carrega- Université Sophia Antipolis de Nice – Stage ARS PACA sous la direction de Muriel Andrieu-Semmel et Sandra Perez. Extrait du projet d’article.

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L’observation de cette cartographie de situation des territoires en PACA au regard des indicateurs de qualité des milieux et des risques sanitaires rend visibles et lisibles les thématiques principales retenues pour un état des lieux régional. La répartition géographique est bien délimitée par une colorimétrie et présente un territoire très contrasté en termes de niveaux moyens des indicateurs au regard d’une moyenne régionale. Ainsi les risques bactériologiques (qualité de l’eau) sont-ils plus élevés au nord de la région, sur des secteurs ruraux très excentrés (département du Vaucluse), alors que la partie sud de la région est plus contrainte par des problématiques de qualité de l’air (dioxyde d’azote ou NO², micro-particules PM10 dans les catégories 3, 5 et 6). Les disparités régionales ainsi mises en évidence circonscrivent bien les problématiques locales à l’échelle des départements et des cantons. Il faut alors découpler les contraintes environnementales ici identifiées des niveaux socio-économiques : parmi la diversité des facteurs environnementaux, certains sont indépendants du niveau socio-économique (données relatives à l’alimentation en eau potable, données relatives à l’air). Par contre, les facteurs environnementaux viennent le plus souvent aggraver une situation socialement défavorisée. Pour certains indicateurs, la spécificité vaut pour certains secteurs géographiques : à titre d’exemple, la concentration de dioxyde de soufre (SO2) écartée pour l’ensemble régional, devient pertinent sur le périmètre de la zone de l’étang de Berre (fortement industrialisée), car seul « traceur » d’activités de combustion thermique industrielle.

Autre exemple, relevé en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la lecture des secteurs à impact environnemental élevé fait ressortir que sur ces «points noirs», se trouve implantées des populations où "la pauvreté infantile" est à son maximum (échelle de 1 à 5)".Toutefois, certains secteurs présentent des défaveurs sanitaires (taux élevé de personnes en arrêt maladie dits de longue durée, ALD pour affections de longue durée279), avec une présomption d’une exposition professionnelle prolongée à des produits à risques (activité chimique de synthèse de solvants sur le secteur).

Pour en revenir à l’échelle régionale, un gradient de défaveur environnementale est observable sur l’axe nord/sud et sur l’axe ouest/est sur le pourtour de l’arc méditerranéen. Les pressions environnementales s’exerceraient le plus significativement sur les grandes agglomérations du fait de la densité des populations présentes et des activités (industrielles, trafic routier). Mais il faut noter in fine que l’indicateur « qualité de l’air » dans la construction de l’indice environnemental exerce une forte influence par la taille des bases de données disponibles. Enfin, pour constituer une telle cartographie, les limites arrivent avec la diversité des sources, l’accès aux données disponibles, la qualité des données (en termes de précision, de constance de la typologie des données, de régularité de la collecte, de fréquence d’actualisation, de complétude).

En conclusion

Les outils de diagnostic des inégalités sociales en santé environnement présentés (diagnostics par « publics », diagnostics par « milieux ») montrent l’appropriation progressive de ces problématiques par les institutions publiques (services ministériels, services préfectoraux, services déconcentrés de l’état, collectivités locales). Depuis une quinzaine d’années (avec le décret concernant le volet sanitaire dans les études d’impact), une montée en expertise en santé environnement prend place à

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L'Affection Longue durée, définie par l'article L 324 du Code de la Sécurité Sociale, fait l’objet d’un constat par le médecin traitant qui remplit un protocole de soins définissant la pathologie qui peut être prise en charge.

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la fois dans les documents réglementaires (le volet sanitaire des études d’impact depuis 2000, l’interprétation de l’état des milieux pour les installations classées depuis 2011) et dans les approches volontaires. Une complémentarité se forme entre les évaluations des émissions de polluants, l’interprétation de l’état des milieux et des risques sanitaires comme le souligne le guide méthodologique de l’INERIS280. L’expertise scientifique et technique est en outre de plus en plus intégrative au sens de prise en compte non seulement des sources et facteurs de dangers (émissions, substances, agents chimiques et physiques, voire biologiques), de niveaux d’exposition des populations (voies de transfert), de nature des impacts et de caractérisation des risques, voire encore de vulnérabilité des populations exposées. Les outils cartographiques présentent aussi l’intérêt de circonscrire non seulement des zones et périmètres à l’origine des pollutions et des expositions, mais d’être conçus sur différentes échelles géographiques et niveaux (approches par systèmes d’information géographique) pour appréhender plus précisément les éléments contributifs à des risques sanitaires et environnementaux. Les limites de ces cartographies ont été relevées par les professionnels des administrations (DREAL, ARS) du fait de la taille des mailles pas toujours adaptées à la localisation précise de « points noirs » (sources de pollution) sur de petits périmètres. Par exemple, un ingénieur souligne qu’un seul point de prélèvement pour le diagnostic de pollution de sols sera étendu à l’ensemble de la maille géographique par extrapolation. Par ailleurs, les bases de données relatives aux micropolluants et à des valeurs de référence en termes de toxicologie se constituent progressivement de façon à mieux caractériser les relations entre facteurs de dangers et risques sanitaires. Ces différents outils de diagnostic renforcent donc l’expertise préalable à l’implantation d’activités à risques ou le changement d’affectation de sites et sols pollués pour prévenir des risques chroniques imputables à des aménagements de secteurs d’habitation par exemple.

Si la constitution de ces groupes d’expertise est désormais bien établie, mobilisant divers organismes et agences spécialisés (ANSES, INERIS, ARS, services ministériels), il est toutefois encore observable une faible ouverture sur les approches qualitatives, autrement dit intégrant les éléments de conditions de vie des populations présentes. La focalisation se porte sur la collecte de données dites quantitatives, résultant de campagnes de mesures (de polluants pour les milieux) et de comptages (nombre de cas recensés par les services médicaux).

Ensuite, seulement quelques initiatives très locales (en PACA) associent les représentants dits de la société civile à une expertise plurielle, ouverte sur des acteurs et parties-prenantes des territoires concernés. Le pluralisme de l’expertise est de type « professionnel », associant essentiellement les personnalités reconnues pour leur expertise sur un domaine de compétences scientifiques (toxicologie, épidémiologie, santé publique, écologie), sans nécessairement faire appel aux autres domaines d’expertise en sciences humaines et sociales (économie, droit de l’environnement, sociologie et anthropologie). Enfin, l’expertise est encore trop faiblement inter-sectorielle, ne serait-ce qu’au sein des agenserait-ces elles-mêmes (en ARS), un dossier de Plan Local d’Urbanisme sera visé seulement par le service de santé-environnement, alors que les thématiques relatives à la

280 Guide INERIS Evaluation de l’état des milieux et des risques sanitaires ; démarche intégrée pour la gestion des émissions de substances chimiques par les installations classées ; Impact des activités humaines sur les milieux et la santé ; INERIS, Paris, août 2013. En ligne sur : http://www.ineris.fr/centredoc/drc-guide-ers-2013-v4d-complet-lienscompact-1378197912.pdf (consulté le 24 juillet 2015).

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planification des soins, des services médico-sociaux de la promotion de la santé ou de la sécurité sanitaire mériteraient d’être visées par l’ensemble des directions. Cette absence de transversalité s’observe de surcroît dans les différents ministères, entre directions et services, et entre ministères, comme si le principe d’indépendance des codes (de l’environnement, de la santé, de l’urbanisme et de la construction) (annexe 4) et la répartition des compétences obligatoires sectorisent et guident les modalités d’intervention et d’organisation des services publics (annexe 3). L’approche en fonction des cadres de vie (équipements, lotissements, aménagements) présenterait l’avantage d’une approche gestionnaire des espaces publics, au plus près des conditions et situations des publics concernés.

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IV-4-3. Approche par le cadre de vie : des inégalités d’accès à l’urbanité