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Chapitre 2 Historique et contexte québécois

3. Bridge builders et leaders

Le troisième élément qui nous permet de déterminer si le processus de prise de décision est participatif et égalitaire concerne la présence de bridge builders et d’au moins un leader qui coordonne la Coalition. Dans la perspective de Tattersall, ce sont des personnes qui favorisent les échanges dans la mesure où ils connaissent la plupart des autres représentants et parce

qu’ils sont généralement appréciés de tous (Tattersall, 2010 : 27). Il s’agit donc davantage d’une perception que les autres personnes ont des bridge builders que de caractéristiques précises qui font d’elles des personnes clés de la Coalition. Ce sont des individus qui vont assurer le bon fonctionnement des rencontres en établissant des liens de confiance entre les représentants présents et en créant un climat propice aux discussions. Ils vont aussi créer des ponts avec d’autres représentants d’organisations qui pourraient se joindre à la Coalition ou qui peuvent y collaborer (Tattersall, 2010 : 95).

Suivant cette logique, certains représentants des centrales syndicales peuvent être considérés comme des bridge builders, puisqu’au tout début de la Coalition, le mandat d’aller chercher des alliés leur est confié. Ils doivent également faire des liens avec les organisations du reste du Canada puisqu’ils y possèdent déjà des contacts. La FTQ, entre autres, étant membre du Congrès du travail du Canada (CTC) est chargée de récolter des appuis auprès de ce syndicat pancanadien. Ainsi, comme les centrales syndicales détiennent un plus grand capital politique auprès d’autres organisations sympathiques à la cause, ce sont elles qui sollicitent des appuis. Plusieurs organisations qui sont approchées de la sorte, adhèrent à la Coalition, même s’ils n’en deviennent pas nécessairement des membres très actifs. En effet, la FQM (Fédération québécoise des municipalités), par exemple, qui constitue un allié peu ordinaire au sein des mouvements sociaux, est membre de la Coalition, mais aucun représentant ne se présente aux rencontres, ce qui apparaît comme une adhésion plus symbolique que participante : «Je pense qu’ils [sont] là pour appuyer la lutte, mais de là à investir des ressources, des énergies, de la mobilisation, tout ça, non peut-être pas. Là ce n’[est] pas dans leurs cordes.» (Entrevue 1).

Les représentants des centrales syndicales agissent comme bridge builders en allant chercher des appuis auprès d’autres organisations, mais cette fonction est aussi relative au rôle des individus dans les rencontres de la Coalition. À ce niveau, nous déterminons que les deux personnes agissant ainsi sont les représentants de la CSN et de la FTQ. Le premier parce qu’il est le coordonnateur de la Coalition et qu’il anime les rencontres ; le second étant donné qu’il prépare l’ordre du jour des rencontres, prévient son collègue de la nécessité d’en convoquer de nouvelles et coanime ces réunions. Jusqu’à maintenant, les rencontres se déroulent dans les bureaux de la CSN ou de la FTQ, parce que ces centrales possèdent les installations nécessaires et que ce sont leurs représentants qui prennent l’initiative d’organiser des réunions.

Comme coordonnateur de la Coalition, le représentant de la CSN s’occupe, entre autres, de convoquer les membres, de leur transmettre l’information avant et après la tenue des réunions et d’animer ces rencontres. Selon Tattersall (2010 : 95), la confiance et le dévouement des membres envers la coalition sont renforcés et maintenus par la présence d’un coordonnateur qui assure la gestion des rencontres et des affaires courantes de la Coalition. Selon nos données recueillies sur le terrain, le représentant de la CSN assure donc ce rôle de façon officielle et celui de la FTQ de façon officieuse, les deux pouvant ainsi être considérés comme des leaders importants de la Coalition.

Certes, la présence de bridge builders et de leaders est garante d’un plus grand dévouement des membres envers la coalition, mais l’ambiance des rencontres en est également fortement influencée. Ceux-ci facilitent les échanges et assurent un droit de parole à chaque membre présent en créant un climat respectueux et ouvert aux discussions. Nous développons d’ailleurs cet aspect en abordant le second élément d’analyse qui se rapporte au développement d’amitiés entre les membres de la Coalition. Ce premier indicateur de l’élément d’analyse structure et prise de décision apparaît difficilement pencher vers un mode de prise de décision égalitaire et participatif. Même si les rencontres de la Coalition sont effectivement ouvertes à tous les membres et que leurs commentaires peuvent être entendus et débattus, son fonctionnement à deux niveaux tend à contredire cette apparence d’égalité. Ainsi, la possibilité qu’ont tous les membres de participer aux rencontres et aux discussions s’accompagne d’un droit de véto de la part des centrales syndicales. Dès lors, nous ne pouvons considérer ce processus comme étant participatif et égalitaire, alors que cela serait idéal selon Tattersall (2010 : 95-97). Toutefois, cette façon de procéder ne semble pas nuire au fonctionnement de la Coalition dans la mesure où les groupes acceptent ce processus décisionnel, malgré quelques mécontentements. Pour Tattersall (2010 : 94), un processus égalitaire renforce la capacité d’influence de la Coalition auprès des instances qu’elle vise puisque celle-ci a une plus grande cohésion interne. Les dissensions internes, lorsque certaines organisations se sentent lésées, peuvent avoir un impact important sur sa crédibilité à l’externe. Dans le cas de la Coalition, ce fonctionnement à deux niveaux est accepté par les groupes membres et cela ne semble pas avoir de réelles conséquences négatives sur ses actions. Dans la prochaine section de ce chapitre, nous nous tournons vers le second indicateur de la structure de prise de décision, soit la construction d’un plan d’action conjoint.

Construction d’un plan d’action conjoint

Le second indicateur, qui nous permet de déterminer si la structure de la coalition et le processus de prise de décision sont égalitaires, concerne la construction d’un plan d’action conjoint. L’élaboration du plan d’action doit ainsi être faite de manière conjointe pour permettre à chaque membre de s’y reconnaître (Tattersall, 2010 : 95-97). Cette manière de fonctionner instaure un climat de cohésion car les membres doivent s’entendre avant la mise en application du plan d’action. Il s’agit d’un processus qui peut être long et laborieux, mais qui est nécessaire pour établir des bases solides à une coalition de mouvements sociaux.