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3.1 Positionnement géographique et bref historique de Montréal-Nord

3.1.2 Bref historique de Montréal-Nord

Si la date de la fondation de la ville de Montréal-Nord remonte officiellement à 1915, selon les découvertes archéologiques effectuées dans la vallée du Saint-Laurent, les terres qui en constituent aujourd’hui le territoire «ont pu accueillir des populations humaines depuis 8 000 ans avant l’ère chrétienne» (Ville de Montréal, 2005, p. 15). Toutefois, les traces les plus anciennes laissées par les êtres humains sur l’île de Montréal remontent à la période comprise entre 5 000 et 4 000 ans avant l’ère chrétienne. Comme l’ensemble canadien, ce territoire était alors occupé par des

peuples autochtones. C’est à partir des années 1703-1704 que les premiers colons se sont établis définitivement sur ce territoire, à la suite du traité de paix signé le 4 août 1701, entre les Français, leurs alliés amérindiens et les Iroquois (Lefebvre, 2000, p. 7). Les colons s’installèrent alors sur tout le chemin qui deviendra le Boulevard Gouin (Ville de Montréal, 2005).

Pendant deux siècles, le territoire est resté agricole. Il se constitue «en municipalité au milieu du XIXe siècle et prend alors le nom de la paroisse du Sault- au-Récollet» (Ville de Montréal, 2005, p. 21). En 1903, le gouvernement de la province de Québec promulgue la Loi des cités et villes, l’objectif de cette loi consistant «à freiner l’endettement des administrations municipales en posant des restrictions à leurs pouvoirs financiers. Son adoption fait de la municipalité du Sault- au-Récollet une ville moderne (Lefebvre, 2000, p. 7). Mais l’économie qui se développe dans le territoire est dépendante des ressources naturelles.

Pendant la période de l’entre-deux-guerres, le Canada à l’instar des pays occidentaux, est atteint par la crise des années 1930 qui remet en question les acquis des décennies précédentes (Linteau, 2000, p. 320). Cette crise a des répercussions sur les individus: «Des milliers de travailleurs perdent leur emploi et rejoignent des milliers de gens aptes au travail plongés dans la misère la plus complète» (Gravel, 2000, p. 37). Les conditions pénibles auxquelles fait face la population amènent les organismes de charité à s’organiser en vue de répondre aux besoins les plus pressants du chômeur et de sa famille.

La crise économique terminée, une nouvelle ère s’annonce dans l’histoire de Montréal-Nord. En effet, progressivement des usines et des centres commerciaux font leur apparition à Montréal-Nord (Gravel, 2000). En fait, les signes de l’industrialisation et de l’urbanisation étaient déjà repérables au début du XXe siècle, quant les Montréalais voulant s’éloigner de la ville, ainsi que les promoteurs

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immobiliers s’intéressèrent au nord de l’île (Lefebvre, 2000, p. 23). Le développement de l’automobile ainsi que l’augmentation de la population influenceront le secteur résidentiel, donneront à Montréal-Nord le caractère d’«une localité typique de la banlieue, avec l’implantation de nouvelles industries, le nombre sans cesse croissant de petits commerces et l’apparition de centres commerciaux» (Gravel, 2000, p. 48).

Les années 1950 et 1960 marquent un point culminant dans le développement de Montréal-Nord (Gravel, 2000). Des promoteurs transforment les terres jadis agricoles en unités résidentielles. La rapide augmentation démographique de la ville fait partie du déplacement généralisé de la population montréalaise vers la banlieue de Montréal (Gravel, 2000; Linteau, 2000). En effet, dans les années 1960 et 1970, plus précisément, Montréal réaménage le nouveau centre-ville, construit des autoroutes, le métro et de grands édifices, accueille l’Exposition universelle de 1967, construit l’Université du Québec à Montréal et organise les Jeux olympiques d’été de 1976 (Linteau, 2000). La construction de grands projets amène la ville à réaménager son territoire et à délocaliser une partie de la population pauvre des quartiers ouvriers en déclin. Profitant de ce déplacement, la ville de Montréal-Nord au cours de la période allant de 1950 à 1975 s’impose comme celle qui a connu la plus forte croissance démographique de tout Montréal, où sa population qui avait atteint 14 081 h. en 1951, s’établit à 97 250 h. en 1976 (Gravel, 2000).

En 1963, Yves Ryan devient maire de Montréal-Nord, un poste qu’il conservera jusqu’en 2001. Malgré l’urbanisation rapide, Montréal-Nord demeure rurale au point qu’en 1964, elle est considérée comme la ville de plus de 35 000 habitants la moins industrialisée du Québec. «Saint-Michel, située au nord de Montréal, possède 500 industries évaluées à 47 300 000 $» (Gravel, 2000, p. 54), comparativement à Montréal-Nord qui en compte seulement 187 d’une valeur totale

de 940 000 $. Le nouveau maire Ryan, voulant développer la ville, met en œuvre des mesures dans le but de favoriser l’installation d’entreprises à Montréal-Nord. C’est ainsi qu’elle a accueilli, entre autres, A. Pigeon et Fils et surtout Northern Electric. L’implantation de ces entreprises «apporte des retombées économiques qui stimulent l’activité industrielle et l’activité commerciale» (ibidem) et qui font augmenter le revenu de la ville.

Au cours des années 1980 et 1990 Montréal-Nord fait face aux conséquences d’une crise industrielle qui affecte l’ensemble de l’industrie manufacturière (Fontan, Klein et Tremblay, 2005). Plusieurs entreprises telles Northern Telecom et Aliments Flamingo y ferment leurs portes, mettant ainsi au chômage des centaines de travailleurs (Gravel, 2000). Les conjonctures économiques et sociodémographiques qui caractérisent l’arrondissement entraînent une diminution de sa population. Les jeunes familles quittent le territoire, alors que les personnes les plus âgées y restent. Selon Gravel, en 1996, la municipalité comptait 81 581 habitants, soit une diminution de 15 669 personnes en 20 ans. Durant les années 2000, le secteur industriel éprouve encore des difficultés. Les emplois «ont chuté de plus du quart dans la première moitié des années 2000, un recul causé par la crise de l’industrie du vêtement» (CLD Montréal-Nord, 2012, p. 15). L’augmentation de la population immigrante en provenance de pays économiquement pauvres, les tensions interethniques ainsi que les fermetures des usines peuvent en partie expliquer les raisons qui poussent les jeunes familles à quitter Montréal-Nord.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale l’immigration italienne s’était concentrée à Montréal-Nord, qui accueillait également une population en provenance d’Asie (Gravel, 2000). Au cours des années 1960 et 1970, profitant de la réforme de la loi sur l’immigration jadis réservée essentiellement aux populations d’origine européenne, les Haïtiens fuyant la dictature de François Duvalier ont commencé à

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s’établir aussi dans le territoire montréalais. Mais c’est en 1981 que la présence haïtienne est réellement recensée à Montréal-Nord. De 5,3 % des résidents en 1981, elle doublera pendant les 15 années suivantes. La relocalisation d’une partie de la population pauvre du centre-ville, la fermeture des entreprises et des usines, qui font augmenter le taux de chômage, le départ des jeunes vers d’autres espaces ainsi que la concentration des populations originaires des pays économiquement défavorisés, préfigurent dès lors les réalités socioéconomiques qui caractériseront Montréal-Nord durant les décennies 2000 et 2010.