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BREF HISTORIQUE DU MODÈLE MDH-PPH2

Dans le document T ABLE DES MATIERES : OUTILS THEORIQUES (Page 56-59)

4. OUTILS THÉORIQUES : QUELQUES ÉCLAIRAGES…

4.6 MDH-PPH2

4.6.1 BREF HISTORIQUE DU MODÈLE MDH-PPH2

Le MDH-PPH2, Modèle de développement humain - Processus de production du handicap est un modèle qui cherche à documenter, à expliquer aussi bien les causes que les conséquences des maladies, des traumatismes ou d’autres atteintes à l’intégrité ou au développement des personnes. J’en relate brièvement l’historique car cet éclairage est pertinent dans la situation albanaise et l’émergence du nouveau secteur du handicap (chapitre 2 et annexe 1).

Dès les années 1960-70, le courant de normalisation issu des travaux de Nirje puis de Wolfensberger, influence largement les politiques sociales. En Europe et en Amérique du Nord naît un mouvement de désinstitutionnalisation face aux conditions de vie des personnes présentant une déficience intellectuelle, souvent estimées carcérales. Nous pouvons lier ce constat à la violence évoquée dans les institutions roumaines ou albanaises, quelques années plus tard (chapitre 1, p.500). Sur la base de cette idéologie humaniste, en accord avec la théorie sociale du stigmate de Goffman (Nizet et Rigaux, 2005), on considère que les conditions de vie de ces personnes souvent exclues, sous-stimulées sur les plans sensoriels, cognitifs et affectifs, ne leur permettent pas de se développer et de vivre comme le font les autres citoyens. Dès lors, il faut leur offrir l’accès à un environnement proche de la norme et favoriser leur intégration sociale, dans la communauté.

Dans les années 1970, le champ du handicap se modifie, même s’il s’agit parfois de changements superficiels. Il y a un droit à la similitude, plutôt qu’un réel droit à la différence (Fougeyrollas, 2010). Deux déclarations adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU, marquent ces années : la « Déclaration des droits du déficient mental » (1971) et la

« Déclaration sur les droits des personnes handicapées » (1975). Les personnes handicapées sont reconnues comme possédant des droits sur le plan international. La question des services de santé et des services sociaux qui leur seront accessibles, est une problématique centrale de santé publique. L’OMS se penche sur la question, en proposant plusieurs classifications : la CIM-6 11 puis ses versions successives, la CIH12 et la CIDIH 13, rebaptisée CIF14 dès 2001 (Jamet, 2003). Pendant plusieurs années, le focus est porté sur l’individu et ses limitations fonctionnelles, même si les interventions de réadaptation cherchent à réduire, à compenser les incapacités et leurs conséquences, au niveau des désavantages sociaux et des difficultés d’intégration sociale. Le modèle biomédical ou médical domine le champ du handicap jusque dans les années 1980.

La CIH considère que le handicap est un désavantage dont est victime une personne. Il l’empêche d’accomplir un rôle social, du fait de sa déficience et de son incapacité. Il y a donc une ouverture à l’analyse des rôles sociaux, ce qui permet « de passer d’une vision du handicap considérée comme irréversible à une conception plus ouverte » (Jamet, 2003, p.165). Le but de la CIDIH est de mettre en évidence le phénomène de la chronicité, afin de mieux planifier les politiques de santé. On fait ici référence à la réadaptation comme compensation du handicap, et l’on s’intéresse à la réinsertion sociale des personnes concernées par les conséquences à long terme.

11 Classification internationale des maladies

12 Classification internationale du handicap

13 Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps

14 Classification internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé

Des collaborations s’établissent avec les associations de personnes handicapées, afin de discuter des modèles en vigueur.

Une concertation internationale permet peu à peu l’amélioration de la compréhension du processus de production du handicap.

Le Comité Québécois sur la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (OMS, 1980), cherche d’abord à promouvoir « la connaissance, l’application, la validation et surtout l’amélioration de la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH) par le biais de la recherche et du développement de liens avec les experts et organismes québécois, canadiens et internationaux » (RIPPH, 2016).

Parallèlement, en Amérique du Nord puis ailleurs, s’organisent des mouvements issus de professionnels et de fournisseurs de services, collaborant avec les familles. Ils n’incluent pas encore de personnes ayant elles-mêmes des incapacités. Progressivement, ces dernières créent leurs propres associations : par elles-mêmes et pour elles-mêmes, elles

« se donnent une représentativité décisionnelle dans leurs associations de défense de leurs droits » (Fougeyrollas, 2010, p.45). Ces changements de vocabulaire sont essentiels et révèlent des modifications de paradigme dans la prise de pouvoir et de contrôle de leur vie.

Les individus prennent conscience de l’oppression à laquelle ils sont soumis. Ils perçoivent le rôle de l’environnement social et physique. Fougeyrollas (2010) dénonce différents types d’exclusion observée à l’égard des personnes handicapées, dans plusieurs pays : accès limité à l’éducation, à la parentalité, à la propriété ; limitations des droits politiques ; abus, violence, conditions de vie misérables au sein d’institutions. Un élan militantiste influence l’élaboration de lois et leur mise en application, le développement de services et de dispositifs de qualité. Les bases d’un modèle social du handicap sont posées. Plusieurs organismes de défense des droits se développent dans les différentes régions du monde, dénonçant des violations des droits humains. Ils constatent fréquemment que celles-ci ont lieu, dans une sorte d’indifférence générale. Elles sont souvent traitées comme des problèmes de développement social et non comme des violations des droits humains, sur la base des conventions adoptées par l’ONU.

Le rôle des disability studies est prépondérant dans l’analyse des phénomènes entourant la question du handicap. Ces recherches présentent une originalité, puisqu’elles sont interdisciplinaires et conjuguent à la fois, place accordée aux scientifiques et aux usagers, et prise en compte du mouvement des personnes handicapées (Albrecht et coll., 2001).

Plusieurs changements peuvent être réalisés sur la base d’une écoute des personnes en situation de handicap, ce qui modifie en profondeur les concepts et les modèles théoriques.

Les disability studies contribuent à passer d’un modèle médical du handicap, à un modèle social du handicap, s’intéressant davantage aux rôles des facteurs environnementaux sur le fonctionnement des personnes. Elles s’opposent aux sciences de la réadaptation (rehabilitation sciences), qui se basent avant tout sur les notions de déficience et d’incapacité, à savoir des facteurs individuels relevant de la santé. Les disability studies se focalisent sur les barrières sociales. La déficience n’est considérée que comme une composante du handicap. Il y a donc changement de paradigme : « Ce n'est plus à l'individu à s'adapter à l'environnement social, mais à celui-ci à s'adapter aux individus. » (Albrecht et coll., 2001, p.46). Ces études donnent la parole aux personnes handicapées.

En 1998, le modèle du PPH est développé, suivi en 2001 par la CIF. Sur le plan théorique, ces modèles marquent une rupture avec les précédents. Au modèle biomédical correspondait un regard centripète, ne s’attachant qu’aux dysfonctionnements internes à la personne.

Cette prise en compte des attentes, des désirs et des choix des personnes "handicapées" …. est apparentée au développement des notions d’appropriation du pouvoir, de contrôle de la gestion de sa vie et d’autodétermination qui sont au cœur des transformations des pratiques professionnelles et institutionnelles contemporaines dans le champ du handicap (Fougeyrollas, 2010, p. 46).

Le modèle social se veut une approche centrifuge, recherchant les obstacles environnementaux entravant le fonctionnement de l’individu. Or PPH et CIF visent à intégrer ces deux modèles y ajoutant encore une dimension psychologique (Jamet, 2003). Selon Fougeyrollas (2005) plusieurs convergences existent entre la CIF et le PPH. Nous retiendrons « une conception universelle s’appliquant à tout être humain », « des modèles systémiques multidimensionnels », « des modèles visant à décrire et expliquer le phénomène du handicap », « des dimensions conceptuelles formulées de façon positive »,

« une présentation en classifications hiérarchiques, avec une définition des catégories », « la prise en compte de facteurs personnels et environnementaux » et « des échelles de cotation pour chaque domaine conceptuel ». Toutefois, des différences fondamentales séparent les modèles du PPH et de la CIF.

4.6.1.1 La CIF ET LE PPH

La CIF s’inscrit dans le monde de la santé.

Elle est considérée comme un label international, validée par l’OMS. Elle bénéficie d’une image de scientificité au niveau international. Elle est basée sur une vision fonctionnaliste de l’individu et de sa conformité à une norme vers laquelle il tend, pour participer.

Le PPH s’intéresse à la construction culturelle de l’être humain cherchant à réaliser des habitudes de vie propres à ses groupes d’appartenance et à son contexte de vie.

Ce modèle tient compte des dynamiques historiques et temporelles. Il conçoit le changement social en visant l’égalisation des chances et la citoyenneté des personnes ayant des incapacités fonctionnelles. Il classe les composantes du processus de développement humain, selon une approche anthropologique. Il inclut un domaine qui n’est pas présent dans la CIF : celui des facteurs de risques, intégrés (dans la deuxième version du modèle) à l’intérieur des domaines conceptuels, constitués par les facteurs personnels, les facteurs environnementaux et les habitudes de vie. Ceux-ci sont susceptibles d’engendrer des difficultés de développement (par exemple, un manque de stimulation sociale entraînant un retard de développement psychomoteur ou sensoriel…). Le PPH incite à considérer que certaines personnes sont en situation de handicap alors que la CIF constate plutôt qu’elles sont restreintes dans leurs activités (Fougeyrollas, 2005). Fougeyrollas considère que la vision proposée par l’OMS, institution dominée par la discipline médicale, fait problème : la perspective écosystémique du développement humain n’est pas suffisamment considérée.

La notion de participation sociale devient une forme de lutte, de piste d’action à l’encontre des phénomènes d’exclusion, s’exprimant notamment à travers des problèmes de pauvreté, d’isolement ou de handicap. Damon considère que la notion d’exclusion a un effet mobilisateur d’action publique, veillant à l’insertion et à l’accès aux droits. L’auteur préfère aux termes d’exclus ou d’inclus, les concepts de « personnes "vulnérables" ou

"précaires", menacées par l’instabilité de leurs revenus et de leur environnement social » (2007, p.84). La désignation de groupes en catégories présente le risque d’une stigmatisation. Mais les acteurs sont de moins en moins considérés comme des personnes assistées : ils deviennent des citoyens, partenaires dotés des mêmes droits que tout individu.

« L’expression "accès aux droits", pierre angulaire de la lutte contre l’exclusion, renvoie à l’idée que toute personne est titulaire de droits, que ces droits doivent être effectifs et qu’ils sont susceptibles d’être revendiqués » (Damon, 2007, p.88).

[La CIF] classe les états de la santé (soit les structures et les fonctions organiques, les activités et la participation) et les états connexes de la santé (soit les problèmes de santé et les facteurs contextuels qui se subdivisent en facteurs personnels et en facteurs environnementaux), selon une approche biopsychosociale (Fougeyrollas, 2005).

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