• Aucun résultat trouvé

Le déclin de l’économie américaine ?

I. BONJOUR STAGFLATION

Le terme inventé pour caractériser la situation économique des États-Unis dans les années 1970 est celui de « stagflation ». Il s’agit de la présence simultanée d’un taux de croissance faible et d’un taux d’inflation élevé, accompagnés en l’occurrence d’une hausse du taux de chômage et du déficit public. Ensemble, ces tendances géné-raient un sentiment de déclin contre lequel Reagan entendait lutter : « Nous ne sommes pas, comme certains nous le feraient croire, condamnés à un déclin inévi-table. […] [J]e n’ai pas prêté le serment que je viens de prêter avec l’intention de présider à la dissolution de l’économie la plus puissante du monde2. » À en croire Reagan c’était donc l’existence même de l’économie américaine qui était en jeu ; sans action immédiate, d’importants soulèvements seraient à craindre. Mais n’était-ce pas dramatiser la crise ? Si oui, une exagération des enjeux pouvait exagérer la nécessité de la réponse politique que Reagan proposait. Notre première tâche est donc d’analyser les données pour avoir une idée plus précise des grandes tendances macroéconomiques de l’époque et pour mesurer l’ampleur de la crise.

1. R. Reagan, « Inaugural Address – January 20, 1981 », infra, Annexe II, p. 579 2. Ibid., p. 578.

Le déclin de l’économie américaine ? 87 1.LA BAISSE DU TAUX DE CROISSANCE

En ce qui concerne la croissance du PIB, lorsque Carter et Reagan se disputaient la présidence, l’économie américaine venait d’entrer dans sa sixième récession de-puis la Grande Dépression. Après une période de croissance spectaculaire pendant la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis connurent une assez sévère récession en 1946-1947, suivie de trois mini-récessions cycliques en 1949, 1954 et 1958, avec des pics de croissance de 6,9 % à 8,7 % entre temps (voir Figure 2.1). Les années 1960 furent une décennie de croissance continue, dont le taux annuel moyen fluctua entre 2,6 % et 6,6 %, jusqu’à la récession de 1969-1970. Bien que les années 1970 aient connu des pics de croissance compris entre 5 % et 6 %, la récession de 1974-1975 fut la plus longue depuis l’après-guerre. Puis, au deuxième trimestre de 1980, donc en pleine campagne présidentielle, la croissance recula de 7,9 %, soit la baisse trimes-trielle la plus grave depuis 1958, et la récession persista jusqu’au troisième trimestre.

La croissance rebondit de 7,6 % au quatrième trimestre de 1980, si bien que le recul fut limité à -0,2 % pour l’année. Néanmoins, avec un taux de croissance décennal moyen qui passa progressivement de 6 % dans les années 1940 à 3,2 % dans les an-nées 1970 (voir Figure 2.2), il est vrai que l’on assistait à une baisse du taux de crois-sance répartie sur plusieurs décennies.

Toutefois, le ralentissement du taux de croissance mérite d’être mis en relation avec l’augmentation de la valeur du PIB. Entre 1930 et 1980, celui-ci fut multiplié par six, pour une population qui avait seulement doublé, si bien que le PIB par tête avait triplé (voir Figure 2.3). Autrement dit, jamais l’économie américaine n’avait produit autant de richesses par an et par tête. D’où vient ce décalage entre la baisse du taux de croissance et la hausse de la valeur produite ? Il vient du simple fait ma-thématique que, à mesure qu’augmente la valeur des richesses produites dans une période donnée, il faut produire une quantité toujours plus grande de valeur pour maintenir le même taux de croissance. Il en résulte qu’une diminution du taux de croissance par rapport à la période précédente peut néanmoins s’accompagner d’une augmentation nette de la valeur produite.

C’est exactement ce qui s’est produit entre 1930 et 1980. Comparons, par exemple, les années 1942 et 1978, en dollars constants de 2009. En 1942, le PIB réel passa de 1 489 milliards de dollars à 1 770 milliards de dollars, soit une augmenta-tion de 281 milliards de dollars et un taux de croissance de 18,9 %.

Figure 2.1 : Taux de croissance et valeur absolue du PIB américain, en milliards de dollars cons-tants de 2009, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Bureau of Economic Analysis, « Table 1.1.1 : Percent Change from Preceding Period in Real Gross Domestic Product » et « Table 1.1.6 : Real Gross Domestic Product, Chai-ned Dollars (2009) », National Data, http://www.bea.gov/iTable/index_nipa.cfm (consulté le 21 sept. 2015).

Figure 2.2 : Taux de croissance décennaux moyens, 1930-1979

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Bureau of Economic Analysis, « Table 1.1.1 : Percent Change from Preceding Period in Real Gross Domestic Product», op. cit.

Figure 2.3 : PIB par tête, en dollars constants de 2009, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Bureau of Economic Analysis, « Table 1.1.6 Real Gross Domestic Product, Chained Dollars (2009) », op. cit. ; et US Census Bureau, « Historical National Population Estimates, 1990 to 1999 », http://www.census.gov/popest/data/historical/pre-1980/index.html (consulté le 21 sept. 2015).

 $‐  

Le déclin de l’économie américaine ? 89 En 1978, en revanche, quand le PIB réel était beaucoup plus élevé, il passa de 5 931 milliards de dollars à 6 260 milliards de dollars, soit une augmentation de 329 mil-liards de dollars et un taux de croissance de 5,6 %. Bien que le taux de croissance de 1978 soit nettement moins élevé que celui de 1942, la croissance de la valeur du PIB réel fut de 48 milliards de dollars plus élevée en 1978 qu’en 1942. D’ailleurs, alors que le PIB réel augmenta de 742 milliards de dollars entre 1940 et 1949 avec un taux de croissance décennal moyen de 6 %, il augmenta de 1 741 milliards de dollars entre 1970 et 1979 avec un taux de croissance décennal moyen de 3,2 % — soit une croissance de 1 000 milliards de dollars de plus pour un taux deux fois moins élevé.

Ainsi, le taux de croissance du PIB américain à cette époque suivait ce que Marx avait théorisé par rapport à la baisse tendancielle du taux de profit : le taux de crois-sance tend à chuter alors même que la valeur du PIB s’accroît1.

La stagnation économique des années 1970 doit donc être relativisée. La baisse du taux de croissance s’accompagna d’une augmentation progressive de la quantité ab-solue de valeur produite par an — sauf, bien sûr, pendant les périodes de récession, qui furent plus dures dans les années 1970 que lors des décennies précédentes. Par rapport à la Grande Dépression, en revanche, les récessions des années 1970 furent nettement moins sévères. Certes, on pouvait les interpréter de manière pessimiste et croire au déclin de l’économie américaine ; parler en termes de dissolution poten-tielle, en revanche, était plutôt une exagération.

2.LA HAUSSE DU CHÔMAGE ET DE LINFLATION

La baisse du taux de croissance était plus inquiétante du fait de ses effets sur le chômage, qui dépend non pas de la valeur du PIB, mais plutôt du taux de croissance.

Le chômage avait chuté de manière spectaculaire au moment de l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale (voir Figure 2.4). Malgré une légère augmen-tation entre 1944 et 1946, il n’approcha jamais des niveaux de la Grande Dépression pendant les trois décennies d’après-guerre. Néanmoins, le taux de chômage moyen des années 1970 était le plus élevé depuis la fin de la guerre (voir Figure 2.5). Même si l’économie américaine avait produit énormément de croissance et d’emplois de-puis les années 1940, le spectre de la Grande Dépression était encore là. C’est ainsi

1. Voir K. Marx, Le Capital, l. III, t. 1, chapitre XIII : « Loi de la baisse tendancielle du taux de profit », Paris, Éditions Sociales, 1969, p. 225-244.

Figure 2.4 : Taux de chômage de la population active, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : National Bureau of Economic Research, « The Annual Estimates of Unemployment in the United States, 1900-1954 », in The Measurement and Behavior of Unemployment, Was-hington (D.C.), NBER, 1957, p. 215 ; et US Bureau of Labor Statistics, « Employment Status of the Civilian Noninstitutional Population, 1940 to date », Labor Force Statistics from the Current Population Survey, http://www.bls.gov/cps/tables.htm (consulté le 25 sept. 2015).

Figure 2.5 : Taux de chômage décennaux moyens, 1930-1980.

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : National Bureau of Economic Research, « The Annual Estimates of Unemployment in the United States, 1900-1954 », op. cit. ; et US Bureau of Labor Statistics, « Employment Status of the Civilian Noninstitutional Population, 1940 to date », op. cit.

que les récessions et la hausse relative du chômage dans les années 1970 pouvaient générer un conservatisme très particulier : d’une part, ce que l’on voulait conserver stricto sensu, c’était la prospérité d’après-guerre ; d’autre part, le mouvement con-servateur voulait convaincre le peuple américain que, pour conserver cette prospérité, il fallait en finir avec les politiques interventionnistes qui avaient été à l’œuvre lors de la création de celle-ci. Une source de prospérité qui devient une source de déclin ? Voilà peut-être un premier aperçu du mouvement dialectique que nous essayons de saisir.

Mais les récessions et le chômage n’étaient pas les seules forces qui risquaient de menacer les progrès que l’économie américaine avait réalisés depuis la Grande

0% 

5% 

10% 

15% 

20% 

25% 

30% 

1930  1940  1950  1960  1970  1980 

18,26% 

5,17%  4,51%  4,78%  6,21% 

0% 

5% 

10% 

15% 

20% 

1930‐1939  1940‐1949  1950‐1959  1960‐1969  1970‐1979 

Le déclin de l’économie américaine ? 91

Figure 2.6 : La hausse des prix à la consommation, 1914-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : US Bureau of Labor Statistics, « Consumer Price Index for All Urban Consumers, Annual, Percent Change from Year Ago, 1913-2014 », Consumer Price Index,

http://www.bls.gov/cpi/#tables (consulté le 25 sept. 2015).

Dépression : il y avait aussi l’inflation. Reagan évoque la sévérité de celle-ci, et il est vrai qu’il faut remonter aux deux guerres mondiales, à la Guerre de Corée et aux années qui suivirent ces guerres pour retrouver des taux d’inflation aussi élevés (voir Figure 2.6). En 1980, alors que le pays n’était pas en guerre, le taux d’inflation attei-gnit 13,5 %, soit la hausse des prix à la consommation la plus importante depuis 1947 (14,4 %).

Pourtant, dans les années 1950, l’évolution des prix était devenue beaucoup plus stable par rapport aux décennies précédentes. Avec un taux d’inflation moyen près de 1,5 % entre 1952 et 1965, ces années-là furent la période de stabilité des prix la plus longue du siècle. Ce n’est qu’à partir de 1966 que l’inflation commença à in-quiéter. Un premier pic en 1970 (5,8 %), un deuxième en 1974 (11,1 %) et un troi-sième en 1980 (13,5 %) donnaient l’impression que le problème ne faisait qu’empirer, sans qu’aucune solution ne s’avérât efficace. Il était d’autant plus urgent d’y trouver une solution que le taux d’inflation variait systématiquement en raison inverse du taux de croissance dans les années 1970 (voir Figure 2.7). Il semblait en effet que la croissance forte et la réduction du chômage dans les années 1960 eussent débouché sur une hausse de l’inflation, et que l’on ne pût baisser l’inflation sans en-diguer la croissance et faire monter le chômage1.

1. L’impact de l’inflation sur le taux d’éparge est présenté ci-dessous, p. 124.

‐15% 

‐10% 

‐5% 

0% 

5% 

10% 

15% 

20% 

1915  1920  1925  1930  1935  1940  1945  1950  1955  1960  1965  1970  1975  1980 

Figure 2.7 : Le rapport entre le taux d’inflation et le taux de croissance, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Bureau of Economic Analysis, « Table 1.1.1 : Percent Change from Preceding Period in Real Gross Domestic Product», op. cit. ; et US Bureau of Labor Statistics, « Consumer Price Index for All Urban Consumers, 1913-2014 », op. cit.

Face à ces difficultés, un débat s’ouvrit entre les économistes sur les causes de l’inflation et sur le rôle qu’y aurait pu jouer la politique fiscale et monétaire. Le mo-dèle keynésien, dont les économistes du Council of Economic Advisers comme Gardner Ackly ou Arthur M. Okum1 s’étaient inspirés dans les années 1960, fut remis en question2. Milton Friedman était parmi ceux qui critiquaient les écono-mistes keynésiens qui auraient, selon lui, exagéré l’importance de la politique fiscale et minimisé celle de la politique monétaire3. La hausse du taux d’inflation avait donc affaibli le keynésianisme — que certains tenaient pour responsable des maux éco-nomiques de l’époque —, et favorisé la recherche de théories écoéco-nomiques alterna-tives, comme celles promues par les économistes néoclassiques. Nous reviendrons à ces théories aux chapitres suivants, mais notons que s’il pouvait être démontré que les politiques interventionnistes de l’État fédéral étaient responsables de l’inflation, cela pouvait faire pencher la balance en faveur de politiques libérales.

1. Voir Gardner Ackly, Macroeconomic Theory, New York, Macmillian, 1961 ; et Arthur M.

Okum, The Political Economy of Prosperity, Washington DC, Brookings Institution Press, 1970. Les deux hommes siégèrent au Council of Economic Advisors dans les années 1960 sous John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson. D’ailleurs, Macroeconomic Theory était un des manuels les plus diffusés dans les départements d’économie des universités américaines à l’époque.

2. Voir Allan H. Meltzer, « Origins of the Great Inflation », Federal Reserve Bank of St. Louis Re-view, March/April, Part 2, 2005, p. 148 ; et Christina D. Romer et David H. Romer, « The Evolution of Economic Understanding and Postwar Stabilization Policy », in Rethinking Stabilization Policy, Kansas City, Federal Reserve Bank of Kansas City, 2002, p. 11-78.

3. Milton Friedman, « The Role of Monetary Policy », American Economic Review, mars 1968, 58(1), p. 1-17.

‐15% 

‐10% 

‐5% 

0% 

5% 

10% 

15% 

20% 

25% 

1930  1940  1950  1960  1970  1980 

Taux d'inGlation  Taux de croissance 

Le déclin de l’économie américaine ? 93 3.LE CREUSEMENT DU DÉFICIT FÉDÉRAL

Outre l’inflation, les impôts pouvaient aussi potentiellement contribuer à la baisse du taux de croissance. Lorsque Reagan dénonçait le déficit fédéral, au fond il criti-quait les dépenses qui auraient nécessité une hausse des impôts pour ramener le bud-get à l’équilibre. Or, non seulement une hausse des impôts pouvait diminuer davan-tage les fonds disponibles pour la consommation et l’investissement — deux facteurs essentiels à la croissance —, mais selon Reagan ne nombreuses dépenses outrepas-saient le rôle « légitime » de l’État fédéral. Sa solution pour relancer la croissance était donc d’inverser l’accroissement du budget fédéral, en baissant à la fois les im-pôts et les dépenses. C’est ainsi que Reagan présentait la situation, mais quelle était la véritable évolution du budget fédéral entre 1930 et 1980 ?

À regarder l’évolution des recettes et des dépenses en termes monétaires, il est vrai qu’elles s’accrurent de manière exponentielle, surtout à partir des années 1960 avec les dépenses liées à la guerre du Vietnam et aux nouveaux programmes sociaux mis en place pendant la présidence Johnson (voir Figure 2.8). Il est vrai aussi que les déficits devinrent beaucoup plus importants dans les années 1970. Parallèlement, si le montant de la dette fédérale demeura stable entre 1945 et 1965, il tripla entre 1965 et 1980. Ces données semblent donc justifier les cris d’alarme de Reagan.

Figure 2.8 : Recettes, dépenses, excédents, déficits et dette de l’État fédéral, en dollars courants, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Office of Management and Budget, « Table 1.1 – Summary of Receipts, Outlays, and Surpluses or Deficits (-), Millions of Dollars, 1789-2020 », White House, Historical Tables, https://www.whitehouse.gov/omb/budget/Historicals (consulté le 21 sept. 2015) ; et Office of Management and Budget, « Table 7.1 – Federal Debt at the End of the Year, 1940-2018 », White House, Historical Tables, op. cit.

‐$200 000    $‐  

 $200 000    $400 000    $600 000    $800 000    $1 000 000  

1930  1940  1950  1960  1970  1980 

Millionddollarcourants 

Recettes  Dépenses  Excédent/défécit  Dette fédérale 

En revanche, si nous regardons l’évolution de ces mêmes données en termes de pourcentage du PIB, elle semble beaucoup moins alarmante (voir Figure 2.9 et Ta-bleau 2.1). Le moment de basculement fut la mobilisation pour la Seconde Guerre mondiale en 1942 : les recettes passèrent alors de 7 % à 21 % du PIB, les dépenses de 10 % à 44 %, les déficits de 3 % à 30 % et la dette de 50 % à 121 %. Les dépenses rechutèrent après la guerre, mais au lieu de revenir à leur niveau d’avant guerre, elles se stabilisèrent avec les recettes à près de 17 %. Le poids du budget fédéral en termes de pourcentage du PIB était donc effectivement plus important après-guerre qu’avant-guerre. Néanmoins, ce qui frappe est que ce poids évolua assez peu entre 1950 et 1980. Cela signifie que le budget fédéral progressait à peu près au même rythme que le PIB. Certes, les dépenses augmentaient un peu plus rapidement que les recettes, ce qui creusa le déficit, particulièrement dans les années 1970 ; mais nous sommes très loin d’une hausse exponentielle ou d’une crise budgétaire. Quant au poids de la dette en pourcentage du PIB, il ne fit que diminuer au sortir de la guerre, passant de 121,7 % à 33,4 %. Ainsi, l’idée véhiculée par Reagan selon laquelle le budget fédéral et la dette prenaient un poids de plus en plus important dans l’économie depuis des décennies n’était vraie qu’à certains égards et mériterait d’être fortement nuancée.

Figure 2.9 : Recettes, dépenses, excédents, déficits et dette de l’État fédéral, en pourcentage du PIB, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Office of Management and Budget, « Table 1.2 – Summary of Receipts, Outlays, and Surpluses or Deficits (-), As Percentage of GDP, 1930-2018 », White House, Historical Tables, op. cit. ; et Office of Management and Budget, « Table 7.1 – Federal Debt at the End of the Year, 1940-2018 », White House, Historical Tables, op. cit.

‐40,0% 

‐20,0% 

0,0% 

20,0% 

40,0% 

60,0% 

80,0% 

100,0% 

120,0% 

140,0% 

1930  1940  1950  1960  1970  1980 

Pourcentage du PIB 

Recettes  Dépenses  Excédent/déGicit  Dette 

Le déclin de l’économie américaine ? 95

Tableau 2.1 : Le budget fédéral en pourcentage du PIB, moyennes décennales, 1930-1980

1930-1939 1940-1949 1950-1951 1960-1969 1970-1979

Recettes Source : Tableau établi par l’auteur à partir de : Office of Management and Budget, « Table 1.2 – Summary of Receipts, Outlays, and Surpluses or Deficits (-), As Percentage of GDP, 1930-2018 », op. cit.

L’idée selon laquelle le déficit fédéral nuisait à la croissance était encore plus con-testable. Le déficit et la croissance semblaient même aller de pair au cours de cette période (voir Figure 2.10). Certes, nous ne pouvons pas affirmer non plus qu’une hausse du déficit fut à chaque fois la cause d’une hausse de la croissance, ni la réduc-tion du déficit la cause des récessions. Théoriquement, une récession peut creuser le déficit si elle fait chuter les recettes fiscales sans que les dépenses baissent dans la même proportion. De même, une hausse de la croissance peut réduire le déficit, voire générer un excédent, si elle augmente les recettes fiscales au-delà des dépenses. In-versement, un déficit peut stimuler l’économie dans la mesure où l’État y injecte plus de liquidités qu’il n’en retire, tandis qu’un excédent peut avoir l’effet inverse. À ob-server les tendances dans les années 1970, nous voyons qu’une réduction du déficit avait précédé les récessions de 1969-1970, de 1974-1975 et de 1980, alors qu’une augmentation du déficit avait précédé les relances de 1970-1973 et de 1976-1979.

Figure 2.10 : Rapport entre le taux de croissance et le déficit fédéral, 1930-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Bureau of Economic Analysis, « Table 1.1.1 : Percent Change from Preceding Period in Real Gross Domestic Product », op. cit. ; et Office of Management and Budget, « Table 1.2 – Summary of Receipts, Outlays, and Surpluses or Deficits (-), As Percentage of GDP, 1930-2018 », op. cit.

‐35,0% 

Ainsi, quelles que soient les relations causales entre ces phénomènes, on ne pouvait pas prétendre sans ambiguïté que l’objectif de Reagan de réduire le déficit en pleine récession était la meilleure voie à suivre pour relancer la croissance. On pouvait tout aussi bien soutenir la thèse inverse à partir des mêmes données. Tout le débat était là1.

4.LES DÉFIS DE LÉCONOMIE INTERNATIONALE

Si les liens entre la croissance, le chômage, l’inflation et le déficit fédéral étaient complexes, la situation de l’économie américaine était par ailleurs largement déter-minée par la place des États-Unis dans l’économie mondiale.

En 1946, les États-Unis étaient de très loin la première économie mondiale, avec un PIB plus élevé que ceux des cinq puissances économiques suivantes confondues

— l’URSS, le Japon, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, c’est-à-dire des pays où la guerre avait eu lieu sur leur sol (voir Figure 2.11). En 1980, le PIB améri-cain était toujours nettement plus élevé que ceux des autres puissances, mais il avait progressé plus lentement pendant la période de trente-cinq années antérieures ; en

Figure 2.11 : La domination américaine d’après-guerre : croissance du PIB des six première économies mondiales (dollars internationaux Geary-Khamis de 19902), 1946-1980

Source : Figure établie par l’auteur à partir de : Angus Maddison, L’économie mondiale : Statistiques historiques, OCDE, 2003, p. 54-57, 91-92, 105-106 et 182-184.

1. Nous reviendrons sur le débat entre les économistes keynésiens et les économistes néoclas-siques au chapitre 5, section II.3, infra.

2. Pour permettre de comparer les statistiques entre pays, l’OCDE donne les chiffres en dollars in-ternationaux constants de 1990. Les chiffres du Bureau of Economic Analysis (BEA) dans les figures

2. Pour permettre de comparer les statistiques entre pays, l’OCDE donne les chiffres en dollars in-ternationaux constants de 1990. Les chiffres du Bureau of Economic Analysis (BEA) dans les figures