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nord-orientale

1.2. Les Biotites

1-2.1. Aspects pétrographiques des biotites analysées

La biotite est une phase commune des granitoïdes de Bougaroun et des Béni Toufout ainsi que des microgranodiorites de la Kabylie de Collo et du Cap de Fer. Elle apparait également dans certaines diorites de la région de Chétaïbi. La taille des biotites observées varie considérablement de quelques centièmes de millimètres à quelques millimètres (fig. 52 b). Elle se présente soit sous forme de grandes paillettes subautomorphes de taille millimétrique (2 à 3 mm) regroupées en amas, ou isolées, interstitielles, ou sous forme de petits cristaux automorphes omniprésents dans la matrice des microgranodiorites (fig. 52 a) ou en inclusions dans les feldspaths ou le quartz dans les granitoïdes. Ces variations d’habitus et de taille observées au sein d’un même échantillon montrent que la biotite s’est formée à différents stades de la cristallisation des magmas. Notons également que la biotite est généralement accompagnée d’inclusions de zircon et/ou d’apatite.

Fig. 52 : Vues microscopiques montrant les différents habitus des biotites analysées à la microsonde

électronique. a : en lumière polarisée analysée de la microgranodiorite de Chétaïbi (échantillon CHT 18), b : lumière naturelle de la granodiorite de Bougaroun (échantillon VPK84).

1-2.2. Composition chimique

Soixante et une analyses de biotites ont été obtenues sur 6 échantillons de granites et un échantillon de granodiorite provenant des massifs de Bougaroun et des Béni Toufout d’une part, et 2 échantillons de microgranodiorites, un échantillon de diorite et une enclave microgrenue sombre récoltés dans les massifs de Chétaïbi et du Cap de Fer, d’autre part. L’ensemble des résultats est compilé à la fin de ce mémoire en annexe 1. Je rappelle que

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parmi les échantillons sélectionnés et analysés dans le cadre de cette thèse figurent ceux provenant des collections de J. Fougnot (1990) (éch. VPK), de J-P. Bouillin (1977) (éch. AK749) et ceux issus de la mission de terrain de R. Maury et al. (1991) et dont les données sont inédites (éch. CL).

Le choix de ces échantillons a été motivé par le fait qu’ils soient tous datés par la méthode K-Ar sur roche totale et ou/ biotites et feldspaths séparés d’où l’intérêt de caractériser la chimie des biotites. Pour cela, nous avons particulièrement vérifié l’éventuelle variation du potassium dans les biotites au sein d’un même échantillon voire dans un même cristal.

Les formules structurales sont calculées sur la base de 22 oxygènes en considérant tout le fer comme ferreux. Les totaux des analyses des biotites sont compris entre 93 et 96.8% (annexe 1), et l'écart par rapport à 100% est attribué aux anions OH et F non analysés à la microsonde, ainsi qu'à l’éventuelle altération des cristaux.

D’après Rieder et al. (1999) les micas ont pour formule générale : I M2-3 1–0 T4 O10 A2, où le site I est principalement occupé par K, et en petite quantité Na et Ca. Ce site peut contenir également Cs, NH4, Rb, Ba ;

Le site M (octaédrique) contient des métaux de transition di- et trivalents Li, Fe, Mg, Al (en excès après remplissage du site tétraédrique), Ti, Mn, Zn, Cr, et V ;

□ représente un site vacant ;

Le site T (tétraédrique) est théoriquement saturé : le silicium Si est généralement complété par l’aluminium (AlIV) et éventuellement par Fe (trivalent), Be et B ;

Le site A est généralement occupé par le groupement OH qui peut être substitué par F ou Cl ou encore par des anions O par une substitution couplée de type oxy-micas : R2+ + OH- = R3+ + O-.

a. Typologie

Les compostions de la biotite ont longtemps été utilisées dans la détermination de la nature du magma (Nachit et al., 1985;Abdel-Rahman, 1994; Shabani et Lalonde, 2003).

La composition chimique des minéraux des granitoïdes peut servir d’outil pour préciser la nature des magmas parents et les conditions de leur cristallisation. En effet, le diagramme de typologie magmatique des granitoïdes de Nachit et al. (1985), basé sur la composition chimique des biotites, offre une bonne discrimination des séries magmatiques auxquelles appartiennent les granitoïdes de la Kabylie de Collo ainsi que les microgranodiorites de Chétaïbi-Cap de Fer (fig. 53). Les biotites des intrusions étudiées se situent essentiellement

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dans les champs calco-alcalin à subalcalin pour le granite des Béni Toufout (éch. AK749). La composition des biotites des microgranodiorites de Chétaïbi-Cap de Fer suggèrent leur cristallisation à partir d’un magma calco-alcalin.

Le regroupement des biotites montre également la spécificité de chaque massif échantillonné. En effet, chaque échantillon se caractérise par un chimisme particulier matérialisé par les teneurs en aluminium total (Altot) et en Mg de ses biotites.

Fig. 53 : Typologie des biotites des roches étudiées dans le diagramme Altotvs. Mg d’après Nachit et al. (1985) ; les tableaux des analyses chimiques des minéraux à la microsonde électronique sont présentés en annexe 1.

Il est tout de même important de compléter le diagramme de Nachit et al. (1985) par le diagramme triangulaire (FeO+MnO-10*TiO2-MgO) de Nachit (1986) permettant de distinguer les biotites primaires magmatiques des biotites secondaires ou rééquilibrées du fait que ces dernières peuvent attribuer aux roches hôtes une affinité magmatique erronée. La figure 54a montre que la majeure partie des roches étudiées se situent dans le champ des biotites magmatiques. Néanmoins, quelques biotites issues du granite du Sud du massif de Bougaroun (éch. VPK167) et de l’enclave microgrenue sombre de la Marsa (éch. CF73) tombent dans le champ des biotites rééquilibrées. On remarque aussi que les points sont bien regroupés ce qui confirme le caractère secondaire de ces biotites. Fougnot (1990) interprète

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des biotites peu titanifères comparables aux nôtres comme issues de la transformation de phases ferromagnésiennes précoces partiellement conservées ou non.

De son côté, Abdel-Rahman (1994) a proposé des diagrammes de classification de différents types de magmas sur la base des teneurs en éléments majeurs (FeO, MgO, Al2O3) des biotites des roches magmatiques. La projection des biotites étudiées dans le diagramme de Abdel-Rahman (1994) (fig. 54 b) montre qu’elles appartiennent au champ des roches calco-alcalines. Nous verrons plus loin que ces résultats sont en bon accord avec les analyses sur roches totales.

Fig. 54 : (a): Position des biotites des roches étudiées dans le diagramme (FeO+MnO-10*TiO2-MgO) de Nachit, (1986) permettant de distinguer les biotites primaires magmatiques (I) et secondaires ou rééquilibrées (II).

(b) : diagramme FeO-MgO-Al2O3 (Abdel-Rahman, 1994). 1 : série alcaline anorogénique, 2 : série calco-alcaline orogénique, 3 : série péralumineuse. Voir la figure 53 pour la signification des symboles.

b. Variation chimique selon l’habitus des biotites

Les bordures des biotites des granitoïdes de la Kabylie de Collo sont relativement moins riches en Fer que les cœurs.

Les teneurs en Al2O3 de ces biotites sont variables (entre 12.2 et 16 %) et correspondent globalement à des compositions de biotites de granite à biotite seule. En effet, la saturation (relative) se produit généralement vers 18% en Al2O3 (et plus), cette teneur n'est pas atteinte dans l’ensemble des roches étudiées, dont la biotite a une teneur en Al2O3 qui correspond à celle d'un granite à biotite seule.

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Les teneurs en TiO2 sont assez variables avec des teneurs élevées (~4.5 %) dans les biotites des Béni Toufout (éch. AK749 et CL80) et une évolution décroissante jusqu’à des valeurs moyennes de 2.9 % dans les microgranodiorites de Chétaïbi-Cap de Fer. Cette tendance décroissante indique vraisemblablement, une baisse de la température de cristallisation. En revanche, les valeurs basses en TiO2 (~2.4 %) dans le granite du Sud du massif de Bougaroun (éch. VPK167) peuvent être expliquées par le caractère secondaire de ces biotites mis en évidence dans le diagramme de Nachit (1986).

L’analyse des biotites appartenant à différents habitus dans les microgranodiorites de Chétaïbi-Cap de Fer montre que les phénocristaux de taille millimétrique présentent globalement la même composition que les biotites en petits cristaux dispersées dans la matrice (fig. 55), dans lesquels les cœurs et les bords ont la même composition, ce qui suggère une cristallisation au même stade.

Fig. 55 : Images BSE de l’échantillon CHT 9 analysé à la microsonde électronique. Noter les différents habitus des biotites analysées.

c. Conditions physiques de cristallisation : application du géothermomètre Ti-biotite

Les études antérieures (Nachit et al., 1985 ; Barrière et Cotten, 1991; Abdel-Rahman, 1994) indiquent que la composition chimique des biotites dans les granites est contrôlée par les conditions de refroidissement et de cristallisation du magma ; ces conditions sont la fugacité d’oxygène, la température, et la pression. Par conséquent, la biotite est un bon indicateur des conditions physiques et chimiques ayant régnées durant le refroidissement et la cristallisation du magma.

Plc

Bt

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La teneur en Ti dans les biotites est considérée comme étant fonction des variations de la température et pourrait, de ce fait, être utilisée comme un géothermomètre (Dymec, 1983). En se basant sur les analyses de plus de 500 biotites, Henry et al. (2005) ont pu calibrer empiriquement la relation entre la teneur en Ti, la température et le rapport Mg/(Mg + Fe) comme suit :

T = {[ln(Ti) – a – c (XMg)3

]/b}0.333, où T est la température en degrés Celsius,

Ti est le nombre d’atomes par formule unitaire (apfu) calculé sur la base de 22 atomes d’oxygènes,

XMg= Mg/(Mg + Fe),

a = -2.3594, b = 4.6482 × 10-9 et c = -1.7283

Les températures peuvent également être déterminées en projetant les biotites sur le diagramme Ti vs Mg/ (Mg + Fe).

En ce qui concerne les biotites étudiées, les compositions en Fe, Mg et Ti restent relativement homogènes au sein d’un même échantillon mais varient considérablement d’un massif à un autre. Ainsi, à l’exception des biotites de type secondaire du granite VPK167 (voir fig. 54a), l’ensemble des biotites des granites, granodiorites et diorites de la Kabylie de Collo et de Chétaïbi sont riches en Ti (0.4<Ti<0.6). Les biotites des microgranodiorites de Chétaïbi-Cap de Fer présentent globalement des teneurs plus faibles en Ti (0.28<Ti<0.42) compatibles avec leur faible profondeur de mise en place. En effet, il a déjà été démontré dans le chapitre III, par le débit prismatique caractérisant ces microgranodiorites massives (Pl. V Ph.4 et 5) et (Pl. IX Ph. 5) et leur texture microscopique très finement grenue (Pl VI Ph. 6), que ces roches se sont mise en place très proche de la surface.

En résumé, l’application du géothermomètre Ti-biotite aux roches étudiées (fig. 56) indique que les biotites de l’ensemble des roches plutoniques (granites, granodiorites et diorites de Bougaroun, Béni Toufout et de Chétaïbi) ont cristallisé à des températures élevées comprises entre 700 et 780° C. On note que les biotites du granite AK749 de Béni Toufout exposent les teneurs les plus élevées en Ti et ont, par conséquent cristallisé à des températures maximales comprises entre 750 et 780° C. Les biotites des microgranodiorites de Chétaïbi-Cap de Fer, sont en revanche moins riches en Ti et présentent des températures Ti-biotite comprises entre 600 et 700° C.

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1.3. Les amphiboles

1-3.1. Aspects pétrographiques

L’amphibole est une phase abondante dans les gabbros et diorites de la Kabylie de Collo. Elle apparait en plages subautomorphes à xénormorphes de taille millimétrique occupant les interstices entre les plagioclases avec qui elles forment les deux phases essentielles de ces roches. Les sections d’amphiboles peuvent parfois englober pœcilitiquement les petites sections de plagioclases (fig. 57).

Fig. 57 : Vue microscopique en lumière naturelle du gabbro du Cap Bougaroun (échantillon CB 3)

montrant l’habitus des amphiboles.

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1-3.2. Composition chimique

Quarante-deux analyses d’amphiboles ont été obtenues sur deux échantillons de gabbros, deux échantillons de diorite et une dolérite provenant des deux sites du Cap Bougaroun s.s et de Mersa Dammat el Djiyed. Là encore, le choix de ces échantillons est justifié d’une part, par le fait que les amphiboles du gabbro de Bougaroun aient été datées par la méthode Ar/Ar et d’autre part, dans le but de caractériser la chimie des amphiboles dans les différentes roches basiques et intermédiaires.

Les formules structurales de l’amphibole ont été calculées selon la méthode de classification de Tindle et Webb (1994). Le calcul effectue la correction Fe2+/Fe3+ sur la somme des cations (Σcations= 13 dans le cas des amphiboles analysées) et ajoute la quantité d’eau nécessaire pour que OH=2 dans la formule structurale.

La nomenclature des amphiboles utilisée en pétrologie a été établie par Leake en 1978 (nomenclature IMA78, i.e. International Mineralogical Association 1978) puis simplifiée par ce dernier en 1997 (nomenclature IMA97) et est régulièrement révisée du fait de l’ajout de nouveaux types d’amphiboles (Leake et al., 2003). Cette nomenclature consiste, à partir de l’analyse chimique d’une amphibole, à calculer sa formule structurale en remplissant progressivement et selon une certaine logique les différents sites cristallins du minéral (Leake et al., 1978, 1997 pour la procédure de calcul). A partir de cette nomenclature, les amphiboles analysées dans l’ensemble de nos échantillons appartiennent au groupe des amphiboles calciques puisqu’elles présentent des valeurs de (Ca+Na)B ≥ 1,00 et de CaB généralement mais pas systématiquement ≥ 1,50.

De manière générale, l’emploi de diagrammes de classification des amphiboles calciques dépend principalement des valeurs de (Na+K)A dans les amphiboles, c'est-à-dire du nombre d’atomes de sodium et de potassium ‘‘intégrés’’, lors du calcul, dans le site A des amphiboles. Le diagramme de classification utilisé pour les amphiboles de nos échantillons est représenté dans la figure 58. Ce diagramme tient également compte du rapport Mg/Mg+Fe2+ et de la teneur en silicium. Selon la nomenclature de Leake et al. (1997), toutes les amphiboles analysées ont une composition d’amphibole calcique.

Nous avons noté que les amphiboles analysées présentent des teneurs en Na2O comprises entre 0.14 et 1.79 % clairement supérieures à la limite de détection à la microsonde (~0.12 %). Cela signifie que le Na2O est relativement bien analysé dans les amphiboles de tous nos échantillons. Par ailleurs, les teneurs en K2O des amphiboles permettent de distinguer deux groupes d’échantillons : d’une part, les amphiboles du groupe des gabbros (éch. CB 50, CB

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51) et diorite (éch. CB 52 et VPK119) de Mersa Dammat avec des teneurs en K2O de l’ordre de 0.17 à 0.72 %. D’autre part, les amphiboles des gabbros du Cap Bougaroun s.s (éch. CB 3) avec des teneurs en K2O comprises entre 0.02 et 0.27 %. Parmi les 16 amphiboles analysées dans ce groupe, 6 amphiboles affichent des teneurs inférieures à la limite de détection de la microsonde (~ 0,06 %) (annexe 1) et le K2O est, de ce fait, difficilement analysable sur ces dernières. Les imprécisions sur le K2O peuvent donc induire des erreurs dans le calcul de la formule structurale et donc dans les valeurs de (Na+K)A. Cependant, étant donné que les amphiboles des gabbros du Cap Bougaroun s.s présentent des teneurs en K2O très faibles (K2O < 0,3 % dans l’ensemble des amphiboles analysées et que le potassium est le dernier atome incorporé dans l’amphibole lors de la procédure de calcul (Leake, 1978 et 1997), les valeurs de K peuvent être négligées dans la nomenclature. Ainsi, dans les amphiboles des gabbros du Cap Bougaroun, le terme (Na+K)A équivaut, en première approximation, au terme (Na)A.

Fig. 58 : Classification des amphiboles calciques ((Ca+Na)B ≥ 1,00 et CaB ≥ 1,50) selon Leake (1978 et 1997) montrant la composition des amphiboles dans les échantillons de Mersa Dammat et du Cap Bougaroun s.s.

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Les amphiboles analysées dans l’ensemble des échantillons sont magnésiennes avec des valeurs de Mg/(Mg+Fe2+) supérieures à 0.64 et présentent des teneurs en CaO comprises entre 7.3 % et 13.1 %.

Les amphiboles analysées sont relativement pauvres en sodium et potassium ((Na+K)A < 0.5), moyennement siliceuses (6.5 < Si < 7.5) et correspondent essentiellement à des magnésio-hornblendes (fig. 58). Les deux amphiboles de type actinote et tschermakite sont considérées comme amphiboles secondaires.

L’amphibole est une phase hydratée présente dans la majorité des roches basiques et intermédiaires de la marge orientale algérienne. De plus, il est classiquement admis que les magmas calco-alcalins sont des liquides riches en eau. Cette richesse en eau est à l'origine, d’une part, de l'abondance de produits pyroclastiques émis par une activité volcanique explosive, et d’autre part, de la cristallisation de minéraux hydratés (Bardintzeff et al., 1987). La présence de l’amphibole est donc un fort argument pour des teneurs en eau relativement importante dans ces magmas (≥5%). Par ailleurs, Davidson et al. (1991) considèrent que l’amphibole est plus abondante dans le volcanisme d’arc et de marge continentale que dans celui d’arc intra-océanique, ce qui reflète une différenciation des magmas dans une croûte continentale à plus haute pression et plus forte PH2O. La quantité variable mais relativement importante de l’amphibole dans les roches de la marge Est algérienne peut indiquer la signature d’une différenciation du magma sous des conditions de pression et PH2O élevées.

1-3.3. Thermobarométrie

En raison de leur large occurrence dans une variété de roches intrusives à affinité calco-alcaline, les amphiboles et plus particulièrement les hornblendes sont largement utilisées en géothermobarométrie. Elles constituent une phase minérale stable dans des conditions de pression et température très variables (1 à 23 kbar et 400 à 1150°C). Néanmoins, la composition de l’amphibole varie en fonction de la composition de la roche totale, et les conditions de pression, température et de fugacité d’oxygène. De nombreux travaux ont démontré la relation directe entre la teneur en aluminium de l’amphibole et la profondeur de mise en place des corps plutoniques (Hammarstrom et Zen 1986, Hollister et al. 1987, Schmidt 1992). En effet, selon ces auteurs, l’estimation des conditions P-T de mise en place des roches plutoniques est essentiellement basée, d’une part, sur la teneur en Al des hornblendes (Al-in-hornblende barometry) et, d’autre part, sur la thermométrie amphibole-plagioclase (Blundy et Holland 1990; Holland et Blundy 1994).

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a. Géobarométrie Al-hornblende

Hammarstrom et Zen (1986) ont été les premiers à observer que dans les roches plutoniques calco-alcalines, la teneur en Al total des hornblendes augmente de façon linéaire avec la pression de mise en place. Ils proposent alors la corrélation empirique suivante :

P (± 3 kbar) = -3.92 + 5.03 Al (total).

Par la suite Hollister et al. (1987) proposent une relation similaire mais plus précise : P (± 1 kbar) = -4.67 + 5.64 Al (total)

Johnson et Rutherford (1989) ont, de leur côté, calibré expérimentalement l’aluminium dans les hornblendes à des conditions de plus haute T (780–740°C) pour 2–8 kbar et ont obtenu la relation suivante :

P (± 0.5 kbar) = -3.46 + 4.23 Al (total)

Schmidt (1992) a, de son côté, pu calibrer expérimentalement la teneur en Al dans la hornblende d’une tonalite dans des conditions de saturation en H2O à P = 2.5–13 kbar et T = 655–700°C. L’auteur a traduit ses résultats expérimentaux par l’expression suivante :

P (± 0.6 kbar) = -3.01 + 4.76 Al (total)

Enfin, la calibration de Anderson et Smith (1995) prend en compte des températures supérieures à la marge 600–800°C, et propose la relation suivante :

P (kbar)= 4.76 Al (total) -3.1- {[T-675]/ 85}* {0.53Al+0.005294 [T-675]}.

Bien que ces géobaromètres soient largement utilisés dans la littérature et procurent, en général, des résultats satisfaisants, leur utilisation requière les conditions suivantes :

 La variation d’AlT dans la hornblende doit résulter d’une variation de pression (substitution tschermakitique) et non de la variation de la température (substitution édénitique) ;

 La fugacité d’oxygène ne doit pas être trop faible, ce qui favorise la substitution d’Al ;  Le quartz doit être présent dans la paragenèse minérale afin de garder constante

l’activité de la silice, du fait de la corrélation négative qui existe entre la silice et Al dans la hornblende (Anderson et Smith, 1995 ; Hammarstrom et Zen, 1986).

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Fig. 59 : Diagramme Na+KA vs. AlIV pour les amphiboles étudiées. Les substitutions édénitique (variation de température) et tschermakitique (variation de pression) sont indiquées avec des flèches qui vont vers les pôles purs.

On remarque sur la figure 59 que les variations d’AlT dans les gabbros, dolérites et diorites de Mersa Dammat et du Cap Bougaroun s.s sont essentiellement liées aux substitutions tschermakitiques, même si la composante édénitique est non négligeable.

En se basant sur les différents géobaromètres cités plus haut, nous avons tenté d’estimer les pressions et profondeurs de mise en place des différents plutons gabbroïques et dioritiques. L’application du géobaromètre de Schmidt (1992) aux roches étudiées a permis d’estimer des pressions de 2.5-3.8 kbar correspondant à des profondeurs de mise en place comprises entre 7.5 et 11 km pour le pluton gabbroïque du Cap Bougaroun s.s. Des pressions de 1.8-5.2 kbar et des profondeurs de mise en place 5.4-15.6 km sont estimées pour le pluton gabbroïque de Mersa Dammat el Djiyed. Les amphiboles des diorites de Mersa ont permis d’estimer leur pressions à 2.4 et 4.7 kbar et leurs profondeurs de mise en place entre 7.2 et 14.1 km.

Il est important de souligner que ces résultats sont à prendre plutôt à titre indicatif et ne fournissent pas les valeurs précises de pression-profondeur de mise en place de ces corps plutoniques.

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b. Thermométrie plagioclase-hornblende

Du fait que la hornblende et le plagioclase sont des phases minérales qui coexistent généralement dans les roches magmatiques calco-alcalines, elles sont communément utilisées comme géothermomètres (Blundy et Holland 1990; Holland et Blundy 1994). En considérant l’équilibre des amphiboles calciques, Blundy et Holland (1990) ont suggéré le géothermomètre amphibole-plagioclase selon les réactions suivantes :

édenite + 4 quartz = trémolite + albite pargasite + 4 quartz = hornblende + albite

Holland et Blundy (1994) ont suggéré le thermomètre hornblende-plagioclase en considérant la réaction :

édenite + albite = richterite + anorthite

En général, deux thermomètres peuvent être appliqués pour un couple amphibole-plagioclase coexistants :

a. Le thermomètre édénite–trémolite (pour des assemblages avec quartz)

b. Le thermomètre édénite–richtérite (pour des assemblages avec ou sans quartz)

La thermométrie hornblende–plagioclase a été réalisée à l’aide du programme contrib.