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II. Les biocapteurs : des méthodes alternatives pour la détection des bactéries pathogènes

II.2. Les biorécepteurs

La nature du biorécepteur influençant fortement la sensibilité et la spécificité de l’outil développé, le choix de cet élément apparaît comme une étape cruciale dans le développement d’un biocapteur (Lowe, 2007). Ainsi, les principales caractéristiques à prendre en compte sont la stabilité du biorécepteur et sa capacité à reconnaître de manière spécifique la molécule cible recherchée. Cette partie décrit les principaux éléments de reconnaissance employés pour la détection des cellules bactériennes entières et de leurs acides nucléiques puis présente les avantages et les inconvénients spécifiques de chacun de ces éléments

(Tableau 5).

II.2.1. Les biorécepteurs pour la détection des cellules entières

Les anticorps, possédant la capacité de se lier spécifiquement et avec une très grande affinité aux antigènes présents à la surface des bactéries, ont pendant longtemps constitués les éléments de reconnaissance les plus utilisés pour la détection de pathogènes (Byrne et al., 2009). Les biocapteurs utilisant des anticorps sont nommés immunocapteurs.

Les aptamères, utilisés pour le développement d’aptacapteurs, sont de courtes séquences d’acides nucléiques (10-100 nucléotides) simples brins présentant une forme tridimensionnelle leur permettant d’interagir de manière spécifique et avec une très haute affinité avec la molécule cible (Figure 4).

Figure 4 : Principe d’un aptacapteur développé pour la détection

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Ces éléments de reconnaissance concurrencent aujourd’hui les anticorps (Mayer, 2009 ; Tombelli et al., 2007). Les aptamères sont isolés grâce à une méthode de sélection in vitro, appelée Systematic Evolution of Ligands by EXponential enrichment (SELEX), décrite pour la première fois en 1990 (Ellington et Szostak, 1990 ; Tuerk et Gold, 1990) (Figure 5). Dans cette approche, la synthèse chimique aléatoire de molécules d’ADN permet tout d’abord d’obtenir une librairie d’ADN exposée à la molécule cible. Dans le cas de la sélection d’aptamères ARN, la librairie d’ADN est transcrite in vitro afin d’obtenir une librairie d’ARN. Les séquences ayant reconnues la molécule cible sont ensuite séparées des autres séquences, par filtration par exemple, et amplifiées par PCR afin d’obtenir une librairie enrichie et de débuter un nouveau cycle. Pour chaque cible, 5 à 15 cycles sont en moyenne nécessaires afin de sélectionner les aptamères retenus comme biorécepteurs (Mascini et al., 2012).

Les bactériophages sont des virus spécifiques des bactéries présentant à leur surface des peptides ou protéines leur permettant de se fixer à leur hôte via des récepteurs puis de les infecter et d’utiliser leur machinerie cellulaire afin de se répliquer. Cette reconnaisance très spécifique est de plus en plus utilisée dans le développement de biocapteurs que ce soit via l’utilisation de phages entiers ou seulement des peptides qu’ils produisent (Schmelcher et Loessner, 2014 ; Balasubramanian et al., 2007 ; Poshtiban et al., 2013). Le processus de sélection des bactériophages commence par la mise en contact de la cible avec une librairie

29 contenant 108-1010 phages exprimant des peptides ou protéines différentes à leur surface (Smith, 1985 ; Souriau et al., 1998). Les bactériophages fixés à la cible sont élués et amplifiés dans des cellules d’Escherichia coli afin de recommencer un nouveau cycle de sélection tandis que les phages n’ayant pas reconnu la cible sont éliminés lors de lavages. En moyenne, 3 à 5 cycles sont nécessaires pour sélectionner des bactériophages possédant une très forte spécificité pour la cible.

L’affinité lectines / glucides, un élément clé du mécanisme d’adhésion des bactéries aux cellules hôtes, est aujourd’hui utilisée par certains biocapteurs (Shen et al., 2007 ; Serra et al., 2008 ; Wang et al., 2013). Les lectines sont des protéines ou des glycoprotéines capables de reconnaître les glucides présents à la surface des bactéries et à l’inverse, les glucides peuvent être utilisés comme biorécepteur pour la reconnaissance des lectines bactériennes.

II.2.2. Les biorécepteurs pour la détection des acides nucléiques

Les biocapteurs basés sur le principe d’hybridation entre des acides nucléiques sont désignés par le terme de génocapteurs. Afin de mettre au point ce genre d’outils, différents types d’éléments peuvent être employés en tant que biorécepteurs.

Les sondes ADN sont de courtes séquences d’acides nucléiques (25-40 nucléotides) simples brins de nature synthétique capables de s’hybrider avec des acides nucléiques (ADN et ARN) cibles et ainsi couramment employées pour la détection de bactéries pathogènes (Halford et al., 2013 ; Zhang et al., 2012 ; Torati et al., 2016).

Afin de pallier les dégradations des sondes ADN par les nucléases, les acides nucléiques

peptidiques (Peptide Nucleic Acid, PNA), molécules synthétiques analogues de l’ADN, ont été

développés (Kerman et al., 2004 ; Prabhakar et al., 2008). Il s’agit de structures au sein desquelles le squelette sucre-phosphate est remplacé par des unités N-(2-aminoethyl)-glycine reliées par des liaisons amides (Nielsen et Egholm, 1999). Le squelette des PNA étant neutre, aucune répulsion électrostatique n’est observée lors de la liaison avec l’ADN, entraînant la formation d’une liaison PNA / ADN plus forte et plus stable que la liaison classique ADN / ADN. L’hybridation PNA / ADN se fait via des liaisons hydrogène et obéit aux lois d’appariement des bases (Egholm et al., 1993).

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D’autres biocapteurs reposent sur le concept de balises moléculaires (molecular beacons) (Kim et al., 2008 ; Kolpashchikov, 2012 ; Stobiecka et Chałupa, 2015). Il s’agit de sondes oligonucléotidiques simples brins composées d’une séquence centrale, complémentaire à la séquence cible, encadrée par des séquences complémentaires entre elles (Tyagi et Kramer, 1996). Une des extrémités est marquée par un fluorophore et l’autre par un « quencher ». En absence de la cible, la sonde adoptant une structure en épingle à cheveux, le « quencher » et le fluorophore se retrouvent à proximité ce qui inhibe la fluorescence par transfert d’énergie de type FRET (Fluorescence Resonance Energy Transfer) (Figure 6). L’ouverture de la sonde, suite à l’hybridation avec la cible, conduit à l’éloignement du « quencher » du fluorophore et par conséquent à l’émission de fluorescence par le fluorophore.

Figure 6 : Principe de fonctionnement des balises moléculaires.

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Tableau 5 : Avantages et inconvénients des différents types de biorécepteurs pour la détection de bactéries pathogènes.

Cibles Biorécepteurs Avantages Inconvénients

Cellules entières

Anticorps • Sensibilité

• Spécificité

• Variabilité des lots • Instabilité • Production nécessitant l’immunisation d’animaux • Coût de production Aptamères • Spécificité • Stabilité • Coût

• Synthèse in vitro reproductible et fiable

• Possibilité de modifications facilitant immobilisation et/ou détection

• Etape de SELEX longue et fastidieuse

• Dégradation par des nucléases • Peu commercialisés Bactériophages • Sensibilité • Spécificité • Coût • Sélection rapide • Stabilité • Immobilisation nécessaire pendant la sélection Affinité lectines / glucides • Sensibilité • Stabilité

• Peu d’adsorption non spécifique

• Spécificité Acides nucléiques Sondes ADN • Stabilité • Spécificité • Possibilité de modifications facilitant immobilisation et/ou détection

• Dégradation par des nucléases

PNA

• Stabilité

• Forte hybridation avec la cible • Détection d’un seul mismatch • Possibilité de modifications

facilitant immobilisation et/ou détection

• Coût

Balises moléculaires

• Sensibilité • Spécifcité

• Intensité du signal fluorescent

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II.3. Les méthodes d’immobilisation du biorécepteur sur le