• Aucun résultat trouvé

Dans le cadre de cette étude, il a été choisi de travailler avec un système bipolymérique sur lequel une littérature conséquente a déjà été écrite : alginate de sodium / caséinate de sodium. En effet, la caractérisation physico-chimique du système n'étant pas l'objectif principal de ce travail, il était primordial de pouvoir s'appuyer sur des connaissances existantes. Par exemple, le diagramme

de phases de ce système a été décrit à plusieurs reprises : Antonov et al. (1980), Blonk et al. (1995),

Capron et al. (2001), Simeone et al. (2004), Antonov et Friedrich (2007), Antonov et Moldenaers

(2011). De plus, le système alginate de sodium / caséinate de sodium a un comportement de séparation de phase thermodynamique typique (Antonov et Moldenaers, 2011) et est pertinent pour de nombreuses applications en industrie agroalimentaire (propriété de texture et de structure).

1.3.2.1 L’alginate de sodium

1.3.2.1.1 Description générale

Les polyosides utilisés en agroalimentaire sont issus de l'amidon et d'autres biopolymères obtenus à partir de graines (gomme de guar), de microorganismes (gomme de xanthane), d'algues (alginate, carraghénane), de plantes (cellulose et ses dérivés) (Soma et al., 2009). Pour la

formulation de solutions filmogènes ou de matrices d'encapsulation, l'alginate est le polyoside le

plus souvent cité (utilisé sous forme d'alginate de sodium) (Scannell et al., 2000b ; Sonomoto et al.,

2000 ; Concha-Meyer et al., 2011 ; Bevilacqua et al., 2010 ; Brachkova et al., 2010 ; Kim et al.,

2008 ; Rhim, 2004 ; Zactiti et Kieckbusch, 2006). Dans le domaine des probiotiques, notamment, c'est l'agent d'encapsulation le plus utilisé par les chercheurs.

L'alginate est la base conjuguée de l'acide alginique qui est extrait de différentes espèces

d'algues brunes (ex. Laminaria hyperborea, Ascophyllum nodosum, Macrocystis pyrifera)

(Gombotz et Wee, 2012). Après neutralisation avec du carbonate de sodium ou de l'hydroxyde de sodium, l'acide alginique forme un produit stable et soluble dans l'eau, l'alginate de sodium. L'alginate est composé d'acide α-L-guluronique (G) (pKa de 3,65) et d'acide β-D-mannuronique

(M) (épimère en C5 de G) (pKa de 3,38). La position du groupement carboxylate impose une liaison

équatoriale/équatoriale entre monomères M, d'une liaison axiale/axiale entre les monomères G et

axiale/équatoriale entre M et G (inversement entre G et M) (Figure 1.20). La structure linéaire de

l'alginate consiste soit en des blocs homopolymériques d'acide β-D-mannuronique (M) ou d'acide

α-L-guluronique (G), soit en des blocs hétéropolymériques alternant M et G liés par des liaisons

1,4-glycosidiques. L'alginate est donc un hydrocolloïde polyanionique (Soma et al., 2009). L'alginate a

un poids moléculaire compris entre 50 et 420 kDa et en moyenne de 150 kDa (Stokke et al., 2000).

La fréquence des différentes séquences dimériques et trimériques (GG, MM, MG, GM, GGG,

GGM/MGG, MGM) peut être mesurée pour caractériser l'alginate par spectroscopie RMN1H haut

champs.

Figure 1.20 Structure de l'alginate, bloc hétéropolymérique (d'après Soma et al., 2009). G : unité α-L-guluronique ; M : unité β-D-mannuronique.

La flexibilité de l'alginate en solution est d'autant plus grande que la fréquence des blocs MG est plus importante que celle des blocs MM, elle-même plus importante que celle des blocs GG (Gombotz et Wee, 2012).

1.3.2.1.2 Mécanisme de gélification

L'alginate a la propriété de former des gels en contrôlant l'apport en ions bivalents. L'alginate gélifié est très utilisé dans les domaines pharmaceutique et alimentaire du fait des atouts suivants (Gombotz et Wee, 2012) :

• (i) à l'intérieur de la matrice, le milieu aqueux est relativement inerte (les billes d'alginate

contiennent typiquement plus de 95 % d'eau) ;

• (ii) la procédure d'encapsulation se fait à température ambiante et sans solvant organique ;

• (iii) la porosité du gel est élevée permettant la diffusion de macromolécules ;

• (iv) il y a une possibilité de contrôler la porosité par l'ajout d'un revêtement ;

• (v) le système est biodégradable.

L'alginate est souvent gélifié sous forme de billes par extrusion de la solution gélifiante dans une

solution de cations bivalents (Ca2+, Sr2+ ou Ba2+). Les cations monovalents et Mg2+ n'induisent pas

de gélification et, Ba2+ et Sr2+ produisent des gels plus forts que Ca2+ (Siew et al., 2005 ; Gombotz

et Wee, 2012). Ce sont les blocs d'unité G qui interagissant prioritairement avec les ions bivalents

pour former des structures en « boîtes à œufs » aux zones de jonction (Figure 1.21) (Grant et al.,

1973 ; Morris et al., 1978).

Figure 1.21 Représentation schématique de l'association boîte à œufs des séquences

poly-L-guluronates de l'alginate réticulé par des ions calcium (d'après Li et al., 2007).

(Les atomes d'oxygène impliqués dans la sphère de coordination sont représentés par des cercles pleins.)

La longueur des blocs homopolymériques G est un paramètre clé concernant les interactions entre les ions et les chaînes d'alginate : le bloc doit être au moins composé de 20 monomères. Les propriétés physiques dépendent aussi de la composition, de la structure et du poids moléculaire du polymère (Gombotz et Wee, 2012). Pour obtenir des billes avec des propriétés mécaniques fortes,

un faible taux de contraction, une importante porosité et une meilleure stabilité vis-à-vis des cations monovalents, l'alginate doit être composé à plus de 70 % d'unités G et la longueur moyenne de ses blocs GG doit être de plus de 15 unités (Gombotz et Wee, 2012). Un gel réalisé à partir d'un alginate riche en G sera rigide et fragile, alors qu'un gel réalisé à partir d'un alginate pauvre en G sera plus déformable (Gombotz et Wee, 2012).

Les gels d'alginate de calcium peuvent être dissous en présence d'agents chélatants (lactate, citrate,

phosphate) ou par une solution fortement concentrée en ions (Na+, Mg2+). Par exemple, en plus ou

moins de temps selon leur force, ils peuvent être dégradés dans un tampon phosphate à 0,1 mol.L-1

et complétement dissous dans une solution citrate de sodium à 0,1 mol.L-1 à un pH de 7,8 (Gombotz

et Wee, 2012).

1.3.2.2 Les caséinates de sodium

Les protéines sont également des polymères très utilisées dans le domaine agroalimentaire avec notamment les protéines de lait. Le secteur de l'industrie alimentaire est le premier secteur d'activités utilisateur de protéines laitières en raison de leurs nombreuses fonctionnalités : solubilité à pH neutre, propriétés gélifiantes, aptitude à texturer les aliments, propriétés interfaciales

(émulsifiantes et moussantes) (Lepoudère et al., 2012).

Le lait est constitué de deux fractions protéiques principales (Matéos, 2008) :

• une fraction soluble, représentant environ 20 % : les protéines lactosériques ;

• une fraction colloïdale, représentant 80 % : les caséines.

La fraction protéique des caséines précipite à pH 4,6 et à 20°C pour la lait écrémé bovin (Matéos, 2008). C'est un mélange de quatre protéines multiphosphorylées : αS1-, αS2-, β- et κ-caseine

(Srinivasan et al., 2002) pour une masse molaire d'environ 2.104 g.mol-1 (Nono et al., 2011). Dans

le lait, les caséinates sont organisées sous forme de micelles (d'un rayon de 100 nm (Nono et al.,

2011)) et s'associent à un complexe minéral de phosphate de calcium. L'intégrité des micelles est

due à des interactions hydrophobes, électrostatiques et à des liaisons hydrogènes (Cuomo et al.,

2011).

Les caséines sont le plus souvent utilisées comme ingrédients sous la forme de caséinates de sodium (propriétés émulsifiantes, viscosantes) ou de calcium (texturants). Pour obtenir ces dernières, le lait écrémé est acidifié à pH 4,6 (point isoélectrique des caséines). Trois procédés

peuvent être utilisés : acidification par des acides forts (HCl ou H2SO4), acidification par voie

complexe micellaire est détruit, les caséines s'agrègent et précipitent sous forme d'un coagulum. Après la précipitation, le coagulum est séparé du lactosérum acide par centrifugation, puis il est lavé à l'eau pour la débarrasser du lactose, des sels et de l'acide. La caséine acide contient alors 50 % d'eau et deux cas de figure se présentent. Soit la caséine est séchée et broyée, de la caséine acide commerciale est obtenue ; soit il est possible de solubiliser la caséine acide par neutralisation. Selon la nature de la base, il est possible d'obtenir des caséinates de sodium (hydroxyde de sodium), de potassium (hydroxyde de potassium) ou de calcium (hydroxyde de calcium).

La forme « caséinates de sodium » est la plus communément rencontrée (Fabra et al., 2010).

Sous cette dernière forme, l'organisation supra-moléculaire a été perdue, c'est-à-dire que la structure en micelles n'existe plus. Les caséinates de sodium forment des petites particules d'environ 11 nm

de rayon (Nono et al., 2011). Le point isoélectrique est autour de 4,7-5,2 (Capron et al., 2001). Les

propriétés des caséinates sont les suivantes : solubles dans une large gamme de pH, stables aux traitements thermiques, rétenteurs d'eau. De par leurs structures, elles ont la capacité de former des liaisons hydrogènes, électrostatiques et hydrophobiques intermoléculaires. Cela augmente donc la

cohésion entre les chaînes (Avena-Bustillos et Krochta, 1993 ; Brault et al., 1997 ; Chen, 2002). De

ce fait, elles sont utilisées actuellement dans la formulation de films comestibles (Gialamas et al.,

2010). Néanmoins, leur nature hydrophile limite leur capacité de barrière à l'humidité en

comparaison avec les films plastiques communément utilisés (Fabra et al., 2010). Cela reste une

contrainte pour développement de tels films. D'autres systèmes sont envisagés mélangeant protéine et polyoside.