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La biogenèse des invadopodes a été bien caractérisée chez les cellules cancéreuses. L’assemblage et le désassemblage des invadopodes est un mécanisme finement régulé qui implique un réarrangement du cytosquelette et l’adhérence cellulaire. Le phénotype invasif des cellules est caractérisé par une perte des sites d’adhésions focaux et par la formation des invadopodes. Une des étapes initiales implique la dissolution des sites d’adhésions focaux via l’implication de la protéine FAK, mais comme mentionné précédemment, d’autres études doivent être effectuées afin d’élucider son rôle exact dans la biogenèse des invadopodes. Par la suite, il est clair que la phosphorylation de la kinase Src est nécessaire pour l’initiation de la formation de l’invadopode (figure 4) (Buccione et al., 2009; Chen, 1989; Tarone et al., 1985). L’activation de Src permet à la kinase de lier ses substrats dont les substrats de tyrosine kinase avec quatre et cinq domaines SH3 (Tks4 et Tks5). Tks4 et Tks5 sont des protéines d’échafaudage spécifiques aux invadopodes. Les études sur ces deux protéines démontrent qu’elles ont des fonctions différentes chez les invadopodes malgré leur forte homologie. L’inhibition de Tks5 empêche la formation de l’invadopode mais n’a aucun effet sur la sécrétion des MMPs. Par contre, l’inhibition de Tks4 mène à la formation de la structure d’actine de l’invadopode mais il n’y a aucune dégradation de l’ECM dû à une perte de la localisation membranaire de la MT1-MMP à l’invadopode (Buschman et al., 2009; Seals et al., 2005). Lorsque phosphorylée, Tks5 est capable de se lier au phosphatidylionostol-3,4-bisphosphate (PI(3,4)P2) via son domaine PX. Le PI(3,4)P2 peut être produit à partir du PI(3)P ou du PI(4)P par la phosphoinositide 3-kinase (PI3K) de classe I ou de classe II. Une fois ancrée au PI(3,4)P2 du site de formation de l’invadopode, Tks5 est responsable du recrutement de la cortactine (Oser et al., 2009). La cortactine est une protéine d’échafaudage qui assure le recrutement de protéines impliquées

dans le remodelage de l’actine et favorise ainsi la réorganisation des filaments d’actine (Yamaguchi et al., 2005). Le domaine terminal NH2 acide de la cortactine favorise sa liaison au complexe Arp2/3 (Weaver et al., 2001). Le complexe Arp2/3 est la machine moléculaire qui génère des réseaux ramifiés de filaments d'actine dans les cellules (Goley et Welch, 2006). Il a été montré que la cortactine forme des agrégats au niveau des sites de formation des invadopodes et serait une des premières étapes de la biogénèse de ces structures (Artym et al., 2006).

Figure 4 Initiation de la formation d’invadosome

Les cellules établissent des adhérences focales avec la matrice extracellulaire (ECM) grâce à SRC et FAK phosphorylé. Il y a libération de Src, lui permettant de se lier et de phosphoryler TKS5, PI3K et PKC. La phosphorylation de TKS5 lui permet de lier la PI(3,4)P2 et la cortactine. Ce mécanisme

intracellulaire est initié par l’activation des RTKs. FC : facteurs de croissance, P : phosphorylé. (Murphy et Courtneidge, 2011) ; numéro de licence 3998530412186)

Suite à leur recrutement au site de formation de l’invadopode, la Tks5 et la cortactine permettent le recrutement d’autres protéines impliquées dans la réorganisation du cytosquelette d’actine et ainsi permettre l’assemblage de la structure d’actine de l’invadopode (figure 5). Tks5 peut s’associer à plusieurs régulateurs d’actine grâce à son domaine SH3 dont, Nck1, Nck2, N-WASP et Grb2, permettant ainsi leur rapprochement (Oikawa et al., 2008; Stylli et al., 2009). Après la formation des précurseurs d’invadosomes, la cortactine se lie à la cofiline, séquestrant et inhibant son activité d’assemblage de l’actine (Saykali et El-Sibai, 2014). Cependant, lorsque la cortactine

devient phosphorylée sur les résidus tyrosine (Tyr), la cofiline est libérée de sa liaison à la cortactine lui permettant ainsi de générer une amplification des ramifications de l'actine à l'invadosome (Oser et al., 2009). La cortactine peut être phosphorylée par la kinase activée en p21 (PAK), la kinase régulée extracellulairement (ERK) et Src (Weaver, 2008). La cortactine peut aussi se lier à d’autres régulateurs d’actine essentiels à la formation de l’invadosome, tels que, Cdc42, WIP et dynamine (Yamaguchi et al., 2005). On retrouve également plusieurs autres substrats de Src aux invadosomes, dont p130Cas et AFAP110, deux protéines adaptatrices impliquées dans la formation des invadosomes (Lock et al., 1998; Thomas et Brugge, 1997). Cette cascade d’évènements permet l’élongation de la protrusion d’actine dans la matrice extracellulaire (Oser et al., 2009; Yamaguchi et al., 2005). Une fois que le précurseur de l’invadosome est formé, la cortactine est déphosphorylée, ce qui est nécessaire pour la stabilisation de l’invadosome. La déphosphorylation de la cortactine séquestre la cofiline ce qui empêche une polymérisation excessive de l’actine par la cofiline. Quelles phosphatases sont impliquées dans la déphosphorylation de la cortactine dont la phosphatase PTP1B (Stuible et al., 2008).

Figure 5 Assemblage de l’invadosome

L’assemblage de l’invadosome se produit par le recrutement et l'activation des protéines régulatrices de l'actine (Arp2/3, WIP) et la phosphorylation des composantes clés de l'invadopode

(cortactin, Tks5). La phosphorylation de la cortactine (par Src, PAK et ERK) et Tks5 régulent la formation de l'invadosodome. Tks5 s’associe Nck1, Nck2, Grb2 et N-WASP. La cortactin lie WIP et la dynamine. De plus, la phosphorylation de la cortactine provoque la dissociation de la cofiline pour initier la polymérisation de l'actine. P : phosphorylé (Murphy et Courtneidge, 2011) ; numéro de licence 3998530412186)

Une fois l’assemblage de l’invadosome complété, il y aura maturation de l’invadosome et dégradation de la matrice extracellulaire (figure 6). Il a été montré que la sécrétion et la localisation des protéases aux invadopodes sont en grande partie régulées par la cortactine et la Tks4. La cortactine joue également un rôle clé dans la biogénèse de l’invadopode. Clark et al. ont démontré que dans les cellules déficientes en cortactine le nombre d’invadopodes est diminué et ceux-ci ont perdu leur capacité à dégrader l’ECM. Inversement, la surexpression de la cortactine augmente considérablement la dégradation de l’ECM (Clark et al., 2007). En plus d’avoir un impact sur la formation d’invadopodes, la sécrétion de MMP-2 et MMP-9, ainsi que la relocalisation membranaire de la MT1-MMP sont étroitement corrélées au taux d'expression de cortactine (Clark et al., 2007). C’est la protéine adaptatrice Tks4 qui permet le recrutement de la MT1-MMP aux invadopodes (Buschman et al., 2009). En effet, il a été démontré que Tks4 n’intervient ni dans la formation de l’invadopode, ni dans la sécrétion de MMPs. Par contre, Tks4 permettrait la localisation et la stabilisation de la MT1-MMP aux invadopodes, qui pourrait alors activer les MMPs (Buschman et al., 2009). La MT1-MMP est une métalloprotéinase essentielle à la dégradation de la matrice extracellulaire. Elle est composée d’un peptide signal, d’un propeptide, d’un domaine catalytique, de deux domaines charnières, d’un domaine hémopexine, d’un domaine transmembranaire et d’une queue cytoplasmique courte de 20 acides aminés. Au cours du processus de sécrétion, son peptide signal est clivé par une peptidase et le propeptide par la furine de sorte que l'enzyme exprimée à la surface cellulaire est sous forme active (Roghi et al., 2010). Une fois à la membrane plasmique, la MT1-MMP peut être internalisée par la voie d’endocytose dépendante de la clathrine ou par une voie dépendante des cavéoles (Poincloux et al., 2009; Steffen et al., 2008). Par la suite, la MT1-MMP s’accumule dans des vésicules intracellulaires où la protéase sera soit dégradée par les lysosomes, soit recyclée à la surface de la cellule ou aux invadosomes (Paz et al., 2014; Takino et al., 2003; Wang et al., 2004). En plus de dégrader des composantes de l’ECM, y compris la fibronectine, la gélatine, la vitronectine, ainsi que le collagène de

types I, II et III, la MT1-MMP permet l’activation d’autres métalloprotéinases (Overall et Dean, 2006). La MT1-MMP active est inhibée par les inhibiteurs tissulaires de métalloprotéinases (TIMP) TIMP-2, TIMP-3 et TIMP-4, mais pas par TIMP-1. Parmi ceux- ci, TIMP-2 a un double rôle puisqu’il inhibe MT1-MMP et favorise l'activation de la proMMP-2. Afin d’activer la MMP2, la MT1-MMP forme un homodimère via son domaine hémopexine et l’une des deux enzymes se lie à TIMP-2 via son domaine catalytique. Le domaine C-terminal de TIMP-2 se lie alors au domaine hémopexine de la proMMP-2, en positionnant la proMMP-2 de façon optimale pour son activation par l’autre MT1-MMP active dans le complexe (Itoh et Seiki, 2004). La MMP-2 ainsi que la MMP-9 peuvent dégrader le collagène de type IV qui est l'une des composantes de la membrane basale la plus abondante (Poincloux et al., 2009).

Figure 6 Maturation de l’invadosome

L'invadosome favorise la dégradation de l'ECM en sécrétant la MMP-2 et la MMP-9 et en recrutant la MT1-MMP à l'extrémité de la structure. Pendant la maturation, les invadopodes favorisent la dégradation de l'ECM en coordonnant la sécrétion de la matrice. La déphosphorylation de la cortactine permet la stabilisation de l’invadosome. P : phosphorylé (Murphy et Courtneidge, 2011) ; numéro de licence 3998530412186)

Les invadopodes sont des structures dynamiques qui sont renouvelées mais les mécanismes précis de leur désassemblage ne sont pas bien connus. La formation de l’invadopode fait

intervenir plusieurs kinases pour permettre le recrutement et l’activation d’effecteurs impliqués dans le remodelage de l’actine. La phosphorylation de Tks5 par Src favorise la formation de l’invadopode alors que la phosphorylation de AFAP110 et de la cortactine permet le désassemblage des invadopodes (Dorfleutner et al., 2008). AFAP110 est une protéine adaptatrice de Src qui se lie à l'actine filamenteuse et donc, qui localise les kinases impliquées dans les changements de l'organisation du cytosquelette d'actine. La phosphorylation étant une modification post-traductionnelle réversible, le recyclage fait donc intervenir plusieurs phosphatases. Par exemple, la protéine phosphatase PTP-PEST se retrouve aux sites potentiels de formation d’invadopode et bloque leur formation (Diaz et al., 2009). De plus, la protéine phosphatase PTEN, connue pour être un suppresseur de tumeur, bloque l’invasion cellulaire dépendante des invadopodes en inactivant la protéine Src via le blocage de l’activité de la protéine Stat3 (Mukhopadhyay et al., 2010). Par contre, certaines phosphatases peuvent avoir un effet positif sur la formation des invadopodes dont la protéine phosphatase PTP-ε qui déphosphoryle la tyrosine 527 de Src afin de l’activer (Granot-Attas et al., 2009).

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