• Aucun résultat trouvé

Partie II - Support spatial et mesure de la biodiversité

1. Contexte et problématique

1.3. Biodiversité, recherche et gestion durable

Le rôle de la recherche dans la gestion forestière est fondamental pour répondre aux nouveaux besoins et désirs de la gestion durable (Vogt et al., 1996). Dans le passé, les recherches environnementales et la gestion forestière étaient généralement des activités séparées (Noss, 1999). Il s'avère maintenant qu'un nouveau rapport entre les gestionnaires et les scientifiques émerge, se basant sur les larges besoins en information appliquée à l’aménagement forestier (Dale, 1998).

Franklin (2001) suggère que la gestion et la recherche doivent graduellement de plus en plus interagir. Chacune peut bénéficier de l'autre : la gestion peut profiter de la meilleure information fournie par la recherche à l’échelle appropriée, a recherche, de son côté,

bénéficiera des grandes ressources, et des hypothèses de travail proposées par les gestionnaires (Hobbs, 1998). Selon cet auteur, il ne semble plus raisonnable aujourd’hui de créer de larges programmes de recherche ayant des buts trop vagues. L’assemblage d'énormes quantités de données, avec peu d'avantages réels appliqués, en termes pratiques et méthodologiques, n’est plus défendable.

Les besoins d’information opérationnelle dans l’aménagement forestier sont séparés sur trois échelles, trois niveaux de détails (Weintreb & Cholaky, 1991).

1- À l’échelle locale, là où réside le niveau de détail le plus élevé. À ce niveau, le forestier a besoin de connaître les informations dans le détail, par exemple, la distribution des espèces à l’intérieur des populations forestières. À ce niveau, les informations opérationnelles sont de plus grande incertitude, mais les conséquences de ces incertitudes ne sont pas souvent considérées, car ce niveau représente des secteurs géographiques petits, homogènes ou avec une hétérogénéité acceptable.

2- À une échelle intermédiaire, les besoins tactiques d’information requièrent moins de détails, mais couvrent un secteur plus important. Le modèle tactique de planification est relativement lié aux utilisations efficaces des ressources disponibles. Par exemple, à ce niveau, les gestionnaires ont besoin d'information sur les activités pratiquées dans une zone pour considérer la biodiversité, pour déterminer l'emplacement optimal d’une route.

3- À une échelle plus large, le besoin d'information devient stratégique. Ce niveau peut inclure des informations générales, telles que la connaissance des distributions spatiales des formations forestières ou des écosystèmes sur de vastes zones. Les modèles de décision stratégique définissent le rôle et la nature d'une entité liée à ses ressources et ses objectifs : par exemple la prise de décision de l'attribution de certains secteurs de forêt pour la production de bois, et d’autres pour conserver la biodiversité. À cette échelle, un niveau relativement général de l'information est initialement exigé.

Toutes les activités de gestion sont considérées comme des expériences ou des essais écologiques des théories et des modèles scientifiques existants, et souvent ancrées dans des pratiques anciennes. Ceci exige un niveau minimum de compréhension technique, voire scientifique pour les gestionnaires. Une telle compréhension doit être acquise et communiquée dans un contexte de changement social et politique. En fait, le plus grand défi n’est pas lié à la compréhension scientifique des gestionnaires, mais à l’assurance de l'acceptation sociale des approches scientifiques (Franklin, 2001).

Les outils et les méthodes employés par un scientifique, et utilisés par un gestionnaire se ressemblent fortement. Par exemple, les outils utilisés pour assurer la protection des espèces en voie de disparition sont les mêmes outils employés pour avancer notre connaissance scientifique des systèmes biologiques. Tous les deux utilisent des mesures précises, suivent en général tous les mêmes principes scientifiques, en insistant sur le fait que leurs résultats soient reproductibles. Ce sont les objectifs qui divergent : dans un cas pour la production de connaissances et la modélisation, dans l’autre pour l’application de méthodes de gestion.

Depuis plus de vingt ans, la télédétection et les SIG représentent des outils éprouvés dans la recherche et la gestion forestières. Ces technologies aident à développer la recherche forestière par la prise en compte et la modélisation des critères et des indicateurs de gestion aux différentes échelles, se basant sur la compréhension des principes biophysiques et écologiques (Berry & Ripple, 1996). Les professionnels et les chercheurs ont utilisé ces techniques depuis de nombreuses années en abordant une série de questions de gestion forestière. Récemment, des recherches conséquentes appliquent ces outils pour analyser des problématiques intéressantes pour la gestion forestière. Toutefois, très peu de recherches ont réussi à pénétrer profondément le domaine concret de la gestion forestière.

Généralement, les gestionnaires aident à orienter la recherche selon leur besoin de savoir. Ils soutiennent même souvent la création de nouveaux axes de recherches qui répondent à leurs nouveaux besoins d’information. Depuis les années 90, les chercheurs et les gestionnaires partagent l’idée de l’importance primordiale de la biodiversité dans le fonctionnement écologique de l’écosystème. Ceci représente un changement de paradigme par rapport à la

gestion forestière du passé qui privilégiait la production de bois pour des objectifs économiques (Birot, 1996). Toutefois, les gestionnaires forestiers sont tout de même souvent préoccupés par des questions écologiques.

Le champ pluridisciplinaire de la biodiversité a longtemps été dominé par les sciences naturelles. Cette tendance s’infléchit depuis peu et s’ouvre aux perspectives qu’offrent les sciences sociales, notamment la géographie physique (Pech et al., 2007). Veyret & Simon (2006) considèrent que « la géographie est une discipline au cœur de la problématique de la (bio)diversité » . Cette approche géographique, centrée sur l’étude de la diversité spatiale, permet de renouveler la problématique de la biodiversité en intégrant tous les enjeux qui la contrôlent. Les géographes et les gestionnaires forestiers ont besoin de méthodes pratiques et non ambiguës pour définir et mesurer la biodiversité (Sarkar & Margules, 2002). Alors que l’absence des limites précises entre les espèces ou les écosystèmes rend difficile la mise au point d’une méthode pertinente de mesure de la biodiversité (Van Kooten, 1998).

En effet, la biodiversité doit être définie en termes d’indicateurs mesurables appropriés à l’échelle et l’objectif pour lesquels la biodiversité est évaluée (Williams, 2004). Les indicateurs de biodiversité sont habituellement classés en deux catégories : indicateurs basés sur l'identification des espèces dominantes, et d’autres basés sur l'identification des structures principales (Lindenmayer et al., 2000). L’explication de l’origine de la biodiversité mesurée au niveau des espèces est un des problèmes les plus complexes en écologie (Oindo & Skidmore, 2002), parce que cette diversité est le résultat de beaucoup de facteurs génétiques et écologiques.

L'importance relative de la biodiversité varie avec l’échelle spatiale et temporelle (Diamond, 1988). L’échelle spatiale est particulièrement considérée dans la gestion forestière, car les stratégies de gestion appliquée ont des effets sur la biodiversité selon l’échelle d’analyse.