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6. Discussion générale et perspectives

6.1 Bilan des principaux résultats

6.1.1

Une famille de modèles cohérents ayant différents niveaux de détail

Pour modéliser la croissance des peuplements mélangés chêne sessile – pin sylvestre, nous avons construit une famille de modèles cohérents à différents niveaux de détail :

o un modèle arbre indépendant des distances (MAID) qui utilise la circonférence individuelle pour expliquer la croissance individuelle en rayon ;

o un modèle arbre dépendant des distances (MADD) qui intègre un indice de compétition

dans l'équation utilisée par le MAID. Le MADD a été ajusté sur les mêmes données que le MAID, ce qui garantit une cohérence entre ces deux modèles ;

o un modèle arbre qui utilise des distributions de voisinage (MADV) pour reconstruire l'environnement local des arbres et calculer des indices de compétition. Les distributions de voisinage permettent d'utiliser l'équation de croissance du MADD sans utiliser une cartographie complète du peuplement. Ce modèle intègre une partie des informations spatiales et la variabilité des environnements locaux dans le peuplement. Pour reconstruire les voisinages, nous avons fait l'hypothèse principale d'indépendance spatiale entre la taille d'un arbre et sa position ;

o un modèle peuplement en agrégeant le MAID (MPMAID). Nous avons montré que ces

deux modèles donnaient des résultats identiques à l'échelle du peuplement (agrégation parfaite) ;

o un modèle peuplement issu du MADD utilisant des fonctions de caractérisation de la

structure spatiale du peuplement (MPSSMADD). Ce modèle a été obtenu en deux étapes :

en simplifiant le MADD par approximation du champ moyen puis en agrégeant ce modèle simplifié. Là encore, des hypothèses ont été nécessaires pour obtenir ce modèle. Pour faire

l'approximation du champ moyen, nous avons fait l'hypothèse que la cartographie du peuplement était la réalisation d'un processus ponctuel ergodique (2.4). Pour intégrer les fonctions de caractérisation de la structure spatiale, nous avons de plus fait l'hypothèse que ce processus était homogène et isotrope. Dans le cas du pin, nous avons fait l'hypothèse d'indépendance spatiale entre la taille d'un pin et sa position ;

o un modèle peuplement issu du MADD mais n'utilisant pas les fonctions de

caractérisation de la structure spatiale (MPMADD). Ce modèle implique des hypothèses

supplémentaires par rapport au MPSSMADD sur la structure spatiale du peuplement :

structure aléatoire des chênes et indépendance spatiale des chênes et des pins dans le cas de la croissance du chêne ; structure aléatoire des pins dans le cas de la croissance du pin. Comme le MPMAID, ce modèle utilise uniquement des variables globales du peuplement

mais, contrairement à ce dernier, il intègre les rapports de compétition entre espèces provenant du MADD.

Ces modèles nous ont permis d'étudier différents aspects de la croissance des peuplements que nous allons détailler dans le paragraphe suivant.

6.1.2

Des modèles pour étudier la croissance

6.1.2.1 Le MAID permet d'étudier de façon rétrospective la croissance du chêne et du pin en mélange

Le MAID nous a permis de mettre évidence une relation classique entre l'accroissement individuel et la taille des arbres, ce qui était une hypothèse de départ dans notre travail (4.1). Grâce aux données rétrospectives, nous avons pu montrer que cette relation évoluait fortement au cours du temps et particulièrement dans le jeune âge dans le cas du pin (4.1.5). Ce modèle permet donc de faire ressortir les caractéristiques fortes des espèces par rapport à la croissance. Cependant, nous n'avons pas pu identifier précisément les facteurs qui agissent sur l'évolution de cette relation en particulier ceux qui sont responsables de la fluctuation des paramètres. Nos avons pu formuler des hypothèses sur la base des connaissances acquises dans les peuplements purs (Dhôte et al., 2000 ; Perot et al., 2007) mais il serait intéressant de pouvoir quantifier l'impact de ces facteurs sur les paramètres du modèle pour le rendre plus général.

Ce modèle a permis d'étudier des phénomènes d'interactions au cours du temps (4.1.6). Ainsi, nous avons mis en évidence un phénomène de compensation de croissance entre les deux espèces survenu après l'attaque d'un agent biotique : le lophyre du pin. Suite aux

défoliations subies par les pins, les chênes ont compensé la perte de production du peuplement par une augmentation de leur croissance. Ce phénomène serait intéressant à étudier par rapport à d'autres types de stress, comme les stress climatiques, qui peuvent avoir des effets sur la croissance différents suivant les espèces (Lebourgeois, 2006). Cela permettrait d'apporter d'autres éléments sur l'intérêt du mélange vis-à-vis des changements climatiques.

Le MAID est donc un outil intéressant pour étudier de façon rétrospective la croissance du chêne et du pin en mélange. En revanche, ce modèle, tel que nous l'avons construit, ne prend pas explicitement en compte l'effet d'une espèce sur la croissance de l'autre espèce. 6.1.2.2 Le MADD permet d'étudier la compétition entre espèces

Le MADD nous a permis d'étudier l'influence du voisinage sur la croissance à l'aide d'indices de compétition locaux (4.2). Par rapport aux MAID, le MADD explique une plus grande part de la variabilité de la croissance. De plus, pour les deux essences étudiées, la compétition intraspécifique est plus forte que la compétition interspécifique. Ce résultat est fondamental puisqu'il conditionne le comportement du mélange à l'échelle du peuplement (Forrester et al., 2006) et il peut être impliqué dans les mécanismes de coexistence dans les peuplements mélangés (Begon et al., 1996). Cependant, les indices de compétition locaux sont plus ou moins pertinents selon l'espèce considérée (4.2.3). L'introduction d'un indice de compétition semble ainsi plus justifiée dans le cas du chêne que dans le cas du pin. L'utilisation des hauteurs individuelles dans les indices de compétition (Pretzsch, 2002) permettrait certainement d'affiner les résultats concernant la compétition entre ces deux espèces.

6.1.2.3 Les modèles peuplement issus du MADD permettent d'étudier la croissance du peuplement en fonction du taux de mélange

A l'aide d'un modèle peuplement issu du MADD (MPSSMADD), nous avons vu que l'on

pouvait étudier l'influence du taux de mélange sur la production du peuplement (4.4.3). Le MADD et MADV auraient pu être utilisés pour répondre à cette question mais ils nécessitent des simulations qui peuvent être lourdes à entreprendre. Le MPSSMADD nous a permis

d'exprimer le taux de mélange optimal en fonction des caractéristiques du peuplement. Il ressort qu'il n'existe pas un taux optimal unique. Il varie entre 38% et 74% de la surface terrière totale en fonction des dispositifs. Etant donné les résultats obtenus avec le MAID concernant l'évolution des paramètres de croissance au cours du temps, on peut penser que ce

taux évolue non seulement en fonction des caractéristiques dendrométriques des différentes populations mais également en fonction du temps. Les dispositifs que nous avons utilisés ne couvrent pas l'ensemble du gradient allant du peuplement pur de chêne au peuplement pur de pin. Pour étendre le domaine de validité de nos résultats, il serait intéressant de compléter ce gradient en installant de nouveaux dispositifs ou en faisant de l'expérimentation.

A cause des approximations que nous avons faites, nous avons vu que le MPSSMADD n'a

pas tout à fait le même comportement que le MADD au niveau peuplement. Cependant, les approximations ne concernent pas le rapport de compétition entre les deux espèces traduit par les paramètres associés aux indices de compétition. En conséquence, on peut penser que les résultats concernant le taux optimal de mélange ne changent pas trop en utilisant un modèle peuplement dérivé du MADD plutôt que le MADD lui-même. Il serait tout de même intéressant de le vérifier en réalisant des simulations à partir du MADD.

6.1.3

Des modèles pour prédire la croissance

La cohérence que nous avons assurée entre les modèles nous a permis de comparer leur capacité à prédire la croissance. Nous avons mis en œuvre trois approches complémentaires apportant chacune des éléments de réponse quant à la pertinence des modèles comme outils prédictifs. Nous avons d'abord utilisé un jeu de données indépendant pour évaluer la qualité de la prédiction individuelle. Nous avons ensuite évalué la qualité de la prédiction au niveau du peuplement en utilisant des données d'accroissement des peuplements estimées à partir de notre échantillon de données individuelles. Enfin, nous avons évalué les modèles sur des exemples d'applications nécessitant des simulations à court ou moyen terme.

6.1.3.1 Au niveau individuel

Sur la base des critères classiquement utilisés pour ce type d'évaluation, nous avons montré que sur le jeu de données indépendant, le MAID était plus performant que le MADD pour prédire les accroissements individuels (5.2). Ce résultat était plutôt contraire à nos hypothèses étant donné les résultats obtenus lors de la calibration des modèles. En revanche, conformément à nos attentes, nous avons montré que le MADD et le MADV étaient plus performants que le MAID pour prédire la variabilité des accroissements. Nous avons également montré que le MADD était le modèle le plus performant pour prédire la distribution des accroissements. Enfin, nous avons montré que les biais obtenus avec le MAID, dépendaient des dispositifs ce qui n'est pas le cas avec le MADD. Le MADD, grâce à

la prise en compte de l'environnement local, pourrait donc mieux "s'adapter" lorsque l'on change de peuplement.

6.1.3.2 Au niveau du peuplement

L'évaluation sur la prédiction de la croissance au niveau du peuplement nous a permis d'avoir une comparaison de l'ensemble des modèles (5.3). A cette échelle, il est difficile de départager les modèles car les résultats dépendent des critères et de l'essence considérée. Le MADV est le seul modèle présentant une différence significative avec les valeurs observées mais uniquement pour ce qui concerne le pin. Nous avons également vu que cette évaluation permettait de mesurer l'impact des approximations réalisées pour construire les modèles dérivés du MADD. Ainsi, conformément à ce que l'on attendait, le MPSSMADD est plus proche

du MADD que le MPMADD. En confrontant les hypothèses formulées pour construire ces

modèles aux données de structure spatiale réelles des peuplements, nous avons vu que l'on pouvait expliquer les différences obtenues entre le MADD et un modèle dérivé.

6.1.3.3 A court ou moyen terme

La comparaison des modèles dans des contextes appliqués (5.4) a permis de montrer que le MADD que nous avons construit n'était pas bien adapté à des simulations à moyen terme (de 20 à 40 ans), à cause notamment de l'indice utilisé pour la croissance du chêne. Cela pose la question du choix des indices de compétition au moment de l'ajustement des modèles mais cela montre également leurs limites et notamment le fait qu'ils sont statiques (Burton, 1993). En effet, nous ne connaissons pas l'évolution avec le temps du paramètre associé à cet indice. De plus, il est probable que le rayon de voisinage évolue au cours du temps. C'est pourquoi certains auteurs ont proposé d'utiliser des méthodes pour prendre en compte cette évolution. Par exemple, Lorimer (1983) propose d'utiliser la taille des couronnes pour déterminer le rayon de voisinage. En revanche, sur des simulations à court terme (< 10 ans) le MADD et le MADV permettent d'estimer l'impact d'un type de structure sur la production du peuplement. Ce résultat peut être intéressant pour mettre au point des stratégies de martelage ou, d'un point de vue pédagogique, pour visualiser l'impact d'un martelage sur l'évolution du peuplement (Courbaud et al., 2001 ; Gauquelin et al., 2008). Nous avons conclu que le MAID et le MPMAID étaient les plus adaptés pour des simulations à moyen terme. Néanmoins, dans leur

formulation actuelle, ce sont des modèles frustes qui ne permettent pas de tester tous les types de scénarios sylvicoles.