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2. Comment assurer une cohérence entre des modèles ayant des niveaux de détail différents ?

2.4 Assurer une cohérence par agrégations ou simplification d'un modèle détaillé

Les modèles auxquels nous nous intéressons sont des modèles mathématiques. La cohérence entre deux modèles peut également être assurée de façon mathématique. Dans cette sous-partie, nous allons commencer par présenter deux méthodes utilisées en écologie pour passer d'un modèle détaillé à un modèle moins détaillé. Nous verrons que l'application de ces méthodes passe par la formulation d'hypothèses simplificatrices. Ces méthodes seront illustrées dans les paragraphes qui suivent à travers différents exemples mais, comme nous le verrons également, elles ne sont pas toujours nécessaires pour assurer un lien mathématique entre deux modèles.

2.4.1

Présentation de deux méthodes permettant de simplifier des modèles

Nous avons choisi de présenter deux méthodes mathématiques permettant de simplifier des modèles : la méthode des moments et la méthode de l'approximation du champ moyen. Nous commençons par la méthode des moments car il s'agit de la méthode la plus générale. 2.4.1.1 La méthode des moments

On considère ici que le système (le peuplement forestier) est décrit par l’ensemble des rayons individuels des arbres (ri) ainsi que par la position de chaque arbre dans le peuplement

(xi). L’esprit de la méthode des moments, tel qu’elle est décrite par Dieckmann et al. (2000) et

Law et al. (2000), est de projeter ce système dans un espace de plus petite dimension sans déformer sa dynamique. Pour cela, on recherche les variables suffisantes ainsi que leurs équations d’évolution. On appelle cette méthode la méthode des moments car les variables choisies pour décrire la dynamique du système dans l’espace réduit sont en général les moments d’ordre 1 et 2 des variables décrivant le système dans l’espace d’origine. Ainsi le moment d’ordre 1 des ri sera le rayon moyen des arbres. Le moment d’ordre 2 des ri sera la

variance des ri. Si on considère maintenant que la position des arbres est la réalisation d’un

processus ponctuel alors le moment spatial d’ordre 1 de la position des arbres est la densité N du peuplement (Law et Dieckmann, 2000). Le moment spatial d’ordre 2 est la fonction de densité des paires de points.

Pour rendre cette méthode applicable, il faut parfois faire des hypothèses simplificatrices. Ainsi, si on fait l'hypothèse que le processus ponctuel est homogène et isotrope3, son moment d'ordre 2 est directement relié à la fonction K(r) de Ripley (Goreaud, 2000 page 49) :

( )

(

' '

)

K r E Nombre d arbres à une distance r d un arbre sujet

λ = ≤

λ

est la densité (tiges/ha), E l'espérance et r le rayon du disque centré sur l'arbre sujet. La fonction K(r) permet alors de prendre en compte les relations de voisinage entre les individus et donc de tenir compte de la structure spatiale du peuplement sans avoir besoin de la position de tous les arbres.

La principale difficulté de cette méthode est de décrire l’évolution dans le temps des différents moments choisis pour décrire le système.

2.4.1.2 L’approximation du champ moyen

Cette méthode est particulièrement adaptée pour simplifier la dépendance spatiale dans les modèles individus-centrés spatialement explicites. Nous considérons donc un MADD, c'est-à-dire un modèle qui fait intervenir des variables locales qui dépendent du voisinage de chaque arbre. De plus, on considère que la cartographie des arbres est une réalisation d’un processus ponctuel. La méthode de l’approximation du champ moyen consiste à simplifier l’expression du voisinage dans ce modèle en considérant que tous les arbres subissent la même influence de leur voisinage. Dans le modèle, on peut donc remplacer l’expression exacte de l’indice de compétition par son espérance. Cependant, on ne peut pas estimer l’espérance du processus ponctuel sur une seule réalisation. On fait donc l’hypothèse que le processus est ergodique, c'est-à-dire que l’espérance sur plusieurs réalisations est égale à la moyenne spatiale sur une réalisation (Goreaud, 2000 page 38). Dans le modèle, on peut donc remplacer l’espérance de l'indice de compétition par sa moyenne spatiale, c'est-à-dire la moyenne de l'indice de compétition sur l'ensemble des arbres du peuplement. Pour simplifier davantage l’expression de la moyenne spatiale, il faut parfois faire des hypothèses supplémentaires sur le processus ponctuel : indépendance entre les diamètres et la localisation des arbres, structure spatiale aléatoire. Cette méthode permet d’aboutir à un modèle arbre indépendant des distances qui prend plus ou moins en compte la structure spatiale en fonction des hypothèses simplificatrices retenues (voir par exemple Verzelen et al., 2006 pour une application de cette méthode à un modèle forestier). L'approximation du champ moyen est la

technique la plus simple utilisée en écologie pour simplifier les modèles spatialisés mais, comme nous venons de le voir, elle repose sur des hypothèses fortes.

2.4.2

Agrégation d'un MAID

La cohérence mathématique entre deux modèles peut être assurée en agrégeant plus ou moins l'un des modèles. Nous allons voir successivement l'agrégation d'un MAID en un modèle peuplement puis l'agrégation d'un MAID en un modèle matriciel.

2.4.2.1 Du MAID vers un modèle peuplement Nous considérons le MAID suivant :

j j

i espèce espèce i

r α β c

∆ = + (équation 2.1), dans lequel le système (le peuplement forestier) est représenté par l’ensemble des rayons individuels des arbres (ri) ainsi que par la position de chaque arbre dans le peuplement (xi). Le nombre

d’arbre d'une espèce j dans le peuplement est noté

j

espèce

N et la surface du peuplement est notée

A. Nous souhaitons agréger ce modèle en un modèle peuplement. Pour cela, nous allons appliquer la méthode des moments (voir paragraphe 2.4.1.1). Nous allons donc définir les variables qui vont servir à décrire le système dans un espace réduit. Nous nous intéressons tout d’abord aux moments d’ordre 1. Le moment d’ordre 1 des ri est la moyenne des ri soit :

1 1 espèce j j j N espèce i i espèce r r N = =

De même, le moment d’ordre 1 du processus ponctuel est la densité moyenne soit

j

espèce

N A que nous pouvons remplacer par N pour simplifier. Nous avons donc choisi de décrire le système uniquement par deux moments. Il nous faut maintenant décrire l’évolution de ces variables au cours du temps. D’après l'équation du modèle et en considérant qu'il n'y a pas de mortalité nous pouvons écrire (voir annexeA) :

( )

j j espèce espèce r α Cte β r ∆ = + 0 j espèce N ∆ =

où Cte(

β

) est une constante exprimée en fonction du paramètre

β

du MAID. Cependant, les forestiers utilisent en général le volume ou la surface terrière pour rendre compte de la production d'un peuplement. Ici, nous allons choisir la surface terrière, notée

j

espèce

G , car le volume nécessite d'avoir des informations sur la hauteur des arbres. On peut alors montrer sans faire d'hypothèses supplémentaires (annexe A) que l'évolution de la surface terrière s'écrit de la façon suivante :

( )

(

,

)

( )

j j j j j

espèce espèce espèce espèce espèce

G Cte α N Cte α β N r Cte β G

où Cte(

α

) et Cte(

α

,

β

) sont des constantes exprimées en fonction des paramètres du modèle MAID (équation 2.1). Le modèle peuplement obtenu par agrégation du MAID permet donc de décrire l'évolution du système avec un nombre limité de variables :

j espèce N , j espèce G et j espèce r .

2.4.2.2 Du MAID vers un modèle matriciel

Cette fois, nous considérons toujours le MAID :

j j

i espèce espèce i

r α β c

∆ = + , mais nous souhaitons l'agréger en un modèle matriciel (pour simplifier nous ne ferons pas intervenir l'espèce dans les notations). Pour cela, nous cherchons à calculer les valeurs des paramètres, c'est-à-dire les probabilités de transition qui assurent que les deux modèles décrivent bien la même croissance. Nous allons d’abord discrétiser la variable circonférence en un certain nombre de classes. Ensuite, nous allons transformer l’accroissement en rayon, qui est continu, en une probabilité de passage de la classe i à la classe i+1. Picard (1999 pages 301 et 302) relève dans la littérature différentes façons de faire cette transformation. Nous allons utiliser ici une approche dite déterministe en considérant tous les individus contenus dans les classes de circonférence. Nous considérons que les deux modèles sont cohérents si la somme des accroissements dans chaque classe de circonférence du modèle matriciel est identique à celle obtenue avec le MAID. En prenant l'équation de croissance du MAID, on peut calculer la somme des accroissements de chaque classe de la façon suivante :

, j j j j i i m i c classe i c classe i r c n n c t α β α β ∈ ∈ ∆ = + = + ∆

où cm,i est la circonférence moyenne pour la classe i4. Puis nous pouvons calculer cette somme

en utilisant le modèle matriciel décrit au paragraphe 2.1.3. Avec ce modèle, un arbre a une probabilité pii de rester dans la même classe (dans ce cas sa croissance peut être considérée

comme nulle), et une probabilité pi→ +i 1 de passer dans la classe (i+1), dans ce cas on peut

considérer que sa croissance est proportionnelle à rm,i+1-rm,i, où rm,i et rm,i+1 sont les rayons

moyens des classes i et i+1. Finalement, la somme des accroissements de la classe i est donnée par les arbres qui changent de classe, soit :

1( , 1 ,) j j i i i m i m i c classe i r n p r r t −> + + ∈ ∆ = − ∆

Pour que les deux modèles soient cohérents, les probabilités de transition doivent donc vérifier l'équation suivante :

4

Dans le cas particulier où, à l’intérieur de la classe i, la distribution des circonférences est uniforme, et si on note l1, l2, …, lk+1 les bornes

, , 1 , 1 , , 1 , 2 ( ) ( ) m j m i i i m i m i m i m i c c p r r c c α β π α β −> + + + + + = = − −

Le modèle matriciel obtenu par agrégation du MAID permet donc de décrire l'évolution du système avec un nombre moins important de variables : les effectifs par classes de taille.

2.4.3

Simplifications d'un MADD

Les MADD sont des modèles qui nécessitent beaucoup de données. Il est donc tentant de vouloir les simplifier. Cependant, la simplification de la dépendance spatiale d'un modèle n'est pas toujours possible et elle nécessite des approximations. A travers des exemples simples, nous allons présenter le passage d'un MADD à un MAID puis le passage d'un MADD à un modèle peuplement.

2.4.3.1 Du MADD vers un MAID

Nous considérons que le peuplement forestier est décrit par l’ensemble des rayons individuels des arbres (ri) ainsi que par la position de chaque arbre dans le peuplement (xi).

Nous allons considérer maintenant que la croissance des arbres est décrite par un MADD :

j j

i espèce espèce i i

r α′ β′ c γIC

∆ = + + (équation 2.2). A partir de ce modèle, nous souhaitons obtenir un modèle individus-centré non spatialisé (MAID). Pour cela, nous allons utiliser l'approximation du champ moyen (paragraphe 2.4.1.2) c'est-à-dire considérer que tous les arbres subissent une compétition locale identique. En remplaçant ICi par sa moyenne spatiale,

on aura alors :

j j

i espèce espèce i i

r α′ β′ c γ IC

∆ = + + (2.4)

Il est possible de connaître ICi en faisant des mesures spécifiques dans les peuplements

mais nous ne pouvons pas écrire le système complet car nous ne connaissons pas l'évolution de ICi au cours du temps. Pour cela, il faut préciser la nature de l'indice de compétition.

Nous verrons dans la partie 4 que, dans certains cas, il est possible d'aller plus loin lorsque l'on connaît l'expression de cet indice.

2.4.3.2 Du modèle MADD vers un modèle peuplement

Nous considérons toujours que le peuplement forestier est décrit par l’ensemble des rayons individuels (ri) ainsi que par la position de chaque arbre dans le peuplement (xi). La

croissance des arbres est décrite par un MADD :

j j

i espèce espèce i i

r α′ β′ c γIC

∆ = + + (équation 2.2). Comme dans l’exemple du paragraphe 2.4.2.1, nous pouvons appliquer la méthode des moments mais cela implique d'expliciter la somme des indices de compétition. Dans le cas

particulier où l'indice est le nombre de voisins, il est possible d'exprimer cette somme en fonction de K(r) (moment d'ordre 2 du processus ponctuel). Néanmoins, expliciter cette somme n'est pas toujours possible. Nous pouvons donc choisir une autre approche en commençant par faire l'approximation du champ moyen et on retrouve alors l'équation 2.4. Comme ICi est une constante propre au peuplement, il suffit ensuite de poser

' i IC

α α λ= +

et β = β' dans l'équation 2.3 obtenue en agrégeant le MAID (paragraphe 2.4.2.1) pour obtenir le modèle peuplement. Malheureusement, de la même façon que pour le passage au modèle individus-centré non spatialisé (paragraphe 2.4.3.1), il nous faut connaître l'évolution de ICi .

A nouveau, nous verrons dans la partie 4 qu'il est parfois possible d'aller plus loin lorsque l'on connaît l'expression de l'indice de compétition.