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Bilan général sur la place de la génétique animale parmi les solutions envisagées pour la

Partie I : Etude bibliographique

Chapitre 2 : Mitigation des émissions entériques de méthane : étude des solutions envisagées

III. Solutions pour la mitigation

5) Bilan général sur la place de la génétique animale parmi les solutions envisagées pour la

bovins allaitants

Comme nous venons de le décrire dans ce sous-chapitre « III. Solutions pour la mitigation », chaque région du monde a ses caractéristiques, et chaque levier d’action se doit d’être adaptable à celles-ci pour être envisagé. A partir de nos connaissances sur la génétique

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animale (sélection, voire croisements), nous allons donc détailler un peu plus précisément dans quelle mesure elle pourrait être utilisée selon le territoire considéré.

En plus des objectifs de production et de reproduction, une sélection portant sur la santé, sur l’adaptabilité aux conditions environnementales (choisir les races qui conviennent au milieu, et sélectionner les meilleurs individus au sein de ces races), voire même directement sur les émissions de méthane, serait envisageable. Dans tous les cas, elle permettrait un progrès qui s’ancrerait sur le long terme, et qui serait possible pour les animaux élevés au pâturage. Cependant, les potentiels d’amélioration reposent sur l’intensité de sélection appliquée à chacun des caractères, qui va elle-même dépendre de la volonté de les optimiser, de la possibilité de mettre en place une sélection efficace (qualité des reproducteurs, précision de l’évaluation de leurs performances, etc.), et des corrélations entre ces différents caractères.

En Afrique, seules les races indigènes sont suffisamment résistantes dans leur milieu (chaleur, parasites, etc.), et certains caractères (cornes, couleur de robe, etc.) peuvent être culturellement importants pour les éleveurs locaux (Hristov et al., 2013b). L’organisation de la filière ne permet actuellement pas d’être très efficace pour la sélection génétique en général (pédigrées incomplets, rares mesures de performances, coût des analyses génétiques trop élevé, etc.), et l’intégration d’un caractère spécifique au méthane apparaît extrêmement prématurée. De plus, une forte consanguinité est observable dans les troupeaux. Ainsi, selon Berman (2011) cité par Hristov et al. (2013b), les meilleures solutions seraient de réaliser une sélection à petite échelle (en regroupant les animaux de plusieurs villages pour la reproduction), ou de réaliser des croisements entre races locales et races réputées très performantes. Ces méthodes permettraient d’accroitre la productivité tout en s’assurant de conserver des animaux adaptés au milieu, à condition d’améliorer dans le même temps la qualité de l’alimentation (en évitant par exemple de placer beaucoup d’animaux sur une parcelle trop petite et de mauvaise qualité).

Dans des régions comme l’Amérique du Sud ou l’Asie, une amélioration des performances de production et de reproduction est souhaitable (à la fois pour augmenter la productivité et pour diminuer l’intensité d’émission de méthane), et la génétique pourrait contribuer à ce projet (rapidité d’engraissement, fertilité, adaptation aux conditions climatiques, etc.). En revanche, l’intégration d’un caractère « méthane » n’est pas une priorité par rapport à des projets d’amélioration de la gestion des troupeaux, d’optimisation de l’occupation des sols (en particulier en Amérique latine avec la déforestation), ou encore d’augmentation de la qualité de l’alimentation (Asie du Sud).

Dans les pays industrialisés à forte production de viande bovine, et qui ont une bonne maitrise de la sélection génétique dans leur cheptel de bovins allaitants, l’intégration du

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caractère « méthane » à l’index des reproducteurs est envisageable. Pendant longtemps, les caractères liés à la production étaient largement favorisés, aux dépends par exemple de la fertilité (Huang et al. (2010) cités par Hristov et al. (2013b)). Actuellement, davantage de considération est apportée à l’amélioration du potentiel génétique concernant la reproduction. Par exemple, la Beef Improvement Federation (BIF), dont l’objectif est de standardiser les programmes d’efficacité, de rentabilité, et de durabilité en bovin viande aux USA, accorde beaucoup d’importance à la production (qualité et quantité), et de plus en plus à la reproduction (fertilité, mortalité des veaux, etc.) et à la santé (dans une moindre mesure). En revanche, le caractère « méthane » n’est pas abordé (Cundiff et al., 2015). Cela peut en partie s’expliquer par la difficulté actuelle à fixer des méthodes et objectifs précis pour la mitigation des émissions entériques de méthane (Hegarty et McEwan, 2010), mais également par le faible prix du carbone appliqué aux émissions de méthane, en comparaison aux bénéfices apportés par une bonne productivité (qui est donc visée en priorité). Pourtant, réduire la PMQ et/ou le MY, tout en favorisant la croissance, la reproduction et la santé des animaux, est indispensable pour espérer relever les challenges écologiques et économiques des prochaines décennies. L’apport de nouvelles techniques génétiques, comme les IA, la génomique (encore mal maitrisée en BA étant donnée la faible taille des populations de référence), le séquençage, la fertilisation in vitro, voire la connaissance des QTL influençant sensiblement la flore ruminale des bovins, devrait contribuer à diminuer les intervalles de génération et/ou les coûts de mesure, et ainsi accroitre la capacité des pays industrialisés à améliorer conjointement et rapidement de nombreux caractères.

Les premières publications semblent pour l’instant démontrer que la sélection génétique sur le caractère « méthane », ou sur un caractère qui lui est associé, devrait modérément contribuer à la réduction de l’intensité des émissions entériques. Cette diminution, qui pourrait s’appliquer à un grand nombre d’animaux dans des pays fortement producteurs (comme la France), contribuerait sensiblement à la baisse des émissions mondiales de GES par l’élevage. La recherche ne dispose cependant pas encore de suffisamment de résultats pour intégrer le caractère « méthane » aux index des reproducteurs, et les chercheurs manquent encore de données sur l’utilisation de moyens de mesure du méthane efficaces et moins coûteux. Nous allons donc maintenant apporter de nouvelles informations, obtenues par des mesures au GreenFeed sur des bovins charolais, dans le cadre du projet INRA BVE3 (pour un élevage « Bovin-Viande Economiquement et Ecologiquement Efficace ») auquel j’ai participé.

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