• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3. LA PRÉSENTATION DES DONNÉES

3.2 Données sur les typologies des perles de verre

3.4.11 Bilan comparatif des sites

Les comparatifs servent à jeter de la lumière sur le mouvement de différents types de perles sur les routes de traite entre le XVIIᵉ siècle et le XVIIIᵉ siècle. Les résultats de cet exercice suggèrent plusieurs directions d’échange et plus d’une route de traite.

Commençons par les types de perles qui semblent avoir majoritairement voyagé sur la route du Nord. Les perles tubulaires noires (Ia2) ont une présence notable au lac Abitibi et sur les extrémités de cette route, ainsi qu’une faible présence sur les sites montréalais (tableau 6). Il semble alors que ces perles aient voyagé presque exclusivement sur la route du Nord, avec seulement quelques rares exemplaires se rendant à Montréal. Nous notons un schème similaire avec les quatre perles jaunes ciselées (WIIIb*). Ces perles rares sont trouvées qu’aux sites de Louis et de Métabetchouan, ce qui suggère un lien entre les deux.

D’autres perles semblent avoir voyagé sur la route méridionale pour ensuite se rendre au lac Abitibi. Il y a plus de perles turquoises (IIa34 à IIa43) sur les sites montréalais et le site Ball qu’il y en a sur les sites autour du lac Saint-Jean, ce qui pourrait indiquer qu’elles voyageaient

principalement sur le fleuve Saint-Laurent, jusqu’à Montréal, puis en direction ouest vers la Huronie. Elles auraient alors pu remonter au lac Abitibi par l’entremise de la rivière des

84

(IIa15) sur le site Bérubé représente une divergence notable entre les collections du lac Abitibi et le site de la Pointe-à-Callière, qui contient 178 (14,7%) perles de ce type. Bien que le site de Chicoutimi en contienne 111 (22,8%), surtout dans le niveau qui correspond à la période entre 1600/1605 et 1625/1630), elles sont presque complètement absentes des sites du lac Abitibi, ce qui suggère qu’elles ont été échangées dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais qu’elles n’ont pas entrepris le voyage sur la route du Nord vers le lac Abitibi par la suite (Moreau

1994 : 36). Il appert donc que certaines perles arrivant à la rivière Saguenay prenaient la route du Nord et d’autres la route du Saint-Laurent pour enfin aboutir à la Huronie entre 1600 et 1630. Nous arrivons ensuite aux perles qui semblent avoir voyagé sur les deux routes de traite. La présence relativement élevée de perles blanches annulaires (IIa14) à Montréal et au lac Abitibi tend aussi à suggérer un lien entre les deux, ou simplement une répartition uniforme de ce type en Nouvelle-France. La présence de perles IIa14 sur la route du Nord et la route méridionale pourraient souligner le mouvement de traiteurs s’arrêtant à Tadoussac, pour ensuite continuer leur voyage sur le fleuve jusqu’à Montréal. Quant aux cornalines d’Alep (IVa6), qui sont présentes sur les sites à l’extrémité orientale de la route du Nord et à Montréal, elles semblent également avoir voyagé sur ces deux routes. Leur présence importante au site d’Obasatik Sagahigan est intéressante et si nous considérons le schéma de décroissance, il est tentant de suggérer qu’elles voyageaient du sud vers le nord et vers le lac Abitibi. Il est possible que les sites en Abitibi et à Montréal eussent des fournisseurs communs qui voyageaient sur les deux routes, tels que les Népissingues. Il en est de même pour les perles tubulaires blanches (Ia5) et les perles tubulaires à chevrons (IIIk3). Les perles IIIk3 sont présentes autant à Québec et à Montréal qu’elles ne le sont au lac Abitibi et il est donc difficile de cerner la direction de leur mouvement dans l’espace. La route entreprise par certaines d’entre elles aurait

vraisemblablement divergé à Tadoussac, tandis que d’autres continuèrent le long du fleuve Saint- Laurent en direction de Québec et Montréal (Loewen 2016 : 279).

Ces comparaisons ont permis de percevoir un lien intéressant entre les sites du lac Abitibi et ceux de Montréal. La forte présence de perles IIa53 et IIa7 au site de l’Île-aux-Tourtes, leur quasi- absence à Pointe-à-Callière et à la concentration S4E3 du site Bérubé pourrait indiquer un lien entre ces deux sites. Le site de l’Île-aux-Tourtes était occupé par des Népissingues au début du XVIIIᵉ siècle (1703-1727) (Murray 2008 : 114-115). Son occupation est postérieure à celle du site Bérubé d’approximativement 70 à 80 ans, mais ceci n’élimine pas la possibilité que certaines

85

perles aient été conservées comme des héritages. Les perles IIa53 sont peu abondantes sur les sites près du lac Saint-Jean, mais le sont en Abitibi et au site de l’Île-aux-Tourtes, ce qui suggère qu’elles n’ont pas commencé leur voyage en Nouvelle-France à partir de Tadoussac. Il est possible que les Népissingues échangeaient avec des pourvoyeurs qui apportaient des perles IIa53 au début du XVIIᵉ siècle, comme les Néerlandais ou d'autres nations autochtones. La proximité des Népissingues au lac Abitibi et leur rôle comme intermédiaires pourraient ainsi expliquer la présence des perles IIa53 au site Bérubé. Puis, ces perles ont potentiellement été apportées par les Népissingues durant leur déplacement forcé en 1653 et 1684, pour enfin arriver au site de l’Île-aux-Tourtes au début du XVIIIᵉ siècle (Murray 2008 : 116).

Enfin, la direction du mouvement des 87 perles Ia18/Ia19 du site Bérubé demeure non résolue. Les extrémités orientale et occidentale de la route du Nord ne contiennent pas plus de perles que les sites montréalais; il est alors impossible de déterminer si elles ont voyagé sur la route

86

Ashuap. Métabet. Chicout. Bérubé Louis Sagahigan Obasatik Ball Île-aux-Tourtes Pointe-à-Callière

Glass Bead

Period Type Nb.

% du

total Nb. % du total Nb. % du total Nb. % du total Nb. % du total Nb. % du total Nb. % du total Nb. % du total Nb. % du total

- Ia2 1 0,5% - - 5 1,0% 153 3,9% 129 20,8% 17 4,7% - - 2 0,2% - - GBP II Ia5 17 8,9% 23 14,6% 136 28% 618 16,0% 360 58,1% 90 24,9% 26 37,1% 4 0,4% 273 22,5% GBP II Ia18 - - - - 8 1,6% 87 2,3% 4 0,6% - - - - 5 0,5% 8 0,7% Dutch Cored Horizon IIa7 1 0,5% 2 1,3% 3 0,6% 311 8,1% 2 0,3% 3 0,8% - - 81 8,8% - - GBP II IIa12/ 14 19 10% 87 55,1% 28 5,8% 1737 45,1% 56 9,0% 62 17,1% 1 1,4% 375 40,5% 421 34,7% GBP II IIa13 22 11,6% 1 0,5% - 5 0,1% 2 0,3% - - 1 1,4% 16 1,7% 27 2,2% GBP II IIa15 29 15,3% 1 0,5% 111 22,8% 2 0,05% - - - - 4 5,7% 13 1,4% 178 14,7% GBP I/III IIa34 6 3,2% 14 8,9% 16 3,3% 142 3,7% 25 4,0% 13 3,6% 2 0,2% 5 0,4% GBP I/III IIa40 5 2,6% - - - 16 22,9% 2 0,2% 15 1,2% GBP I/III IIa41 - - - 3 0,08% 2 0,3% - - - - 39 4,2% 63 5,2% GBP II IIa53 4 2,1% 7 4,4% 3 0,6% 543 14,1% 3 0,5% 1 0,3% - - 143 15,5% 1 0,1% GBP II/ III IIIk3 - - - 2 0,05% - - - 1 0,1% GBP III IVa6 - - - 122 33,7% - - 4 0,4% - - - WIIIb * - - 1 0,5% - - - - 4 0,6% - - - - Total 104 54,7% 136 86,1% 310 63,8% 3603 93,5% 587 94,7% 308 85,1% 48 68,6% 686 74,2% 992 81%

Tableau 6. Comparaison des différents types de perles prédominantes ou diagnostiques dans les assemblages des sites à l’étude (Moreau 1994 : 36; Côté 1994 : 55; Fitzgerald et coll. 1995 : 127-128; Murray 2008 : 89; Loewen 2016 : 279).

87