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5. Analyse et croisement des données recueillies

6.2 Les biais

Une première limite est envisagée par rapport à notre échantillonnage. Les enseignants interrogés lors des entretiens enseignent tous au cycle 2 ou au cycle 3. Nous n’avons pas eu l’occasion de recueillir les opinions des enseignants du cycle 1 dans un souci de représentativité. Néanmoins, après l’étude des résultats au questionnaire de recherche nous avons constaté que la majorité des répondants sont enseignants au cycle 1. L’option d’une double méthodologie a donc permis de toucher des enseignants de tout cycle. Cependant, il serait important de recueillir l’expertise des enseignants du cycle 1 concernant le développement des habiletés liées aux fonctions cognitives. En effet, si ces professeurs des écoles éduquent les enfants au contrôle cognitif dès le plus jeune âge, nous pourrions mesurer si un développement précoce est préférable.

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De même, la formulation des questions, que cela soit dans le questionnaire de recherche ou dans le guide d’entretien peut provoquer chez les enquêtés des effets et des réactions liées à des phénomènes d’ordre psychologique. Une tendance à l’acquiescement a été observé quant aux impacts qu’auraient le développement des fonctions cognitives sur la mémorisation des élèves. Dans un souci de cohérence, les réponses à un item de questionnaire peuvent être induites par les réponses précédentes. Ce biais cognitif affecte la perception des individus. Enfin, notre analyse des résultats, surtout en ce qui concerne les questions ouvertes pour le questionnaire de recherche et sur l’ensemble des résultats des entretiens, se base sur une interprétation sémantique. De multiples distorsions cognitives peuvent apparaitre. Il convient donc de nuancer nos résultats.

Nous sommes également conscients que notre sujet d’étude nous a poussé sur des notions élargies. Nous avons, notamment dans l’analyse et l’interprétation des résultats eu l’occasion de traiter certaines notions seulement en surface. Cela démontre cependant la complexité du processus d’apprentissage relevant de variables cognitives, environnementales, sociales, affectives etc…

Nous souhaitons enfin évoquer dans cet écrit une dernière limite probante rencontrée lors de notre recherche. Nous avons demandé aux enseignants de mesurer l’impact du développement des habiletés liées aux fonctions cognitives sur les résultats scolaires. La grande majorité des enseignants interviewés nous ont fait part de la difficulté d’effectuer cette mesure. Une enseignante nous confie : « mais le problème c’est que c’est difficile à mesurer en fait ». Les résultats de l’étude reposent donc sur les constats et les impressions des enseignants, et non sur des mesures. Néanmoins, une enseignante nous exprime son envie de mener une étude, une expérience sur le sujet au sein de sa classe. Elle évaluerait ainsi ses élèves « au départ » et « à

la fin », « au bout d’un ou [..] deux ans ». Un autre enseignant la rejoint, il a pour objectif de

mettre en place une évaluation sur le long terme. Nous pourrions ainsi entamer une discussion quant à la construction d’une éventuelle méthodologie visant à mesurer l’impact sur les résultats scolaires.

105 6.3 Apports professionnels

Ce travail de recherche nous a avant tout montré que notre métier nécessite une expertise en la capacité d’adaptation. Les enseignants, en suivant le postulat de Meirieu, constatent un changement au sein des classes, surtout en ce qui concerne les habiletés attentionnelles. Une enseignante nous confie qu’il y a urgence de s’adapter afin de proposer des enseignements appropriés pour chaque élève. Nous parlions d’une prise de conscience de la part des enfants, elle s’opère également chez les enseignants. Une professeure des écoles exprime qu’il y a une « prise de conscience par l’enseignant de tout ce qui peut servir la situation d’apprentissage ». Seulement, « il y a encore dix ans [elle] n’avai[t] pas conscience de tout ». L’éducateur se doit de se remettre en cause selon une troisième enseignante, il y a une nécessité de changement de posture. C’est au gré de leurs expériences professionnelles que les enseignants « appren[nent]

au niveau de l’enseignement ». Ils « découvre[nt] » ainsi de nouvelles notions et ne cesse de

s’informer et de se former continuellement. C’est là la complexité de notre métier, nous devons allier la maîtrise des contenus disciplinaires et les aptitudes pédagogiques en élaborant des dispositifs permettant aux élèves de s’approprier les savoirs. Il est donc important de continuer à se former et de « progresser aussi face aux élèves ». Engager des pratiques visant à développer les habiletés liées aux fonctions cognitives, c’est créer une marge de progrès que cela soit pour les professeurs des écoles ou pour les élèves, ajoute une enseignante. Les connaissances et les compétences changent au fil du temps, demandant ainsi une adaptation constante de l’enseignant, source de grande motivation selon notre opinion. C’est donc dans une posture réflexive, à laquelle nous avons été sensibilisés lors de notre formation initiale, que nous devons effectuer notre métier d’enseignant. Nous devons nous aussi, aux côtés de nos élèves, pratiquer une nécessaire introspection cognitive.

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Conclusion

Au commencement de notre mémoire de recherche nous nous demandions en quoi les pratiques enseignantes développant les habiletés liées aux fonctions cognitives que sont l’attention et la métacognition favorisaient la mémorisation dans les apprentissages. Après de nombreuses recherches littéraires et la mise en place de nos deux méthodologies de recherche, nous pouvons désormais proposer des réponses à ces questionnements.

Notre première hypothèse avançait que peu d’enseignants engageaient des pratiques enseignantes visant à développer ces habiletés chez leurs élèves. Celle-ci n’est pas validée, notamment par le biais de notre étude quantitative. En effet, la grande majorité des enseignants répondants au questionnaire de recherche mettent en place des dispositifs visant à développer l’attention et la métacognition. Nous pouvons également préciser que le développement de l’attention est très légèrement privilégié au développement de la métacognition.

Notre seconde hypothèse s’intéressait à la favorisation de la mémorisation par le développement des habiletés attentionnelles. En interrogeant les enseignants par le biais de nos deux méthodologies de recherche et en nous appuyant sur notre apport théorique, nous pouvons considérer que cette hypothèse est validée. Les professeurs des écoles nous ont dans un premier temps enrichi par la multiplicité de leurs dispositifs pédagogiques visant à développer l’attention. Nous avons remarqué que certains dispositifs avaient pour but de « développer » le contrôle attentionnel, notamment par l’éducation à la respiration, l’entraînement de l’attention focalisée ou bien encore l’explicitation des mécanismes attentionnels par le biais des sciences cognitives. Puis, les enseignants nous ont partagé des dispositifs visant à « favoriser » l’attention en faisant appel à la différenciation pédagogique. La majorité des sujets remarquent alors que la mise en place de ces dispositifs impacte la mémorisation de leurs élèves de façon tout à fait positive. Ils nous ont également fait part d’autres effets cognitifs et psycho-affectifs probants relevant du développement des habiletés attentionnelles.

Notre dernière hypothèse s’interrogeait enfin sur l’impact du développement des habiletés métacognitives (notamment de la métamémoire) sur les processus de mémorisation. Une nouvelle fois, grâce à nos deux méthodologies de recherche et nous basant sur les dires des auteurs, nous pouvons considérer que cette hypothèse est validée. De la même façon, nos

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compétences et connaissances professionnelles ont été enrichies par les nombreux dispositifs mis en place par les enseignants afin de développer la réflexion des élèves sur leur propre processus de mémorisation. Les professeurs des écoles nous ont énoncé la nécessité de questionner les élèves, que cela soit par le biais de l’enseignant ou des pairs sur leurs processus mentaux. Nous avons également intégré que passer par un enseignement explicite profite grandement aux apprentissages des élèves. Une nouvelle fois, la majorité des enseignants interrogés lors des deux méthodologies de recherche observent un effet positif de ces pratiques pédagogiques sur la mémorisation des élèves. Les professeurs des écoles soulèvent également d’autres impacts positifs sur des caractéristiques cognitives et psycho-affectives. Guider les enfants dans le fonctionnement invisible de leur « boîte noire » permet de leur faire prendre conscience de leurs différences tout en appuyant le fait que chaque individu est capable d’apprendre. Nous rejoignons ainsi une nouvelle fois le principe d’éducabilité de Meirieu.

A travers l’apport théorique et notre étude de recherche, nous pouvons convenir de l’importance du développement des variables cognitives que sont les habiletés attentionnelles et métacognitives dans la mémorisation. Nous avons cherché comment « favoriser » la rétention des informations à long terme ; nous pouvons maintenant envisager de « contrecarrer » l’oubli inévitable, symbolisé par la courbe d’Ebbinghaus. Nous nous intéresserons pour cela à la réactivation expansée des notions, privilégiée par Steve Masson et déjà pratiquée par certains enseignants interrogés. Nous amenons donc la question suivante qui pourrait faire l’objet d’une étude lors de la prise en responsabilité d’une classe :

En quoi privilégier la mise en place de réactivations expansées participe à contrecarrer le phénomène de l’oubli ?

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LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX