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question et réflexions

Chapitre 2 Les bases pour une ouverture de la notion d’atmosphère

au vertex psychanalytique, au regard

des idées et théories de S. Freud

A notre connaissance, S. Freud n’a pas écrit sur l’atmosphère, l’ambiance ou le climat comme notion psychanalytique. Il emploie ces termes souvent dans un sens purement abstrait ou purement concret. On peut comprendre par là son souci de « scientificité » afin de circonscrire clairement ce qui relèverait des registres physique, biologique ou psychologique. Mais une étude des textes freudiens dans leur langue d’origine nous permettrait d’être plus affirmatifs sur la question. Il faut aussi prendre en considération l’importante correspondance entre Freud et Binswanger, et ne pas sous-estimer la connaissance que pouvait avoir Freud des propositions de Binswanger sur les dimensions de l’atmosphère et de l’atmosphérique.

Je défendrai l’idée que Freud s’est intéressé aux phénomènes qui recouvrent en partie ce que nous entendons par ces notions, et qu’il nous en offre les linéaments pour une lecture métapsychologique. Nous avons parfois décidé de prendre au pied de la lettre certains propos freudiens qui usaient des vocables qui nous intéressent, apparemment sans égard pour le registre sémantique dans lequel Freud les employait. Ce choix découle du constat suivant : avant que la pensée se fasse abstraite et reflète les processus psychiques en jeu, l’activité représentative passe par une étape de matérialisation des processus psychiques (Freud,1900 ; Roussillon, 1991). Nous prendrons ainsi soin de relever les propos freudiens propre au champ sémantique de l’atmosphère et ayant une visée, plus ou moins latente, de matérialisation de processus psychiques. Cela nous semble être le cas lorsque Freud parle des signes appartenant à la nosologie psychiatrique, neurologique de l’époque comme ceux de « l’aura hystérique », ou bien parle de « climat » et « changement climatique » qu’il entend comme « réel », géologique. σous avons aussi pu constater que le processus inverse se produisait dans l’œuvre freudienne, et que des concepts métapsychologiques très théorisés comme celui de l’identification étaient comme déconstruits, subissant un processus de réification, notamment en nous faisant retourner dans le réel des expériences préhistoriques du sujet. Le schéma épistémique qui nous fait passer du géologique à l’anatomique, au psychologique puis au métapsychologique, peut ainsi changer

134 de sens. τn pourrait parler, relativement au processus de construction d’un concept, d’oscillation entre mouvements progrédient (vers la métaphorisation) et régrédient (vers la matérialisation).

Dès les premiers écrits de Freud sur l’hystérie nous avons trouvé des concordances significatives entre notre parcours de recherche sur la fonction des sensations et représentations d’atmosphère au cours du traitement des sujets réputés psychotiques, et le sien sur l’investigation de la problématique du traumatisme à partir des états dits « hypnoïdes ». σous avons ainsi choisi d’introduire dans ce chapitre ce qui de son œuvre nous semble manifester un certain niveau de réflexion sur notre sujet. Il s’agit de courtes « entrées freudiennes » qui pourront recouvrir la question de l’atmosphère comme manière de faire (instrument), mode d’action, manière d’être, mode sensoriel. σotre attention s’est aussi portée sur ce qui se rapportait à l’utilisation et les fonctions des représentants-choses ou « représentations de choses » (Freud, 1915) de type atmosphérique au sein de l’activité de représentation et de symbolisation. Certaines de ces entrées freudiennes pourront sembler discutables, et nous prévenons le lecteur qu’elles seront reprises par la suite, dans les parties théorico-cliniques s’articulant aux hypothèses. σous avons choisi de respecter l’ordre chronologique des textes freudiens, toujours dans l’idée d’en extraire le processus de construction des concepts en lien avec l’impact de l’objet de recherche sur la recherche elle-même.

2.1 Freud : 1892-1914

Par une approche clinique et sémiologique, S. Freud propose en 1892, en collaboration avec J. Breuer (Freud (1893) 166; Freud, Breuer (1895) 167), que « le fondement, la condition nécessaire d'une hystérie est l'existence d'états hypnoïdes ». Ces derniers sont des états de conscience qui se développeraient à partir notamment « de rêveries diurnes ». Le mécanisme psychologique en serait une « dissociation du conscient », amenant la formation d’une « double conscience » (Ibid.). Il rapproche (1895a, Manuscrit H, p.140-147)168 le tableau clinique de l’hystérie de celui de la confusion hallucinatoire où, explique-t-il, l’ensemble de la

166 S. Freud (1893), Les mécanismes psychiques des phénomènes hystériques : communication préliminaire, in

Etudes sur l’hystérie, en collaboration avec J. Breuer (1895), 1956, rééd.1975, p.1-13

167 S. Freud, J. Breuer (1895), Etudes sur l’hystérie, 1956, rééd.1975, p.77-312

135 représentation intolérable (affect et contenu) va être maintenu éloigné du moi par un détachement partiel du monde extérieur. Il prend l’exemple de la paranoïa où le contenu et les affects seront projetés à l’extérieur.

A propos des états hypnoïdes, Freud, avec Breuer (1895, chap.1), précise qu’en s'associant par le contenu en représentations, ils pourraient parvenir à une organisation psychique.

Par le mécanisme de l’hystérie psychiquement acquise, sous l'effet de traumatismes ou d'inhibitions, il se produit une dissociation des groupes de représentations. Il compare les états hypnoïdes aux rêves et aux psychoses oniriques bien que ces derniers n'exercent pas à l'état de veille d'action, alors que les productions de l'état hypnoïde pénètrent dans la vie du sujet éveillé sous forme de phénomènes hystériques. Freud en fait des descriptions chez ses patientes hystériques. Anna (Ibid., chap. 2) qui, précise-t-il, a une tendance légère aux sautes d’humeur, se plaint de « ténèbres dans son cerveau ». Emmy Von N (Ibid.), pour qui les symptômes sont classés en modifications de l'humeur, se plaint de « tempêtes sous le crâne ». Miss Lucy R (Ibid.), patiente qui présente entre autre une perte d'odorat, une humeur morose, de la fatigue, des lourdeurs dans la tête et un manque d'appétit, se plaint de sentir l'odeur d'un entremet brûlé. Freud constate que les sensations olfactives de nature subjective sont mêlées à une analgésie générale, et il en déduit qu'elle a dû sentir cette odeur lors d'un traumatisme. Freud observe chez Katharina (Ibid.) une respiration difficile avec des sensations d'étouffement, ce qui le fait d'abord penser à un accès d'angoisse. Elle imagine qu’elle va mourir et se plaint au médecin de pression sur les yeux, de bourdonnements, d'avoir la tête lourde, des vertiges, des sensations de poids sur la poitrine et d’avoir la gorge nouée. A partir de là, se forme pour Freud les indices

d'une « aura hystérique » à contenu d'angoisse. Il propose que cette aura ait pour origine une peur intense que la patiente n’aurait pu identifier. Le choc serait tel qu'elle aurait tout oublié, l'affect créant l'état hypnoïde. La frayeur, aussi bien que la « rêverie chargée

d'affect », gênerait le cours des pensées à un moment de grande vivacité d’une représentation émotionnelle (Ibid., chap.3). A ce propos, P. Janet a parlé de rétrécissement du champ de la conscience des hystériques à la suite de l’accaparement de l'ensemble de l'activité mentale par une représentation, d'où l’excessivité des réactions émotives des malades (Ibid.).

Nous pouvons constater que Freud donne à l’« aura hystérique » une valeur corporelle, elle rend compte de symptômes « pesant », faisant « pression » sur le corps de la patiente. Le rapport entre les différents symptômes (pressions, poids…) et l’entité (l’aura hystérique) est de type analogique, chacun des symptômes ou indices rendant compte de l’aura hystérique peut être considéré comme décrivant une atmosphère de la rencontre clinique. Ainsi l’« aura hystérique »

136 qualifie phénoménologiquement le trouble hystérique comme une atmosphère d’ensemble propre à un tableau psychopathologique intégrant la forme sensible que prend l’impact de la problématique psychopathologique sur l’observateur. Cette « aura hystérique » aurait comme contenu, au sens propre de quelque chose qui pèse sur le corps de la patiente et du thérapeute, de l’« angoisse » chargée du vécu d’impréparation et de pré-maturation psychique face à l’expérience traumatique. Il nous semble ainsi que dans cette version de la théorie du traumatisme chez Freud, l’impact actuel de l’objet est présent non explicitement dans la théorie elle-même, mais dans la manière d’observer, dans le choix des termes et des symptômes investigués.

Dans Projet d’une Psychologie (ou l’Esquisse d’une psychologie scientifique

(1895b)169, Freud, occupé par des considérations « économiques », quantitatives, semble reprendre la question des états hypnoïdes et du risque traumatique en rapport avec la fonction psychique d’« attention ». Alors qu’il relie les états hypnoïdes -et les traumatismes qui en sont à l’origine- à un retrait, une suspension de l’attention, il cherche à en comprendre les risques pour le psychisme et en dégager le fonctionnement : pourquoi l’attention est-elle attirée ailleurs ? Par quoi est-elle attirée ?

L’incapacité de l’organisme à produire une action spécifique, qui peut mener au traumatisme, est liée à l’état de précocité du sujet, mais Freud ajoute également (Ibid.,chap. XI, p., 626) la nécessité de prendre en compte si une personne qui doit apporter son aide se porte sur l’état de l’enfant . La suspension ou le détournement d’attention ne suffit pas pour risquer le

traumatisme, car l’enfant dépend aussi de l’attention de l’autre.

Dans la lettre 112 à Fliess (6/12/1896), Freud fait part d’un modèle novateur : celui d’une mémoire présente plusieurs fois, et qui se composent de diverses sortes de « signes ».

Pour se faire comprendre il s’appuie sur des métaphores géologiques, géographiques, voire climatiques mettant en lumière une organisation topique stratifiée, régionalisée, par aire d’expérience historiques : « Nous nous trouvons ainsi en présence d'un anachronisme :

dans une certaine province, des fueros existent encore, des traces du passé ont survécu. » (1896, p.265).

137 Dans une autre lettre à 212 à Fliess (6 septembre 1899), il révèle à ce dernier dans quelle ambiance affective de travail il parvient à bien écrire : « Mon style a malheureusement été défectueux parce que, physiquement, j’allais trop bien. Pour bien écrire, il faut que je me sente un peu souffrant. » (Ibid., p.470). L’ambiance affective, l’humeur, est ici directement liée au « style » personnel. Une certaine atmosphère affective, ou aura, donne accès et active quelque chose de soi qui sinon pourrait rester dormant, somnolent, hibernant. Il nous semble que Freud évoque en écho à une atmosphère affective, une humeur intellectuelle qu’il cherche à moduler, à activer ou désactiver en jouant sur des émotions particulières (souffrances physiques, effet de psychostimulants…).

Dans le cas Schreber (1911)170. Il remarque que c’est dans un état intermédiaire entre veille et sommeil que lui vient l’idée que « ce serait beau d’être une femme subissant l’accouplement » (Ibid., p.266). L’attention qui est maintenant aussi pensée en terme d’investissement libidinal, amène Freud à cette remarque que le docteur Flechsig attire vers lui toute la libido disponible, ce qui provoque un effondrement libidinal qui se manifeste par la conviction que l’univers est anéanti et ne laisse survivre que le moi (Ibid., p. 317). Dans ses remarques, Freud s’étonne de la proximité entre la description par Schreber des rayons divins et celle de sa théorie qu’il est en train de mettre en place sur l’investissement libidinal. τn peut retrouver ici, la double polarité (matérialisation/métaphorisation) de l’activité représentative. Freud, comme le Docteur Flechsig et le père antérieurement, sont tenus de fixer, d’attacher Schreber pour l’observer et l’analyser : Freud dans son travail de penser, le Docteur en l’hospitalisant et le père concrètement en l’attachant à sa machine éducative. Cela produit un effet sur le patient, et révèle une qualité des liens d’investissement que Schreber se représente par une matérialisation des processus psychiques sous forme de rayons divins. Ce point nous intéresse grandement puisqu’il recoupe nos interrogations sur la fonction de la représentation des atmosphères et la matérialisation du climat de la séance par la perception d’une atmosphère, plus particulièrement avec les patients réputés psychotiques. Dans un commentaire sur l’analyse du cas Schreber, A. Green souligne le rôle « d’auto-représentation des processus psychiques, à laquelle procède l’organisation délirante »171

170 S. Freud (1911), Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa (Le Président Schreber), in Cinq psychanalyses, PUF, 1954

138 Le mécanisme de projection décrit pour Schreber sur son versant pathologique dans la psychose, sera repris par Freud pour l’analyse de la psyché « primitive » dans Totem et tabou

(1912)172. τn suit son fil invisible qui le porte à s’intéresser aux phénomènes perceptifs qui rendent compte de la dynamique des processus psychiques : de l’« aura hystérique », aux « rêveries chargées d’affects », aux « rayons divins » et maintenant à l’animation du ciel chez les « primitifs ».

Les mécanismes de dissociation, dédoublement et projection, d’abord propres au champ

psychopathologique et aux effets de ruptures dans la subjectivité, tendent progressivement à

s’inscrire dans des fonctions psychiques plus générales comme celles d’animation et d’appropriation des processus psychiques.

Ainsi Freud s’interroge : « Dans des conditions encore insuffisamment élucidées, nos

perceptions intérieures de processus affectifs et intellectuels sont, comme des perceptions sensorielles, projetées au-dehors et utilisées pour la formation du monde extérieur, au lieu de rester localisées dans le monde intérieur » (Ibid., p.96). Jouant un grand rôle chez les

peuples primitifs, Freud se penche sur les modes d'enchantement utilisés pour provoquer la pluie et la fertilité. C’est par voie magique qu’on engendre la pluie, en l'imitant ou en contrefaisant les nuages ou la tempête. L'efficacité de l'action est assurée par la similitude entre l'action effectuée et l’événement attendu (Ibid., p.116). Partant du principe que les relations qui existent entre les représentations doivent également exister entre les choses, Freud souligne

que les deux principes de « l'association-ressemblance » et « l’association-contiguïté » se rejoignent dans l'unité supérieure du contact. L'association par contiguïté étant un contact au sens direct, l'association par ressemblance en étant un au sens figuré (identité dans le processus psychique). Il en conclut que le principe qui régit la magie, la technique du

mode de pensée animiste, est celui de la « toute puissance des pensées » (Ibid., p.123). Plus loin, Freud fait l'hypothèse que la tendance à projeter vers l'extérieur des processus psychiques va être renforcée quand elle procure un soulagement psychique. Il pense ici, comme prototype, à la position ambivalente de la situation de deuil qui va faire conflit (Ibid., p.132). Cela l’amène à affirmer que nous projetons donc la coexistence du percevoir et du remémorer, ainsi que

notre connaissance de l'existence de processus psychiques inconscients à côté des processus conscients. (Ibid., p.134)

139 Dans Pour introduire le narcissisme(1914a), à partir de l’analyse du destin de la libido chez les paraphrènes et de l’attitude narcissique de la vie psychique des enfants et des peuples primitifs, Freud fait l’hypothèse d’une « représentation d’un investissement libidinal originel du moi dont plus tard quelque chose est cédé aux objets, mais qui, fondamentalement, persiste et se comporte envers les investissements d’objet comme le corps d’un animalcule protoplasmique envers les pseudopodes qu’il a émis. » (Ibid., p.83)

L’introduction du « narcissisme primaire », et ce qui peut s’en entendre de sa dimension mythique, peut nous aider à mieux comprendre la relation teintée de nostalgie que les patients peuvent entretenir avec l’atmosphère présente lors d’une période maniaque et/ou délirante, ainsi que celle qui peut se créer/recréer au cours du traitement.

Cette question du « narcissisme primaire », dite anobjectale, nous semble essentielle pour mieux comprendre l’intérêt d’une notion comme celle de l’atmosphère. Ici, désir et fantasme du chercheur se laissent pénétrer par l’urgence du patient psychotique en crise à trouver un point d’origine, une unité originelle, à pouvoir se lover dans une théorisation solipsiste qui soutient momentanément l’illusion d’une absence d’altérité. A propos de la théorie du narcissisme primaire dite anobjectale, nous proposons que les défenses psychotiques visant à évacuer tout ce qui porterait atteinte aux fantasmes originaires de type auto-engendrement, rencontreraient des processus non pathologiques : ceux en cours lors des processus d’appropriation subjective d’une expérience à symboliser. Cette rencontre se produirait par une négativisation des indices de présence de l’altérité de l’objet173. L’atmosphère en séance peut être investie de telle manière qu’elle devient une des formes matérialisées de ce mélange entre processus créateur sans sujet174 (pour s’approprier) et processus pathologiques sans sujet

(désubjectivation/désobjectalisation psychotique).

Dans leMoïse de Michel-Ange (1914b)175, Freud s’intéresse à ce que produit en nous la création par l’art, et par là investigue ce qui paraît relever d’une transmission immédiate et à l’identique de contenus psychiques : « L'état affectif, la constellation psychique qui ont

fourni chez l'artiste la force motrice de la création, doivent être reproduits chez nous. ».

A travers ce que lui inspire un autre artiste, Freud parait reprendre ses interrogations personnelles quant à l’atmosphère affective qui lui est nécessaire pour écrire. La constellation

173 Cf. Roussillon sur la fonction symbolisante de l’objet, en particulier la question de l’utilisation de l’objet : Infra Partie 4 chap. 3

174 Sur les processus sans sujet : Cf. Roussillon, 2015, Un processus sans sujet

140 affective dont l’artiste a besoin n’est plus à préparer seulement dans sa cuisine affective interne, en contrôlant ses émotions et les dosant savamment, mais va être trouvée, en écho, dans la constellation affective d’un autre artiste. σous rencontrons ici l’idée d’un échange avec un autre objet qui inspire à la formation d’une constellation affective, et celle d’une forme d’atmosphère de la production artistique ou intellectuelle support à la créativité. L’image de la constellation affective créative apparait comme une forme matérialisée des processus à l’œuvre dans le phénomène d’« inspiration » de l’artiste.

En ajoutant « constellation psychique » à l’habituel « état affectif » dans ces descriptions cliniques, Freud nous permet de complexifier notre notion d’atmosphère. Plus qu’à un état affectif déterminé, l’atmosphère que l’on identifie ici à la matérialisation des processus de création renverrait à une variété infinie d’affects, de tableau avec composition mixte d’affect.

2.2 Freud : 1915-1920

Dans Vue d'ensemble sur les névroses de transfert-un essai métapsychologique

(1915b)176 Freud formalise certaines idées échangées avec Ferenczi (lettre L551, 1915)177 en vue de les intégrer à son corpus métapsychologique. Bien qu’il ne le présente pas comme un mythe, à la manière de Totem et Tabou, on peut intégrer ce texte à la fiction phylogénétique Freudienne. Il reste animé par la question du « réel » dans la vie psychique, celle d’une transmission directe, sans transformation, de contenus psychiques bruts. En négatif peuvent s’entendre aussi les échanges avec Ferenczi autour de la télépathie et de la transmission à distance de l’humeur via le papier à lettres permettant leur correspondance. τn a déjà évoqué plus haut les « fueros ». Se dessine aussi l’idée, en continuation des réflexions passées sur les « états hypnoïdes », qu’un « état affectif » (hypnoïde, rêverie, suspension d’attention…) peut favoriser le retour de ces traces phylogénétiques. Ici Freud accentue cette idée à partir de l’état d’angoisse et d’anxiété. Freud fait ainsi l’hypothèse d’une origine des névroses de transfert

comme régression au début de l'ère glaciaire et propose de penser « qu’un certain nombre d'enfants apportent en naissant l'anxiété qui vient du début de l'époque glaciaire », traitant leur libido insatisfaite comme un danger extérieur. Dans cette préhistoire de

l’humanité, les dangers du monde, avec les privations et le besoin (« angoisse de réel »),

176 S. Freud (1915b), Œuvres complètes, vol.XIII, Paris, 1988

141 poussent l'homme à retirer sa libido des objets et à la réinvestir dans son Moi. Cette « angoisse de réel » se répète chez les enfants lors d'insatisfactions ou devant la nouveauté. Les changements climatiques catastrophiques passés seraient ainsi source d’une angoisse présente et réelle qui se répéterait à l'identique chez le petit de l'homme.

L’observation de la vie quotidienne nous montre que face au froid, au glacial, nous avons tendance à nous replier sur nous-même, et que, face à la chaleur nous nous ouvrons au contraire vers l’extérieur. En poussant les hypothèses Freudiennes on peut penser que la « réussite » des mécanismes, des mouvements de survie (se replier/s’ouvrir par le corps, le cri de détresse…) face aux risques « climatiques », entrainerait une forme d’association entre les signes du risque