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Le but de cette section est de d´ecrire le lien entre un calcul de base de Gr¨obner et l’alg`ebre lin´eaire. Nous nous limitons dans un premier temps au cas de polynˆomes homog`enes f1, . . . , fm ∈ Sn = K[x1, . . . , xn], fi de degr´e di. Fixons < un ordre admissible gradu´e, et notons I = hf1, . . . , fmi l’id´eal engendr´e par les fi. Pour tout entier d, nous rappelons que Id = {f ∈ I; deg(f ) = d} est muni d’une structure d’espace vectoriel (c’est un sous-espace vectoriel de (Sn)dl’ensemble des polynˆomes de degr´e d, qui poss`ede lui-mˆeme comme base l’ensemble des monˆomes de degr´e d). L’espace vectoriel Id est de dimension finie, not´ee dim(Id), et 0 ≤ dim(Id) ≤ dim((Sn)d) = n+d−1d .

1.4.1 Matrice de Macaulay

L’id´ee de Macaulay [Mac16] est de repr´esenter l’espace vectoriel Id via une ma-trice, dont les colonnes sont index´ees par les monˆomes de Sn de degr´e d, et les lignes

Section 1.4 Bases de Gr¨obner et alg`ebre lin´eaire 17 par les multiples par un monˆome des m polynˆomes engendrant I, ces multiples ´etant de degr´e d. L’espace vectoriel Idest ainsi repr´esent´e par un tableau de coefficients, et cette repr´esentation matricielle est utilis´ee pour ramener les op´erations faites dans l’id´eal `a des op´erations d’alg`ebre lin´eaire sur une matrice. Cette matrice g´en´eralise la matrice de Sylvester pour calculer le r´esultant de deux polynˆomes en une variable. Revenons plus pr´ecis´ement sur la construction de la matrice de Macaulay en degr´e d, not´ee Macaulayd,m , qui est d´ecrite dans [Mac02]. Les colonnes de la matrice correspondent aux monˆomes de degr´e d, il y a donc µ = n+d−1d  monˆomes, not´es ω1(d), . . . , ωµ(d). Pour chaque fj, j ∈ [1; m] consid´erons tous les produits tfj de degr´e d, avec t un monˆome de degr´e d − dj. Ces polynˆomes particuliers de l’id´eal sont appel´es polynˆomes ´el´ementaires3 par Macaulay, ils engendrent l’espace vectoriel Id. Chaque polynˆome ´el´ementaire est associ´e `a une ligne de la matrice : pour un produit tfj, il suffit d’´ecrire dans la colonne correspondant `a un monˆome ωi(d) le coefficient du polynˆome tfj en ce monˆome. Chaque coefficient non nul de la matrice est l’un des coefficients d’un polynˆome fi. Pour chaque ligne, le monˆome indexant la premi`ere colonne non nulle est le monˆome de tˆete de la ligne, c’est exactement le monˆome de tˆete du polynˆome correspondant. Chaque ligne de la matrice associ´ee

Macaulayd,m = 

  

monˆomes ωi(d) de degr´e d .. . tfj · · · coeff(tfj, ωi(d)) · · · .. .    

au polynˆome fi contient les mˆemes ´el´ements (les coefficients de fi et des z´eros) mais dans des colonnes diff´erentes.

Tout polynˆome de degr´e d de l’id´eal I peut s’´ecrire f = g1f1 + . . . + gmfm, et est donc une combinaison lin´eaire de polynˆomes ´el´ementaires de degr´e d : f = λ1ω1f1+ λ2ω2f1+ . . . + λpωpfi+ . . . + λρωρfm. Le polynˆome f est donc repr´esent´e par une combinaison lin´eaire des lignes de la matrice.

Macaulay utilise ces matrices pour d´efinir le R´esultant de n polynˆomes ho-mog`enes F1, . . . , Fn en n variables, qui permet de r´esoudre le syst`eme d’´equations F1 = F2 = · · · = Fn = 0. Il suppose “each polynomial being complete in all its terms with literal coefficients, all different”, ce que l’on traduirait maintenant par des polynˆomes g´en´eriques au sens de la d´efinition suivante.

D´efinition 1.4.1 Un polynˆome F homog`ene de degr´e d est g´en´erique s’il s’´ecrit F = P

i1+...+in=dUi1,...,inxi1

1 · · · xin

n avec Ui1,...,in des variables. C’est un polynˆome `a coefficient dans K[{Ui1,...,in}i1+...+in=d].

Le R´esultant est d´efini dans le cas g´en´eral pour des polynˆomes g´en´eriques, le

18 Chapitre 1. Rappels sur les bases de Gr¨obner et les suites r´eguli`eres r´esultant de n polynˆomes donn´es en n variables ´etant le r´esultat de la sp´ecialisation du r´esultant g´en´erique pour ces polynˆomes particuliers.

D´efinition 1.4.2 ([Mac02]) Soit F1, . . . , Fn des polynˆomes homog`enes en n va-riables, de degr´es d1, . . . , dn respectivement, chaque polynˆome Fi ´etant g´en´erique. Le R´esultant R de F1, . . . , Fn est le plus grand facteur commun des d´eterminants de la matrice de Macaulay en degr´e d = Pn

i=1(di − 1) + 1, i.e. de la matrice des coefficients des polynˆomes ´el´ementaires de hF1, . . . , Fni pour le degr´e d.

Proposition 1.4.3 ([Mac02]) Le R´esultant R est un polynˆome homog`ene, irr´ e-ductible (i.e. il ne peut pas s’´ecrire comme le produit de deux polynˆomes non triviaux en les coefficients des Fi) et de degr´e Di = d1d2· · · dn/di en les coefficients de Fi (i ∈ [1; n]).

Une condition n´ecessaire et suffisante pour que le syst`eme F1 = F2 = . . . = Fn = 0 ait une solution non triviale est l’annulation de R.

Nous voyons ici que pour des polynˆomes g´en´eriques, la matrice de Macaulay int´ eres-sante pour la r´esolution du syst`eme est celle en degr´e d = Pn

i=1(di− 1) + 1 = d1+ d2+. . .+dn−n+1. Cette borne s’appelle la borne de Macaulay, nous verrons qu’elle est une borne de complexit´e intrins`eque `a l’id´eal (calcul d’une base de Gr¨obner, du r´esultant, indice de r´egularit´e, etc.).

1.4.2 Algorithme de Lazard, complexit´e

Il est possible d’effectuer un calcul de base de Gr¨obner en appliquant un algo-rithme d’´elimination de Gauss `a la matrice de Macaulay [Laz83, Laz01]. En effet, notons M˜acaulayd,m la matrice obtenue `a partir de Macaulayd,m apr`es application d’un algorithme de Gauss tel que les seules op´erations ´el´ementaires autoris´ees soient l’addition d’une ligne et d’une combinaison lin´eaires des pr´ec´edentes. Les lignes de

˜

Macaulayd,m conservent le mˆemes ordre que dans Macaulayd,m (voir la notion d’´etiquette d’une ligne Section 1.5.1). Consid´erons l’ensemble des polynˆomes correspondant `a une ligne de ˜Macaulayd,m dont le terme de tˆete n’est pas le mˆeme que celui de la ligne correspondante dans Macaulayd,m , pour tout d ≤ D. Alors cet ensemble de polynˆomes est une base de Gr¨obner de hf1, . . . , fmi jusqu’au degr´e D, et pour D suffisamment grand c’est une base de Gr¨obner de hf1, . . . , fmi.

Du point de vue de la complexit´e, si Dmax est le degr´e maximal d’un po-lynˆome apparaissant au cours du calcul, et NDmax la taille de la plus grande matrice MDmax,m, alors la complexit´e globale du calcul de la base de Gr¨obner est domin´ee par le coˆut de l’alg`ebre lin´eaire sur cette matrice, qui peut ˆetre estim´e `a Nω

Dmax o`u ω est le coefficient de la complexit´e de l’alg`ebre lin´eaire. La meilleur borne connue est ω = 2.376 [CW90]. Cependant, les matrices que nous consid´erons sont tr`es creuses : pour des polynˆomes quadratiques fi, il y a au plus n(n−1)2 coefficients non nuls par lignes, et consid´erer ω = 2 n’est pas d´eraisonnable.

Section 1.5 Versions matricielles de l’algorithme F5 19